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Rapport | Doc. 13361 | 04 décembre 2013

Les tests d’intégration: aide ou entrave à l’intégration?

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteure : Mme Tineke STRIK, Pays-Bas, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12604, Renvoi 3784 du 20 juin 2011. 2014 - Première partie de session

Résumé

Un nombre croissant d’Etats membres du Conseil de l’Europe ont introduit des tests d’intégration pour les migrants, fondés principalement sur la connaissance de la langue du pays d’accueil, mais parfois aussi sur des questions de «citoyenneté», qui concernent l’histoire, les institutions politiques, la société et les valeurs démocratiques.

La maîtrise d’une langue peut assurément contribuer à la réussite de l’intégration. Toutefois, d’aucuns craignent que certains de ces tests ne soient, en réalité, une entrave à l’intégration et ne conduisent à l’exclusion. En effet, le fait de soumettre les migrants à des tests avant l’entrée sur le territoire peut constituer un obstacle au regroupement familial, et les soumettre à des tests d’intégration alors qu’ils sont dans le pays d’accueil risque de priver certains d’entre eux de droits de séjour sûrs. Ces effets pourraient engendrer de la rancœur au sein des communautés de migrants et une discrimination à l’égard de certains groupes, notamment des personnes illettrées ou peu instruites, qui sont dans l’incapacité de réussir ces tests.

D’autres craignent également que, dans plusieurs Etats membres, l’objectif premier (ou, du moins, une conséquence prévisible) de ces tests ne soit de réduire le nombre de migrants arrivant ou restant dans les pays concernés. Si tel est le cas, ils constituent une régression.

Les Etats membres doivent veiller à ce que les tests soient basés sur des niveaux de compétence accessibles, à ce que des aides financières soient prévues pour les passer et pour suivre les apprentissages nécessaires et à ce que des alternatives aux tests soient mises en place (afin de tenir compte du fait que tout le monde n’a pas les mêmes capacités ou besoins linguistiques).

Par ailleurs, le Comité des Ministres devrait examiner comment adapter les niveaux de référence de compétences en langues du Conseil de l’Europe (définis dans le «Cadre européen commun de référence pour les langues» (CECR)), qui sont employés par les Etats membres dans bon nombre de ces tests, mais qui n’ont pas été conçus comme des instruments de mesure de l’intégration.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 4 juin 2013.

(open)
1. La connaissance de la langue ou des langues de la société d’accueil peut à l’évidence faciliter la bonne intégration des migrants. C’est en partant de ce constat que les tests d’intégration ont été introduits dans quelques Etats membres, initialement en vue de l’obtention de la nationalité. Adoptés par un nombre croissant d’Etats, ils ne sont plus seulement appliqués à cette fin mais aussi pour l’obtention de titres de séjour, voire comme condition préalable à l’entrée dans le pays, principalement en cas de regroupement familial.
2. L’usage de ces tests s’est grandement développé, et le niveau d’exigence a lui aussi été relevé. Par ailleurs, parallèlement à la langue, une série de questions de «citoyenneté», portant par exemple sur l’histoire, la connaissance des institutions politiques, de la société et des valeurs démocratiques, ont été introduites dans plusieurs pays.
3. Le recours à ces tests soulève essentiellement deux préoccupations. La première est de savoir s’ils favorisent l’intégration ou produisent l’effet contraire. La seconde est de savoir s’ils sont employés moins comme une mesure d’intégration que comme un mécanisme de gestion des migrations visant à limiter le nombre de migrants entrant et/ou restant dans le pays concerné. La baisse d’au moins 20 % des demandes de regroupement familial enregistrées dans un Etat membre et la diminution de 40 % du nombre de personnes demandant ou bénéficiant d’un titre de séjour permanent dans un autre donnent une indication claire de l’effet, intentionnel ou non, de l’introduction de ces mesures. Ces diminutions sont un motif d’inquiétude car le regroupement familial et une plus grande sécurité en ce qui concerne les droits de séjour sont des facteurs bénéfiques pour l’intégration des migrants. Les migrants vulnérables ont particulièrement besoin d’être soutenus dans le processus d’intégration, ce qui nécessite de leur accorder l’accès à ces droits, au lieu de les en exclure.
4. Encourager l’intégration par des tests linguistiques ou autres ne constitue pas un problème en soi; il s’agit d’une mesure que beaucoup d’Etats membres conserveront probablement sous une forme ou une autre. Il est cependant important d’avoir conscience des limites de ces tests et de veiller à ce qu’ils contribuent à l’intégration plutôt que d’y faire obstacle. Plutôt que de développer la pratique de ces tests, proposer des cours de langue et, éventuellement, obliger les migrants à y participer pourrait produire des effets plus bénéfiques et favoriser l’acquisition de compétences linguistiques sans risquer d’exclure les migrants. Cette approche pourrait aussi favoriser l’intégration conçue comme un processus à double sens, qui nécessite un investissement à la fois de la part de la société et des migrants. En outre, le fait de tester les connaissances n’améliore pas, en soi, les compétences linguistiques et ne peut avoir d’efficacité que ce test intervient au stade final d’un cours de langue offert par le pays d’accueil.
5. L’Assemblée parlementaire est préoccupée par l’efficacité des tests actuels d’intégration en Europe, qui n’est pas ce qu’elle devrait être. D’abord, les niveaux de connaissance requis dépassent parfois ce qui est raisonnablement accessible à la plupart des migrants ou candidats à l’immigration, d’où l’exclusion de nombreuses personnes qui n’auraient, hormis cela, pas rencontré de difficultés d’intégration. Ceci soulève des problèmes en matière de droits de l’homme, s’agissant notamment du droit à la vie familiale et de la protection contre la discrimination. Cette situation devient particulièrement problématique dans les cas de regroupement familial ou lorsque les intéressés sont des personnes illettrées ou peu instruites, des personnes âgées, des réfugiés ou autres. Par ailleurs, lorsque les tests d’intégration constituent une mesure à peine voilée de gestion des migrations, ils entravent l’intégration et la desservent et devraient être supprimés.
6. Les Etats membres du Conseil de l’Europe sont par conséquent invités à réexaminer leur approche des tests d’intégration en évaluant leur efficacité à long terme, en tant qu’outil propre à favoriser des mesures d’intégration efficaces, viables et accessibles, afin de garantir:
6.1. l’accessibilité des niveaux de compétence linguistique requis lors de ces tests. Ceci supposera:
6.1.1. de ne pas fixer de niveaux de langue trop élevés et de différencier les tests selon les attentes en matière d’expression et de compréhension orales (ne pas dépasser le niveau A2 du «Cadre européen commun de référence pour les langues: apprendre, enseigner, évaluer» (CECR) du Conseil de l’Europe), et de compréhension ou production écrites (rester au niveau élémentaire A1 du CECR);
6.1.2. d’éviter les effets discriminatoires des tests en privilégiant les échelles graduées de compétences traduisant davantage la reconnaissance des efforts que les résultats bruts. Par ailleurs, les tests doivent prendre en compte les besoins et les capacités de personnes présentant des niveaux d’alphabétisation et d’instruction différents ou de celles susceptibles de se trouver en situation de vulnérabilité ou de présenter d’autres difficultés, par exemple les personnes âgées ou les réfugiés;
6.1.3. de ne pas recourir exclusivement aux tests. En remplacement ou en complément des tests, il conviendrait d’envisager d’autres options permettant de juger de la volonté d’intégration au moyen d’autres critères, par exemple l’engagement civique ou les progrès réalisés, ou en recourant à des mécanismes adoptés dans certains pays, tels que les entretiens avec un personnel qualifié afin de garantir l’équité;
6.2. l’octroi par l’Etat d’une aide financière adéquate pour les cours préparatoires. Dans la mesure du possible, ces cours devraient être gratuits, l’expérience ayant montré que le fait de demander aux migrants de s’acquitter des frais de cette formation, qui peut s’échelonner sur 400 heures voire davantage, constitue un obstacle dissuasif majeur;
6.3. la mise en place de mesures appropriées pour que l’échec aux tests (qui peut être élevé) n’ait pas d’effet discriminatoire et ne conduise pas à l’exclusion ou à une situation incertaine pour ceux qui échouent. L’échec pourrait avoir pour conséquence que des efforts supplémentaires soient exigés, mais il ne devrait pas déboucher sur le refus du droit au regroupement familial, à un titre de séjour permanent ou à la nationalité.
6.4. un examen attentif des conditions préalables à l’entrée et de l’incidence qu’elles peuvent avoir sur le droit à la vie familiale, tel que consacré par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5), et au regroupement familial, tel qu’établi par la Directive de l’Union européenne relative au droit au regroupement familial. A cet égard, l’échec au test ne devrait jamais être à lui seul un motif pour exclure des migrants du regroupement familial, dès lors qu’ils satisfont à tous les autres critères;
6.5. l’étude, l’expérimentation et, le cas échéant, l’utilisation d’options autres que ces tests.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet
de recommandation adopté à l’unanimité par la commission le 4 juin
2013.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire renvoie à sa Résolution ... (2013) «Les tests d’intégration: aide ou entrave à l’intégration?».
2. L’Assemblée note que la connaissance de la langue ou des langues de la société d’accueil facilite la bonne intégration des migrants. Forts de ce constat, quelques Etats membres ont introduit des tests d’intégration, adoptés depuis lors par un nombre croissant d’Etats. Ils sont désormais appliqués non seulement en vue de l’obtention de la nationalité, mais également pour l’obtention d’un titre de séjour, voire comme condition préalable à l’entrée dans le pays, notamment à des fins de regroupement familial.
3. Des statistiques et des enquêtes d’évaluation montrent que les tests de langue et d’intégration ont entraîné une diminution du nombre de demandes de regroupement familial, de titres de séjour permanents et de naturalisation. Ces tests peuvent aussi avoir un impact discriminatoire en fonction du sexe, de l’âge, du niveau d’instruction et de la nationalité des personnes concernées. Il faut dès lors se demander si des tests dont la finalité concerne l’octroi de droits de séjour sont le bon instrument pour favoriser l’intégration des migrants, ce qui doit amener à reconsidérer sérieusement la politique consistant uniquement à faire passer des tests en exigeant un certain niveau de connaissances, au lieu de promouvoir les compétences linguistiques et l'intégration.
4. L’usage de ces tests s’est grandement développé, et les niveaux requis ont eux aussi été relevés, prenant comme principal référentiel le «Cadre européen commun de référence pour les langues: apprendre, enseigner, évaluer» (CECR) du Conseil de l’Europe.
5. L’Assemblée note que le CECR, l’une des nombreuses réussites du Conseil de l’Europe, propose des niveaux de référence largement utilisés pour évaluer les compétences linguistiques. Elle reconnaît cependant que cet instrument n’a pas été conçu comme un mécanisme permettant d’établir si un certain niveau de langue correspond ou non à un niveau d’intégration. Il s’agit uniquement d’une mesure des capacités linguistiques.
6. L’Assemblée note également les activités importantes menées par l’Unité des Politiques linguistiques du Conseil de l’Europe, et en particulier ses travaux sur l’intégration linguistique des migrants adultes (ILMA).
7. Dans ce contexte, l’Assemblée invite le Comité des Ministres:
7.1. à poursuivre ses travaux sur le CECR, par l’intermédiaire de son Unité des Politiques linguistiques, afin de voir la manière dont il peut être utilisé pour le processus d’intégration. A cet égard, il pourrait juger judicieux d’élaborer des lignes directrices sur les modalités d’utilisation du CECR et les limites de son usage à des fins d’intégration ou d’envisager un autre outil, fondé sur le CECR, mieux adapté à l’objectif visé que les niveaux de compétence linguistique;
7.2. à proposer des options autres que les tests de langue/d’intégration pour promouvoir et mesurer l’intégration et améliorer les perspectives d’intégration des migrants et des candidats à l’immigration;
7.3. à promouvoir davantage les travaux du Conseil de l’Europe sur l’intégration linguistique des migrants adultes.

