Rapport | Doc. 13154 | 28 mars 2013
Projet de Protocole n° 15 portant amendement à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
Commission des questions juridiques et des droits de l'homme
Résumé
La commission des questions juridiques et des droits de l’homme considère que le projet de Protocole n° 15 portant amendement à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales devrait être ouvert à la signature et à la ratification de l’ensemble des Etats parties dans sa version actuelle.
Le projet de protocole prévoit l’insertion, dans le préambule de la Convention, d’une mention du principe de subsidiarité et de la doctrine de la marge d’appréciation. Il modifie par ailleurs la Convention, en autorisant les juges à exercer leurs fonctions à la Cour européenne des droits de l’homme jusqu’à 74 ans (la limite d’âge étant actuellement fixée à 70 ans).
De plus, ce protocole d’amendement à la Convention simplifie la procédure de dessaisissement d’une affaire par une chambre en faveur de la Grande Chambre, et il réduit, de six mois à quatre mois, le délai pendant lequel une requête peut être introduite devant la Cour après épuisement de toutes les voies de recours internes. Il supprime aussi une des limites au pouvoir de la Cour de rejeter une affaire considérée comme étant insignifiante, la Cour ne pouvant pas actuellement rejeter une affaire sur cette base si la requête n’a pas été dûment examinée par une juridiction interne.
A. Projet
d’avis ![(1)
Projet
d’avis adopté à l’unanimité par la commission le 19 mars 2013.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
(open)![(2)
Doc. <a href='http://assembly.coe.int/ASP/Doc/XrefViewPDF.asp?FileID=19266&Language=FR'>13093</a>.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
B. Exposé des motifs, par M. Chope, rapporteur
(open)1. Procédure
![(3)
Doc.<a href='http://assembly.coe.int/ASP/Doc/XrefViewPDF.asp?FileID=19266&Language=FR'> 13093</a>.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
2. Contexte
![(4)
Voir, par exemple,
les rapports établis par notre commission sur la « Mise en œuvre
effective de la Convention européenne des droits de l'homme: le
processus d'Interlaken» (<a href='http://assembly.coe.int/ASP/Doc/XrefViewPDF.asp?FileID=12418&Language=FR'>Doc.
12221</a>), qui a donné lieu à l'adoption de la <a href='http://assembly.coe.int/ASP/Doc/XrefViewHTML.asp?FileID=17849&Language=FR'>Résolution 1726</a> (2010) de l'Assemblée, et «Garantir l’autorité et l’efficacité
de la Convention européenne des droits de l’homme» (Doc.12811), sur la base duquel l'Assemblée a adopté la <a href='http://assembly.coe.int/ASP/Doc/XrefViewPDF.asp?FileID=18060&Language=FR'>Résolution
1856</a> (2012) et la <a href='http://assembly.coe.int/ASP/Doc/XrefViewPDF.asp?FileID=18059&Language=FR'>Recommandation
1991</a> (2012). Pour une vue d'ensemble actualisée et complète,
voir le document d'information de la commission, «L'avenir de la
Cour européenne des droits de l'homme et la Déclaration de Brighton»,
AS/Jur (2012) 42, sur <a href='http://assembly.coe.int/CommitteeDocs/2012/fjdoc42_2012.pdf'>http://assembly.coe.int/CommitteeDocs/2012/fjdoc42_2012.pdf</a>.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
![(5)
Voir
le site Web spécialement consacré aux travaux intergouvernementaux
sur la réforme de la Cour, sur <a href='http://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/cddh/reformechr/default_FR.asp?'>www.coe.int/t/dghl/standardsetting/cddh/reformechr/default_FR.asp?</a>, passim.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
![(6)
Voir
«L’avenir de la Cour de Strasbourg et la mise en œuvre des normes
de la CEDH: réflexions sur le processus d’Interlaken», Conclusions
de la Présidente de la commission, Mme Herta Däubler-Gmelin, concernant
l'audition du 16 décembre 2009 à Paris, document AS/Jur (2010)06: <a href='http://www.assembly.coe.int/CommitteeDocs/2010/20100120_ fjdoc06 2010.pdf'>www.assembly.coe.int/CommitteeDocs/2010/20100120_%20fjdoc06%202010.pdf</a>](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
![(7)
Ibid.,
paragraphes 4 à 9.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
![(8)
Dans sa <a href='http://assembly.coe.int/ASP/Doc/XrefViewPDF.asp?FileID=16835&Language=FR'>Recommandation
1477</a> (2000) «Exécution des arrêts de la Cour européenne des
droits de l'homme», l'Assemblée recommandait de modifier la Convention
pour mettre en place un système « d'astreintes» (amendes dues en cas
de retard dans le respect d'une obligation juridique) imposées aux
