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Recommandation 2017 (2013) Version finale
Nanotechnologie: la mise en balance des avantages et des risques pour la santé publique et l’environnement
1. La nanotechnologie est la manipulation
de la matière à l’échelle atomique et moléculaire. Les nanomatériaux
sont constitués de structures dont les dimensions sont, typiquement,
comprises entre 1 et 100 nanomètres (nm), un nanomètre représentant
un milliardième de mètre (ou 10-9 m).
A cette échelle, les matériaux peuvent présenter des propriétés
physiques, biologiques et/ou chimiques très différentes de celles des
mêmes matériaux à des tailles plus grandes, ce qui ouvre un éventail
de nouvelles possibilités sur le plan technologique.
2. La nanotechnologie et sa myriade d’applications présentent
d’énormes avantages potentiels (en particulier dans le domaine de
la «nanomédecine»), mais elles peuvent également avoir des effets dommageables
graves. Comme c’est le cas avec la plupart des nouvelles technologies,
de nombreux risques, à la fois pour la santé publique et pour l’environnement,
ne sont pas encore bien connus. Toutefois, les applications commerciales
de la nanotechnologie sont déjà utilisées couramment. La réglementation
a du mal à suivre le rythme des innovations scientifiques.
3. Cela fait des années que l’Assemblée parlementaire et le Comité
des Ministres du Conseil de l’Europe prônent la nécessité d’une
culture de précaution qui intègre le principe de précaution au sein
des processus scientifiques et technologiques, dans le respect de
la liberté de recherche et d’innovation. En 2005, les chefs d’Etat
et de gouvernement du Conseil de l’Europe se sont engagés, dans
la Déclaration finale du 3e Sommet du
Conseil de l’Europe, à «garantir la sécurité de nos citoyens dans
le plein respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales»
et à relever, dans ce contexte, «les défis inhérents aux progrès
de la science et de la technique».
4. L’Assemblée estime que, conformément à ces engagements, le
Conseil de l’Europe – en tant que seule organisation paneuropéenne
dont le mandat englobe la protection des droits humains – devrait
élaborer des normes juridiques relatives à la nanotechnologie, fondées
sur des connaissances scientifiques et sur le principe de précaution,
qui protégeront 800 millions d’Européens contre les risques de dommages
graves liés à la nanotechnologie, tout en encourageant l’utilisation
potentiellement avantageuse de cette dernière.
5. L’Assemblée recommande par conséquent au Comité des Ministres
d’élaborer des lignes directrices sur la mise en balance des avantages
et des risques de la nanotechnologie pour la santé publique et l’environnement.
Ces lignes directrices devront:
5.1. respecter
le principe de précaution en tenant compte de la liberté de recherche
et en encourageant l’innovation;
5.2. pouvoir être appliquées de manière systématique à tous
les nanomatériaux soumis à réglementation au-delà des frontières
et quelles que soient leurs origines (synthétiques, naturelles, fortuites,
manufacturées, artificielles) ainsi que leurs utilisations pratiques
et leur devenir biologique;
5.3. viser l’harmonisation des cadres réglementaires, notamment
en ce qui concerne les méthodes d’évaluation et de gestion des risques,
la protection des chercheurs et des travailleurs de l’industrie
de la nanotechnologie, la protection et l’éducation des consommateurs
et des patients (avec des prescriptions en matière d’étiquetage
tenant compte des obligations du consentement éclairé), ainsi que les
obligations de notification et d’enregistrement, afin d’établir
une norme commune;
5.4. être négociées suivant un processus ouvert et transparent,
avec la participation de nombreux acteurs (gouvernements nationaux,
organisations internationales, Assemblée parlementaire, société civile,
experts et scientifiques), dans le cadre d’un dialogue dépassant
les frontières de la zone géographique couverte par le Conseil de
l’Europe;
5.5. pouvoir servir de modèle pour les normes réglementaires
du monde entier;
5.6. prendre dans un premier temps la forme d’une recommandation
du Comité des Ministres, mais faire place également à un instrument
juridique contraignant si la majorité des Etats membres le souhaite,
par exemple à un protocole additionnel à la Convention de 1997 pour
la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain
à l’égard des applications de la biologie et de la médecine: Convention
sur les droits de l’homme et la biomédecine (STE no 164,
«Convention d’Oviedo»);
5.7. prévoir la création d’un centre interdisciplinaire international
qui servira dans un proche avenir de pôle mondial des connaissances
en matière de sécurité de la nanotechnologie, sans préjudice de
la continuité du soutien apporté, y compris sur le plan financier,
aux projets de recherche actuels visant à déterminer les risques
potentiels des nanomatériaux;
5.8. promouvoir le développement d’un système d’évaluation
des règles éthiques, des matériels publicitaires et des attentes
des consommateurs, concernant les projets de recherche et les produits
de consommation dans le domaine de la nanotechnologie ayant des
répercussions sur les êtres humains et l’environnement.
6. L’Assemblée recommande que le Comité de bioéthique (DH-BIO)
du Conseil de l’Europe soit chargé d’une étude de faisabilité sur
l’élaboration d’éventuelles normes dans ce domaine, fondées sur
le paragraphe 5 de la présente recommandation, en tant que première
étape en vue de l’ouverture de négociations sur ce thème selon une
approche impliquant de multiples acteurs. Cette étude devrait couvrir,
en tout état de cause, la recherche scientifique menée actuellement
au niveau international pour déterminer les risques liés aux nanomatériaux.
La communauté scientifique participerait ainsi activement à l'élaboration
de toute proposition d’ordre normatif et/ou législatif.