C. Exposé des motifs, par Mme Strik, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Les langues jouent un rôle majeur en tant qu’indicateurs d’appartenance pour les migrants. La méconnaissance de la langue de la société d’accueil peut être un obstacle sérieux à une bonne intégration 
			(3) 
			Le
Conseil de l’Europe et son Assemblée parlementaire ont beaucoup
travaillé sur l’intégration et l’éducation des migrants. Voir notamment
le document «<a href='http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/liam/Source/Events/2010/RecomResmigrants10_fr.pdf'>Extraits
de Conventions, de Recommandations, de Résolutions et de Rapports</a>», publié en 2012 par l’Unité des Politiques linguistiques
du Conseil de l’Europe, <a href='http://www.coe.int/lang-migrants/fr'>www.coe.int/lang-migrants/fr</a> (Catégories –	Textes officiels). et à une socialisation de base. C’est à partir de ce constat qu’ont été mis en place des tests d’intégration comme moyen de favoriser l’intégration en mettant l’accent sur l’apprentissage de la langue du pays.
2. De nombreuses stratégies nationales d’intégration trouvent leur origine dans les conditions requises initialement pour la naturalisation. Celles-ci avaient en commun – en Europe et ailleurs – de rarement préciser le niveau de compétence linguistique voulu. Aussi arrivait-il fréquemment que les aspirants citoyens remplissent les conditions en dépit d’un très faible niveau fonctionnel de connaissance de la langue.
3. Cela étant, ces dernières années, les conditions requises pour l’obtention de la nationalité ont été progressivement, mais considérablement, modifiées et les exigences en termes de résidence, de regroupement familial et autres ont été renforcées. Le principal groupe cible des tests est constitué par les membres de la famille des personnes résidant dans les Etats membres, qu’il s’agisse des tests préalables à l’entrée dans le pays ou d’exigences d’intégration après l’admission.
4. Aujourd’hui, de nombreux pays exigent des migrants un niveau déterminé de compétence linguistique non seulement pour l’obtention de la nationalité, mais aussi pour la délivrance d’un titre de séjour permanent 
			(4) 
			Voir
les <a href='http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/liam/Source/Events/2010/ReportSurvey2011_FR.pdf'>enquêtes</a> conduites en 2008 et 2010 par l’Unité des Politiques
linguistiques sur «La maîtrise de la langue pour les migrants adultes
dans les Etats membres du Conseil de l’Europe» (voir le <a href='http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/liam/search_category/category_FR.asp?'>Rapport</a> de 2011 – <a href='http://www.coe.int/lang-migrants/fr'>www.coe.int/lang-migrants/fr</a> (Catégories
– Enquêtes)). Les résultats de la 3e enquête
(en cours) seront publiés en 2014.. A noter également, l’obligation récente pour les migrants de longue durée de prouver désormais leur volonté de s’intégrer en démontrant leurs compétences linguistiques avant le départ pour le pays de destination. D’où la prolifération de «tests» de langue ou de citoyenneté, en particulier dans les Etats membres de l’Union européenne.
5. Ces tests sont devenus de plus en plus sophistiqués, avec «un changement radical des conditions d’admission dans les Etats membres» et «l’instauration de critères bien définis associés à des méthodes normalisées d’évaluation» 
			(5) 
			Rapport 2010 de l’Observatoire
de la citoyenneté (un observatoire au sein de l’Observatoire de
la démocratie dans l’Union Européenne (EUDO)), «Naturalisation Policies
in Europe: Exploring Patterns of Inclusion and Exclusion».. La formalisation croissante de ces tests dans toute l’Europe a eu comme effet secondaire, entre autres, une moindre prise en compte de la situation particulière et des capacités individuelles des intéressés 
			(6) 
			Ces
conclusions sont reflétées dans la dernière enquête du Conseil de
l’Europe (voir note 5). . D’autres conséquences risquent d’en découler, en particulier en cas de coût financier élevé pour ceux qui doivent passer le test et suivre les cours préparatoires 
			(7) 
			Voir par exemple la
Norvège, où tous les migrants adultes et les membres adultes de
leurs familles venant de pays autres que ceux de l’EEE/AELE sont
tenus de suivre une formation linguistique de 300 heures. Les frais
sont à la charge des migrants. Dans les Conclusions 2011 du Comité
européen des Droits sociaux, de telles obligations financières sont considérées
comme non conformes à la Charte sociale européenne révisée (STE
n° 163).. L’absence de flexibilité des tests fait que, même s’il existe des programmes de langue destinés à aider les candidats à les réussir, ils ne leur seront pas forcément d’un grand secours pour la réalisation de leurs objectifs de vie ou d’intégration, les méthodes, les matières abordées ou le niveau de compétence visé n’étant pas toujours adaptés à cette fin. Les tests à passer avant le départ pour évaluer l’employabilité de l’intéressé dans le pays de destination peuvent s’avérer inadaptés si celui-ci n’envisage pas d’y travailler. Pour les personnes souhaitant entrer dans un pays donné dans le but de s’y marier, les tests peuvent soit les exclure, soit – en cas de mariages arrangés – entraîner des «unions» qu’on ne saurait qualifier d’idéales pour les personnes concernées. Les coûts liés à la préparation et au passage des tests sont parfois prohibitifs et, par conséquent, discriminants pour les personnes à faibles revenus. En outre, l’incapacité ou la difficulté à réussir un test pour obtenir un titre de séjour permanent ou la nationalité peuvent réduire le sentiment d’intégration, voire engendrer du ressentiment. Par ailleurs, la nécessité de poursuivre des études peut entraver la capacité de travailler, qui constitue en elle-même l’un des principaux facteurs d’intégration.
6. Le présent rapport tente de retracer l’évolution de ces tests et de mettre en lumière les problèmes posés par leur mise en place et que se doivent de traiter le Conseil de l’Europe et son Assemblée parlementaire.
7. En conséquence, sur les nombreuses questions qu’il y a lieu d’examiner, la principale est peut-être de savoir si ces tests représentent un progrès ou un recul et s’ils améliorent l’intégration des migrants. Il est nécessaire également d’étudier les autres incidences que peut avoir l’utilisation de ces tests sur le regroupement familial ou l’obtention d’un titre de séjour permanent ou de la nationalité. Il convient par ailleurs de se pencher sur l’impact qu’ils ont sur les personnes illettrées ou analphabètes dans leur propre langue, ainsi que sur les femmes ou d’autres groupes vulnérables, comme les personnes âgées ou malades.
8. Lors de la préparation du présent rapport, j’ai été grandement aidée par un certain nombre d’experts ayant participé à une audition sur ce thème à Bruxelles, en mars 2012, ainsi que par l’Unité des politiques linguistiques du Conseil de l’Europe 
			(8) 
			De nombreuses informations
et ressources sont disponibles sur le site web du Conseil de l’Europe
consacré à l’Intégration linguistique des migrants adultes (ILMA),
à l’adresse <a href='http://www.coe.int/lang-migrants/fr'>www.coe.int/lang-migrants/fr</a>,
notamment concernant les points soulevés dans le présent rapport.. J’ai pu bénéficier par ailleurs des conseils avisés de Christopher Hedges, ancien président du Comité européen sur les migrations (CDMG).

2. La situation actuelle dans les Etats membres

9. Les politiques et pratiques en matière de tests de langue et de citoyenneté que j’ai examinées en préparant ce rapport montrent clairement un durcissement au fil du temps. Pour illustrer ce constat, je m’attacherai plus particulièrement à l’expérience qu’ont acquise dans ce domaine le Royaume-Uni et les Pays-Bas, que je prendrai comme études de cas pour refléter l’évolution des tests d’intégration dans le temps. Ces études de cas figurent en annexe 1.
10. Il ressort aussi clairement des nombreux rapports et études que j’ai analysés que le «Cadre européen commun de référence pour les langues: apprendre, enseigner, évaluer» (CECR) du Conseil de l’Europe est largement employé comme base d’évaluation du niveau «d’intégration» des intéressés. Alors qu’il n’était pas prévu, à l’origine, que le CECR serve d’outil d’évaluation dans ces circonstances, les références explicites aux niveaux de maîtrise de la langue qu’il définit dans les conditions fixées aux migrants montrent clairement une augmentation constante du niveau requis par les Etats membres pour l’obtention de titres de séjour permanent ou de la nationalité. Il est inquiétant de noter que cette tendance au renforcement des exigences pourrait priver de nombreux migrants de la sécurité de résidence.

«Cadre européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer» (CECR), Conseil de l’Europe 
			(9) 
			Pour
en savoir plus sur le CECR, consulter le site web de l’Unité des
politiques linguistiques du Conseil de l’Europe à l’adresse <a href='http://www.coe.int/lang/fr'>www.coe.int/lang/fr</a> et
particulièrement, pour ce qui concerne les migrants (et les niveaux),
son site consacré à l’intégration linguistique des migrants adultes: <a href='http://www.coe.int/lang-migrants/fr'>www.coe.int/lang-migrants/fr</a>.

Cet instrument de référence est largement utilisé, entre autres choses, pour évaluer le niveau de compétence en langues.

