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Avis de commission | Doc. 13252 | 26 juin 2013
Mettre fin aux stérilisations et aux castrations forcées
Commission sur l'égalité et la non-discrimination
A. Conclusions de la commission
(open)1. La commission sur l’égalité et la non-discrimination
félicite la rapporteure de la commission des questions sociales,
de la santé et du développement durable pour son rapport complet
et approfondi et soutient le projet de résolution.
2. La commission constate que la rapporteure a adopté une approche
fondée sur les droits humains et que son rapport est en ligne avec
les orientations et les thèmes traités par la commission elle-même.
Par conséquent, elle n’estime pas nécessaire de proposer des amendements
à ce texte.
3. La commission souhaite néanmoins intégrer dans l’exposé des
motifs quelques éléments complémentaires, notamment au sujet de
la violence à l’égard des femmes et de la situation des personnes transgenres.
B. Exposé des motifs par Mme Saïdi, rapporteure pour avis
(open)1. Introduction
1. J’aimerais féliciter la rapporteure de la commission
des questions sociales, de la santé et du développement durable,
Mme Liliane Maury Pasquier, pour son rapport aussi complet qu’approfondi.
2. Un grand nombre de questions relevant du mandat de la commission
de l’égalité et la non-discrimination ont été prises en considération
dans ce rapport: en effet, parmi les groupes indiqués par la rapporteure
comme cibles principales des stérilisations et castrations forcées
ou imposées au cours du 20e siècle, trois
(à savoir les femmes Roms, les personnes transgenres et les personnes
handicapées) sont victimes de différentes formes de discrimination
et font l’objet des travaux de notre commission sous plusieurs angles.
Je ne peux que partager l’approche adoptée par la rapporteure, strictement
basée sur les droits humains, et soutenir ses conclusions.
3. Dans le présent avis, je me limiterai à souligner quelques
aspects qui sont particulièrement liés aux activités de la commission
sur l’égalité et la non-discrimination et aux principes qu’elle
a promus depuis ses origines et sur la base de son mandat élargi.
2. Stérilisations: une forme de violence fondée sur le genre
4. En considérant le rapport de Mme Maury Pasquier,
force est de constater que les femmes sont affectées de façon disproportionnée
par les pratiques de stérilisation forcée menées aux cours des décennies
passées. Auprès des communautés Roms, les cibles des campagnes de
stérilisation ont été les femmes. Il en est de même en ce qui concerne
les personnes handicapées. A l’extérieur de l’Europe, la stérilisation
forcée a concerné des femmes toxicomanes (par exemple aux Etats-Unis)
et des femmes atteintes du VIH/Sida. Ce dernier cas est signalé
dans de nombreux pays, parmi lesquels l’Afrique du Sud, le Chili,
le Mexique, la Namibie, la République Dominicaine, le Vénézuela
et le Zimbabwe. Dans certains pays d’Asie, les médecins encourageaient
les femmes séropositives à se faire stériliser; en considérant l’autorité
que les docteurs exercent notamment sur des individus illettrés
et malades, la distinction entre encouragement et coercition s’avère
très subtile.
5. Dans le système de la Convention CEDAW (Convention sur l’élimination
de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes) des
Nations Unies, la stérilisation forcée est considérée comme une forme
de violence à l’égard des femmes. Le Comité pour l'élimination de
la discrimination à l'égard des femmes indique dans sa Recommandation
générale N° 19, que «la stérilisation ou l’avortement obligatoire
nuit à la santé physique et mentale des femmes et compromet leur
droit de décider du nombre et de l’espacement des naissances». Elle
demande ainsi aux Etats Parties de veiller «à ce que les femmes
puissent décider sans entraves de leur fécondité et ne soient pas
forcées de recourir à des pratiques médicales dangereuses».
6. Si le texte dans son ensemble fait référence principalement
au contrôle de la fécondité et à la possibilité de recourir en sécurité
à l’avortement, il me semble que ces principes devraient être interprétés
également dans le sens d’exclure toute forme de stérilisation non
volontaire. Le «droit de décider du nombre des naissances» doit,
à mon sens, comprendre la faculté d’entreprendre et de continuer
une grossesse au même titre que celle de l’interrompre.
