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Rapport | Doc. 13154 | 28 mars 2013

Projet de Protocole n° 15 portant amendement à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : M. Christopher CHOPE, Royaume-Uni, GDE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13093, Renvoi 3931 du 21 janvier 2013. 2013 - Deuxième partie de session

Résumé

La commission des questions juridiques et des droits de l’homme considère que le projet de Protocole n° 15 portant amendement à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales devrait être ouvert à la signature et à la ratification de l’ensemble des Etats parties dans sa version actuelle.

Le projet de protocole prévoit l’insertion, dans le préambule de la Convention, d’une mention du principe de subsidiarité et de la doctrine de la marge d’appréciation. Il modifie par ailleurs la Convention, en autorisant les juges à exercer leurs fonctions à la Cour européenne des droits de l’homme jusqu’à 74 ans (la limite d’âge étant actuellement fixée à 70 ans).

De plus, ce protocole d’amendement à la Convention simplifie la procédure de dessaisissement d’une affaire par une chambre en faveur de la Grande Chambre, et il réduit, de six mois à quatre mois, le délai pendant lequel une requête peut être introduite devant la Cour après épuisement de toutes les voies de recours internes. Il supprime aussi une des limites au pouvoir de la Cour de rejeter une affaire considérée comme étant insignifiante, la Cour ne pouvant pas actuellement rejeter une affaire sur cette base si la requête n’a pas été dûment examinée par une juridiction interne.

A. Projet d’avis 
			(1) 
			Projet
d’avis adopté à l’unanimité par la commission le 19 mars 2013.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire considère que le projet de protocole no 15 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (STE no 5, «la Convention») qui lui a été soumis le 17 janvier 2013 
			(2) 
			Doc. <a href='http://assembly.coe.int/ASP/Doc/XrefViewPDF.asp?FileID=19266&Language=FR'>13093</a>. peut être adopté par le Comité des Ministres et ouvert à la signature et à la ratification dans sa version actuelle, sans amendement.
2. L’Assemblée a été pleinement informée du – et impliquée dans le – processus qui a conduit à l’achèvement de la rédaction de ce projet de protocole et, à la lumière de l’Avis rendu sur ce texte par la Cour européenne des droits de l’homme («la Cour») le 6 février 2013, avalise:
2.1. l’insertion, dans le préambule de la Convention, d’une mention du principe de subsidiarité et de la doctrine de la marge d’appréciation, telle qu’élaborée dans la jurisprudence de la Cour;
2.2. s’agissant de l’élection des juges à la Cour, le remplacement de la limite d’âge de 70 ans par l’obligation pour les candidats d’être âgés de moins de 65 ans à la date à laquelle la liste des trois candidats est attendue par l’Assemblée (ce qui porte de fait la limite d’âge à 74 ans);
2.3. la suppression, à l’article 30 de la Convention, de la formule «à moins que l’une des parties ne s’y oppose», à propos du dessaisissement d’une affaire par une chambre en faveur de la Grande Chambre;
2.4. la réduction, de six mois à quatre mois, du délai pendant lequel une requête peut être introduite devant la Cour après épuisement de toutes les voies de recours internes, comme le précise l’article 35, paragraphe 1, de la Convention;
2.5. la suppression de l’actuelle condition de recevabilité prévue à l’article 35, paragraphe 3.b, de la Convention, qui précise qu’aucune affaire ne peut être rejetée au titre de cette disposition si elle n’a pas été dûment examinée par un tribunal interne.
3. Comme le (projet de) Protocole no 15 est un protocole d’amendement, il doit être ratifié par l’ensemble des Hautes Parties Contractantes à la Convention pour pouvoir entrer en vigueur. Etant donné que les propositions de modification du texte sont principalement d’ordre technique et ne font l’objet d’aucune controverse, l’Assemblée invite instamment toutes les Parties à la Convention, et notamment leurs organes législatifs, à veiller à la signature et à la ratification rapides de cet instrument.

B. Exposé des motifs, par M. Chope, rapporteur

(open)

1. Procédure

1. Le 17 janvier 2013, le Comité des Ministres (Délégués des Ministres) a invité l’Assemblée parlementaire à lui rendre un avis sur le projet de protocole no 15 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (STE no 5, «la Convention») 
			(3) 
			Doc.<a href='http://assembly.coe.int/ASP/Doc/XrefViewPDF.asp?FileID=19266&Language=FR'> 13093</a>.. Cette demande d’avis a été transmise par le Bureau de l’Assemblée à la commission des questions juridiques et des droits de l’homme qui, le 22 janvier 2013, m’a nommé rapporteur.