Il propose une échelle mobile de niveaux de compétences répartis en trois niveaux généraux :

A1 et A2 : utilisateur de niveau élémentaire

B1 et B2 : utilisateur autonome

C1 et C2 : utilisateur expérimenté

L’un de ses avantages est qu’il permet de définir des «profils», par exemple un niveau A2 pour la production orale, mais A1 pour la lecture ou l’écriture, plutôt que des niveaux homogènes (A2 pour toutes les compétences). Un descriptif plus détaillé de l’outil est proposé à l’annexe 2.

11. L’examen comparé des situations des Etats membres comporte deux volets, à savoir, les tests préalables à l’entrée dans le pays et les tests postérieurs à l’entrée dans le pays 
			(10) 
			Dans cette section,
je me suis appuyée en particulier sur un projet de recherche intitulé
«Promouvoir des politiques durables en matière d’intégration (PROSINT)»,
mené entre décembre 2009 et octobre 2011, qui couvre l’Allemagne, l’Autriche,
l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas, la Suède, la Suisse, la République
tchèque et le Royaume-Uni..
12. Bien que de nombreux pays aient mis en place des tests d’entrée pour les personnes à la recherche d’un emploi, les exemples donnés ici portent principalement sur l’intégration des familles de migrants.

2.1. Tests préalables à l’entrée dans le pays

13. Selon une étude universitaire (l’étude PROSINT), la mise en place de tests linguistiques obligatoires avant l’entrée dans le pays aux fins de regroupement familial illustre bien la façon dont un pays peut tirer des enseignements des politiques menées ailleurs et s’en inspirer. Lancés aux Pays-Bas en 2006, les tests ont été instaurés ensuite en Allemagne en 2007, puis au Royaume-Uni et au Danemark en 2010 et en Autriche en 2011.
14. La France a également instauré un test évaluant la connaissance du français et des valeurs de la République française pour les membres de la famille désireux d’entrer dans le pays, qui sont tenus de prouver qu’ils ont une connaissance suffisante du français ou du moins de s’engager à l’apprendre. A la différence de ce qui passe dans d’autres Etats, l’échec à ce test n’entraîne pas le refus d’admission en France, mais uniquement son report. Les membres de la famille qui échouent sont invités à suivre des cours dans le pays d’origine. Cette formation ne dure pas plus de deux mois (180 heures). Si le membre de la famille réussit le test, il se voit délivrer un visa, s’il échoue, le visa lui est également délivré, mais il sera éventuellement tenu de suivre des cours supplémentaires, une fois arrivé en France 
			(11) 
			Pour en savoir plus,
voir le document intitulé «The INTEC Project: Synthesis – Report
Integration and Naturalisation Tests: The New Way to European Citizenship»,
Tineke Strik, Anita Böcker, Maaike Luiten et Ricky van Oers, cité
dans «Which Integration Policies for Migrants? Interaction between
the EU and its Member States», Yves Pascouau et Tineke Strik (éd.),
2012, p. 300. . Par ailleurs, tous les migrants non ressortissants de pays membres de l’Union européenne arrivant en France doivent signer un «contrat d’intégration». Concernant le Danemark, en revanche, le test préalable à l’entrée dans le pays se passe sur place, c’est-à-dire au Danemark; les candidats obtiennent un visa temporaire de courte durée pour entrer dans le pays, préparer le test et le passer dans un délai de neuf mois.
15. Le facteur commun à tous ces pays est que le niveau de langue requis est relativement bas, c’est-à-dire A1 
			(12) 
			Cette catégorie A1
diffère selon le pays, de A1.1 (France et Luxembourg) à A1 (Autriche,
Danemark, Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni et Liechtenstein)..
16. Les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Autriche ne proposent pas de soutien financier de l’Etat; de fait, l’Autriche a supprimé les cours précédemment proposés aux migrants après leur arrivée dans le pays, au motif que les nouveaux migrants n’en auraient pas besoin, puisqu’ils auraient déjà entamé leur intégration avant leur entrée dans le pays. En revanche, l’Allemagne est dotée avec le Goethe Institut d’un dispositif bien structuré qui peut aider les migrants potentiels à se préparer au test.
17. Il est à l’évidence difficile d’établir clairement quel est l’objectif des tests préalables à l’entrée dans les cas de regroupement familial: promouvoir l’intégration ou réduire les effectifs. Ce flou peut conduire à un certain cynisme de la part de ceux concernés par les mesures d’intégration qualifiées de «légitimes» dont l’efficacité peut dès lors diminuer. Le Gouvernement néerlandais s’est exprimé très clairement sur la question, en mentionnant la probabilité d’une réduction du nombre de ces migrants comme but ou conséquence indirecte de cette politique. Pour ce qui est de l’ensemble des conditions préalables à l’entrée dans le pays, il a parlé d’un «critère de sélection» qui réduirait les effectifs de «migrants incapables de s’intégrer» de près de 25 %. Il a évoqué en particulier le cas des migrants originaires de Turquie et du Maroc qui posent problème, du fait de leur difficulté à entrer sur le marché du travail en raison de leur faible niveau d’instruction. Aucun autre pays ne mentionne expressément la volonté de limiter l’immigration comme objectif direct ou indirect, même si le Royaume-Uni a indiqué qu’il prévoyait une réduction de 10 % des demandes déposées par des conjoints ou partenaires. Concrètement, ces politiques se sont toutefois traduites par une baisse nettement plus importante que celle que prévoient les Pays-Bas concernant les arrivées de migrants familiaux (en dépit d’une légère reprise ces dernières années). Au Royaume-Uni, la première année suivant la mise en œuvre des mesures, les chiffres ont diminué d’environ 20 %.

2.2. Tests postérieurs à l’entrée dans le pays pour l’obtention d’un titre de séjour permanent/de la nationalité

18. Les programmes postérieurs à l’entrée dans le pays diffèrent largement d’un pays à l’autre en termes d’exigences, notamment en ce qui concerne le niveau de connaissance de la langue, les modalités du test et l’obligation de suivre des cours. Le tableau ci-après offre un aperçu des principales conditions de maîtrise linguistique requises pour obtenir un titre de séjour permanent.

Pays

Exigences

Cours de langue/ d’intégration

Niveau de langue

Connaissances civiques

Autriche

Test

Officiellement non, dans la pratique, oui

A2 en 2 ans, B1 après 5 ans

Non

République tchèque

Test

Non

A1

Non

Allemagne

Test

Oui

B1

Oui

Italie

Test

Oui

A2

Oui

Pays-Bas

Test

Seulement pour les réfugiés

A2 en 3 ans

Oui

Espagne

Entretien

Peut être imposé par les autorités

au cas par cas

Entretien

Suède

Néant

Plan individuel

au cas par cas

Non

Suisse

Entretien

Peut être imposé par les autorités

au cas par cas, selon le canton

Entretien

Royaume-Uni

Test

Oui, si le niveau d’anglais est inférieur à B1

B1 ou montrer le passage au niveau supérieur dans le cours

Oui

2.2.1. Tests de langue

19. Dans un certain nombre de pays comme l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni 
			(13) 
			Voir l’étude PROSINT
susmentionnée ainsi que le rapport 2010 intitulé « Naturalisation
Policies in Europe: Exploring Patterns of Inclusion and Exclusion»
de l’Observatoire EUDO de la citoyenneté du Centre d’études avancées
Robert Schuman., il est nécessaire de passer un test conçu par un fournisseur de test précis. En Espagne et en Suisse, en revanche, le niveau de connaissance de la langue est évalué dans le cadre d’un entretien avec un fonctionnaire, disposant d’une large marge d’appréciation pour prendre sa décision. Les compétences linguistiques peuvent aussi être appréciées dans le cadre d’un entretien ou d’une discussion avec un agent des services d’immigration (c’est le cas en Croatie, en France, en Grèce, au Luxembourg, à Malte et en Turquie).
20. En dehors des pays précédemment cités, d’autres exigent aussi un test ou un certificat de langue, notamment la Bulgarie, l’Estonie, la Finlande, l’Islande, la Lettonie, la Lituanie, la République de Moldova, la Norvège, le Portugal, la Roumanie et la Slovénie. En conséquence, de nombreux Etats formulent aujourd’hui des exigences explicites en matière de compétences linguistiques.
21. L’éventail des compétences linguistiques requises varie d’un pays à l’autre 
			(14) 
			Pour
de plus amples informations, voir le Rapport 2010 de l’Observatoire
EUDO, «Naturalisation Policies in Europe», op.
cit.. A un certain moment, le Danemark s’est démarqué en exigeant le niveau de compétences linguistiques le plus restrictif. Le degré de difficulté n’a eu de cesse d’augmenter au fil des ans, passant de B1 en 2002 à B2 en 2006, et les notes requises ont été relevées en 2008. Le pays vient toutefois de modifier sa politique d’intégration en abandonnant le système de points et l’obligation de passer un test pour le regroupement familial, bien qu’il envisage de renforcer les mesures de lutte contre les fraudes et les mariages forcés. A l’autre extrémité du spectre, un certain nombre de pays n’ont aucune exigence formelle en matière de langue.

2.2.2. Connaissance du pays (tests de «connaissance de la société» ou «de citoyenneté») 
			(15) 
			Ibid.

22. Les exigences diffèrent considérablement et, en dehors des connaissances pratiques nécessaires pour vivre dans un nouveau pays, les tests portent d’ordinaire sur des thèmes tels que la connaissance des institutions nationales sociales et politiques, de la société, des faits et données historiques, de la Constitution, des valeurs démocratiques et du parlement. Au nombre des Etats ayant recours à ces tests figurent l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, l’Estonie, la France, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la République de Moldova, les Pays-Bas, la Roumanie et le Royaume-Uni. Il est intéressant de noter que le pourcentage de questions auxquelles il faut avoir répondu correctement et le nombre de questions posées sont généralement supérieurs en Europe à ce qu’ils sont dans des pays traditionnels d’immigration comme les Etats-Unis, le Canada et l’Australie.
23. L’évaluation de la connaissance du pays peut revêtir la forme d’un entretien (comme en Slovaquie et en Suisse). La France exige également du candidat (dans le cadre de son «contrat d’intégration») qu’il se rende à la mairie de son lieu d’habitation pour une initiation à l’histoire et à la culture françaises. La Grèce a instauré en 2000 un entretien informel destiné à évaluer les compétences linguistiques et la connaissance de l’histoire et de la culture grecques. Le Luxembourg a ceci de particulier qu’il oblige depuis 2008, tout postulant à la nationalité à suivre trois cours de deux heures d’instruction civique sur l’histoire et la société luxembourgeoises, condition sine qua non de toute naturalisation.
24. Il y a cependant lieu de mentionner que la plupart des pays examinés n’exigent pas de connaissances spécifiques en termes de citoyenneté.

