1. Introduction
1.1. Procédure
1. Le 22 mars 2011, l'Assemblée parlementaire a décidé
de renvoyer, pour rapport, la proposition de résolution «Sécurité
nationale et accès à l'information» à la commission des questions
juridiques et des droits de l'homme
![(3)
Doc. 12548, Renvoi 3762 du 15 avril 2011.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
. Lors
de sa réunion du 6 juin 2011, la commission m'a désigné rapporteur.
2. A l'occasion de l'audition consacrée à la liberté des médias
en Europe, organisée par la sous-commission des médias en Suède
le 12 septembre 2011, Mme Agnès Callamard, directrice exécutive
de l’organisation non gouvernementale (ONG) Article 19, s'est adressée
aux parlementaires sur la question de la sécurité nationale et de
l'accès à l'information.
3. Lors de sa réunion du 6 septembre 2012, la commission a examiné
une note introductive
![(4)
Document AS/Jur
(2012) 27.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
présentant les éléments en jeu et
les évolutions en cours en la matière.
4. A la suite de l'invitation de l’Open Society Justice Initiative
(OSJI) et du Center for Advanced Security Theory (CAST) de l’université
de Copenhague, j’ai assisté à une consultation d'experts consacrée
à la sécurité nationale et au droit à l'information à Copenhague
du 20 au 22 septembre 2012. Cette réunion portait sur les lois et
pratiques des pays européens en matière de juste équilibre entre
le droit à l'information du public et la nécessité occasionnelle
du secret en vue de protéger les intérêts nationaux légitimes dans
le domaine de la sécurité et, d'autre part, à contribuer à l'élaboration
des «Principes globaux de la sécurité nationale et du droit à l'information»
![(5)
Principes globaux de
la sécurité nationale et du droit à l’information (également dénommés
«Principes de Tshwane» ou «Principes globaux»), publiés le 12 juin 2013,
élaborés par 17 ONG et cinq centres universitaires (Africa Freedom
of Information Centre; African Policing Civilian Oversight Forum;
Alianza Regional por la Libre Expresión e Información; Amnesty International;
Article 19, la campagne mondiale pour la liberté d’expression; Forum
asiatique pour les droits de l'homme et le développement (Forum
Asia); Center for National Security Studies; Université d'Europe
centrale; Centre for Applied Legal Studies, Wits University; Centre
for European Constitutionalisation and Security (CECS), Université
de Copenhague; Centre for Human Rights, Université de Pretoria (Tshwane);
Centre for Law and Democracy; Centre for Peace and Development Initiatives;
Centre for Studies on Freedom of Expression and Access to Information,
Faculté de droit de l’Université de Palerme; Commonwealth Human
Rights Initiative; Egyptian Initiative for Personal Rights; Institute for
Defence, Security and Peace Studies; Institut d’études de sécurité;
Commission internationale de juristes; National Security Archive;
Open Democracy Advice Centre; et Open Society Justice Initiative);
grâce à une consultation conduite par l’Open Society Justice Initiative
impliquant les trois rapporteurs spéciaux chargés de la liberté
d’expression des Nations Unies, l’Organisation des Etats américains
(OEA) et la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples,
le Représentant de l’Organisation pour la sécurité et la coopération
en Europe (OSCE) chargé de la liberté des médias, ainsi que le rapporteur
spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection des
droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste: <a href='http://www.right2info.org/national-security/Tshwane_Principles'>www.right2info.org/national-security/Tshwane_Principles</a> (en anglais).](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
(ci-après les «Principes
globaux») qui ont été finalisés le 12 juin 2013. A Copenhague, j’ai présenté
l’acquis du Conseil de l’Europe dans ce domaine, notamment les précédentes
résolutions de l’Assemblée basées sur les rapports de M. Dick Marty
sur la restitution et la détention secrète
![(6)
Doc. 10957, rapport sur «Allégations de détentions secrètes et
de transferts interétatiques illégaux de détenus concernant des
Etats membres du Conseil de l’Europe», 12 juin 2006; Doc. 11302, rapport sur «Détentions secrètes et transferts illégaux
de détenus impliquant des Etats membres du Conseil de l’Europe:
second rapport», 11 juin 2007; et le Doc. 12714, rapport sur «Les recours abusifs au secret d’Etat et à la sécurité
nationale: obstacles au contrôle parlementaire et judiciaire des
violations des droits de l’homme», 16 septembre 2011.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
5. Lors de sa réunion du 11 décembre 2012, la commission a tenu
un échange de vues avec trois experts:
- Mme Sandra Coliver, juriste, Liberté d’information et
d’expression, à l’Open Society Justice Initiative (OSJI), qui assure
la coordination du projet «Principes globaux de la sécurité nationale
et du droit à l’information», New York, Etats-Unis;
- Mme Susana Sanchez Ferro, Professeur à l’Université de
Madrid, Espagne;
- Lord Alexander Carlile of Berriew CBE QC, ancien contrôleur
indépendant, Londres, Royaume-Uni.
M. Matthew Pollard,
conseiller juridique, Amnesty International (Londres), a aussi participé
à la discussion lors de la réunion de la commission.
1.2. Aperçu des principaux
éléments en jeu
6. La sécurité nationale a, tout particulièrement depuis
le déclenchement en 2001 de la «guerre contre le terrorisme», fréquemment
été invoquée pour restreindre les libertés et justifier les abus
des agents publics. Le fait que l’administration accorde au parlement,
à la justice et aussi aux citoyens un accès infime aux informations
secrètes crée un déséquilibre des pouvoirs en faveur de l'exécutif.
Ce problème prend sa source dans une question plus vaste: l'absence
d'accès aux informations détenues par l'Etat, qui est renforcée
par «l’invocation systématique et arbitraire du privilège du secret
d’Etat»
![(7)
Doc. 12714, op. cit., paragraphe
45.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
7. L’accès à l'information revêt une importance capitale dans
une société démocratique. Il est l'instrument de la jouissance des
autres droits de l'homme; il offre une garantie contre les abus
de pouvoir, en renforçant la transparence et l'obligation de rendre
des comptes de l'administration, tout en permettant la participation effective
des citoyens à une société avertie
![(8)
R. Peled et Z. Rabin, The Constitutional Right to Information,
42 Columbia Human Rights Law Review 357,
2011, p. 357.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
8. La protection de la sécurité d'une nation et de ses citoyens
représente, bien entendu, un élément important de l'intérêt général.
Pour pouvoir protéger la nation et mener à bien des opérations militaires
et de renseignement, il est souvent indispensable de tenir certains
types d'information hors de portée du grand public. Le conflit inévitable
entre l'accès autorisé ou interdit aux informations est renforcé
par l'absence de cadre juridique clair et de normes internationales,
voire par leur manque de mise en œuvre effective. Le caractère excessivement
étendu et flou des exceptions faites au principe de l’accès à l’information
au nom de la sécurité nationale permet de dissimuler des activités
illégales et restreint l'accès des victimes à la justice
![(9)
Principes globaux (note 6
supra), Introduction (Contexte et justification).](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
9. Les mécanismes de surveillance parlementaires et judiciaires
sont souvent mal armés pour trouver le juste équilibre entre ces
intérêts contradictoires. Cela tient au fait que ces mécanismes
n'ont pas eux-mêmes accès aux informations secrètes ou classées
confidentielles ou, s'agissant des mécanismes parlementaires, au
fait que leur composition est d'ordinaire le reflet de la majorité
parlementaire qui soutient le gouvernement au pouvoir. La plupart
des atteintes aux droits de l'homme commises dans le cadre de la
«guerre contre le terrorisme» ont de fait été dévoilées grâce aux
informations révélées par des donneurs d’alerte et au travail d’investigation
des journalistes et des ONG plutôt que par l’action des mécanismes
de surveillance parlementaires ou judiciaires
![(10)
Rapport Doc. 12714, op. cit., Exposé
des motifs, paragraphes 2 et 50.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
10. Ces donneurs d'alerte ont ainsi acquis une certaine importance,
en dévoilant des informations qui présentaient un intérêt pour le
public, notamment sur les atteintes aux droits de l'homme commises
sous couvert de sécurité nationale et de secret d'Etat. Malheureusement,
certaines de ces personnes sont aujourd'hui en détention provisoire,
accusées d'espionnage
![(11)
Ibid., paragraphe 50; voir le cas
de Bradley Manning, paragraphes 62-63 et 91 ci-après.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
Citons, pour de plus amples informations sur ce sujet majeur, l'admirable
travail de notre collègue de l’Assemblée, M. Pieter Omtzigt
![(12)
Voir Résolution 1729 (2010), Recommandation
1916 (2010), et rapport Doc.