Etats qui persistent à ne pas exécuter un arrêt de la Cour. Voir
également la récente Recommandation
2007 (2013) de l'Assemblée, «Assurer la viabilité de la Cour de Strasbourg:
les insuffisances structurelles dans les Etats Parties», dont le
paragraphe 2 est libellé comme suit: « L’Assemblée réitère son appel,
déjà formulé dans ses Recommandations 1764 (2006) et 1955 (2011)
sur la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits
de l’homme, à accentuer les pressions et à prendre des mesures plus fermes
lorsqu’un Etat partie tarde à appliquer un arrêt de la Cour ou persiste
à ne pas l’appliquer».](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
![(9)
Texte disponible dans
le document AS/Jur (2012) 42, voir plus haut la note 4.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
![(10)
Voir,
à ce propos, la Résolution
1823 (2011) de l'Assemblée « Les parlements nationaux: garants des
droits de l'homme en Europe», paragraphe 5.2; voir également A.
Drzemczewski, «The Parliamentary Assembly’s Involvement in the Supervision
of the Judgments of the Strasbourg Court», Netherlands
Quarterly of Human Rights, vol. 28/2 (2010), p. 164-178,
p. 165. Voir également Doc.12811, op. cit., paragraphes
55-57.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
![(11)
Déclaration de Brighton,
B. Interaction entre la Cour et les autorités nationales, paragraphe
12.b.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
![(12)
Déclaration de Brighton,
E. Les juges et la jurisprudence de la Cour, paragraphe 25.f.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
![(13)
Ibid.,
paragraphe 25.d.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
![(14)
Déclaration de Brighton,
C. Requêtes introduites devant la Cour, paragraphe 15.a.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
![(15)
Ibid.,
paragraphe 15.c.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
3. Les principales dispositions du projet de protocole n° 15 à la Convention européenne des droits de l’homme
3.1. Le préambule de la Convention: article 1er du Protocole d’amendement
![(16)
La notion de marge
d'appréciation nationale peut s'entendre comme une pratique qui
permet aux Etats de choisir de manière discrétionnaire comment ils
respectent leurs obligations nées de la Convention au titre, par
exemple, des articles 8 à 12 de la Convention. C'est là une parfaite
expression du fait que la Convention n'impose pas et n'aspire pas
même à une stricte uniformité des normes relatives aux droits de
l'homme en Europe. Pour une excellente étude de cette doctrine élaborée
par le juge, voir les interventions faites dans le cadre d'un séminaire
consacré à ce sujet et publiées dans la revue Human
Rights Law Journal, vol. 19 (1998), p. 1-36.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
![(17)
Voir annexe, paragraphe
4.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
3.2. Conditions d’exercice des fonctions de juge – article 21 de la Convention: article 2 du Protocole d’amendement
![(18)
Pour de plus amples
précisions, voir plus haut la note de bas de page 5.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
![(19)
Voir le Doc.<a href='http://assembly.coe.int/ASP/Doc/XrefViewHTML.asp?FileID=12219&Language=FR'>11767,</a> «Nomination des candidats et élection des juges à la
Cour européenne des droits de l’homme», en particulier les paragraphes
5 et 32.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
3.3. Dessaisissement en faveur de la Grande Chambre – article 30 de la Convention: article 3 du Protocole d’amendement
![(20)
Voir le paragraphe
38 de l’Avis préliminaire de la Cour, du 20 février 2012, établi
en vue de la Conférence de Brighton: <a href='http://www.coe.int/t/dgi/brighton-conference/Documents/Court-Preliminary-opinion_fr.pdf'>www.coe.int/t/dgi/brighton-conference/Documents/Court-Preliminary-opinion_fr.pdf</a>.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
3.4. Condition de recevabilité: délai d’introduction des requêtes – article 35, paragraphe 1, de la Convention: article 4 du Protocole d’amendement
![(21)
Ibid.,
paragraphe 27.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
3.5. Condition de recevabilité: le préjudice important – article 35, paragraphe 1, de la Convention: article 5 du Protocole d’amendement
4. Entrée en vigueur du Protocole
Annexe – Avis de la Cour
européenne des droits de l’homme sur le projet de Protocole n° 15
à la Convention européenne des droits de l’homme ![(22)