2. Contexte

2. La décision du Comité des Ministres chargeant le Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH) d’établir un projet de protocole portant amendement à la Convention a été prise au niveau ministériel le 22 mai 2012. Elle est intervenue à l’issue de négociations importantes et parfois relativement complexes qui se sont déroulées principalement, mais pas exclusivement, dans le cadre de trois grandes conférences à haut niveau, tenues à Interlaken (février 2010), Izmir (avril 2011) et Brighton (avril 2012), comme l’explique le rapport explicatif qui accompagne le projet de protocole transmis à l’Assemblée. L’Assemblée parlementaire, et surtout notre commission, a été associée à tous ces événements. En sa qualité d’organe statutaire du Conseil de l’Europe, l’Assemblée parlementaire a pris, et estime qu’il est de son devoir de prendre, solidement position pour assurer l’efficacité à long terme des normes de la Convention dans les Etats membres 
			(4) 
			Voir, par exemple,
les rapports établis par notre commission sur la « Mise en œuvre
effective de la Convention européenne des droits de l'homme: le
processus d'Interlaken» (<a href='http://assembly.coe.int/ASP/Doc/XrefViewPDF.asp?FileID=12418&Language=FR'>Doc.
12221</a>), qui a donné lieu à l'adoption de la <a href='http://assembly.coe.int/ASP/Doc/XrefViewHTML.asp?FileID=17849&Language=FR'>Résolution 1726</a> (2010) de l'Assemblée, et «Garantir l’autorité et l’efficacité
de la Convention européenne des droits de l’homme» (Doc.12811), sur la base duquel l'Assemblée a adopté la <a href='http://assembly.coe.int/ASP/Doc/XrefViewPDF.asp?FileID=18060&Language=FR'>Résolution
1856</a> (2012) et la <a href='http://assembly.coe.int/ASP/Doc/XrefViewPDF.asp?FileID=18059&Language=FR'>Recommandation
1991</a> (2012). Pour une vue d'ensemble actualisée et complète,
voir le document d'information de la commission, «L'avenir de la
Cour européenne des droits de l'homme et la Déclaration de Brighton»,
AS/Jur (2012) 42, sur <a href='http://assembly.coe.int/CommitteeDocs/2012/fjdoc42_2012.pdf'>http://assembly.coe.int/CommitteeDocs/2012/fjdoc42_2012.pdf</a>.. Elle s’est impliquée dans les trois conférences à haut niveau, ainsi que dans le processus de rédaction proprement dit, en la personne d’un haut fonctionnaire de l’Assemblée, qui a participé à certaines réunions intergouvernementales et réunions d’experts 
			(5) 
			Voir
le site Web spécialement consacré aux travaux intergouvernementaux
sur la réforme de la Cour, sur <a href='http://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/cddh/reformechr/default_FR.asp?'>www.coe.int/t/dghl/standardsetting/cddh/reformechr/default_FR.asp?</a>, passim..
3. J’ai cru comprendre que la troisième conférence à haut niveau sur l’avenir de la Cour européenne des droits de l’homme, qui s’est tenue à Brighton les 19 et 20 avril 2012 sous la présidence britannique du Comité des Ministres, était la dernière de cette série d’événements annuels. Cela semble logique, dans la mesure où il convient désormais de concentrer davantage de moyens sur la mise en œuvre effective des normes de la Convention dans les Etats Parties. Le fait de souligner la nécessité de réformer la Cour européenne des droits de l’homme («la Cour») en la critiquant risque d’induire l’opinion publique en erreur, en lui faisant croire que seule la Cour doit être réformée. Comme l’a fait remarquer mon éminent prédécesseur à la présidence de la commission, Mme Herta Däubler-Gmelin, il convient de mettre l’accent sur les problèmes rencontrés par les Etats qui «mettent l’existence du système de la Cour européenne des droits de l’homme en péril» 
			(6) 
			Voir
«L’avenir de la Cour de Strasbourg et la mise en œuvre des normes
de la CEDH: réflexions sur le processus d’Interlaken», Conclusions
de la Présidente de la commission, Mme Herta Däubler-Gmelin, concernant
l'audition du 16 décembre 2009 à Paris, document AS/Jur (2010)06: <a href='http://www.assembly.coe.int/CommitteeDocs/2010/20100120_ fjdoc06 2010.pdf'>www.assembly.coe.int/CommitteeDocs/2010/20100120_%20fjdoc06%202010.pdf</a>. Les statistiques publiées par la Cour en janvier 2013 montrent que les principaux «clients» de cette dernière sont à l’heure actuelle la Russie, la Turquie, l’Italie, l’Ukraine et la Serbie (avec respectivement 22,3 %, 13,2 %, 11,1 %, 8,2 % et 7,8 % des requêtes pendantes devant une formation juridictionnelle), ces cinq pays représentant à eux seuls 62,6 % des 128 100 requêtes au total pendantes devant la Cour fin 2012. Dans son rapport que je viens de citer, Mme Däubler-Gmelin invite à juste titre les ministres à «montrer du doigt» les Etats identifiés comme les principaux contrevenants au système de la Convention, en indiquant qu’il convient de condamner les contrevenants chroniques au versement de dommages-intérêts «aggravés», voire «punitifs» ou «exemplaires» 
			(7) 
			Ibid.,