3. Les tests d’intégration sont-ils efficaces?

3.1. Mesurer l’intégration

25. Le Conseil de l’Europe a défini plusieurs domaines d’intégration clés, qui pourraient servir à évaluer la mesure dans laquelle les tests de langue et de connaissances civiques favorisent l’intégration. Dans son rapport de 1988 sur «Les mesures et indicateurs d’intégration», le Conseil de l’Europe fait référence à quatre dimensions de l’intégration – économique, sociale, culturelle et politique.
26. Il apparaît immédiatement qu’une bonne connaissance de la langue du pays d’accueil et la capacité de s’en servir sont importantes dans tous ces domaines. Par exemple, en termes d’intégration économique, la capacité de comprendre la langue parlée sur le lieu de travail revêt une importance cruciale. Dans de nombreux pays, l’acquisition de la nationalité s’accompagne du droit de voter lors des élections locales et nationales, et il est clair que les nouveaux électeurs ont tout intérêt à comprendre l’objet du vote. Reste toutefois à savoir dans quelle mesure les tests de langue et de citoyenneté améliorent les perspectives d’intégration dans les domaines susmentionnés.

3.2. Quelles sont les preuves de l’efficacité des tests pour promouvoir l’intégration?

27. Il existe peu d’études sur la question, mais divers travaux de recherche menés dans des pays européens fournissent quelques exemples.
28. Au Royaume-Uni, le Centre on Migration, Policy and Society (COMPAS) de l’université d’Oxford a récemment finalisé une étude intitulée Citizenship and Integration in the UK 
			(16) 
			Cette étude n’est pas
encore publiée, mais certaines de ses conclusions peuvent déjà être
présentées. Le rapport a été établi durant la période au cours de
laquelle ont été mis en place des tests à passer et à réussir par
les conjoints avant d’entrer dans le pays; les personnes qui avaient
passé ces tests ont été exclues de l’étude. L’enquête n’a pas non
plus englobé les personnes passant le test en vue d’obtenir un titre
de séjour permanent. Enfin, les chercheurs ont examiné le processus
en cours qui sera toutefois modifié avec effet à compter d’octobre
2013.. L’objectif du projet était de comprendre le processus d’intégration et d’acquisition de la citoyenneté, pour améliorer la capacité du Royaume-Uni à élaborer, à mettre en œuvre, à suivre et à évaluer des politiques et des mesures favorisant l’intégration des migrants.
29. Il en est résulté trois conclusions clés: premièrement, les postulants à la citoyenneté britannique étaient bien intégrés dans la société britannique. Par rapport à l’ensemble des personnes nées à l’étranger ou à l’ensemble de la population britannique, ils auraient plus de chance d’entrer sur le marché du travail, ils participeraient davantage à la vie citoyenne, ils se sentiraient davantage britanniques et seraient plus enclins à dépasser les clivages ethniques pour se faire des amis. Deuxièmement, les personnes ayant eu recours aux matériels didactiques Life in the UK et passé le test correspondant, celles qui ont appris la langue dans le cadre du dispositif «De la citoyenneté à la naturalisation»; et celles qui ont eu une cérémonie de citoyenneté sont dans l’ensemble très satisfaites. Troisièmement, le projet a fait apparaître que l’intégration dans la société britannique ne saurait se comprendre comme un processus unidimensionnel, unique, mais plutôt comme un ensemble multidimensionnel de processus, survenant dans différents domaines de la vie et empruntant diverses voies.
30. Dans la mesure où il est possible de tirer une conclusion générale de l’étude, ceux qui y ont pris part ont considéré que l’expérience d’apprentissage Life in the UK contribuait à favoriser le sentiment d’appartenance au Royaume-Uni, de même que la citoyenneté juridique et la langue anglaise, fondements essentiels de l’intégration dans d’autres domaines de la vie. Ce qui laisse entendre que le dispositif actuel Life in the UK donne globalement de bons résultats. Le rapport, non publié à ce jour, soulignera néanmoins la nécessité de continuer à proposer un soutien linguistique pour promouvoir l’intégration. Or, compte tenu de la baisse récente des dépenses publiques, cette recommandation ne sera pas mise en pratique.
31. Pour ce qui est de l’Allemagne, en 2006, le ministère fédéral de l’Intérieur a commandé une étude pour voir comment améliorer les programmes d’intégration. L’un des principaux constats de l’étude a été le suivant: même après 600 heures de cours, quelque 40 % de l’ensemble des participants n’avaient pas acquis une maîtrise de l’allemand de niveau B1. Une recommandation clé du rapport a donc été d’introduire un système plus souple avec des heures d’enseignement variables, en fonction des besoins dûment évalués des apprenants.
32. Aux Pays-Bas, comme indiqué précédemment, une première évaluation de la nouvelle loi sur l’intégration civique en 2010 a mis en avant de graves difficultés durant la première année suivant la mise en œuvre du nouveau texte, d’où d’importantes améliorations en 2008 et en 2009. Le nombre de participants aux cours d’intégration civique a rapidement augmenté; en décembre 2009, 127 000 migrants ont passé le test. Parmi ceux-ci, 83 000 ont pris part aux cours, mais 44 000 autres n’ont reçu aucune aide formelle et il a été supposé qu’ils s’étaient préparés autrement à leur test d’intégration. Depuis janvier 2010, la réussite du test est devenue une condition indispensable à l’obtention d’un titre de séjour permanent ou indépendant. Cette exigence a entraîné une baisse de 40 % du nombre de demandes de titres de séjour permanents satisfaites. Une ventilation des demandes par nationalité fait apparaître que cette baisse concerne davantage les ressortissants marocains et turcs. Les migrants qui ne parviennent pas à obtenir un titre de séjour permanent à la suite de ces tests n’ont pas d’autre choix que de rester dans le pays à titre temporaire. De plus, depuis 2013, les membres des familles sont tenus de réussir le test dans les trois années qui suivent leur arrivée. En cas d’échec, le permis de séjour peut leur être retiré; ils peuvent alors être expulsés, ce qui entraînera la séparation de la famille. Par ailleurs, depuis janvier 2013, les cours d’intégration ne sont plus proposés par les municipalités. Il revient au secteur privé de les élaborer. Les migrants qui n’ont pas les moyens financiers d’y participer peuvent toutefois obtenir un prêt d’un montant maximal de 5 000 euros.
33. Fin 2009, environ 20 000 migrants avaient volontairement participé à des programmes d’intégration civique. Presque tous ont réussi le test, au premier essai pour quelque 80 % d’entre eux. Il reste difficile de mesurer les effets à long terme sur la participation de ces personnes à la société néerlandaise ou sur leur intégration, qu’il s’agisse de tests préalables ou postérieurs à l’entrée dans le pays.
34. Toujours aux Pays-Bas, une analyse à petite échelle, principalement qualitative, a été effectuée pour étudier les effets des programmes d’intégration sur la participation de 29 migrants qualifiés à la société 
			(17) 
			Gelderloos,
W. & J. van Koert (2010), Inburgeren en Participeren. Verslag
van vier Kwalitatieve Casestudies naar de Effecten van Inburgering
op Participatie. Den Haag: B&A Consulting bv.. Les résultats obtenus sont mitigés et à manier avec précaution. Environ 50 % des participants au programme axé sur le marché du travail ont trouvé un emploi durable dans un délai raisonnable après l’achèvement du programme. Il semble que le programme destiné aux parents ayant des enfants à charge ait accru leur implication dans la vie de l’école et les organisations bénévoles.
35. Le rapport du projet INTEC (étude comparative des tests d’intégration et de naturalisation, et de leurs effets sur l’intégration dans neuf Etats membres de l’Union européenne) s’avère également riche d’enseignements 
			(18) 
			Les Etats membres étudiés
étaient l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, la France,
la Hongrie, la Lettonie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. T. Strik,
A. Böcker, M. Luiten et R. Van Oers, «The Intec Project: synthesis report:
Integration and Naturalisation Tests. The new way to European citizenship»,
dans Y. Pascouau et T. Strik (éd.), Which
Integration Policies for Migrants?, 2012, Nijmegen: Wolf
Legal Publishers, p. 285-405.. Ce rapport insiste fortement sur le fait que la réussite de l’intégration repose sur bien d’autres facteurs que la connaissance de la langue et de la société. D’ailleurs, le migrant n’a pas toujours besoin de connaître la langue de l’Etat membre pour s’intégrer, en particulier s’il vit dans un milieu où une autre langue a cours (par exemple l’anglais).
36. Une étude réalisée en Belgique (Région flamande) a montré que les migrants qui avaient suivi avec succès un cours d’intégration avaient plus de chances que les autres de trouver un emploi. Ainsi, ces programmes pourraient avoir un intérêt, à condition qu’ils soient dûment adaptés aux besoins des participants. Une étude danoise 
			(19) 
			Hansen, L.M. (2009),
Effectiveness measurement of Danish municipalities integration policies
from 1999 to 2007. Copenhagen: The Ministry for Immigration, Refugee
and Integration Affairs, <a href='http://www.nyidanmark.dk/NR/rdonlyres/A51B7591-CA97-4B92-B4D6-DC40DABF6DBE/0/effectiveness_municipalities_integration19992007.pdf'>www.nyidanmark.dk/NR/rdonlyres/A51B7591-CA97-4B92-B4D6-DC40DABF6DBE/0/effectiveness_municipalities_integration19992007.pdf</a>. a montré qu’une politique d’intégration municipale plus efficace facilitait l’entrée sur le marché du travail, mais elle a aussi souligné que l’aide nécessaire pouvait prendre des formes diverses. En revanche, l’évaluation belge a également révélé que la participation au cours n’améliorait pas toujours sensiblement les compétences linguistiques ni les relations sociales avec les citoyens belges de langue flamande. Et selon les Autrichiens interrogés, une société ouverte est essentielle à la participation et à l’intégration, ainsi qu’à la prévention d’un sentiment d’isolement.
37. Certains s’accordent à dire que les tests, comme ceux utilisés en Allemagne, aident les femmes à surmonter leur isolement et à refuser le mariage forcé. Les tests facilitent également les échanges et la communication entre les personnes qui se trouvent dans la même situation. Si le processus est engagé lorsque les migrants vivent encore dans leur pays d’origine, il les incite à s’intéresser au pays d’accueil et à la langue nationale, ce qui améliorera leurs futures conditions d’intégration.