Adopté par la Cour
le 6 février 2013 et transmis par le Président des Délégués des
Ministres au Président de l’Assemblée parlementaire le 12 février
2013.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
(open)Remarque liminaire
1. La Cour émet le présent avis suite à la demande adressée, le 17 janvier 2013, par le Comité des Ministres.
2. Le projet de protocole n° 15 vise à apporter cinq modifications à la Convention européenne des droits de l’homme, conformément à ce qui a été décidé lors de la Conférence de Brighton. Trois d’entre elles avaient été proposées par la Cour dans son avis préliminaire pour cette conférence: l’abrogation de la limite d’âge pour l’exercice du mandat de juge (article 23 § 2), la suppression du droit de veto des Parties en matière de dessaisissement au profit de la Grande Chambre (article 30) et la réduction du délai de saisine de la Cour, qui passerait de six à quatre mois (article 35 § 1). Ces trois points ne sont donc que très brièvement commentés ci-dessous.
Remarques sur le texte
Préambule
3. Cette partie du protocole appelle deux remarques. Premièrement, la référence faite, au deuxième alinéa, à la Déclaration de Brighton montre clairement le contexte dans lequel le projet de protocole a été négocié. Deuxièmement, la Cour se félicite de la formulation du quatrième alinéa, qui, de même qu’un alinéa très semblable du préambule du Protocole n° 14, affirme la prééminence du rôle de la Cour dans la protection des droits de l’homme en Europe. Cette affirmation s’inscrit dans le droit fil des déclarations adoptées lors des trois conférences de haut niveau sur la réforme: Interlaken, Izmir et Brighton.
Article 1
4. Cette disposition ajouterait un nouveau considérant à la fin du préambule de la Convention. La Cour avait communiqué au CDDH, en novembre 2012, un commentaire dans lequel elle exprimait des réserves sur le libellé prévu pour cette disposition, sa principale préoccupation étant que la formulation choisie, qu’elle estimait incomplète, risquait de faire naître une incertitude s’agissant de l’intention des auteurs. Si le texte en lui-même n’a pas été modifié, l’intention des auteurs a, quant à elle, été précisée: le rapport explicatif indique à présent que ce considérant «est destiné à … rester cohérent avec la doctrine de la marge d’appréciation telle que développée par la Cour dans sa jurisprudence». Cette explication de l’intention des auteurs correspond à la proposition, faite par la Cour à la fin de son commentaire, que le texte soit plus précis. On peut donc dire que le sens du nouveau considérant est conforme aux points correspondants de la déclaration de Brighton (en particulier au paragraphe 12b, lu en combinaison avec les paragraphes 10, 11 et 12a). Comme la Cour l’indiquait dans son commentaire au CDDH, il est clair que les Hautes Parties contractantes n’ont eu l’intention de modifier ni la substance de la Convention ni son système d’application internationale et collective. La Cour aurait préféré un texte plus élaboré, mais elle est consciente du fait qu’il s’agit d’un compromis entre les Etats afin de parvenir à un accord sur le protocole dans son ensemble. En toute hypothèse, tant l’explication donnée que le contexte dans lequel le texte a été rédigé ont une valeur juridique, comme l’illustre la décision Korolev c. Russie (n° 25551/05, CEDH 2010), où la Cour s’est appuyée sur le rapport explicatif du Protocole no 14 et sur le Plan d’action d’Interlaken. De plus, le rapport de la réunion pertinente du CDDH – dont le Comité des Ministres a joint un extrait à la demande d’avis à laquelle il est répondu par la présente – fait partie des travaux préparatoires du protocole et est donc aussi un élément à prendre en compte aux fins de son interprétation.