12006 sur la «Protection des “donneurs d’alerte”», 14 septembre 2009,
rapporteur: M. Pieter Omtzigt.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
. Les Principes
globaux cités auparavant couvrent également quelques orientations
importantes sur la protection des donneurs d’alerte
![(13)
Voir ci-après, paragraphes 83-94.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
11. L'absence d'information sur d'importantes questions d'intérêt
général empêche tout contrôle effectif et favorise une culture du
secret et de l'impunité qui, à son tour, menace les valeurs démocratiques
sur lesquelles reposent nos sociétés. Il convient par conséquent
de veiller à créer un environnement favorable, qui permette à l'exécutif
de respecter, de protéger et de garantir la transparence, en évitant
ainsi la création d'un terrain propice aux atteintes aux droits
de l'homme commises au nom de la sécurité nationale.
2. Le droit
international des droits de l'homme applicable en matière d'accès
à l'information
12. Diverses résolutions
![(14)
Voir par exemple la
résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies <a href='http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/RES/59(I)&Lang=F&Area=RESOLUTION'>A/RES/59(I)</a>, 1946; les résolutions de l'Assemblée générale de l’OEA
Accès à l’information: renforcement de la démocratie, AG/RES. 1932
(XXXIII-O/03), 10 juin 2003; AG/RES. 2057 (XXXIV-O/04), 8 juin 2004;
AG/RES. 2121 (XXXV-O/05), 26 mai 2005; AG/RES. 2252 (XXXVI-O/06),
6 juin 2006 GA/RES. 2288 (XXXVII-O/07), 5 juin 2007; AG/RES. 2418
(XXXVIII-O/08), 3 juin 2008; AG/RES. 2514 (XXXIX-O/09), 4 juin 2009;
Déclaration de Nueva Leon, 13 janvier 2004.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
ont
reconnu à l'échelon international l’existence d'un droit de l'homme
de l'accès à l'information, bien qu'il soit habituellement considéré
comme un aspect du droit à la liberté d'expression
![(15)
T. Mendel, <a href='http://unesdoc.unesco.org/images/0018/001832/183273e.pdf'>The
Right to Information in Latin America: A Comparative Legal Survey</a>, 2009, p 1.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
. Les dispositions relatives
à la liberté d'expression de la Déclaration universelle des droits
de l'homme et du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques (ci-après «le PIDCP») garantissent le droit individuel
à rechercher et obtenir des informations, qui est une composante
du droit d'accès à l'information
![(16)
Article 19 de la Déclaration
universelle des droits de l'homme; article 19(2) du PIDCP.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
L’observation générale N° 34 affirme que l’article 19 du PIDCP «vise
un droit d’accès à l’information détenue par les organismes publics»
![(17)
<a href='http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrc/comments.htm'>http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrc/comments.htm</a>).](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
. La Convention européenne des
droits de l’homme (STE n° 5, «la Convention») prévoit le droit de
recevoir des informations en vertu de la garantie de la liberté
d’expression
![(18)
Article 10 de
la Convention.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
, même s’il ressort difficilement
de la Convention l’existence d’un droit général d’accès à l’information
détenue par l’Etat. L’Organisation des Etats Américains et l’Union
africaine ont récemment adopté des lois-types sur l’accès à l’information
pour contribuer à l’adoption d’une législation nationale.
2.1. L’évolution à l’échelon
national
13. La législation relative à la liberté d'information
a connu ces dernières décennies une évolution rapide à l'échelon
national et régional, avec la reconnaissance d'un droit d'accès
aux informations détenues par l'Etat et aux documents publics
![(19)
J. Ackerman et I. Sandoval, <a href='http://www.humanrightsinitiative.org/programs/ai/rti/articles/admin_law_review_explosion_of_foi_2006.pdf'>The
Global Explosion of Freedom of Information Laws</a>, 58 Admin. L. Rev. 85 2006, p. 85 et suiv.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
Selon l’Open Society Justice Initiative, en juin 2013, 94 pays dans
le monde avaient adopté, sous une forme ou une autre, des dispositions
ou une législation sur la liberté d'information
![(20)
Open Society Justice
Initiative, <a href='http://www.right2info.org/resources/publications/laws-1/countries-with-foi-laws_march-2013'>www.right2info.org/resources/publications/laws-1/countries-with-foi-laws_march-2013</a>.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
, tandis que 20 autres Etats étaient
en passe de se doter de ce type de texte
![(21)
<a href='http://right2info.org/laws'>http://right2info.org/laws</a>.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
. Depuis le début des années 1990,
le droit à l'information a également été intégré dans un certain
nombre de constitutions nationales nouvelles ou révisées
![(22)
Peled et Rabin, op. cit., p. 372 et suivantes.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
Au moment de la rédaction de ce rapport, plus de 5,2 milliards de
personnes dans 95 pays du monde bénéficiaient du droit d’accès à
l’information au moins en droit
![(23)
Voir Right 2 Info,
«Constitutional Provisions, Laws and Regulations», 24 octobre 2011: <a href='http://www.right2info.org/laws/constitutional-provisions-laws-and-regulations'>www.right2info.org/laws/constitutional-provisions-laws-and-regulations</a>.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
. Sur les 47 Etats membres du Conseil
de l’Europe, seuls six, à savoir Andorre, Chypre, Luxembourg, Monaco,
Saint-Marin et l’Espagne, ne possèdent pas encore de législation
sur l’accès à l’information
![(24)
Ibid.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
14. Mais la qualité de la législation nationale et de sa mise
en œuvre varie considérablement d'un pays à l'autre
![(25)
Le rapport d’Amanda
Jacobsen en donne un excellent aperçu sur la base de recherches
empiriques approfondies (Université de Copenhague): <a href='http://www.right2info.org/resources/publications/national-security-expert-papers/jacobsen_nat-sec-and-rti-in-europe'>www.right2info.org/resources/publications/national-security-expert-papers/jacobsen_nat-sec-and-rti-in-europe</a>.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
; il est donc souhaitable que les
normes internationales soient précisées, notamment les exceptions au
principe de l'accès à l'information au nom de la sécurité nationale.
2.2. L’évolution en
Europe
2.2.1. La Convention du
Conseil de l’Europe sur l’accès aux documents publics
15. Le Conseil de l'Europe a affirmé à diverses occasions
l'existence d'un droit d'accès à l'information
![(26)
Voir la <a href='https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=Rec(81)19&Language=lanFrench&Ver=original&Site=CM&BackColorInternet=C3C3C3&BackColorIntranet=EDB021&BackColorLogged=F5D383'>Recommandation
du Comité des Ministres N° (81) 9</a> du 25 novembre 1981 sur «L’accès à l’information détenue
par les autorités publiques»; et la <a href='http://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/media/Doc/CM/Dec(1982)FreedomExpr_fr.asp'>Déclaration
sur la liberté d'expression et d'information</a> du Comité des Ministres, adoptée le 29 avril 1982.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
et a
adopté la première convention internationale sur le droit d'accès
aux documents publics, la Convention du Conseil de l’Europe sur
l’accès aux documents publics (STCE n° 205) en 2008
![(27)
Adoptée par le Comité
des Ministres le 27 novembre 2008 lors de la 1042bis réunion des
Délégués des Ministres: <a href='https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=CM/Del/Dec(2008)1042bis/1.2d&Language=lanFrench&Ver=app2&Site=CM&BackColorInternet=DBDCF2&BackColorIntranet=FDC864&BackColorLogged=FDC864'>CM/Del/Dec(2008)1042bis/1.2d/annexe2E</a>.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
16. La réalisation la plus importante de la Convention est la
reconnaissance du principe selon lequel l’accès aux documents publics
est la règle, et son refus l’exception
![(28)
Préambule de la convention,
point 7 et articles 2 et 3.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
. La Convention donne
le droit à «toute personne» d’accéder à des documents publics, quels
que soient ses motifs ou intentions. Elle énonce aussi la première définition
largement admise de la notion de «documents publics», qui signifie
«toutes informations enregistrées sous quelque forme que ce soit,
rédigées ou reçues et détenues par les autorités publiques»
![(29)
Article 1.2.b de la convention.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
–
comprenant donc aussi les documents qui ne sont pas produits par
les autorités publiques qui les détiennent, et quelle que soit leur
forme ou leur format (textes écrits, enregistrements vidéos ou audiovisuels,
photographies, courriels, informations stockées dans des bases de
données électroniques)
![(30)
Voir
Rapport explicatif, paragraphe 11.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
17. Une faiblesse, selon l’approche de ce rapport, est la longue
liste de limitations possibles au droit d’accès à l’information
dressée à l’article 3, notamment la protection de la sécurité nationale,
la défense et les relations extérieures, la sûreté publique, les
missions de tutelle, l’inspection et le contrôle par l’administration,
jusqu’aux intérêts commerciaux et autres intérêts économiques, et
la protection de l’environnement. J’imagine difficilement dans quelle
mesure la protection de l’environnement pourrait tirer un avantage
du fait que des informations restent hors du domaine public – l’inverse
serait normalement vrai. Ces exceptions ne sont pas définies dans
la Convention. Mais la phrase introduisant la liste de l’article 3
prévoit que les limitations «sont établies précisément dans la loi,
nécessaires dans une société démocratique et proportionnelles au
but».