3.3. Remise en question de la pertinence des tests

38. Cela dit, on peut se demander si les tests sont vraiment en mesure de prédire le degré d’intégration. En effet, en règle générale, et selon l’étude INTEC, ils constituent plutôt une barrière qu’une aide à l’intégration. Autre constat de l’étude, les connaissances acquises avant le départ sont souvent perdues lorsque le migrant arrive dans le pays d’accueil, car il s’écoule souvent un laps de temps important avant qu’il passe le test. Un simple examen rapide des statistiques montre que ces tests ont conduit à une baisse des demandes de visa, notamment aux Pays-Bas et en Allemagne. En outre, l’on constate que certaines personnes vivant en zone rurale ou dans des lieux éloignés des centres d’enseignement ont des difficultés à suivre les cours qui, de surcroît, constituent souvent pour elles une dépense très lourde. Ces tests peuvent être particulièrement difficiles pour les personnes âgées et pour les personnes n’ayant pas fait d’études supérieures.
39. Cela nous amène à nous demander quel est le niveau de compétence approprié qui devrait être attendu dans ces tests pour faciliter et non freiner l’intégration. Là encore, il existe très peu d’études empiriques sur ce thème, mais de nombreux experts linguistiques estiment que les personnes ayant un faible bagage scolaire ou un niveau d’alphabétisation limité dans leur propre langue ne pourront guère dépasser le niveau A2 dans une autre langue. En outre, il est probable que ce niveau ne pourra être atteint qu’en matière d’expression et de compréhension orales, le niveau en lecture et en écriture demeurant inférieur.
40. Au Royaume-Uni, certains experts linguistiques ont souligné les limites de l’enseignement sous l’appellation de «course blocking». Ce phénomène touche les apprenants ayant un faible ou très faible niveau d’alphabétisation dans leur langue maternelle qui, grosso modo, ne peuvent pas progresser au-delà du niveau A2 en matière d’expression et de compréhension orales ou au-delà de A1 en lecture et en écriture (c’est-à-dire les niveaux les plus bas), même s’ils sont très motivés et assidus aux cours. La conclusion qui s’impose selon ces rapports, certes sans prétention scientifique, est que, même lorsque la présence aux cours est obligatoire et/ou qu’une aide financière appropriée est prévue, certains migrants ne pourront jamais atteindre le niveau requis. Cela permet de penser qu’un test gradué reste plus adéquat qu’un test à un seul niveau, et que le test ne devrait pas porter sur l’expression écrite ou en tout cas n’exiger qu’un niveau élémentaire en la matière.

Etudes de cas

Pendant la préparation du présent rapport, des chercheurs ont présenté des études de cas réunies et publiées par le Goethe Institut en Allemagne. J’en citerai deux pour mettre en évidence les difficultés pratiques que posent ces tests.

Le premier exemple concernait une femme thaïlandaise qui souhaitait épouser un Allemand. Cette femme avait dû louer un appartement à Bangkok pour suivre une formation, régler toutes les questions administratives et réussir le test. Bien qu’elle ait travaillé comme gérante d’hôtel en Irlande, elle avait de gros problèmes d’apprentissage et il lui a fallu énormément de temps pour réussir le test A1. En tout, il lui en a coûté autour de 2 000 euros.

Le deuxième exemple se rapportait à une femme originaire du Cameroun. Cette femme n’était allée à l’école que pendant quatre ans et n’avait jamais appris une langue étrangère auparavant. Pour assister à une formation, qui n’était dispensée que dans la capitale, elle avait dû quitter la ville où elle habitait et laisser ses deux enfants chez elle. Elle vivait chez un ami, moyennant sa participation aux travaux agricoles de la famille d’accueil. Pour économiser l’électricité, elle n’avait le droit de réviser et de faire ses devoirs que pendant la journée.

3.4. Quelles sont les solutions possibles autres que les tests?

41. Il est intéressant d’observer que certains pays ont adopté une approche différente et que le niveau de compétence linguistique requis pour obtenir un titre de séjour permanent ou la nationalité est parfois assez bas. En Espagne et en Suisse, le droit d’acquérir la nationalité est établi à l’issue d’un entretien et le niveau de compétence linguistique requis se définit au cas par cas. Si les capacités d’un individu donné sont considérées comme trop faibles, les autorités peuvent exiger qu’il suive un programme de perfectionnement linguistique.
42. Aux Etats-Unis – l’un des plus grands pays d’immigration au cours du siècle dernier – la connaissance de l’anglais est encore testée de façon assez subjective. Bien que la législation américaine sur la nationalité ne fixe pas un niveau de compétence précis, il est admis qu’il doit se situer autour du niveau A1, voire en deçà. Comme en Espagne et en Suisse, la capacité du demandeur à parler anglais est déterminée par un agent du Service de la nationalité et de l’immigration des Etats-Unis au cours d’un entretien. Pour réussir et prouver qu’il peut lire en anglais, le demandeur doit lire une phrase sur trois correctement. Pour réussir le test d’écriture, il doit écrire correctement une phrase sur trois. Par ailleurs, l’agent pose au demandeur 10 questions sur des sujets civiques, et celui-ci devra répondre correctement à six d’entre elles. Il importe de préciser que toutes les phrases et toutes les questions sont à la disposition des demandeurs, qui peuvent les étudier et les mémoriser. En dépit de la simplicité apparente de ce test, les nouveaux citoyens américains sont profondément loyaux envers leur pays d’adoption, et les exemples récents de terroristes «de l’intérieur» ont produit un choc considérable. L’une des conclusions qui peut être tirée de la pratique de ces tests aux Etats-Unis est qu’ils contribuent à l’émergence d’un sentiment de réussite et d’appartenance, au lieu d’être ressentis comme un obstacle et une forme d’exclusion.
43. Une autre option est celle prévue en France, où l’échec au test n’entraîne pas le refus de l’admission mais seulement son report. L’échec affecte donc moins la vie familiale de la personne qui échoue au test et de ses proches.

3.5. Quelles conclusions peut-on tirer sur l’efficacité des tests d’intégration?

44. Malgré les exemples de réussite, il existe aussi des cas d’échec ou de personnes qui ont simplement renoncé avant de commencer. Pour beaucoup, la pression des cours et des tests préalables ou postérieurs à l’entrée dans le pays constitue souvent une barrière insurmontable qu’ils sont incapables de franchir. Il convient de souligner que le niveau minimum pour l’obtention de la nationalité dans de nombreux pays – le niveau B1 – en lecture, à l’écrit et en expression et compréhension orales correspond au niveau en langue étrangère acquis en fin d’études secondaires dans de nombreux pays européens. Dans certains pays, il arrive également que de nombreux citoyens de souche peinent à réussir un test à ce niveau dans leur langue maternelle.
45. Les informations disponibles étant très limitées, il est difficile de tirer des conclusions sur les effets à long terme des mesures et des tests d’intégration dans les quatre domaines d’intégration identifiés par le Conseil de l’Europe – économique, social, culturel et politique. Les évaluations disponibles sont plutôt à court terme et donnent généralement des résultats mitigés. Elles mettent cependant en avant la nécessité d’une approche flexible et personnalisée pour mieux répondre aux besoins des participants et s’adapter à leurs capacités. Si ceux-ci sont généralement reconnaissants du soutien apporté, notamment pour l’apprentissage d’une nouvelle langue, une certaine rancœur apparaît lorsque ce soutien doit être autofinancé. Une conclusion s’impose par conséquent: si les tests doivent être maintenus, il est indispensable que des études comparatives soient conduites pour évaluer leur efficacité à long terme, en tant qu’outil propre à favoriser des mesures d’intégration efficaces, viables et accessibles avant et après l’entrée dans le pays. Une liste de questions devra être posée, notamment celles figurant à l’annexe 3 au présent rapport.

4. Effets des tests: les droits de l’homme sont-ils en jeu?

46. Outre la question de l’efficacité des tests, il convient d’examiner leurs incidences sur les droits de l’homme, dont certaines ont déjà été évoquées dans notre rapport.
47. Avant toute chose, de nombreuses raisons permettent de penser que l’existence même des tests préalables à l’entrée dans le pays pour les personnes qui demandent le regroupement familial peut constituer une violation de leurs droits fondamentaux 
			(20) 
			Pour étudier plus avant
cette question, voir par exemple la page web ILMA (<a href='http://www.coe.int/lang-migrants/fr'>www.coe.int/lang-migrants/fr</a> (Mots
clés – Regroupement familial)): <a href='http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/liam/search_themes/Notices/Family_FR.asp'>www.coe.int/t/dg4/linguistic/liam/search_themes/Notices/Family_FR.asp</a><a href='http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/liam/default_fr.asp'>.</a>. Bien que les personnes qui migrent pour des motifs de mariage soient évidemment libres de choisir leur lieu de résidence, ce choix est souvent restreint par des considérations pratiques. Peut-on par exemple obliger une femme qui a réussi sa carrière professionnelle à retourner à la famine ou à la pauvreté dans son pays d’origine pour la simple raison qu’elle souhaite épouser un homme qui n’a pas réussi un test? De fait, dans ce cas de figure, les parties concernées se voient refuser le droit au respect de la vie familiale. Ce droit, consacré par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5), doit être protégé. Les Etats Parties à la Convention ne peuvent limiter ce droit que si cela s’avère strictement nécessaire dans une société démocratique. Un droit subjectif encore plus fort au regroupement familial est établi dans la Directive relative au droit au regroupement familial, adoptée par la plupart des Etats membres de l’Union européenne en 2003.

Le droit au regroupement familial

Le regroupement familial est un sujet d’actualité, car la directive de l’Union européenne qui le concerne est en cours de réexamen par la Commission européenne. Il constitue également une préoccupation de longue date pour le Conseil de l’Europe qui estime que le regroupement familial doit être considéré comme un droit fondamental. Le droit au respect de la vie familiale est naturellement consacré par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, de même que le droit au mariage énoncé à l’article 12. Le regroupement familial est aussi une composante essentielle d’une intégration réussie. Il est souvent avancé que la mise en place de mesures destinées à limiter l’immigration, notamment les tests, restreint ces droits fondamentaux. Ces restrictions réduisent à tout le moins la liberté des familles de choisir leur lieu de résidence. La mise en œuvre de tests préalables à l’entrée dans le pays peut également porter atteinte aux formes traditionnelles de mariage et causer une certaine rancœur chez les immigrés présents de longue date. De plus, sur le plan pratique, l’intégration est d’autant plus facile que les migrants n’ont pas à se soucier de leur famille restée dans un autre pays.

