1. Introduction
et dispositions réglementaires pertinentes
1. Lors de la séance de l’Assemblée du 24 juin 2013,
M. José Mendes Bota, Vice-président de la commission sur l’égalité
des chances pour les femmes et les hommes, et plusieurs membres
de l’Assemblée ont contesté les pouvoirs non encore ratifiés de
la délégation nationale de l’Islande auprès de l’Assemblée parlementaire
pour des raisons formelles, conformément à l’article 7.1.b du Règlement, au motif que ladite délégation
ne comportait aucune femme en qualité de représentante, en méconnaissance
de l’article 6.2.a.
2. La
Résolution 1781
(2010) «30% au moins de représentants de chaque sexe au sein
des délégations nationales de l’Assemblée» a modifié les articles
6.2.
a et 7.1.
b du Règlement, et a fixé de nouvelles
conditions relatives à la représentation des sexes, en renforçant
les dispositions existantes visant à promouvoir une participation
plus équilibrée des femmes et des hommes.
3. L’article 6.2.
a, deuxième phrase, dispose
que:
«Les délégations nationales
doivent comprendre un pourcentage de membres du sexe sous-représenté au
moins égal à celui que compte actuellement leur parlement et, au
minimum, un membre du sexe sous-représenté désigné en qualité de
représentant.»
4. L'absence de l'inclusion d'au moins un membre du sexe sous-représenté
en qualité de représentant dans une délégation nationale est expressément
reconnue par l'article 7.1.
b du
Règlement comme un motif qui justifie la contestation des pouvoirs
de cette délégation:
« Les pouvoirs
peuvent être contestés par au moins dix membres de l’Assemblée présents
dans la salle des séances, appartenant à cinq délégations nationales
au moins, se fondant sur des raisons formelles basées sur (...)
les principes énoncés dans l’article 6.2 du Règlement selon lesquels
les délégations parlementaires nationales doivent être composées
de façon à assurer une représentation équitable des partis ou groupes
politiques existant dans leurs parlements et comprendre, en tout
état de cause, un membre du sexe sous-représenté désigné en qualité
de représentant.»
5. La commission du Règlement, des immunités et des affaires
institutionnelles doit donc examiner si la composition de la délégation
islandaise a méconnu les principes établis par l’article 6.2.a du Règlement de l’Assemblée.
6. Enfin, aux termes de l’article 7.2, «si la commission conclut
à la ratification des pouvoirs, elle peut transmettre au Président
de l’Assemblée un simple avis dont il donnera lecture en Assemblée
plénière ou en Commission permanente, sans que celles-ci en débattent.
Si la commission conclut à la non-ratification des pouvoirs ou à
leur ratification assortie de la privation ou de la suspension de
certains des droits de participation ou de représentation, le rapport
de la commission est inscrit à l’ordre du jour pour débat dans les
délais prescrits».
2. Conformité
de la composition de la délégation parlementaire de l’Islande avec
l’article 6.2 du Règlement de l’Assemblée
7. A la suite d’élections législatives, le parlement
de l’Islande – l’Alþingi – a présenté les pouvoirs de sa nouvelle
délégation à l’ouverture de la partie de session de l’Assemblée
de juin 2013. Le rapport du Président de l’Assemblée sur la vérification
des pouvoirs des représentants et des suppléants pour la troisième
partie de la session ordinaire de 2013 de l'Assemblée (
Doc. 13235) montre que la délégation nationale islandaise ne comporte
aucune femme en qualité de représentante.
2.1. Pouvoirs des membres
de la délégation de l’Islande transmis le 19 juin 2013
8. La délégation parlementaire islandaise se compose,
en application des articles 25 et 26 du Statut du Conseil de l'Europe
(STE n° 1), de trois représentants et trois suppléants. Le rapport
du Président de l’Assemblée sur la vérification des pouvoirs des
représentants et des suppléants pour la troisième partie de la session
ordinaire de 2013 de l'Assemblée mentionne que la composition de
la délégation parlementaire islandaise s’établit de la manière suivante:
Représentants:
Mr Karl GARÐARSON (Progressive Party)
Mr Ögmundur JÓNASSON (Left-Green Movement)
Mr Brynjar NÍELSSON (Independence Party)
Suppléants:
Mr Guðbjartur HANNESSON (Social Democratic Alliance)
Ms Unnur Brá KONRÁÐSDÓTTIR (Independence Party)
Ms Jóhanna María SIGMUNDSDÓTTIR (Progressive Party)
9. Après réception des pouvoirs de la délégation islandaise,
le Secrétariat de l’Assemblée parlementaire s’est mis en relation
avec elle. Aucun courrier n’a été formellement adressé au Président
de l’Assemblée pour fournir des éléments d’explication. Toutefois,
il a été indiqué au Secrétariat de l’Assemblée, par courrier électronique,
que la délégation a été élue (en séance plénière) le 6 juin 2013,
sur la base des propositions de nomination des différents partis
politiques sans que ceux-ci se soient préalablement consultés, et
que le non-respect des conditions fixées par le Règlement de l’Assemblée
n’avait été découvert qu’ultérieurement ; les procédures internes
en vigueur à l’Alþingi n’ont pas permis d’opérer une modification
de la délégation en temps utile avant la partie de session, notamment
par impossibilité d’organiser une concertation entre les groupes politiques
dans des délais rapprochés. L’assurance a été donnée que les partis
politiques concernés pourraient à nouveau délibérer de la composition
de la délégation avant la partie de session suivante de l’Assemblée,
en octobre 2013.