paragraphes 4 à 9.. Dès 2000, l’Assemblée a proposé tout spécialement de mettre en place des «astreintes», mais cette idée n’a malheureusement pas été suivie par le Comité des Ministres 
			(8) 
			Dans sa <a href='http://assembly.coe.int/ASP/Doc/XrefViewPDF.asp?FileID=16835&Language=FR'>Recommandation
1477</a> (2000) «Exécution des arrêts de la Cour européenne des
droits de l'homme», l'Assemblée recommandait de modifier la Convention
pour mettre en place un système « d'astreintes» (amendes dues en cas
de retard dans le respect d'une obligation juridique) imposées aux
Etats qui persistent à ne pas exécuter un arrêt de la Cour. Voir
également la récente Recommandation
2007 (2013) de l'Assemblée, «Assurer la viabilité de la Cour de Strasbourg:
les insuffisances structurelles dans les Etats Parties», dont le
paragraphe 2 est libellé comme suit: « L’Assemblée réitère son appel,
déjà formulé dans ses Recommandations 1764 (2006) et 1955 (2011)
sur la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits
de l’homme, à accentuer les pressions et à prendre des mesures plus fermes
lorsqu’un Etat partie tarde à appliquer un arrêt de la Cour ou persiste
à ne pas l’appliquer».. J’observe que les travaux intergouvernementaux passeront bientôt à l’examen de la mise en place de mesures plus efficaces pour l’absence d’exécution en temps voulu des arrêts de la Cour; les Etats parties trouveraient là une excellente occasion d’examiner convenablement la proposition de l’Assemblée.
4. Cela dit, la Déclaration de Brighton 
			(9) 
			Texte disponible dans
le document AS/Jur (2012) 42, voir plus haut la note 4. a été politiquement importante, en ce qu’elle a réaffirmé l’engagement profond et constant des Etats membres en faveur de la Convention et de la place prééminente occupée par la Cour, ainsi que leur attachement au droit de requête individuelle. La Déclaration a également souligné le rôle de premier plan joué par l’Assemblée parlementaire et les parlements nationaux, qui n’avait guère été évoqué à Interlaken et à Izmir 
			(10) 
			Voir,
à ce propos, la Résolution
1823 (2011) de l'Assemblée « Les parlements nationaux: garants des
droits de l'homme en Europe», paragraphe 5.2; voir également A.
Drzemczewski, «The Parliamentary Assembly’s Involvement in the Supervision
of the Judgments of the Strasbourg Court», Netherlands
Quarterly of Human Rights, vol. 28/2 (2010), p. 164-178,
p. 165. Voir également Doc.12811, op. cit., paragraphes
55-57.. La Déclaration, ainsi que les décisions prises par les ministres le 22 mai 2012, ont défini un calendrier relativement rigide pendant lequel les Etats devront s’attacher à rechercher le moyen le plus efficace pour assurer l’avenir du système de la Convention et qui fixe au mois d’avril 2013 le délai de remise d’un projet de Protocole no 15.
5. Les réformes demandées par la Déclaration de Brighton à propos du Protocole n° 15 sont principalement d’ordre technique et ne donnent lieu à aucune controverse; l’Assemblée peut, selon moi, les avaliser aisément. D’ailleurs, en rédigeant cet avis, je prends tout particulièrement acte du fait que cet exercice a déjà été réalisé par la Cour dans son Avis du 6 février 2013 (dont le texte figure en annexe du présent exposé des motifs).
6. Premièrement, à propos du libellé du préambule de la Convention, les Etats membres ont convenu de la nécessité d’insérer une mention expresse du principe de subsidiarité et de la doctrine de la marge d’appréciation 
			(11) 
			Déclaration de Brighton,
B. Interaction entre la Cour et les autorités nationales, paragraphe
12.b.. Deuxièmement, sur le fond de la Convention elle-même, les amendements concernent quatre points particuliers: i) le remplacement de la limite d’âge de 70 ans par l’obligation, pour les candidats, d’être âgés de moins de 65 ans à la date à laquelle la liste des trois candidats est attendue par l’Assemblée (ce qui porte de fait la limite d’âge à 74 ans) 
			(12) 
			Déclaration de Brighton,
E. Les juges et la jurisprudence de la Cour, paragraphe 25.f.; ii) la suppression, à l’article 30 de la Convention, de la formule «à moins que l’une des parties ne s’y oppose», à propos du dessaisissement d’une affaire par une chambre en faveur de la Grande Chambre 
			(13) 
			Ibid.,
paragraphe 25.d.; iii) la réduction, de six mois à quatre mois, du délai d’introduction d’une requête devant la Cour après épuisement de toutes les voies de recours internes, comme le précise l’article 35, paragraphe 1, de la Convention 
			(14) 
			Déclaration de Brighton,
C. Requêtes introduites devant la Cour, paragraphe 15.a. et iv) la suppression de l’actuelle condition de recevabilité prévue à l’article 35, paragraphe 3.b, de la Convention, qui précise qu’aucune affaire ne peut être rejetée au motif de l’absence de «préjudice important» si elle n’a pas été dûment examinée par une juridiction interne 
			(15) 
			Ibid.,
paragraphe 15.c.. Examinons à présent, l’une après l’autre, chacune de ces propositions d’amendement de la Convention.