En novembre 2011, l’Union européenne a publié un Livre vert (COM(2011)735) sur le droit au regroupement familial des ressortissants de pays tiers résidant dans l’Union européenne. L’une des questions posées dans ce document concernait la disposition facultative (article 7.2) qui permet aux Etats membres d’exiger des ressortissants de pays tiers qu’ils se conforment aux mesures d’intégration. Cette disposition a été l’une des conditions les plus controversées et débattues lors des négociations sur la directive. Sous sa forme actuelle, celle-ci ne précise pas le contenu de ces mesures d’intégration ni comment elles doivent être appliquées. Toutefois, le Livre vert souligne que l’admissibilité des mesures d’intégration devrait dépendre des points de savoir si elles servent ou non à faciliter l’intégration et si elles respectent ou non les principes de proportionnalité et de subsidiarité. Pour les demandes de regroupement familial, les décisions concernant les tests à réussir devraient tenir compte de la disponibilité ou non de matériels (documents traduits, cours) pour s’y préparer et de leur accessibilité (situation, prix). Des circonstances individuelles particulières (telles qu’un analphabétisme prouvé ou une maladie) devraient également être prises en considération.

La synthèse des réponses des parties intéressées au Livre vert révèle des points de vue et des pratiques très variés parmi les Etats membres, allant de l’absence totale de mesures d’intégration à la participation obligatoire à des cours préalables ou postérieurs à l’entrée dans le pays et à la réussite de tests.

Il est préoccupant de constater que certains Etats membres ont proposé de modifier les règles sur cette question dans le sens d’une plus grande flexibilité pour avoir la possibilité d’introduire des mesures encore plus restrictives (notamment l’Autriche, l’Allemagne et les Pays-Bas). Je suis quasiment certaine que l’Autriche et l’Allemagne voulaient avoir l’assurance de pouvoir maintenir les tests préalables à l’entrée sur leur territoire, et non les rendre plus restrictifs. Il n’en va pas de même des Pays-Bas. D’autres Etats membres étaient favorables à une approche moins restrictive, plusieurs d’entre eux étant opposés à des mesures d’intégration obligatoires (Belgique, Finlande, Portugal, Roumanie et Slovaquie, ainsi que Turquie).

De nombreuses questions restent sans réponse et des recherches supplémentaires sont nécessaires. Un certain nombre de ces questions figurent à l’annexe 3.

Sur la base de cette consultation, la commissaire Malmström a annoncé qu’elle ne proposerait pas d’amendements à la directive, mais préconiserait l’élaboration de lignes directrices interprétatives pour aider les Etats membres à appliquer les dispositions. Par ailleurs, elle a annoncé que des procédures d’infraction seraient engagées à l’encontre des Etats membres qui ne respecteraient pas la directive.

Toutefois, en ce qui concerne le test préalable à l’entrée dans le pays, la Commission européenne a déjà clairement exprimé sa position. En 2011, en effet, elle a indiqué, dans le cadre d’une procédure devant la Cour de justice, qu’un test préalable à l’entrée dans le pays n’était pas conforme à la Directive relative au droit au regroupement familial si l’échec au test suffisait pour refuser le regroupement familial 
			(21) 
			Rechtbank Zwolle, Imran,
31 mars 2011 (Awb 10/9716).. Selon la Commission, l’article 7.2, vise à promouvoir l’intégration, mais ne peut pas être employé pour compromettre l’objectif de la directive, qui est de favoriser le regroupement familial 
			(22) 
			Commission
européenne, «Schriftelijke opmerkingen aan het Hof van Justitie
in de zaak C-155/11 PPU».. Cette position ne permet en aucun cas aux Etats membres de maintenir ces tests. Le point de vue de la Commission a déjà eu des effets dans des tribunaux nationaux. Par exemple en octobre 2012, le tribunal administratif de Berlin a demandé à la Cour de justice de l’Union européenne si le test de langue de l’Accord d’association CEE-Turquie devrait être autorisé et s’il était conforme à l’article 7.2 de la Directive relative au droit au regroupement familial 
			(23) 
			Tribunal administratif
de Berlin, arrêt du 25 octobre 2012, VG 29 K 138.12V.. Peu de temps après, un tribunal de district néerlandais a souscrit sans réserve à la position de la Commission devant la Cour de justice, en indiquant qu’une décision préjudicielle n’était pas nécessaire car l’interprétation de la Commission était parfaitement claire 
			(24) 
			Tribunal de district
de Den Bosch, arrêt du 23 novembre 2012, AWB 12/9408..

48. La Charte sociale européenne révisée protège également le droit au regroupement familial des migrants en vertu de son article 19.6, et le Comité européen des Droits sociaux s’est penché sur la question des exigences des tests liées aux politiques d’intégration. Cet examen a amené le comité à déclarer que le fait d’imposer aux membres de la famille du travailleur migrant de passer des tests de langue et/ou d’intégration pour entrer dans le pays ou une fois dans le pays, la réussite à ces tests étant une condition pour y rester, décourage la présentation des demandes de regroupement familial en raison de son caractère particulièrement contraignant, ce qui vide de son contenu l’obligation prévue à l’article 19.6 de son contenu. De l’avis du comité, ces exigences ne sont donc pas conformes à la Charte 
			(25) 
			Observation
interprétative relative à l’article 19.6, Conclusions 2011..
49. On peut aussi avancer que les tests requièrent un certain niveau de connaissances et de compétences. En conséquence, ils peuvent conduire à exclure les migrants à faible niveau d’instruction, entraînant des discriminations contre ceux qui n’ont pas reçu l’éducation nécessaire, quand bien même ils pourraient être des membres de la société utiles et productifs.
50. Se pose également la question de l’accès aux droits et aux avantages dans les sociétés d’accueil. Il existe un risque croissant que de nombreux migrants restent dans une situation incertaine. Ils peuvent se voir contraints de renouveler leurs titres de séjour temporaire au lieu de demander un titre de séjour permanent ce qui, dans beaucoup de pays, s’avérera coûteux. Cela peut être une source d’angoisse, et la question doit être posée: est-il juste et raisonnable de soumettre quelqu’un qui travaille depuis des années, et qui est productif et honnête, à l’incertitude d’une situation provisoire et précaire? Si les migrants conservent leurs titres de séjour temporaire parce qu’ils ne peuvent pas remplir les exigences fixées pour l’obtention d’un titre de séjour permanent, ils auront en général moins de chances de s’intégrer. Les migrants qui ont un titre de séjour temporaire, selon l’Etat membre dans lequel ils vivent, peuvent ne pas avoir pleinement accès au marché du travail, aux prestations sociales ou au droit de vote lors des élections locales.
51. La conséquence la plus lourde, en cas de non-obtention d’un titre de séjour permanent, est le maintien de l’insécurité en ce qui concerne le droit de séjour. Si, par exemple, une exigence de revenu n’est plus remplie, les migrants risquent de se voir retirer leur permis ou d’être expulsés. Cela ne peut qu’affecter leurs perspectives d’intégration. Bien que les conditions fixées par les Etats membres visent à promouvoir l’intégration, elles peuvent produire l’effet inverse pour les migrants qui souhaitent s’intégrer mais n’ont pas les capacités voulues pour réussir les tests. Dans certains Etats membres, ils peuvent même perdre leur titre de séjour temporaire s’ils ne remplissent pas les critères d’intégration (par exemple en Autriche et aux Pays-Bas). Enfin, est-il approprié de refuser le séjour à quelqu’un qui est bien intégré, au regard des critères d’intégration définis par le Conseil de l’Europe, simplement parce qu’il échoue à un test?
52. Il existe aussi des questions particulières à propos des réfugiés. Selon le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, il faut garder à l’esprit que les personnes qui sont contraintes de quitter leur domicile et leur pays n’ont pas toujours tous les documents requis en leur possession et que le traumatisme et la pression qu’elles subissent peuvent avoir un impact sur leur capacité d’apprendre une nouvelle langue, malgré leurs efforts et leurs bonnes dispositions. De plus, les tests de langue et les examens relatifs à l’histoire et à la culture du pays d’accueil peuvent être plus difficiles pour certaines catégories de réfugiés et de migrants volontaires, notamment les personnes âgées et les personnes peu instruites ou illettrées. Les conséquences de l’incertitude quant à un séjour permanent sont sans doute encore plus lourdes pour les réfugiés ou les migrants qui ont obtenu un permis à titre humanitaire. Pour eux, ce sera une peur constante de l’expulsion vers un pays dans lequel ils risquent d’être persécutés ou de subir des violences arbitraires et où ils ont peut-être enduré des traumatismes physiques et/ou mentaux, dont ils préféreraient chasser le souvenir.
53. Des travaux supplémentaires s’imposent pour examiner les incidences de ces tests sur les droits de l’homme. Comme pour d’autres parties du présent rapport, certaines de ces questions figurent à l’annexe 3.