5. L’autre principe mentionné dans ce projet de nouveau considérant est celui de la subsidiarité. Ce principe ayant été l’un des thèmes fondamentaux de la réforme, on ne peut que se féliciter qu’il y soit fait référence dans la Convention. Les termes dans lesquels la disposition est formulée, ainsi que ceux du rapport explicatif, reflètent la jurisprudence de la Cour dans ce domaine.
Article 2
6. La Cour se félicite de cette modification, qui devrait être bénéfique en ce qu’elle permettra l’élection de juges très expérimentés dont les mandats pourront se prolonger au-delà d’une limite d’âge qui ne semble plus s’imposer actuellement.
Article 3
7. Cette modification qui est issue d’une proposition de la Cour et vise à améliorer la cohérence de la jurisprudence est également la bienvenue. Le rapport explicatif identifie une raison supplémentaire à cet amendement, à savoir accélérer l’examen des affaires importantes en supprimant une étape procédurale.
8. La première remarque que la Cour voudrait faire est que, comme indiqué dans son avis préliminaire à la Conférence de Brighton, elle a modifié l’article 72 de son règlement relatif au dessaisissement.
9. Le rapport explicatif soulève ensuite, aux paragraphes 18 et 19, des points qui concernent la pratique de la Cour, une fois cet amendement entré en vigueur. Le premier point est qu’avant de se dessaisir dans une affaire, les chambres consultent les parties, ce qui peut se faire.
10. Le second point serait que la chambre restreigne l’objet
du litige en rejetant les griefs irrecevables avant de se dessaisir.
La pratique actuelle de la Cour, tant au niveau des chambres qu’au
niveau de la Grande Chambre, est d’examiner conjointement les questions
de recevabilité et le fond des affaires, conformément à l’article
29 § 1 de la Convention. Il est bien sûr loisible aux chambres de
statuer sur une partie de la requête au moyen d’une décision sur
la recevabilité avant de se dessaisir au profit de la Grande Chambre
– cela s’est vu récemment, par exemple, dans l’affaire Catan et autres c. République de Moldova et
Russie .
A cet égard, la Cour voudrait souligner qu’après l’établissement du rapport explicatif, elle a modifié l’article 27A de son règlement, de sorte que les présidents de section peuvent désormais, lorsqu’ils communiquent une affaire au Gouvernement, écarter en même temps tout grief manifestement mal fondé ou clairement irrecevable. Cette évolution permettra une procédure plus recentrée devant la chambre ainsi que devant la Grande Chambre, en cas de dessaisissement.
11. Le troisième point consiste pour la Cour à indiquer plus précisément aux parties quel est le changement de jurisprudence susceptible de se produire ou quelle importante question d’interprétation de la Convention a conduit au dessaisissement. Il est dans l’intérêt de la procédure que les parties soient conscientes des points qu’elles doivent traiter de manière approfondie devant la Grande Chambre. Dans la plupart des cas, ces points devraient être assez clairs – si une partie a un doute, elle peut soulever la question avec le greffe, qui pourra lui apporter l’aide nécessaire.
Article 4
12. En ce qui concerne la réduction du délai de saisine, la Cour n’a pas de remarque à formuler. Elle prend note des dispositions transitoires qui accompagnent cette modification et observe qu’elles constituent une précieuse mesure de sécurité juridique pour les requérants. Elle veillera à ce que le public soit averti de manière claire et en temps utile de l’entrée en vigueur de cette modification et elle compte sur les gouvernements, les institutions nationales de protection des droits de l’homme, les professionnels du droit et les membres de la société civile pour l’y aider.
Article 5
13. En ce qui concerne ce dernier amendement, la Cour n’y voit aucune difficulté.