3. Les principales dispositions du projet de protocole n° 15 à la Convention européenne des droits de l’homme

3.1. Le préambule de la Convention: article 1er du Protocole d’amendement

7. La mention expresse du principe de subsidiarité et de la doctrine de la marge d’appréciation sera ajoutée à un nouveau libellé, à la fin du préambule de la Convention.
8. On ne peut que se féliciter de l’insertion du principe bien établi de subsidiarité. Les Etats Parties à la Convention ont l’obligation de garantir à toute personne relevant de leur compétence les droits et libertés définis par la Convention et de fournir à toute personne dont les droits et libertés sont violés un recours effectif devant une autorité nationale. L’interprétation de la Convention par la Cour fait autorité. La Cour agit également en qualité de garante des droits et libertés des personnes dont l’exercice n’est pas assuré à l’échelon national. Selon la Convention, il appartient avant tout aux Etats Parties de garantir à toute personne relevant de leur compétence le respect des droits et libertés fondamentaux (article 1er) et de leur octroyer un recours effectif en cas de violation alléguée (article 13); la Cour peut uniquement être saisie «après l’épuisement des voies de recours internes» (article 35, paragraphe 1). La subsidiarité et, dans une certaine mesure la doctrine qui lui est associée de la «marge d’appréciation», telle que l’a élaborée la Cour 
			(16) 
			La notion de marge
d'appréciation nationale peut s'entendre comme une pratique qui
permet aux Etats de choisir de manière discrétionnaire comment ils
respectent leurs obligations nées de la Convention au titre, par
exemple, des articles 8 à 12 de la Convention. C'est là une parfaite
expression du fait que la Convention n'impose pas et n'aspire pas
même à une stricte uniformité des normes relatives aux droits de
l'homme en Europe. Pour une excellente étude de cette doctrine élaborée
par le juge, voir les interventions faites dans le cadre d'un séminaire
consacré à ce sujet et publiées dans la revue Human
Rights Law Journal, vol. 19 (1998), p. 1-36., imposent à cette dernière de jouer un rôle complémentaire des décisions de justice et de la législation internes: les Etats ont l’obligation d’intégrer les normes de la Convention, selon l’interprétation retenue par la Cour, dans leur ordre juridique interne. En d’autres termes, le principe de subsidiarité présente un double aspect: le premier, d’ordre procédural, impose à toute personne de suivre jusqu’à leur terme toutes les procédures pertinentes à l’échelon national avant de saisir la Cour; le second, sur le fond, repose sur la présomption que les Etats sont, en principe, les mieux placés pour apprécier la nécessité et la proportionnalité de mesures particulières susceptibles de constituer une ingérence dans certains droits. Cela dit, un Etat peut garantir et garantit souvent un degré de protection plus élevé que la Convention, et la Cour accorde évidemment une certaine latitude aux autorités nationales dans l'établissement de ce qu'elles estiment être un juste équilibre vis-à-vis des droits consacrés par la Convention, dans l'esprit de la jurisprudence européenne pertinente. Mais c'est à la Cour qu'il revient de décider de l'interprétation de la Convention dans chaque affaire dont elle est saisie. Inutile de préciser qu’il n’existe aucune «marge d’appréciation» des droits intangibles garantis par la Convention en matière de vie et de mort, de torture ou d’esclavage (articles 2, 3 et 4). C’est pourquoi il importe de garder à l’esprit, comme l’indique le paragraphe 7 du rapport explicatif et comme le reconnaît la Cour dans son Avis 
			(17) 
			Voir annexe, paragraphe
4., l’intention affichée des auteurs du texte de mentionner expressément «la marge d’appréciation telle que développée par la Cour dans sa jurisprudence».