18. Cette Convention a été critiquée par plusieurs organisations
de la société civile
![(31)
Mendel, op. cit., p. 13.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
,
par certains Etats européens et par l'Assemblée parlementaire du
Conseil de l'Europe pour l'étroitesse de sa portée. L'
Avis 270 (2008) de l'Assemblée adressé au Comité des Ministres
![(32)
Voir aussi Doc. 11698, rapport sur le «Projet de Convention du Conseil de l'Europe
sur l'accès aux documents publics», rapporteur: M. Klaas de Vries.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
,
rédigé par M. Klaas de Vries pour le compte de notre commission,
a fait le choix inhabituel de recommander au Comité des Ministres
de demander au Comité directeur pour les droits de l'homme (CDDH)
de rouvrir les négociations:
- pour
élargir la définition des «pouvoirs publics», de manière à englober
un plus large éventail d'activités des pouvoirs publics et à accroître
ainsi l'étendue des informations mises à disposition;
- pour prévoir un délai de traitement des demandes;
- pour préciser et renforcer la procédure de contrôle applicable
en cas de rejet d'une demande d'information.
19. Le Comité des Ministres n'a pas suivi la recommandation de
l'Assemblée et le texte a été ouvert à la signature dans la version
présentée à celle-ci. L'existence même de cette convention, quand
bien même elle se limiterait à l’expression du plus petit dénominateur
commun, constitue néanmoins un progrès pour le droit d'accès à l'information
en droit international. L'objectif déclaré de la convention est
l'établissement de normes communes minimales, qui devraient être
acceptables pour le plus grand nombre d'Etats possible, tout en incitant
chacun d'eux à s’acheminer vers le niveau de transparence atteint
par les Etats les plus avancés. Il convient de noter à ce propos
que plusieurs «nouvelles démocraties», dans lesquelles régnaient
autrefois, du temps des régimes précédents, l'absence de transparence
et l'oppression, sont désormais à l'avant-garde des pays qui disposent
de la législation la plus libérale en matière d'accès aux documents
publics, alors que certaines «démocraties bien établies» demeurent
à la traîne
![(33)
Selon
une étude réalisée par l’Open Society Justice Initiative, les demandes
d'information faites auprès des services administratifs obtiennent
des réponses plus fréquentes et de meilleure qualité en Arménie,
Bulgarie et Roumanie qu'en France et en Espagne; voir <a href='http://www.opensocietyfoundations.org/sites/default/files/transparency_20060928.pdf'>Transparency
and Silence, A survey of access to information laws and practices
in 14 countries</a>, Open Society Justice Initiative, New York/Budapest,
2006, p. 12.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
20. La convention doit obtenir 10 ratifications pour entrer en
vigueur. Jusqu’à présent, six pays (Bosnie-Herzégovine, Hongrie,
Lituanie, Monténégro, Norvège et Suède) ont ratifiée et huit autres
(Belgique, Estonie, Finlande, Géorgie, Monaco, Slovaquie et Slovénie)
ont signé la convention mais ne l’ont pas encore ratifiée. Quatre
ans après l’ouverture à la signature, la participation est décevante,
compte tenu du fait que le texte n’a volontairement pas imposé de
dispositions trop ambitieuses.
21. A mon avis, l’Assemblée devrait appeler les Etats membres
qui ne l’ont pas encore fait à signer et ratifier la Convention
sur l’accès aux documents publics, afin de démontrer leur engagement
de principe en faveur de la transparence et de la bonne gouvernance.
Dès l’entrée en vigueur de l’instrument, l’organe de suivi, le Groupe
de spécialistes sur l’accès aux documents publics
![(34)
Article 11 de la convention.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
,
commencera ses activités et pourra examiner les questions en suspens
au cas par cas. Ce travail majeur sera engagé par les spécialistes
nommés sur proposition des pays qui ont montré le plus vif intérêt
pour la transparence, en ratifiant rapidement l’instrument. On peut
par conséquent escompter que le Groupe de spécialistes fixe un cap
progressiste, notamment sur des questions sur lesquelles l’Assemblée,
dans son avis mentionné auparavant, a estimé le texte de la convention trop
restrictif. La convention prévoit aussi un dispositif visant à faire
des propositions d’amendement au texte
![(35)
Article 12 conjointement
avec l’article 19 de la convention.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
, qui permettra
des améliorations au regard de l’expérience pratique du Groupe de
spécialistes.
22. Tout bien considéré, la façon la plus réaliste pour l’Assemblée
de contribuer à un réel progrès sur ce sujet est donc, selon moi,
de promouvoir vivement la ratification de la convention du Conseil
de l’Europe, afin qu’elle entre en vigueur. En tant que parlementaires
nationaux, nous pouvons faire pression sur nos gouvernements quant
à la signature et la ratification de cet instrument et leur demander
de rendre compte de la façon dont ils la mettent en œuvre. Nous
devrions agir ainsi, au lieu d’encourager le Comité des Ministres
à entamer les négociations visant à améliorer la convention avant
même son entrée en vigueur.
2.2.2. L’évolution dans
l’Union européenne
24. Access Info Europe a fait une demande intéressante en décembre 2008
concernant un document relatif à la réforme (toujours) en cours
des règles de transparence de l’Union européenne. Le Conseil de
l’Union européenne a fourni à Access Info Europe le document comprenant
des propositions de réforme des Etats membres, mais en ayant supprimé
les noms des pays, de sorte qu’il était impossible de savoir quel
pays avait fait quelle proposition. Access Info Europe a contesté
la décision du Conseil et le 22 mars 2011, le Tribunal (de l’Union
européenne) a statué en faveur de la transparence. Le Conseil, rejoint
par la République tchèque, la France, la Grèce, l’Espagne et le
Royaume-Uni, a fait appel de la décision, alors que le Parlement
européen s’est joint à Access Info Europe pour demander la pleine
transparence de la procédure législative. L’avocat général espagnol,
Cruz Villalón, a récemment constaté dans ses conclusions à la Cour
de justice de l’Union européenne, à Luxembourg, que la procédure
législative du Conseil doit être aussi transparente que les procédures
similaires au niveau national, affirmant que «“Légiférer” est, par
définition, une activité normative qui, dans une société démocratique,
ne peut se développer qu’en suivant une procédure à caractère public
![(43)
<a href='http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:62011CC0280:fr:HTML'>http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:62011CC0280:fr:HTML</a>.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
». En tant que membre d’un organe
législatif, je ne peux qu’être d’accord.
25. Un autre exemple très concret a récemment illustré la nécessité
de renforcer la transparence des institutions européennes. Deux
demandes d’un journaliste de Bloomberg News en vue de la communication par
la Banque centrale européenne de deux documents internes
![(44)
Le premier document
était intitulé «L’incidence des échanges hors marché sur le déficit
et la dette publics. Le cas de la Grèce» et le deuxième traitait
de Titlos Plc, structure qui a permis à la Banque nationale de Grèce
SA (ETE), le principal prêteur du pays, d’emprunter à la BCE en
créant des garanties.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
ont été refusées par son
Président, M. Mario Draghi. En résumé, ces documents portent sur
des allégations selon lesquelles, au début des années 2000, la Grèce
s’est arrangée pour dissimuler ses niveaux d’endettement grâce au
recours de swaps de devises avec la banque américaine d’investissement
Goldman Sachs. Elle aurait agi de la sorte afin de se conformer
aux critères sur les niveaux de la dette publique desquels dépendait
l’adhésion de la Grèce à la zone euro
![(45)
«<a href='http://www.spiegel.de/international/europe/greek-debt-crisis-how-goldman-sachs-helped-greece-to-mask-its-true-debt-a-676634.html'>Greek
Debt Crisis: How Goldman Sachs Helped Greece to Mask its True Debt</a>», Beat Balzli, Spiegel Online, 8 février 2010.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
Quand Bloomberg a poursuivi la BCE pour avoir accès à ces documents,
la BCE a fait valoir avec succès devant le Tribunal (de l’Union
européenne) que ces documents ne devaient pas être divulgués au
motif que «la divulgation de ces documents aurait porté atteinte
à la protection de l'intérêt public en ce qui concerne la politique
économique de l'Union et de la Grèce
![(46)
Affaire T-590/10, Thesing et Bloomberg Finance c. BCE,
arrêt du Tribunal du 29 novembre 2012; «<a href='http://www.bloomberg.com/news/2012-11-29/ecb-wins-ruling-to-deny-access-to-secret-greek-swap-files.html'>ECB
Wins Ruling to Deny Access to Secret Greek Swap Files</a>», Stephanie Bodoni, Elisa Martinuzzi et Gabi Thesing,
Bloomberg, 29 novembre 2012.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
».