5. Conclusion et recommandations

54. Les tests ont été introduits à l’initiative d’un petit nombre de pays, mais ils sont aujourd’hui largement répandus. De ce fait, il est légitime et approprié que leur utilisation et leur efficacité fassent l’objet d’un examen critique, en particulier lorsqu’il est à craindre qu’ils portent atteinte aux droits de l’homme, lorsqu’ils ont des conséquences involontaires, lorsqu’ils excluent des personnes pouvant légitimement prétendre à l’entrée, au séjour permanent ou à la nationalité, et lorsqu’ils fonctionnent en réalité comme des mesures restrictives masquées en initiatives d’intégration. La principale question pour l’Europe est donc de déterminer dans quelle mesure les tests promeuvent l’intégration, et à quel moment ils deviennent un obstacle et commencent de fait à la freiner.
55. Dans certaines circonstances, il peut être approprié d’engager le processus d’intégration avant l’entrée dans le pays. Il peut sembler logique, voire bénéfique de donner aux aspirants migrants une vision claire des réalités du pays dans lequel ils veulent immigrer. Il arrive souvent que certains acteurs, mais aussi des proches et des amis bien intentionnés dressent un tableau idyllique de la vie dans un autre pays. En conséquence, une description précise et honnête peut contribuer à modérer les attentes et à favoriser l’intégration. On peut aussi considérer comme légitimes certaines formes de tests destinés à vérifier que les personnes ont réellement assimilé les informations qui leur ont été données et la formation qui leur a été dispensée.
56. Il existe des exemples positifs de pays dispensant aux demandeurs des formations gratuites ou subventionnées à la langue et à la connaissance du pays d’accueil avant leur arrivée dans le pays. Cette pratique devrait être encouragée, car elle favorise clairement l’intégration. Néanmoins, si ces programmes sont associés à un test formel, celui-ci devrait uniquement permettre de déterminer les mesures de soutien supplémentaires qui pourraient être nécessaires après l’entrée dans le pays, et non permettre à lui seul d’exclure des migrants qui répondent à tous les autres critères requis pour l’entrée.
57. Une question connexe est celle du niveau de compétence requis pour les tests de langue préalables à l’entrée dans le pays. Les niveaux doivent être accessibles et les apprenants doivent bénéficier d’un appui solide. Il devrait exister d’autres options que les tests formels pour ceux qui n’ont pas le degré d’alphabétisation nécessaire pour les passer. Les migrants qui ont échoué aux tests malgré tous leurs efforts ne devraient en aucun cas être exclus du regroupement familial. Autrement dit, s’il convient d’exiger un effort, on ne peut en aucun cas exiger un niveau donné de connaissances.
58. Pour ce qui est des tests postérieurs à l’entrée dans le pays, ils étaient conçus à l’origine pour vérifier que les personnes qui demandaient la nationalité avaient une connaissance suffisante de la langue (et ultérieurement une connaissance du pays) de la société d’accueil. Il existe quelques exemples de bonnes pratiques où le niveau exigé lors des tests est approprié, d’autres options étant disponibles, et où les candidats bénéficient d’un soutien efficace pour se préparer. Cependant, ces exemples se font de plus en plus rares et, plus préoccupant encore, des pays qui avaient de bons modèles sont en voie de les réviser et de durcir le système.
59. Fait plus préoccupant encore, les tests initialement mis en place aux fins de l’acquisition de la nationalité sont de plus en plus utilisés pour déterminer si une personne peut bénéficier d’un titre de séjour permanent. Il est évident que l’incertitude quant à leur futur statut et la précarité de leur résidence restreignent la capacité et la motivation des migrants à s’investir dans leur intégration. De plus, un permis de séjour temporaire peut compromettre les chances d’intégration, notamment en raison de moins bonnes perspectives d’emploi, de l’inégibilité aux prestations sociales, de l’impossibilité de contracter des emprunts immobiliers, etc.
60. De même, le fait de fixer des niveaux de compétence inatteignables pour certains migrants les empêchera d’accéder à l’ensemble de leurs droits et responsabilités. Les groupes les plus vulnérables à cet égard incluent les personnes âgées et les personnes peu instruites ou ayant un niveau d’alphabétisation faible.
61. Bien que les pays soient parfaitement en droit de chercher à réduire ou à encadrer l’immigration, le fait d’employer à cette fin des moyens décrits comme des mesures d’intégration ne pourra que dévaloriser les programmes authentiquement consacrés à ce but.
62. Le regroupement familial pose un problème particulier. Les tests ayant pour effet d’exclure des personnes qui, pour le reste, remplissent les conditions d’entrée, ou qui peuvent potentiellement porter atteinte aux droits de l’homme des intéressés, ne devraient pas être admis 
			(26) 
			La
commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées
a déjà déclaré par le passé «qu’une condition liée à la connaissance
(relative, par exemple, à la langue ou à la société des Etats d’accueil)
est une condition de regroupement familial discriminatoire en elle-même
et une menace à la vie de famille, contraire ainsi au but de la Directive
sur le regroupement familial», Note de position sur le regroupement
familiale (document AS/Mig (2012) 01 rev, paragraphe 14).. Nous devrions également faire en sorte que l’échec à un test postérieur à l’entrée dans le pays ne prive pas la personne concernée de l’accès aux services, aux droits et aux prestations dont elle aurait autrement bénéficié.
63. Des recherches supplémentaires sur l’efficacité des tests dans la promotion de l’intégration sont nécessaires, par exemple pour déterminer quel est le niveau de compétence linguistique approprié et identifier les meilleures façons de développer ce niveau de compétence. Il conviendrait par ailleurs d’étudier les niveaux de compétence qui sont raisonnablement accessibles aux personnes ayant un faible niveau d’alphabétisation.
64. En 2012, le Conseil de l’Europe a ouvert un site web consacré à l’intégration linguistique des migrants adultes (ILMA) 
			(27) 
			<a href='http://www.coe.int/lang-migrants/fr'>www.coe.int/lang-migrants/fr</a>.. Les principaux objectifs de ce site sont d’offrir une plateforme permettant aux Etats membres d’échanger des expériences et de réfléchir ensemble sur les politiques et les pratiques dans ce domaine; d’aider les Etats membres à élaborer des politiques cohérentes et efficaces (ou à réexaminer les politiques existantes), dans le respect des valeurs et des principes communs du Conseil de l’Europe; de proposer un soutien pratique (dont des outils) pour la mise en œuvre effective et l’évaluation de ces politiques; et d’encourager les bonnes pratiques et l’assurance de la qualité dans le cadre des formations et des tests linguistiques.
65. Les travaux déjà entrepris par l’Unité des politiques linguistiques du Conseil de l’Europe constituent donc un outil précieux pour aider les Etats membres à élaborer des politiques, des cours et des tests linguistiques adaptés aux besoins des migrants, mais aussi de la société. En se fondant sur les principes directeurs énoncés sur le site web ILMA, les Etats membres devraient être invités :
  • à définir les niveaux de compétences requis d’une manière réaliste et flexible qui reflète les besoins réels et les capacités de chacun des migrants;
  • à s’assurer que les tests officiels – là où il y est fait recours – sont conformes à des standards de qualité reconnus et ne sont pas dévoyés de leur finalité pour exclure les migrants de la société;
  • à concevoir des mesures incitatives efficaces plutôt que des sanctions inopérantes; ces mesures pourraient comprendre des récompenses concrètes pour l’apprentissage de la langue, par exemple par un accès plus rapide à l’emploi ou aux prestations sociales, ce qui renforcerait la motivation;
  • à examiner les avantages et les inconvénients de différents types de tests et à se concentrer sur les «bonnes pratiques» pour la conception des tests;
  • à veiller à ce que les tests se déroulent dans des conditions équitables pour tous.
66. Les Etats membres devraient être encouragés à trouver d’autres solutions qui pourraient être plus justes et moins discriminatoires pour tous les migrants ou pour des groupes particuliers de migrants. Il est urgent de conduire des études d’évaluation comparatives supplémentaires sur l’efficacité des tests à long terme en tant qu’outil propre à favoriser des mesures d’intégration efficaces, viables et accessibles avant et après l’entrée dans le pays. Il serait notamment utile d’examiner dans quelle mesure le mode d’entrée sur le territoire (travailleur migrant, membre de la famille, asile) devrait être pris en compte. Nous devrions envisager d’associer l’Unité des politiques linguistiques du Conseil de l’Europe à ces travaux. Cette unité est bien placée pour apporter des conseils dans ce domaine et pourrait également être invitée à réfléchir aux travaux supplémentaires qui pourraient être entrepris en s’appuyant sur le CECR pour en faire un outil mieux adapté aux tests de langue génériques et à expérimenter certains processus qu’elle a développés.
67. Dernier point, et non des moindres, il conviendrait d’effectuer un examen complet, ouvert et impartial des risques que présente pour l’intégration de certains migrants le fait de ne leur accorder qu’un droit de séjour temporaire en raison de leur incapacité à réussir un test linguistique ou d’intégration.

Annexe 1 – Etudes de cas reflétant l’évoluton des tests d’intégration dans le temps

(open)

Le Royaume-Uni

Dans le cas du Royaume-Uni, il est particulièrement intéressant d’observer l’évolution des conditions requises. La loi de 1948 sur la nationalité britannique (British Nationality Act) exigeait simplement que le candidat ait «une connaissance suffisante de la langue anglaise». En 1981, la disposition a été modifiée, pour exiger du candidat une connaissance suffisante de l’anglais, du gallois ou du gaélique écossais. En 2002 cependant, la loi sur la nationalité, l’immigration et l’asile a établi pour la première fois un critère objectif. Il s’agit de l’équivalent du «niveau B1» du Cadre européen commun de référence pour les langues (CECR) du Conseil de l’Europe.

Il existait toutefois une autre option, qui consistait à montrer les progrès réalisés et le passage d’un niveau de langue au suivant grâce à un cours de langue intégrant un programme d’enseignement spécifiquement consacré à la citoyenneté. Cette autre voie vers la citoyenneté avait clairement pour ambition d’accompagner les candidats pour lesquels il serait difficile voire impossible d’atteindre le niveau requis, peut-être du fait d’un faible niveau d’instruction ou de compétences dans leur propre langue.

En 2005 a été mis en place le test de connaissance de la vie au Royaume-Uni (Life in the UK), accompagné d’un manuel. L’objet de ce test (informatique) n’était pas de modifier les conditions requises pour l’entrée au Royaume-Uni, mais d’offrir un moyen d’évaluation plus pragmatique et plus rentable. Le test de langue restait toutefois en place, le test de connaissance ne constituant qu’une option supplémentaire.

En 2007, ce dernier devint cependant indispensable pour l’obtention d’un titre de séjour permanent (sans qu’il fût nécessaire de le repasser pour l’obtention de la citoyenneté). L’objectif de ce tournant politique était de garantir l’intégration de toute personne désireuse de résider à titre permanent au Royaume-Uni. Le dispositif centré sur les «progrès réalisés» a cependant été maintenu pour les personnes dont les compétences linguistiques étaient insuffisantes pour passer le test. En 2010, le Royaume-Uni a franchi une étape supplémentaire en instituant pour les conjoints une condition de niveau de langue à remplir préalablement à l’entrée dans le pays, analogue à celle instaurée précédemment aux Pays-Bas, en 2006. Désormais, toute personne désireuse d’entrer au Royaume-Uni en qualité de conjoint doit prouver qu’elle a passé un test de langue avant qu’un visa d’entrée ne lui soit délivré. Le niveau exigé est inférieur à celui défini précédemment pour l’obtention de la citoyenneté (à savoir A1 au lieu de B1 du CECR). Mais à la différence du modèle néerlandais, le test ne comporte pas de volet civique. L’objectif déclaré était ici aussi de favoriser l’intégration.

La situation devrait changer prochainement, avec un fort durcissement des conditions requises. A compter d’octobre 2013, toute demande de titre de séjour permanent ou de citoyenneté sera subordonnée à la réussite d’un nouveau test fondé sur la troisième édition du manuel Life in the UK, qui portera essentiellement sur la culture et l’histoire britanniques. Le niveau de langue requis pour l’obtention d’un titre de séjour permanent sera B1 au lieu de A1 pour tous les demandeurs, et l’option «progrès réalisés» disparaîtra.