3.2. Conditions d’exercice des fonctions de juge – article 21 de la Convention: article 2 du Protocole d’amendement

9. Le choix d’un nouveau libellé des articles 21 et 23 de la Convention a été jugé nécessaire pour éviter aux juges qui atteignent l’âge de 70 ans de devoir prendre leur retraite, parfois avant le terme de leur mandat de neuf ans. Le nouveau texte prévoit au contraire l’obligation pour les candidats d’être âgés de moins de 65 ans à la date à laquelle la liste des trois candidats est attendue par l’Assemblée, ce qui porte de fait la limite d’âge à 74 ans. Il y a lieu de se féliciter de cette proposition, en particulier parce que, depuis l’entrée en vigueur du Protocole n° 14, les juges sont élus par l’Assemblée pour un mandat non renouvelable de neuf ans. De plus, comme le reconnaît la Cour dans son récent Avis, cette modification permettra à des personnes hautement qualifiées âgées de 61 à 65 ans de présenter leur candidature pour exercer la fonction de juge à la Cour pendant un mandat complet de neuf ans. Comme le précise l’article 8, paragraphe 1, du projet de protocole, cette nouvelle disposition sera uniquement applicable aux juges élus à partir des listes de candidats soumises à l’Assemblée après l’entrée en vigueur du Protocole n° 15.
10. Au cours des discussions qui ont eu lieu au sein du Comité d’experts sur la réforme de la Cour, un organe subordonné au CDDH 
			(18) 
			Pour de plus amples
précisions, voir plus haut la note de bas de page 5., les experts ont admis la nécessité de fixer une date précise, connue dès le début de la procédure nationale de sélection, pour ce changement de limite d’âge. Comme l’explique le paragraphe 13 du rapport explicatif du projet de protocole: «Le processus aboutissant à l’élection d’un juge, depuis la procédure interne de sélection jusqu’au vote par l’Assemblée parlementaire est long. Il a été dès lors jugé indispensable de prévoir une date suffisamment certaine à laquelle l’âge de 65 ans doit être apprécié pour éviter qu’un candidat soit empêché de prendre ses fonctions, car il aurait atteint l’âge limite en cours de procédure. Pour cette raison pratique, le texte du Protocole s’écarte du libellé exact de la Déclaration de Brighton, tout en poursuivant la même finalité. Il a par conséquent été décidé que l’âge du candidat devrait être apprécié à la date à laquelle la liste de trois candidats est attendue par l’Assemblée parlementaire».
11. Bien que cela ne soit pas directement pertinent pour le présent texte, je ne peux résister à la tentation de renvoyer à un rapport que j’ai préparé en 2009: le texte de la Convention ne donne aucune indication sur un éventuel âge minimal d’entrée en fonction d’un juge élu à la Cour. Au lieu d’imposer un âge minimal pour le poste de juge, ce qui en soi pourrait ne pas être un indicateur fiable de la capacité à exercer cette fonction, une solution pourrait consister à exiger entre douze et quinze ans d’expérience professionnelle pertinente. Cette question mérite selon moi une réflexion supplémentaire à la lumière de l’existence, dans un certain nombre d’Etats membres, d’une condition d’âge minimal (et d’expérience professionnelle) pour pouvoir exercer de hautes fonctions judiciaires 
			(19) 
			Voir le Doc.<a href='http://assembly.coe.int/ASP/Doc/XrefViewHTML.asp?FileID=12219&Language=FR'>11767,</a> «Nomination des candidats et élection des juges à la
Cour européenne des droits de l’homme», en particulier les paragraphes
5 et 32..