26. Il semble que la BCE craignait que la divulgation porte atteinte
à la confiance publique quant à la capacité de la Grèce à honorer
ses obligations au titre de la dette et menace donc la confiance
en la monnaie unique
![(47)
«<a href='http://www.bloomberg.com/news/2012-11-29/ecb-wins-ruling-to-deny-access-to-secret-greek-swap-files.html'>ECB
Tells Court Releasing Greek Swap Files Would Inflame Markets</a>», Elisa Martinuzzi et Gabi Thesing, Bloomberg, 14 juin 2012.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
Personnellement, je considère que la confiance publique dans les
politiques économiques de l’Union, notamment les mesures prises
par la BCE, tireront parti, au lieu d’en souffrir, d’une plus grande transparence.
Des hypothèses au sujet de l’incidence sur les marchés financiers
de la communication de ces documents ne sont pas, à mon avis, un
obstacle légitime à la divulgation. Je comprends donc la déception
de Bloomberg vis-à-vis de la décision, qui concerne clairement les
ONG préoccupées par la liberté de la presse
![(48)
«<a href='http://www.mediadefence.org/project/mldi-applies-permission-intervene-case-against-european-central-bank'>MLDI
applies for permission to intervene in case against European Central
Bank</a>», Media Legal Defence Initiative, 31 mai 2013; <a href='http://www.access-info.org/en/european-union/394-bloomberg-appeal'>Transparency
of the European Central Bank on the Financial Crisis: Access Info
Europe applies to join key case at European Court of Justice</a>, Access Info, 6 mai 2013.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
. L’engagement
juridiquement contraignant pris par les institutions européennes
à l’égard de l’accès à l’information dans l’article 42 de la Charte
risque, semble-t-il, d’être écrasé par une nouvelle «culture du secret»
à Bruxelles et à Francfort. Un pourvoi intenté par Bloomberg devant
la Cour de justice de l’Union européenne est toujours en suspens
![(49)
Pourvoi formé le 18 janvier 2013
par Gabi Thesing, Bloomberg Finance LP, contre l’arrêt du Tribunal
(septième chambre) rendu le 29 novembre 2012 dans l’affaire T-590/10: Gabi Thesing, Bloomberg Finance LP c. Banque
centrale européenne, <a href='http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2013:101:0009:0010:FR:PDF'>JO
C 101/9, 6 avril 2013</a>.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
27. Il convient de noter que M. Draghi, l’actuel président de
la BCE, était vice-président de Goldman Sachs au moment où les swaps
mentionnés auparavant auraient été réalisés. Tandis que M. Draghi
a nié toute implication
![(50)
«<a href='http://www.bloomberg.com/news/2011-06-14/draghi-says-he-knew-nothing-about-goldman-greece-deal-1-.html'>Draghi
Says He Knew Nothing About Goldman-Greece Deal</a>», Jana Randow et Jeff Black, Bloomberg, 14 juin 2011.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
,
la simple apparence ou l’éventualité d’un conflit d’intérêt devrait
peser fortement en faveur de la divulgation des documents permettant
potentiellement de régler l’affaire une fois pour toutes.
28. Alors que le refus de divulguer ces documents n’était pas
basé sur une exemption de sécurité nationale, il est rappelé que
tous les autres motifs d’intérêt public visant à restreindre l’accès
doivent aussi respecter les normes des Principes globaux
![(51)
Principes globaux,
Introduction, page 1.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
. L’affaire démontre la
nécessité de réformer le Règlement 1049/2001 au regard des normes
modernes afin d’éviter une culture du secret qui se développe au
niveau européen.
29. A mon avis, il est fondamental que les institutions européennes
donnent le meilleur exemple possible en matière de transparence
et d’accès aux informations. La confiance du public envers les responsables politiques
pâtit de l’excès de confidentialité. Ceci est d’autant plus marqué
dans le cas de la politique européenne, que les citoyens perçoivent
inévitablement comme étant plus distante, plus complexe et plus technocratique
que leurs propres préoccupations locales.
2.3. La jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l'homme en matière d'accès à l'information
30. Pendant des années, la Cour européenne des droits
de l’homme a considéré, dans son interprétation de l’article 10
de la Convention européenne des droits de l’homme (liberté d’expression),
que celui-ci ne conférait aucun droit d’accès individuel à l’information
détenue par l’Etat
![(52)
Leander c. Suède, Requête n° 9248/81,
arrêt du 26 mars 1987, paragraphe 74; Gaskin
c. Royaume-Uni, Requête n° 10454/83, arrêt du 7 juillet
1989, paragraphe 52; Guerra c. Italie,
Requête n° 14967/89, arrêt du 19 février 1998, paragraphe 53; McGinley et Egan c. Royaume-Uni,
Requêtes nos 21825/93 et 23414/94, arrêt
du 9 juin 1998; Roche c. Royaume-Uni,
Requête n° 32555/96, arrêt du 19 octobre 2005, paragraphe 172 (mais
la Cour a estimé que le refus de communiquer l'information était
contraire à une obligation positive née de l'article 8).](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
Ces derniers temps, elle a modifié prudemment, au cas par cas, son
interprétation. En 2006, la Cour a examiné une affaire dans laquelle
une ONG de protection de l’environnement s’était vue refuser l’accès
à des documents qui concernaient une centrale nucléaire. Elle a
en l’espèce estimé que le refus de l’Etat de communiquer ces informations
portait atteinte au droit de la requérante, découlant de l’article
10, à les obtenir
![(53)
Sdruženi Jihočeské Matky c. République tchèque,
Requête n° 19101/03, décision sur la recevabilité du 10 juillet 2006.
En l'espèce, la Cour a estimé que le refus était suffisamment justifié
et s'appliquait aux restrictions prévues à l'article 10.2; la Cour
a par conséquent conclu à l'irrecevabilité de la requête.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
Cette approche a été confirmée à nouveau dans deux affaires de 2009
contre la Hongrie. La Cour a conclu que le refus opposé aux demandes d’information
– dans le premier cas, de la part de l’Union hongroise pour les
libertés civiles concernant des documents relatifs aux procédures
devant la Cour constitutionnelle et dans le second, de la part d’un
historien concernant des données historiques détenues par le service
de sécurité de l’Etat hongrois – violait l’article 10
![(54)
Társaság
A Szabadságjogokért (Union hongroise pour les libertés civiles)
c. Hongrie, Requête n° 37374/05, arrêt du 14 avril 2009
et Kenedi/Hongrie, Requête
n° 31475/05, arrêt du 26 mai 2009.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
. Dans le premier
cas, la Cour a pourtant renvoyé à sa jurisprudence antérieure plus
restrictive résumée dans l’arrêt
Leander,
mais pour ensuite affirmer:
«Cela
étant, [la Cour] a récemment élargi son interprétation de la notion
de “liberté de recevoir des informations” (Sdružení Jihočeské Matky/République
tchèque (déc.), n° 19101/03, 10 juillet 2006), s'approchant de la
reconnaissance d'un droit d'accès à l'information
.»
31. En 2012, la Cour a confirmé cette avancée dans un arrêt de
la Grande Chambre contre la Suède, où elle a conclu que le refus
d’un administrateur de l’Université de donner aux demandeurs – des
chercheurs indépendants – accès à des données provenant de la recherche
médicale rassemblées par l’Université «porterait atteinte aux droits
[des demandeurs] […] de recevoir des informations par le biais de
la consultation des documents publics en question
![(56)
Gillberg
c. Suède, Requête n° 41723/06, arrêt du 3 avril 2012
(Grande Chambre).](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
».
32. Il convient de noter que la Cour a été la première instance
judiciaire à invoquer le principe selon lequel dès lors qu’une information
a été rendue publique, les restrictions relatives à sa publication
ultérieure ne sont plus justifiables, même pour des raisons de sécurité
nationale: en 1991, la Cour a statué que l’injonction permanente
sur une biographie d’un ancien membre des services de sécurité du
Royaume-Uni ne pouvait être maintenue étant donné que le document
avait déjà été publié aux Etats-Unis, estimant qu’en raison de la diffusion
antérieure, la publication ne pouvait plus produire de préjudice
identifiable
![(57)
The Observer et The Guardian c. Royaume-Uni,
Requête n° 13585/88; Sunday Times c.
Royaume-Uni (n° 2), Requête n° 13166/87 – arrêts du 26 novembre 1991.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
Ce principe a été confirmé à l’ère d’internet où l’information devient
publique rapidement et de manière irréversible. Il se reflète aussi
dans les Principes globaux
![(58)
Principes
globaux, Principe 49.b.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
33. Dans son arrêt de la Grande Chambre sur l’affaire
El-Masri c. L’ex-République yougoslave de Macédoine ![(59)
Requête n° 39630/09,
arrêt du 13 décembre 2012.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
, concernant une victime
allemande du programme de remises et de détentions secrètes de la CIA
![(60)
Voir rapports de M.