Les Pays-Bas

Jusqu’au début des années 1980, les Pays-Bas n’avaient pas de réelle politique dans ce domaine. Les migrants, ou «travailleurs invités» comme on les appelait fréquemment étaient censés retourner dans leur pays d’origine. Cela n’a pas été le cas et bon nombre d’entre eux ont demandé que leurs familles les rejoignent. Dans les années 1980, le gouvernement a décidé de prendre ses responsabilités à l’égard des migrants en adoptant une politique «en faveur des minorités» destinée à renforcer leurs droits et à améliorer leur intégration. Aux termes de la loi néerlandaise sur la nationalité, la naturalisation cesse d’être une «faveur» pour devenir un droit, l’obtention de la nationalité étant toutefois subordonnée à des conditions de langue et d’intégration, c’est-à-dire que les nouveaux arrivants doivent être en mesure d’avoir un bref entretien avec un fonctionnaire municipal.

Suite à une augmentation du nombre de personnes naturalisées, certains partis politiques ont considéré que la naturalisation était devenue trop facile, et que les exigences posées aux migrants étaient insuffisantes. Le gouvernement a néanmoins adopté une politique mettant l’accent sur la nécessité de laisser aux migrants eux-mêmes le soin de s’intégrer. En 1998, il a entrepris de modifier cette politique après l’adoption de la loi relative à l’intégration des nouveaux arrivants. Cette loi énonçait l’obligation pour les nouveaux arrivants de suivre des cours d’intégration s’achevant par un test destiné à évaluer leurs compétences linguistiques, l’objectif étant d’atteindre le niveau A2 du CECR. Ce niveau était non atteint dans 60 % des cas. Les cours et les tests étaient gratuits et les décrocheurs passibles d’une amende. Cela étant, rares furent les amendes infligées, car la plupart des nouveaux arrivants ayant trouvé un emploi, il eût été vain et coûteux de les contraindre à s’en acquitter ou à poursuivre les cours, dès lors qu’ils avaient franchi le cap majeur vers l’intégration.

La loi relative à l’intégration des nouveaux arrivants a grandement influé sur le débat relatif à la loi sur la nationalité néerlandaise. D’aucuns ont considéré que l’on avait tort d’attendre plus des nouveaux arrivants en termes de langue et d’intégration que des futurs citoyens néerlandais. La loi sur la nationalité néerlandaise a par conséquent été modifiée et, depuis le 1er avril 2003, l’obtention de la nationalité néerlandaise est subordonnée à la réussite d’un «test de naturalisation» exigeant le niveau A2 en langue orale et écrite, et vérifiant la connaissance qu’ont les demandeurs de la société néerlandaise. Le coût du test a été fixé à 260 euros. Cela étant, 40% des inscrits au test ne l’ont pas réussi. Après sa mise en place, le nombre des naturalisations a chuté de 50 %. Paradoxalement, il n’y a pas eu de débat parlementaire sur les incidences de cette baisse et la question de savoir si elle était ou non souhaitable et bénéfique en termes d’intégration n’a pas été posée.

Les attentats terroristes du 11 septembre ont conduit à un nouveau débat sur l’immigration et l’intégration aux Pays-Bas, avec l’ascension de Pim Fortuyn et de son parti, la Liste Pim Fortuyn (LPF). L’idée a été avancée que l’intégration devait commencer dans le pays d’origine, et se poursuivre après l’arrivée aux Pays-Bas. En vertu d’une nouvelle loi entrée en vigueur en 2007, l’une des conditions requises pour obtenir un titre de séjour permanent et la naturalisation, ainsi qu’un titre de séjour indépendant était la réussite à un examen, dont le niveau de langue était maintenu à A2 (malgré le faible taux de réussite) et qui cessait d’être financé par l’Etat. Les cours étaient dorénavant payants et les migrants avaient la possibilité d’obtenir un prêt (et, en cas de réussite à l’examen, le remboursement de 70 % des frais engagés dans la limite de 3 000 euros). Il est vite apparu que le nouveau dispositif ne produisait pas les résultats escomptés. Vu le coût des cours, peu de migrants les suivaient. Ils ont été plus nombreux, à partir de l’automne 2007, quand le gouvernement a entrepris de financer l’intégration de l’ensemble des migrants. Cependant, le financement de l’intégration a subi de nouvelles réductions. Aujourd’hui, seuls les réfugiés ont droit au remboursement des frais engagés pour leurs cours d’intégration, ce qui entraînera presque certainement une diminution du nombre de personnes qui suivent ces cours. Dans le même temps, faute de réussite au test dans un délai de trois ans, le permis de séjour peut être retiré, ce qui peut affecter tous les membres de la famille, puisqu’ils constituent le groupe cible de la Loi d’intégration civile.

Annexe 2 – «Cadre européen commun de référence pour les langues: apprendre, enseigner, évaluer» (CECR), Conseil de l’Europe

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Cet outil de référence vise à fournir une base transparente, cohérente et exhaustive pour l’élaboration de lignes directrices relatives aux curriculums, la conception de matériels d’enseignement et d’apprentissage et l’évaluation des compétences en langues. Comme son nom l’indique, le CECR est un cadre de référence, et non un instrument normatif.

Le CECR définit une échelle de six niveaux communs de référence répartis en trois niveaux généraux :

A1 et A2: utilisateur de niveau élémentaire

B1 et B2: utilisateur autonome

C1 et C2: utilisateur expérimenté

Il utilise des descripteurs de «capacité à faire» pour indiquer les capacités de l’utilisateur/l’apprenant à chaque niveau – ce que les apprenants peuvent faire avec la ou les langues qu’ils apprennent. Les niveaux ne sont pas des points fixes sur une échelle ascendante de compétences en langue mais des plages de plus en plus larges de compétences.

L’une des caractéristiques du CECR est sa flexibilité, rendue possible par des subdivisions à l’intérieur de ces niveaux. Le CECR emploie une série de descripteurs pour indiquer précisément le niveau de compétence d’un apprenant dans chacun des domaines de la production écrite et orale et de la compréhension écrite et orale (il existe 34 échelles, résumées dans une «grille d’auto-évaluation»), car il est rare qu’une personne soit également compétente dans tous ces domaines.

L’originalité et l’utilité de ce processus résident dans le fait qu’il ne débouche pas sur des niveaux «figés»; il prévoit des niveaux intermédiaires et peut notamment servir à déterminer les domaines spécifiques sur lesquels un apprenant peut avoir à travailler pour atteindre ses objectifs.

Le CECR permet en particulier de définir des «profils», par exemple un niveau A2 pour la production orale, mais A1 pour la compréhension ou la production écrites, plutôt que des niveaux homogènes (A2 pour toutes les compétences). Lorsque les niveaux du CECR sont adaptés à des fins officielles telles que le permis de séjour ou la nationalité, il est important de fixer des niveaux réalistes et accessibles, en gardant à l’esprit que la majorité des locuteurs natifs n’atteignent pas les niveaux supérieurs du CECR.

Annexe 3 – Questions de refléxion concernant les tests d’intégration

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Questions sur les effets des tests d’intégration:

  • Les tests favorisent-ils l’intégration? Ont-ils d’autres effets (peut-être imprévus)?
  • Dans quelle mesure le mode d’entrée sur le territoire (travailleur migrant, membre de la famille, réfugié) a-t-il une incidence? 
			(28) 
			Gelderloos,
W. & J. van Koert (2010), Inburgeren en Participeren. Verslag
van vier Kwalitatieve Casestudies naar de Effecten van Inburgering
op Participatie. Den Haag: B&A Consulting bv.
  • L’offre de cours a-t-elle une incidence sur les résultats obtenus?
  • Comment peut-on comparer l’efficacité des politiques d’intégration selon qu’elles prévoient ou non des tests?
  • Quels indicateurs de l’intégration autres que les tests peut-on utiliser?
  • Les tests contribuent-ils à l’intégration des migrants et, dans l’affirmative, dans quelle mesure?
  • Quand les tests linguistiques ou les tests d’intégration cessent-ils d’avoir un effet positif pour devenir au contraire une source de difficultés?
  • Pour les personnes illettrées ou ayant un faible niveau d’alphabétisation dans leur propre langue, où situer le niveau de compétence pour qu’il puisse être atteint de façon réaliste?
  • Puisque cela s’est avéré beaucoup plus efficace et fructueux, les migrants devraient-ils être encouragés et bénéficier d’une aide pour prendre des cours de langue dès qu’ils arrivent dans le pays d’accueil?
  • Serait-il plus approprié d’enseigner la langue du pays d’accueil pendant la période d’attente, après le dépôt de la demande de visa?

Questions relatives au regroupement familial:

  • Quels garde-fous doivent être mis en place pour que les membres de la famille de personnes ayant le statut de réfugié qui sollicitent le regroupement familial ne soient pas désavantagés par des tests avant ou après leur entrée sur le territoire?
  • Dans quelle mesure le fait de subordonner le regroupement familial à la réussite de tests améliore-t-il les perspectives d’intégration après l’arrivée du conjoint?
  • Dans quelle mesure ces tests constituent-ils un obstacle au regroupement familial?
  • Quelles pourraient être les conséquences imprévues d’un refus du regroupement familial (séparation de longue durée, moindres perspectives d’intégration pour le conjoint vivant en Europe, migration irrégulière)?
  • Compte tenu du droit au regroupement familial, dans quelle mesure des conditions en matière d’intégration ou de connaissance de la langue peuvent-elles être imposées à des conjoints qui souhaitent être réunis?

Questions sur les incidences de ces tests sur les droits de l’homme :

  • Les tests formels ne font-ils que restreindre ou retarder le regroupement familial, l’obtention d’un permis de séjour permanent ou l’acquisition de la nationalité pour les personnes ayant le statut de réfugié?
  • Les tests préalables à l’entrée dans le pays enfreignent-ils le droit au respect de la vie familiale ou le droit au mariage et, dans l’affirmative, quelles sont les solutions possibles?
  • Quelles catégories de migrants échouent aux tests et sont de ce fait exclus de certains droits en matière de séjour?
  • De quelle façon cette exclusion affecte-t-elle leur intégration ou leurs perspectives d’intégration?
  • Comment peut-on mettre en place des garde-fous pour éviter que les mesures d’intégration ne soient utilisées comme moyen de réduire l’immigration?
  • Si elles sont perçues comme telles, quelle incidence cela a-t-il sur la crédibilité accordée à ces mesures?
  • Quels sont les risques pour l’intégration et les droits de l’homme d’autoriser certains migrants à séjourner seulement à titre temporaire parce qu’ils ont échoué à un test linguistique ou d’intégration?
  • Le fait d’expulser une personne de sa société d’accueil ou de lui infliger des sanctions pour le simple motif qu’elle a échoué à un test d’intégration constitue-t-il une violation de ses droits de l’homme?