3.3. Dessaisissement en faveur de la Grande Chambre – article 30 de la Convention: article 3 du Protocole d’amendement

12. Cette modification, l’amendement de l’article 30 de la Convention afin que les Parties ne puissent plus s’opposer au dessaisissement d’une affaire par une chambre en faveur de la Grande Chambre, a été faite sur demande expresse de la Cour, en vue de renforcer la cohérence de sa jurisprudence 
			(20) 
			Voir le paragraphe
38 de l’Avis préliminaire de la Cour, du 20 février 2012, établi
en vue de la Conférence de Brighton: <a href='http://www.coe.int/t/dgi/brighton-conference/Documents/Court-Preliminary-opinion_fr.pdf'>www.coe.int/t/dgi/brighton-conference/Documents/Court-Preliminary-opinion_fr.pdf</a>.. Cette procédure accélérera l’examen des affaires importantes en supprimant une étape de la procédure et la Cour a indiqué que son Règlement devait être modifié, de manière à ce que ce dessaisissement soit automatique lorsqu’une chambre envisage de s’écarter d’une jurisprudence bien établie. Cette modification ne sera pas applicable aux affaires pendantes dans lesquelles les Parties s’étaient déjà opposées à un dessaisissement avant l’entrée en vigueur du Protocole.
13. Cette proposition ne nécessite aucun commentaire particulier. Les Parties à une procédure engagée devant la Cour peuvent prendre note des explications supplémentaires données par la Cour dans son Avis, dont le texte figure en annexe du présent rapport.

3.4. Condition de recevabilité: délai d’introduction des requêtes – article 35, paragraphe 1, de la Convention: article 4 du Protocole d’amendement

14. Ici encore, sur proposition de la Cour 
			(21) 
			Ibid.,
paragraphe 27., il a été décidé de réduire de six mois à quatre mois le délai pendant lequel une requête peut être introduite devant la Cour après épuisement de toutes les voies de recours internes, comme le prévoit l’article 35, paragraphe 1, de la Convention. L’explication donnée pour cette modification, qui semble avoir été acceptée sans contestation majeure, est que l’évolution de la technologie, qui permet des communications plus rapides, ainsi que l’existence de délais d’une durée similaire dans les Etats membres, parlent en faveur de la réduction de ce délai. Cette modification prendra effet six mois après l’entrée en vigueur du Protocole, de manière à permettre aux éventuels requérants d’être pleinement informés du nouveau délai.

3.5. Condition de recevabilité: le préjudice important – article 35, paragraphe 1, de la Convention: article 5 du Protocole d’amendement

15. Cette condition de recevabilité prévue à l’article 35, paragraphe 3.b of the Convention, qui précise «et à condition de ne rejeter pour ce motif aucune affaire qui n’a pas été dûment examinée par un tribunal interne», est supprimée. Autrement dit, le projet de protocole supprime une des limites au pouvoir de la Cour de rejeter une affaire considérée comme étant insignifiante; actuellement la Cour ne peut pas rejeter une affaire sur cette base si la requête n’a pas été dûment examinée par une juridiction interne.
16. Il s’agit d’une modification logique: on considère que, si besoin est, une affaire sera examinée sur le fond lorsque la Cour le jugera pertinent, tout en admettant que la Cour ne doit pas se préoccuper inutilement de questions insignifiantes (donnant ainsi plus de poids à la maxime de minimis non curat praetor). Cette modification prendra effet après l’entrée en vigueur du Protocole et sera applicable aux requêtes pour lesquelles la décision sur la recevabilité était pendante à la date de l’entrée en vigueur du Protocole.