Dick Marty, op. cit., Doc. 10957, paragraphe 3.1, et Doc. 11302 rev., chapitre VI.i.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
, la Cour a fait
un grand pas vers la reconnaissance d’un «droit à la vérité» des
victimes des violations de droits de l’homme
![(61)
La Cour examine cet
aspect en vertu de l’aspect procédural de l’article 3 au lieu de
l’article 10, voir paragraphe 192: «l’enquête inadéquate conduite
en l’espèce a privé le requérant de la possibilité d’être informé
de ce qui s’était passé, et notamment d’avoir un compte rendu précis
des souffrances que l’intéressé disait avoir endurées et du rôle
joué par ceux qu’il en tenait pour responsables», et paragraphe 264:
«La Cour estime que la question soulevée sur le terrain de cette disposition
recoupe au fond les griefs tirés par le requérant de l’article 3,
et a déjà été traitée dans le cadre de l’examen de ceux-ci (paragraphe
192 ci‑dessus).»](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
. Renvoyant au rapport de l’Assemblée,
la Cour a aussi vivement critiqué le secret dont les autorités ont
entouré les violations commises à l’encontre de M. El-Masri:
«La notion de “secret d’Etat” a
souvent été brandie pour faire obstacle à la recherche de la vérité (paragraphes
46 et 103 ci-dessus), et elle a également été invoquée par le gouvernement
américain dans le cadre de l’affaire portée par le requérant devant
les tribunaux américains (paragraphe 63 ci-dessus). Le rapport Marty
a en outre conclu que “[l]a même démarche a[vait] induit les autorités
de «l’ex-République yougoslave de Macédoine» à cacher la vérité”
(paragraphe 46 ci-dessus)
.»
34. A mon avis, il convient de féliciter et d’encourager la Cour,
qui continue sur la voie de l’élaboration, au cas par cas, d’un
droit à l’information. Un tel droit est une condition préalable
importante à l’exercice effectif de nombreux autres droits qui sont
expressément reconnus par la Convention, tel que le droit à la vie
et à ne pas subir de torture (articles 2 et 3), à la liberté et
à la sûreté (article 5), au respect de la vie privée (article 8),
à la liberté d’expression (article 10), et même à des élections
libres (article 3, Premier Protocole).
3. Restrictions imposées
au droit d’accès à l’information
35. Le droit d’accès à l’information, qui est un des
aspects du droit à la liberté d’expression, n’est pas absolu en
vertu de la Convention européenne des droits de l’homme et peut
faire l’objet des restrictions prévues à l’article 10.2. Parmi les
motifs de limitation figure la protection du souci légitime de la
sécurité nationale, ainsi que le souligne le titre de ce rapport.
Mais toute restriction doit être prévue par la loi, poursuivre un
but légitime et être nécessaire dans une société démocratique
![(63)
Article 10.2 de la
Convention.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
. Cette exception à la règle doit
être interprétée de façon restrictive.
36. Compte tenu du fait que la sécurité nationale est l’un des
motifs publics les plus importants pour restreindre l’information,
lorsque les autorités publiques font valoir d’autres raisons pour
restreindre l’accès dans l’intérêt général – notamment les relations
internationales, l’ordre public, la santé publique et la sécurité publique,
l’application de la loi et les intérêts économiques de l’Etat –,
elles doivent respecter les mêmes normes pour imposer des restrictions
à l’accès à l’information que celles appliqués aux considérations
de sécurité nationale
![(64)
Principes
globaux, Principe 2.b.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
37. Afin d’éviter autant que possible toute ambiguïté et toute
disparité dans l’application de ces exceptions à la règle de libre
accès à l’information détenue par les organismes publics, j’estime
qu’un aspect fondamental de mon mandat de rapporteur est de contribuer
à la définition et à la diffusion de certains principes directeurs à
cet égard. Le projet d’élaborer les Principes globaux susmentionnés
s’est révélé extrêmement utile. En ma qualité de rapporteur à l’Assemblée,
j’ai pris activement part à l’élaboration de ces principes, lors
de la conférence européenne de consultation à Copenhague en septembre 2012.
Je constate avec satisfaction que mes principaux arguments, ainsi
que ceux d’autres acteurs européens, ont été pris en considération
dans la formulation du texte définitif des Principes globaux rédigés
à Pretoria (Tshwane) en avril 2013
![(65)
Voir paragraphe 4 ci-dessus.
J’avais demandé au secrétariat de notre commission d’accepter l’invitation
de l’OSJI à participer à la réunion de finalisation visant à rassembler
les résultats des consultations pour l’élaboration des «Principes globaux»,
connus aussi sous le nom de «Principes de Tshwane». Ces consultations
ont eu lieu à Pretoria (Tshwane), en Afrique du Sud, du 4 au 6 avril 2013.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
3.1. Le point de départ:
il convient de présumer du caractère accessible de toute information détenue
par l’Etat
38. Compte tenu des principes de démocratie et d’Etat
de droit, il convient de présumer du caractère public et accessible
de toute information détenue par l’Etat
![(66)
ARTICLE 19, <a href='http://www.article19.org/data/files/pdfs/standards/droit-du-public-a-l-information-french.pdf'>Droit
du public à l'information: Principes relatifs à la législation sur
la liberté de l'information</a>, 1999 (ci-après «Principes de la liberté de l’information»),
Principe 1.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
39. Les Principes globaux rappellent qu’en plus de l’Etat et d’autres
autorités publiques, les entreprises du secteur de la sécurité nationale,
notamment les sociétés privées de services militaires ou de sécurité,
ont la responsabilité de divulguer l’information sur des situations,
activités ou pratiques dont il y a raisonnablement lieu de croire
qu’elles ont un effet sur l’exercice des droits de l’homme
![(67)
Principes globaux,
Principe 1.b.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
40. Les autorités souhaitant restreindre l’accès à des documents
doivent justifier leur choix en démontrant sa conformité avec l’article 10.2
de la Convention européenne des droits de l’homme. Les Principes
globaux confirment que, dans tous les cas, la «charge de la preuve»
visant à démontrer la légitimité de toute restriction à l’accès
à l’information incombe à l’autorité publique qui cherche à retenir
l’information
![(68)
Ibid., Principe 4.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
41. Outre cette présomption générale, certaines catégories d’information
entraînent une plus forte présomption en faveur de la divulgation.
Parmi ces catégories d’information, qui peuvent ne pas être divulguées
pour des raisons de sécurité nationale uniquement dans des circonstances
tout à fait exceptionnelles, figurent les suivantes
![(69)
Ibid.,
Principe 10 (dans lequel figurent d’autres détails et exemples).](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
:
- des violations du droit international
des droits de l’homme et du droit international humanitaire; s’agissant
des violations flagrantes des droits de l’homme ou des violations
graves du droit humanitaire international et des violations systématiques
ou généralisées des droits à la liberté et à la sûreté de la personne,
ces informations ne peuvent en aucun cas être retenues pour des
raisons de sécurité nationale;
- les garanties relatives au droit à la liberté et à la
sûreté de la personne, à la prévention de la torture et des traitements
inhumains et dégradants (interdits par l’article 3 de la Convention)
et le droit à la vie (consacré à l’article 2), en particulier les
lois et règlements portant sur les motifs, les procédures de détention
et le traitement des détenus, notamment les méthodes d’interrogatoire;
- les structures et pouvoirs publics, notamment les lois
et règlements applicables à ces autorités et leurs instances de
surveillance et mécanismes de contrôle internes;
- les décisions de recourir à la force militaire ou d’acquérir
des armes de destruction massive, notamment l’information sur l’ampleur
et la portée générales de l’intervention et l’explication des motifs;
- l’information sur la surveillance: le cadre juridique
relatif aux procédures à suivre pour l’autorisation, l’utilisation,
le partage, le stockage et la destruction des données interceptées;
- l’information budgétaire et financière, notamment une
information budgétaire suffisante pour permettre au public de comprendre
les finances et les règlements du secteur de la sécurité;
- l’obligation de rendre des comptes concernant les violations
constitutionnelles et statutaires et autres abus de pouvoir;
- la santé publique, la sûreté publique et l’environnement,
notamment (ainsi que spécifié au Principe général 10.H):
«1. En cas de menace réelle ou
imminente contre la santé publique, la sûreté publique ou l’environnement,
toute information qui pourrait permettre au public de comprendre
ou prendre des mesures pour éviter ou atténuer les préjudices résultant
de cette menace, qu’elle soit due à des causes naturelles ou provoquée
par des activités humaines, notamment par des actions de l’Etat
ou des actions d’entreprises privées;
2. D’autres informations, mises à jour régulièrement,
sur l’exploitation des ressources naturelles, la pollution et les
inventaires des émissions, les effets sur l’environnement des vastes
travaux publics proposés ou existants, ou des extractions de ressources,
et les plans d’évaluation et de gestion des risques pour les installations
particulièrement dangereuses.» (traduction non officielle).»