7. La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et
la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence
domestique (Convention d’Istanbul, STCE n° 210) prévoit à l’article
39 (Avortement et stérilisation forcés) que «les Parties prennent
les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger en infractions
pénales, lorsqu’ils sont commis intentionnellement: (…) le fait
de pratiquer une intervention chirurgicale qui a pour objet ou pour
effet de mettre fin à la capacité d’une femme de se reproduire naturellement
sans son accord préalable et éclairé ou sans sa compréhension de
la procédure». L’entrée en vigueur de la convention et son application
par les Parties permettra de combattre efficacement toute pratique de
stérilisation ciblant les femmes. A mon avis, cette interdiction
introduira, dans la culture juridique de différents pays, le principe
général que la stérilisation forcée ou imposée est une forme de
violence inacceptable. Cela facilitera l’abandon de cette pratique
même en ce qui concerne les personnes transgenres, qui ne sont pas
toutes directement protégées par l’article 39 de la Convention d’Istanbul.
3. Personnes transgenres
8. Les personnes transgenres sont systématiquement victimes
de stérilisation forcée ou imposée. La rapporteure a traité de façon
approfondie les développements qui ont eu lieu en Suède, premier
pays à se doter d’une législation sur le changement de sexe en 1972.
Cette loi prévoyait que les personnes faisant la demande de changer
de sexe soient obligées de se faire stériliser.
9. Si en Suède, comme la rapporteure l’indique, la loi a été
reformée, dans un grand nombre de pays une obligation de stérilisation
dans des cas pareils est encore en vigueur. Cet aspect a été traité
par M. Nicolas Beger, Directeur pour l’Europe d’Amnesty International,
lors d’une audition sur la situation des personnes transgenres en
Europe qui a eu lieu à Paris le 24 mai 2013, dans le cadre de la
réunion de la commission sur l’égalité et la non-discrimination.
10. Comme Monsieur Beger l’a souligné, il s’agit de l’une des
nombreuses formes de discriminations auxquelles les personnes transgenres
font face en Europe encore aujourd’hui. Il s’agit du seul groupe
qui est encore victime de stérilisations forcées prévues par la
loi. Dans 24 pays européens, la stérilisation est une condition
pour le changement de sexe. Dans 19 pays, le divorce est également
requis.
11. L’autre invitée à la même audition du 24 mai, Mme Vanessa
Lacey de l’organisation «Transgender Equality
Network Ireland», a parlé de la discrimination à laquelle
les personnes transgenres font face et donné un témoignage personnel.
Avant la transition vers une identité de genre féminin, elle a été
mariée avec une femme avec qui elle a eu deux enfants. Au-delà de
tous les autres aspects, cela me fait penser que toute obligation
de stérilisation visant à «maintenir un certain ordre» dans les
questions de filiation est non seulement injuste et inhumaine, mais
aussi inutile. De plus, cette finalité appartient à une époque passée,
où le concept d’homoparentalité n’existait pas.
12. En ce qui concerne les personnes transgenres, une référence
utile est représentée par les Principes de Jogjakarta sur l’application
du droit international des droits de l’homme en matière d’orientation
sexuelle et d’identité de genre, élaborés par un groupe international
d’experts en 2006, pour l'interdiction absolue de la discrimination contre
les personnes LGBT et pour leur protection. L’autorité de ces principes
a été reconnue à plusieurs occasions par les Nations Unies et le
Conseil de l’Europe.
13. Le principe numéro 3, intitulé «Droit à la reconnaissance
devant la loi», affirme que «L’orientation sexuelle et l’identité
de genre définies par chacun personnellement font partie intégrante
de sa personnalité et sont l’un des aspects les plus fondamentaux
de l’autodétermination, de la dignité et de la liberté. Personne
ne sera forcé de subir des procédures médicales, y compris la chirurgie
de réassignation de sexe, la stérilisation ou la thérapie hormonale,
comme condition à la reconnaissance légale de son identité de genre.
Aucun statut, tels que le mariage ou la condition de parent, ne
peut être invoqué en tant que tel pour empêcher la reconnaissance
légale de l’identité de genre d’une personne».
14. Je souscris entièrement à ce principe dont la formulation
me semble très claire. Il convient de citer ici une partie des recommandations
indiquées par la suite dans le même texte. «Les Etats devront: (…)
Prendre toutes les dispositions législatives et administratives,
ainsi que toutes autres mesures, nécessaires pour respecter pleinement
et reconnaître légalement l’identité de genre telle que chacun l’a
définie pour soi-même; Prendre toutes les dispositions législatives
et administratives, ainsi que toute autre mesure, nécessaires pour assurer
l’existence de procédures par lesquelles tous les documents émis
par l’Etat indiquant l’identité de genre d’une personne – y compris
les certificats de naissance, les passeports, les registres électoraux
et d’autres documents – reflètent l’identité de genre profonde telle
que définie par chacun pour soi-même; Garantir que de telles procédures
soient efficaces, équitables et non discriminatoires, et qu’elles
respectent la dignité et la vie privée de la personne concernée
(…);»