4. Entrée en vigueur du Protocole

17. Comme le Protocole n° 15 est un protocole d’amendement, il doit être ratifié par l’ensemble des Hautes Parties Contractantes à la Convention pour pouvoir entrer en vigueur. Comme les propositions de modification du texte sont principalement d’ordre technique et ne font l’objet d’aucune controverse, je propose que l’Assemblée invite instamment toutes les Parties à la Convention, et notamment leurs organes législatifs, à veiller à la signature et à la ratification rapides de cet instrument.

Annexe – Avis de la Cour européenne des droits de l’homme sur le projet de Protocole n° 15 à la Convention européenne des droits de l’homme 
			(22) 
			Adopté par la Cour
le 6 février 2013 et transmis par le Président des Délégués des
Ministres au Président de l’Assemblée parlementaire le 12 février
2013.

(open)

Remarque liminaire

1. La Cour émet le présent avis suite à la demande adressée, le 17 janvier 2013, par le Comité des Ministres.

2. Le projet de protocole n° 15 vise à apporter cinq modifications à la Convention européenne des droits de l’homme, conformément à ce qui a été décidé lors de la Conférence de Brighton. Trois d’entre elles avaient été proposées par la Cour dans son avis préliminaire pour cette conférence: l’abrogation de la limite d’âge pour l’exercice du mandat de juge (article 23 § 2), la suppression du droit de veto des Parties en matière de dessaisissement au profit de la Grande Chambre (article 30) et la réduction du délai de saisine de la Cour, qui passerait de six à quatre mois (article 35 § 1). Ces trois points ne sont donc que très brièvement commentés ci-dessous.

Remarques sur le texte

Préambule

3. Cette partie du protocole appelle deux remarques. Premièrement, la référence faite, au deuxième alinéa, à la Déclaration de Brighton montre clairement le contexte dans lequel le projet de protocole a été négocié. Deuxièmement, la Cour se félicite de la formulation du quatrième alinéa, qui, de même qu’un alinéa très semblable du préambule du Protocole n° 14, affirme la prééminence du rôle de la Cour dans la protection des droits de l’homme en Europe. Cette affirmation s’inscrit dans le droit fil des déclarations adoptées lors des trois conférences de haut niveau sur la réforme: Interlaken, Izmir et Brighton.

Article 1

4. Cette disposition ajouterait un nouveau considérant à la fin du préambule de la Convention. La Cour avait communiqué au CDDH, en novembre 2012, un commentaire dans lequel elle exprimait des réserves sur le libellé prévu pour cette disposition, sa principale préoccupation étant que la formulation choisie, qu’elle estimait incomplète, risquait de faire naître une incertitude s’agissant de l’intention des auteurs. Si le texte en lui-même n’a pas été modifié, l’intention des auteurs a, quant à elle, été précisée: le rapport explicatif indique à présent que ce considérant «est destiné à … rester cohérent avec la doctrine de la marge d’appréciation telle que développée par la Cour dans sa jurisprudence». Cette explication de l’intention des auteurs correspond à la proposition, faite par la Cour à la fin de son commentaire, que le texte soit plus précis. On peut donc dire que le sens du nouveau considérant est conforme aux points correspondants de la déclaration de Brighton (en particulier au paragraphe 12b, lu en combinaison avec les paragraphes 10, 11 et 12a). Comme la Cour l’indiquait dans son commentaire au CDDH, il est clair que les Hautes Parties contractantes n’ont eu l’intention de modifier ni la substance de la Convention ni son système d’application internationale et collective. La Cour aurait préféré un texte plus élaboré, mais elle est consciente du fait qu’il s’agit d’un compromis entre les Etats afin de parvenir à un accord sur le protocole dans son ensemble. En toute hypothèse, tant l’explication donnée que le contexte dans lequel le texte a été rédigé ont une valeur juridique, comme l’illustre la décision Korolev c. Russie (n° 25551/05, CEDH 2010), où la Cour s’est appuyée sur le rapport explicatif du Protocole no 14 et sur le Plan d’action d’Interlaken. De plus, le rapport de la réunion pertinente du CDDH – dont le Comité des Ministres a joint un extrait à la demande d’avis à laquelle il est répondu par la présente – fait partie des travaux préparatoires du protocole et est donc aussi un élément à prendre en compte aux fins de son interprétation.