10. Rappelons également que la mention de ces dispositions réglementaires
figure expressément dans le courrier adressé chaque année par le
Secrétaire général de l’Assemblée parlementaire aux présidents des parlements
des Etats membres, au début du mois précédant l’ouverture de la
nouvelle session, afin que ceux-ci en tiennent compte dans la désignation
de leurs délégations.
11. Lors de sa réunion du 24 juin 2013, la commission du Règlement
a tenu un échange de vues avec M. Garđarson, président de la délégation
islandaise. Celui-ci a confirmé les éléments d’information susmentionnés
et a indiqué que la délégation serait modifiée dans les délais pour
la partie de session d’octobre 2013 de l’Assemblée.
2.2. Evaluation
12. La contestation des pouvoirs de la délégation islandaise
se fonde sur une méconnaissance de la disposition concernant la
désignation, en qualité de représentant, au sein d’une délégation
d’au minimum un membre du sexe sous-représenté (l’article 6.2.
a du Règlement). Au vu de la composition
de la délégation figurant ci-dessus, ainsi que du tableau de la
représentation des hommes et des femmes au sein du parlement islandais
et au sein de
la délégation parlementaire, il apparaît clairement que les femmes
font partie de la catégorie du sexe sous-représenté.
13. Conformément à l’article 25 du Statut, les membres (représentants
et suppléants) d’un Etat membre du Conseil de l'Europe auprès de
l’Assemblée sont «élus par [leur] parlement en son sein ou désignés
parmi les membres du parlement selon une procédure fixée par celui-ci».
Le Règlement établit, par ailleurs, les conditions à satisfaire
en matière de composition des délégations ayant trait, notamment,
à la représentation équitable des partis ou groupes politiques ou
à la désignation des membres du sexe sous-représenté.
14. La délégation visée par la contestation des pouvoirs ne remplit
pas, à l’évidence, la condition fixée à l’article 6.2.a d’avoir au sein d’une délégation
nationale au moins un membre du sexe sous-représenté en qualité
de représentant.
15. Il convient de rappeler la position de principe de l’Assemblée
réaffirmée dans sa
Résolution
1585 (2007) relative au principe d’égalité des sexes à l’Assemblée
parlementaire suivant lequel les parlements nationaux doivent s’assurer
que les délégations nationales à l’Assemblée comprennent un pourcentage
de femmes au moins égal à celui que comptent leurs parlements nationaux
«en se fixant comme objectif une proportion de 30 % au minimum,
tout en gardant à l’esprit que le seuil devrait être de 40 %».
16. L’Assemblée a déjà eu à connaître d’une contestation des pouvoirs
des délégations de l’Irlande et de Malte, en 2004, au motif que
celles-ci ne comportaient pas au moins une femme parmi leurs membres,
ce qui constituait une obligation réglementaire à l’époque des faits.
L’Assemblée avait alors décidé
de ratifier les pouvoirs des délégations
irlandaise et maltaise en assortissant, toutefois, la ratification
d’une suspension de droit de vote des membres des délégations concernées
à l’Assemblée et dans ses organes jusqu’à ce que les compositions
de ces délégations soient conformes à l’article 6.2.
a du Règlement.
17. Dans l’exposé des motifs figurant dans le rapport, la commission
du Règlement a considéré qu’il était «excessif de déclarer que l’ensemble
de la délégation nationale n’est pas en conformité avec le Règlement et de
refuser l’accréditation des pouvoirs de tous les membres», et que
«l’Assemblée ne peut sélectionner elle-même lequel des sièges alloués
à une délégation parlementaire nationale n’est pas correctement
pourvu et ne peut arbitrairement déclarer que les pouvoirs de tel
ou tel membre de la délégation concernée ne sont pas ratifiés».