42. Les informations dont le caractère secret est jugé légitime
devraient, elles aussi, conserver ce statut uniquement tant qu’il
s’avère «nécessaire dans une société démocratique», ainsi que mentionné
dans l’article 10.2. Comme une information peut, avec le temps,
perdre de son intérêt, mais aussi de son caractère dangereux en
cas de publication, il convient de tenir compte de ce facteur et
d’éviter toute période de classification inutilement et/ou excessivement
longue.
43. La notion d’information «publique» ou «détenue par l’Etat»
doit être définie de façon large, de manière à englober les informations
détenues par l’administration dans son ensemble, notamment celle
des pouvoirs exécutif, législatif ou judiciaire, ainsi que par les
instances de surveillance, les agences de renseignement, les forces
armées, la police et d’autres agences de sécurité, et par tout organisme
assumant une mission de service public et financé par les contribuables.
Il importe que, même lorsque le service concerné est susceptible
de faire exception à la règle de par la nature de ses activités,
il ne soit pas totalement exonéré, d’emblée, de l’obligation de
communiquer les informations dont il dispose
![(70)
Principes relatifs
à la liberté d’information, Principe 4; Principes globaux, Principes
5 et 9.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
44. En outre, «les exceptions doivent s’appliquer uniquement lorsqu’il
y a un risque de préjudice important pour un intérêt protégé et
dès lors que ce préjudice l’emporte sur l’intérêt général global
que présente l’accès à l’information
![(71)
Voir la déclaration
conjointe de 2004 du Rapporteur spécial des Nations unies sur le
droit à la liberté d’opinion et d’expression, Ambeyi Ligabo, du
Représentant de l’Organisation pour la sécurité et la coopération
en Europe sur la liberté des médias, Miklos Haraszti, et du Rapporteur
spécial pour la liberté d’expression de l’Organisation des Etats
Américains, Eduardo Bertoni: <a href='www.cidh.org/Relatoria/showarticle.asp?artID=319&lID=1'>www.cidh.org/Relatoria/showarticle.asp?artID=319&lID=1</a> (en anglais uniquement). Il convient de noter que la
Commission africaine des droits de l’homme et des peuples n’a pas
nommé de rapporteur sur la liberté d’expression avant 2005. En 2008,
son mandat a été élargi afin d’inclure expressément le droit à l’information.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
».
(traduction non officielle) Cette conception transparaît à juste
titre dans diverses séries de principes énoncés par des dispositions
non contraignantes applicables à l’accès à l’information, comme
les Principes globaux
![(72)
Principes
globaux, Principe 3.b.ii;
ARTICLE 19, <a href='http://www.article19.org/data/files/pdfs/standards/joburgprinciples.pdf'>Principes
de Johannesburg sur la sécurité nationale, la liberté d'expression
et l'accès à l'information</a>, 1995 (ci-après «Principes de Johannesburg»), Principes 15
et 16; Principes de la liberté de l’information, Principe 4.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
45. Enfin, le principe de divulgation de l’information concernant
les violations des droits de l’homme s’applique que les violations
aient été commises par l’Etat qui détient l’information ou par un
autre Etat
![(73)
Principes
globaux, Principe 10.A.5.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
. Cela implique que
les Etats membres du Conseil de l’Europe divulguent les informations
qu’ils détiennent sur les violations des droits de l’homme commises
par d’autres pays, par exemple dans la lutte contre le terrorisme.
3.2. La primauté de
l’intérêt général
46. La «primauté de l’intérêt général»
![(74)
Voir à ce sujet The public interest test in FOI legislation,
par Prof. Maeve McDonagh, faculté de droit, Université de Cork,
Irlande, 2012, <a href='http://www.right2info.org/resources/publications/eu-mcdonagh-maeve-the-public-interest-test-in-foi-legislation/view'>www.right2info.org/resources/publications/eu-mcdonagh-maeve-the-public-interest-test-in-foi-legislation/view</a>.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
affirme l’existence d’un droit
d’accès à une information qui fait en principe l’objet d’une exception
légitime, dès lors que l’intérêt général qui commande la communication
de cette information revêt une importance supérieure à la défense
des intérêts qui conduisent l’administration à la tenir secrète.
Cette «primauté» offre une garantie précieuse, car il est impossible
de donner une définition suffisamment étroite des exceptions pour
prendre en compte l’ensemble des informations légitimement secrètes
![(75)
T. Mendel, <a href='http://www.article19.org/data/files/pdfs/publications/jo-burg-principles-overview.pdf'>The
Johannesburg Principles: Overview and Implementation</a>, 2003, p. 16.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
. La définition de «l’intérêt
général» doit être suffisamment large pour en permettre l’interprétation souple
![(76)
R. Baxter, Public Access
to Business Information Held by Government, 1997 Journal of Business
Law, p. 4.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
. Cet intérêt général prime habituellement
lorsque l’information en question:
- apporte d’importants éléments de réflexion à un débat
public en cours;
- favorise la participation des citoyens au débat politique;
- fait état de graves abus, notamment de violations des
droits de l’homme commises par des agents publics;
- renforce l’obligation de rendre des comptes dans la gestion
des affaires publiques en général et dans l’utilisation des fonds
publics en particulier;
- présente un avantage pour la santé publique ou la sécurité
publique
.
3.3. Une administration
indépendante pour statuer sur les demandes d’information formulées
en vertu de la liberté d’information
47. Le caractère quelque peu flou (inévitable, malgré
nos efforts) de la notion d’intérêt général laisse aux autorités
publiques une marge d’appréciation considérable pour communiquer
ou non une information, dans la pratique. Pour cette raison, et
afin d’éviter un effet dissuasif général sur la divulgation, les
agents des autorités publiques qui sont chargés de répondre aux
demandes d’information «ne doivent pas être sanctionnés pour la
communication d’une information qu’ils estimaient raisonnablement
et de bonne foi pouvoir divulguer conformément à la loi»
![(78)
Principes globaux,
Principe 44.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
(traduction non officielle).
48. Le rejet d’une demande d’accès à l’information doit être motivé
et garantir le droit du requérant à son réexamen diligent à un faible
coût par une autorité indépendante sur le plan institutionnel, financier
et opérationnel du pouvoir exécutif et de toutes les autorités du
secteur de la sécurité
![(79)
Ibid., Définitions, p. 5 et Principe
26.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
. En cas de non communication de l’information,
l’autorité à l’origine du refus doit attester qu’elle détient ou
non l’information demandée et motiver son refus par écrit
![(80)
Ibid.,
Principes 19 et 20.a.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
Elle doit fournir des informations suffisantes sur l’identité de
l’agent à l’origine de la décision et les moyens de faire appel
de celle-ci
![(81)
Ibid., Principe 20.b.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
49. L’autorité de contrôle indépendante «doit disposer des compétences
et des ressources nécessaires pour garantir un réexamen efficace,
notamment avoir pleinement accès à toutes les informations pertinentes, même
si elles sont classées confidentielles
![(82)
Ibid.,
Principe 26.b.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
».
(traduction non officielle) Ses décisions doivent en principe aussi
pouvoir faire l’objet d’un recours devant une autorité judiciaire
![(83)
Ibid.,
Principe 26.c; sur la surveillance
judiciaire du secteur de la sécurité, voir également la section
4 ci-après, points 83 à 86.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
3.4. La sécurité nationale
en tant qu’exception à l’accès à l’information
3.4.1. Mise en balance
des intérêts en jeu
50. La protection de la sécurité nationale est indispensable
à la pérennité de tout Etat et à la sécurité de sa population. Il
va sans dire que bien des aspects de l’activité des services chargés
de la sécurité de l’Etat doivent demeurer hors du domaine public
pour que leur action soit efficace. Les informations relatives aux méthodes
de travail (tactique), à l’identité des collaborateurs et informateurs,
ainsi qu’à d’autres éléments sensibles doivent rester secrètes.
On peut difficilement affirmer qu’il existe un intérêt général légitime
supérieur à de telles considérations sécuritaires.
51. Mais dans bien des pays, une «culture du secret» s’est développée
au fil du temps, enveloppant du secret tout aspect des structures
et des activités des agences chargées de la sécurité. Certains services spéciaux
sont en effet devenus «un Etat dans l’Etat», et échappent à toute
obligation de rendre des comptes. Ce recours abusif au secret a
servi à dissimuler de graves violations des droits de l’homme, compromettant
le respect de l’Etat de droit
![(84)
Voir
le Doc. 10957 «Allégations de détentions secrètes et de transferts
interétatiques illégaux de détenus concernant des Etats membres
du Conseil de l’Europe»; le Doc.