5. L’autre principe mentionné dans ce projet de nouveau considérant est celui de la subsidiarité. Ce principe ayant été l’un des thèmes fondamentaux de la réforme, on ne peut que se féliciter qu’il y soit fait référence dans la Convention. Les termes dans lesquels la disposition est formulée, ainsi que ceux du rapport explicatif, reflètent la jurisprudence de la Cour dans ce domaine.

Article 2

6. La Cour se félicite de cette modification, qui devrait être bénéfique en ce qu’elle permettra l’élection de juges très expérimentés dont les mandats pourront se prolonger au-delà d’une limite d’âge qui ne semble plus s’imposer actuellement.

Article 3

7. Cette modification qui est issue d’une proposition de la Cour et vise à améliorer la cohérence de la jurisprudence est également la bienvenue. Le rapport explicatif identifie une raison supplémentaire à cet amendement, à savoir accélérer l’examen des affaires importantes en supprimant une étape procédurale.

8. La première remarque que la Cour voudrait faire est que, comme indiqué dans son avis préliminaire à la Conférence de Brighton, elle a modifié l’article 72 de son règlement relatif au dessaisissement.

9. Le rapport explicatif soulève ensuite, aux paragraphes 18 et 19, des points qui concernent la pratique de la Cour, une fois cet amendement entré en vigueur. Le premier point est qu’avant de se dessaisir dans une affaire, les chambres consultent les parties, ce qui peut se faire.

10. Le second point serait que la chambre restreigne l’objet du litige en rejetant les griefs irrecevables avant de se dessaisir. La pratique actuelle de la Cour, tant au niveau des chambres qu’au niveau de la Grande Chambre, est d’examiner conjointement les questions de recevabilité et le fond des affaires, conformément à l’article 29 § 1 de la Convention. Il est bien sûr loisible aux chambres de statuer sur une partie de la requête au moyen d’une décision sur la recevabilité avant de se dessaisir au profit de la Grande Chambre – cela s’est vu récemment, par exemple, dans l’affaire Catan et autres c. République de Moldova et Russie 
			(23) 
			Requêtes
nos 43370/04, 8252/05 et 18454/06. Par une décision du 15 juin 2010,
la chambre a jugé une partie de la requête irrecevable. Elle s’est
ensuite dessaisie au profit de la Grande Chambre, qui a rendu son
arrêt le 19 octobre 2012. Voir aussi Scoppola
c. Italie (no 2) [GC], Requête
no 10249/03, 17 septembre 2009..

A cet égard, la Cour voudrait souligner qu’après l’établissement du rapport explicatif, elle a modifié l’article 27A de son règlement, de sorte que les présidents de section peuvent désormais, lorsqu’ils communiquent une affaire au Gouvernement, écarter en même temps tout grief manifestement mal fondé ou clairement irrecevable. Cette évolution permettra une procédure plus recentrée devant la chambre ainsi que devant la Grande Chambre, en cas de dessaisissement.

11. Le troisième point consiste pour la Cour à indiquer plus précisément aux parties quel est le changement de jurisprudence susceptible de se produire ou quelle importante question d’interprétation de la Convention a conduit au dessaisissement. Il est dans l’intérêt de la procédure que les parties soient conscientes des points qu’elles doivent traiter de manière approfondie devant la Grande Chambre. Dans la plupart des cas, ces points devraient être assez clairs – si une partie a un doute, elle peut soulever la question avec le greffe, qui pourra lui apporter l’aide nécessaire.

Article 4

12. En ce qui concerne la réduction du délai de saisine, la Cour n’a pas de remarque à formuler. Elle prend note des dispositions transitoires qui accompagnent cette modification et observe qu’elles constituent une précieuse mesure de sécurité juridique pour les requérants. Elle veillera à ce que le public soit averti de manière claire et en temps utile de l’entrée en vigueur de cette modification et elle compte sur les gouvernements, les institutions nationales de protection des droits de l’homme, les professionnels du droit et les membres de la société civile pour l’y aider.

Article 5

13. En ce qui concerne ce dernier amendement, la Cour n’y voit aucune difficulté.