18. Un second précédent est intervenu en janvier 2011, lorsque,
à l’ouverture de la session ordinaire de l’Assemblée de 2011, l’Assemblée
avait examiné une contestation, pour des raisons formelles, des
pouvoirs non encore ratifiés des délégations parlementaires du Monténégro,
de Saint-Marin et de la Serbie, reposant sur le même motif, à savoir
qu’elles ne comprenaient aucune femme en qualité de représentante.
L’Assemblée avait alors adopté la
Résolution 1789 (2011), sur la base d’un rapport de la commission du Règlement,
par laquelle elle décidait de ratifier les pouvoirs des délégations
parlementaires concernées mais de suspendre leurs membres de leur
droit de vote à l’Assemblée et dans ses organes à compter du début
de la partie de session suivante et jusqu’à ce que la composition
de ces délégations soit conforme au Règlement.
19. La commission du Règlement avait alors relevé, dans son rapport
, que, «pour des parlements de petite taille,
il peut être difficile de composer des délégations parlementaires
qui respectent tous les critères fixés par la Règlement – représentation
équitable des partis ou groupes politiques, et représentation des
sexes. (…) La commission admet également que les procédures dans
certains parlements ne leur permettent pas de modifier la composition
de leurs délégations parlementaires aisément, dès lors que ces procédures
prévoient la désignation des délégations pour la durée d’une législature,
la consultation ou la décision des groupes politiques, ou la nécessaire
ratification de la composition en séance plénière».
3. Conclusions
20. La commission du Règlement, des immunités et des
affaires institutionnelles considère que les pouvoirs de la délégation
parlementaire islandaise ont été valablement contestés au motif
que la délégation ne comportait pas au moins une femme en qualité
de représentant et ce, en méconnaissance à l’article 6.2.a du Règlement.
21. Conformément à l’article 7.3 du Règlement, la commission peut
proposer, dans son rapport:
- la
non ratification des pouvoirs de la délégation;
- la ratification des pouvoirs de la délégation;
- la ratification des pouvoirs de la délégation, assortie
de la privation ou de la suspension de l’exercice par les membres
concernés de certains droits de participation ou de représentation
en ce qui concerne les activités de l’Assemblée et de ses organes.
22. La commission du Règlement considère que dans le cas dont
elle est saisie, il convient d’adopter à l’égard de la délégation
concernée la même position que celle qui a prévalu en 2011, en se
référant à la
Résolution
1789 (2011).
23. En conséquence, et compte tenu des assurances fournies par
le Parlement islandais, la commission propose à l’Assemblée de ratifier
les pouvoirs de la délégation parlementaire islandaise, mais de
prévoir la suspension automatique du droit de vote de leurs membres
à l’Assemblée et dans ses organes, conformément à l’article 7.3.c du Règlement, à compter de la
partie de session d’octobre 2013 si la composition de la délégation
n’a pas été mis en conformité à l’article 6.2.a du
Règlement à cette date et de nouveaux pouvoirs présentés, s’agissant
de la désignation d’au moins un membre du sexe sous-représenté en
qualité de représentant, et jusqu’à ce qu’elle le soit.
Remarques additionnelles
24. La formulation des articles 6.2, 7.1 et 7.2 du Règlement,
en ce qu’ils mentionnent la notion de «sexe sous-représenté», serait
susceptible d’engendrer une certaine confusion quant à l’interprétation
précise que la commission du Règlement pourrait en donner en cas
de contestation des pouvoirs dans certains cas de figure. Si le
sexe sous-représenté est déterminé sur la base des statistiques
de la composition du parlement national et de la délégation, force
serait alors de constater qu’une délégation ne comportant que des
représentants de sexe masculin et dont toutes les femmes seraient
suppléantes, mais issue d’un parlement composé, par exemple, à 70 %
de femmes, n’encourrait en aucun cas la sanction prévue à l’article
7… puisque les hommes constituent dans cet exemple le sexe sous-représenté.
Il y aurait donc lieu pour la commission de réexaminer le libellé
de ces articles, dans le cadre du rapport en cours sur la réforme
de l’Assemblée parlementaire.
25. Par ailleurs, l’obligation qui incombe aux délégations d’inclure
au moins un membre du sexe sous-représenté en qualité de représentant
pourrait ne pas être respectée par une délégation, sans pour autant
que celle-ci encoure une contestation de ses pouvoirs: en effet,
une délégation pourrait s’affranchir de cette obligation, au moins
temporairement, simplement en ne procédant pas à la nomination de
l’intégralité de sa délégation et en pourvoyant partiellement les
sièges de représentants – qui le seraient alors uniquement par des
hommes. La commission pourrait donc également s’interroger sur cette
situation, dans le cadre du rapport susmentionné.