11302 rev «Détentions secrètes et transferts illégaux de détenus impliquant
des Etats membres du Conseil de l’Europe: second rapport»; et le Doc. 12712 «Les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme».](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
52. L’introduction des Principes globaux donne un bon aperçu des
intérêts en jeu:
«Un examen attentif
de l’histoire récente laisse à penser que les intérêts légitimes
en matière de sécurité nationale sont, dans la pratique, mieux protégés
lorsque le public est amplement informé des activités que mène le
gouvernement, notamment de celles qui visent à protéger la sécurité
nationale
.» (traduction
non officielle)
«Il est d’autant plus difficile de trouver un équilibre
que, dans de nombreux pays, les tribunaux font preuve d’une indépendance
minimale et de la plus grande déférence envers les revendications
des pouvoirs publics lorsqu’il s’agit de la sécurité nationale.
Cette considération est renforcée dans bon nombre de pays par des
dispositions législatives en matière de sécurité qui soulèvent des
exceptions au droit à l’information ainsi qu’aux règles ordinaires
en matière d’administration de preuve et aux droits de l’accusé,
dès lors que les autorités prouvent ou simplement invoquent un danger
pour la sécurité nationale. Une invocation exagérée des préoccupations
relatives à la sécurité nationale de la part de l’Etat peut gravement
affaiblir les principales garanties institutionnelles contre les
abus de ce dernier: indépendance de la justice, primauté du droit,
contrôle du pouvoir législatif, liberté des médias et transparence
de l’administration
.» (traduction
non officielle)
53. A mon sens, ces «garanties institutionnelles» sont effectivement
des éléments de la «sécurité nationale» appréhendée en termes de
sécurité de nos Etats démocratiques en tant que tels.
3.4.2. La notion de sécurité
nationale
54. Compte tenu de ce qui précède, une restriction basée
sur un intérêt de sécurité nationale ne devrait être considérée
comme légitime que dans certaines circonstances limitées. Les
Principes
de Johannesburg sur la sécurité nationale, la liberté d’expression
et l’accès à l’information ![(87)
Note
73 supra.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
de 1995 sont très stricts, compte tenu
du fait qu’une menace contre la sécurité nationale correspond à
une menace contre l’existence du pays et qu’il est «nécessaire de
protéger l’indépendance politique ou l’intégrité territoriale du
pays du recours ou de la menace de recours à la force
![(88)
Principes globaux,
Principe 2.a; S. Coliver,
Commentary to: The Johannesburg Principles on National Security, Freedom
of Expression and Access to Information, Human
Rights Quarterly 20 (1998) 12-80, p. 20.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.»
55. Les Principes globaux s’abstiennent d’essayer de fournir une
définition positive de la «sécurité nationale». Parvenir à une telle
définition, si elle doit être universelle, serait tout aussi difficile
que de tenter de définir la notion de «terrorisme», avec laquelle
les Nations Unies se débattent depuis des décennies.
56. Au contraire, le Principe 2 prévoit une recommandation sur
les procédures, à savoir qu’il convient de faire figurer une définition
précise de la «sécurité nationale» dans le droit national, d’une
manière conforme aux besoins d’une société démocratique
![(89)
Ibid.,
Principe 2.c.; de même, M. Martin
Scheinin, Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion
et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales
dans le cadre de la lutte antiterroriste, dans son rapport: <a href='http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/HRC/14/46&referer=/english/&Lang=F'>Compilation
de bonnes pratiques en matière de cadres et de mesures juridiques
et institutionnels, notamment de contrôle, visant à garantir le
respect des droits de l'homme par les services de renseignement
dans la lutte antiterroriste</a>, A/HRC/14/46, 2010, à la Pratique n° 1, observe que:
«Si les Etats ont des vues divergentes quant à la définition de
la sécurité nationale, il est bon, en pratique, que la sécurité
nationale et ses valeurs constitutives soient clairement définies
par des lois adoptées par le parlement.»; la déclaration conjointe
de 2004 des rapporteurs des Nations Unies sur la liberté d’expression
et des médias affirme que «les législations sur le secret doivent
définir précisément la notion de sécurité nationale et indiquer
clairement les critères invoqués pour déclarer une information secrète,
afin d’éviter l’utilisation abusive de l’étiquette “secret” pour
empêcher la divulgation d’informations d’intérêt public». (traduction
non officielle)](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
. Dans le même ordre d’idées sur
les procédures, le Principe 3, empruntant les termes de la Convention
européenne des droits de l’homme et de la jurisprudence de la Cour de
Strasbourg, précise:
«Aucune
restriction du droit à l’information fondée sur des motifs de sécurité
nationale ne peut être imposée, à moins que les pouvoirs publics
ne soient en mesure de prouver que: (1) la restriction est (a) prévue
par la loi et (b) nécessaire dans une société démocratique, (c)
afin de protéger un intérêt légitime de sécurité nationale, et (2)
la loi prévoit des garanties suffisantes contre les abus, notamment
un contrôle rapide, complet, accessible et efficace de la validité
de la restriction par une autorité de surveillance indépendante
et un contrôle juridictionnel complet.» (traduction non officielle)
57. Ces conditions sont énoncées clairement et, selon moi, de
manière convaincante:
a. Prévue par la loi. La loi doit être
accessible, sans ambiguïtés, écrite de manière précise et restrictive
de façon à permettre aux individus de comprendre quelle information
peut être retenue, quelle information doit être divulguée, et quelles
actions concernant l’information font l’objet de sanction
.
b. Nécessaire dans une société démocratique.
i. La divulgation de l’information
doit présenter un risque réel et identifiable de porter un préjudice significatif
à un intérêt légitime de sécurité nationale.
ii. Le préjudice que risque de causer la divulgation doit
être supérieur à l’intérêt général présenté par la divulgation.
iii. La restriction doit respecter le principe de proportionnalité
et constituer le moyen le moins restrictif disponible de se protéger
contre le préjudice.
iv. La restriction ne doit pas compromettre la nature même
du droit à l’information.
c. Protection d’un intérêt légitime
de sécurité nationale. Les catégories restrictives des
informations qui peuvent être classées confidentielles sur des motifs
de sécurité nationale doivent être définies clairement par la loi.
58. Quant au fond, les Principes globaux débutent par la définition
«négative» suivante:
«Un intérêt
de sécurité nationale n’est pas légitime si son véritable but ou
son principal effet est de protéger un intérêt ne concernant pas
la sécurité nationale, par exemple de protéger un gouvernement ou
des agents publics d’une situation embarrassante ou de la divulgation
de graves abus; de dissimuler des informations sur les violations
de droits de l’homme, toute autre violation du droit, ou le fonctionnement
des institutions publiques; de renforcer ou alimenter un intérêt
politique, un parti ou une idéologie particulière; ou de réprimer
des manifestations légales
.»
(traduction non officielle)
59. Je note avec satisfaction que les Principes globaux reflètent
la position de l’Assemblée parlementaire selon laquelle les informations
relatives aux violations des droits de l’homme ne peuvent être considérées comme
des secrets d’Etat légitimes
![(92)
Voir Résolution 1838 (2011), paragraphe 4.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
, position que j’ai
défendue lors de la consultation de Copenhague en septembre 2012.
60. Les Principes globaux illustrent les situations où l’accès
à l’information peut être limité, mais où l’intérêt général revêt
une importance supérieure et l’accès à l’information reste protégé,
par les exemples suivants
![(93)
Principes
globaux, Principe 9.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
:
- les plans et opérations militaires en cours et les moyens
dont disposent les forcés armées, aussi longtemps que ces informations
présentent une utilité opérationnelle (les Principes limitent ainsi l’obligation
de communiquer l’information aux cas où elle ne révèle plus rien
permettant à l’ennemi de comprendre l’état de préparation, la capacité
ou les plans de l’Etat en question);
- les informations sur la production, les capacités ou l’utilisation
des systèmes d’armement et autres systèmes militaires, notamment
les systèmes de communications;
- les informations sur les mesures spécifiques visant à
protéger le territoire de l’Etat, les infrastructures essentielles,
ou les institutions nationales essentielles contre les menaces ou
le recours à la force ou le sabotage, dont l’efficacité dépend du
secret;
- les informations concernant les questions de sécurité
nationale relevant ou provenant des opérations, sources et méthodes
des services de renseignement;
- les informations concernant des questions de sécurité
nationale qui ont été fournies par un Etat étranger ou une instance
intergouvernementale avec une attente explicite de confidentialité
et d’autres communications diplomatiques dans la mesure où elles
concernent des questions de sécurité nationale.
61. J’avais, en ce qui me concerne, proposé certaines modifications
au stade de l’élaboration, par exemple d’ajouter les informations
relatives à la prévention des actes terroristes et des crimes de
même ordre ainsi que des informations en matière de lutte contre
le terrorisme au sein de la catégorie des informations dont l’accès peut
être limité. En conséquence, une note explicative au Principe 9
indique que:
«Dans la mesure où
des informations particulières concernant le terrorisme et des mesures
de lutte contre le terrorisme sont couvertes par l’une des catégories
ci-dessus, le droit du public à l’accès à ces informations peut
faire l’objet de restrictions pour des raisons de sécurité nationale
conformément à cette disposition et à d’autres dispositions prévues
par les Principes.» (traduction non officielle)
62. S’agissant des communications diplomatiques, j’avais préconisé
la limitation de la protection du secret aux communications diplomatiques
qui concernaient directement les questions de sécurité nationale.
Cela se reflète désormais au Principe général 9. Bon nombre de rapports
«confidentiels» d’ambassades vont à peine au-delà de la compilation
d’articles de presse et je vois mal en quoi leur publication pourrait
être un tant soit peu préjudiciable. Même la publication par «Wikileaks»
d’un nombre considérable de télégrammes d’ambassades américaines
ne semble pas avoir eu de graves répercussions diplomatiques ou
avoir été durablement préjudiciable. Au contraire: nombre de télégrammes
parmi ceux qui semblent le plus embarrasser le gouvernement américain
montrent en réalité que les diplomates américains ne sont pas nés
de la dernière pluie et font heureusement preuve de réalisme et
de franchise dans leurs rapports. Cette fuite à grande échelle a
permis de tirer un enseignement: la publication d’informations relativement
sensibles n’est jamais aussi préjudiciable qu’on pouvait le croire
autrefois. Je considère donc la sévérité extrême avec laquelle les
autorités américaines traitent M. Bradley Manning, le jeune soldat
qui serait la «source» de ces fuites, comme des plus inappropriée
![(94)
Voir, par exemple, <a href='http://www.reuters.com/article/2013/02/28/us-usa-wikileaks-manning-idUSBRE91R0T720130228'>www.reuters.com/article/2013/02/28/us-usa-wikileaks-manning-idUSBRE91R0T720130228</a>.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
63. Un dernier motif peut amener à ne pas respecter le droit d’accès
à l’information: un «état d’urgence», proclamé en vertu du droit
national et international et menaçant l’existence d’un Etat
![(95)
Principes globaux,
Principe 8.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
. Ce motif doit être utilisé avec
la même prudence que le recours à l’«état d’urgence» en général.
Toute dérogation au droit à l’information doit être cohérente avec
les autres obligations prévues par le droit international. Les notes
du Principe 8 indiquent à juste titre que certains aspects du droit
de chercher, recevoir et répandre des informations et des idées
sont étroitement liés à l’exercice de certains droits non susceptibles
de dérogation (tels que le droit à la vie ou l’interdiction de la
torture) et doivent par conséquent aussi être respectés en situation
d’urgence.
3.5. Méthodes de classification
de l’information
64. Si les informations peuvent être classifiées en fonction
de critères restrictifs et juridiques, les Etats utilisent diverses
méthodes en la matière, notamment la classification systématique
ou automatique de l’ensemble des documents en fonction de critères
préétablis et au cas par cas
![(96)
T.
Mendel, Defining the Scope of National
Security: Issues Paper for the Open Society Justice Initiative National Security
Principles Project, mai 2011, p. 6 et suiv.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
Du point de vue de la liberté de l’information, les critères juridiques
de classification doivent être définis de façon suffisamment claire
et étroite et la méthode appliquée doit s’accompagner de garanties
procédurales adéquates. Il convient, par exemple, que la loi précise
qui est autorisé à classifier les informations et fasse en sorte
que ces individus puissent être retrouvés ou identifiables à partir
du document classifié afin de faciliter l’obligation de rendre des comptes
![(97)
Principes globaux,
Principe 13.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
65. Il importe que tout document faisant l’objet d’une classification
en porte la mention, que la justification de ce choix soit consignée,
que le niveau et la durée de classification soient indiqués et que
le préjudice que pourrait causer sa divulgation soit précisé
![(98)
Ibid.,
Principe 11.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
. Les agents publics devraient pouvoir
contester la classification au niveau interne s’ils estiment qu’elle
est inadaptée ou qu’elle n’est plus justifiée
![(99)
Ibid., Principe 14.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
De plus, le fait qu’une information soit classifiée ne doit pas
exclure sa divulgation à la suite d’une demande
![(100)
Ibid., Principe 18.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
66. Des délais doivent être imposés pour la classification, conformément
au principe selon lequel l’information ne peut être retenue que
tant que cela s’avère «nécessaire dans une société démocratique»,
en vertu de l’article 10.2 de la Convention. Pour garantir le respect
de ce principe, une révision régulière de la classification des
informations doit avoir lieu au moins tous les cinq ans, avec une
règle absolue: aucune information ne doit être classifiée indéfiniment.
Au moment de la classification, le personnel concerné doit préciser
la date, les conditions ou l’événement à partir duquel la classification
devient caduque, pour l’efficacité du processus de contrôle
![(101)
Ibid., Principe 16;
voir aussi: Open Society Justice Initiative, <a href='http://www.right2info.org/resources/publications/publications/declassification-procedures-council-of-europe-states'>Declassification
Procedures in Council of Europe Member States</a> (2012).](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
67. La politique de déclassification du Conseil de l’Europe, adoptée
par le Comité des Ministres en 2001
![(102)
<a href='https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=Res(2001)6&Language=lanFrench&Ver=original&Site=CM&BackColorInternet=C3C3C3&BackColorIntranet=EDB021&BackColorLogged=F5D383'>Résolution Res(2001)6</a>.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
, donne un exemple positif en la
matière: tandis qu’un grand nombre de documents sont publics dès
le départ, les documents classés «diffusion restreinte» deviennent
automatiquement publics un an après leur production, et les rares
documents classés «confidentiel» ou «secret» le deviennent respectivement
au bout de dix ans et trente ans, sauf décision spéciale de faire
exception à cette règle. L’Assemblée parlementaire, et en particulier la
commission des questions juridiques et des droits de l’homme, applique
aussi une politique plutôt libérale en la matière. Si la plupart
des documents sont initialement classés «diffusion restreinte»,
les projets de rapport entrent dans le domaine public dès leur adoption
par la commission, et celle-ci déclassifie librement d’autres documents
dès lors que le rapporteur en fait la demande.
68. Le grand public devrait avoir accès aux procédures et aux
normes du système de classification en vigueur dans son pays
![(103)
Principes globaux,
Principe 12.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
, ainsi qu’à un index d’informations
classifiées
![(104)
Ibid.,
Principe 15.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
69. L’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme
(pas de peine sans loi) prévoit semble-t-il clairement que, lorsque
la violation d’un secret d’Etat est passible de sanction pénale,
les citoyens aient accès à la liste des documents protégés à ce
titre et mentionnés dans les dispositions pénales pertinentes, et que
l’utilisation des informations qui figurent déjà dans le domaine
public ne soit pas constitutive d’une violation de secret d’Etat.
Le rapport de notre ancien collègue Christos Pourgourides, «Equité
des procédures judiciaires dans les affaires d’espionnage ou de
divulgation de secrets d’Etat»
![(105)
Doc. 11031 «Equité des procédures judiciaires dans les affaires
d’espionnage ou de divulgation de secrets d’Etat», 25 septembre 2006.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
,
montre que cette situation ne va pas de soi partout: en Fédération
de Russie, plusieurs scientifiques ont été condamnés à de longues peines
d’emprisonnement pour avoir «divulgué» des informations qui relevaient
déjà incontestablement du domaine public avant que les scientifiques
en question ne les utilisent dans le cadre de leurs activités universitaires
de recherche et de publication.
70. Parallèlement, les autorités des Etats-Unis ont invoqué le
secret d’Etat pour éviter que des plaintes civiles présentées par
des victimes de «remise» comme Khalid el-Masri ne soient entendues
par une juridiction. Alors que les pouvoirs publics ont affirmé
que le procès imposerait d’examiner des secrets d’Etat relatifs
à la lutte contre le terrorisme, le rapporteur de l’Assemblée, Dick
Marty, a mis en évidence dans un mémoire d’
amicus
curiae qu’il a soumis à la Cour suprême des Etats Unis
que l’ensemble des informations nécessaires à la défense de l’affaire
de M. el-Masri relevaient déjà du domaine public – plus précisément,
dans les propres rapports de l’Assemblée sur les remises et les
détentions secrètes
![(106)
Supra
note 7.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
, qui ont largement couvert l’affaire
de M. el-Masri.
71. Les affaires susmentionnées en Russie et aux Etats-Unis auraient
violé les Principes globaux. S’agissant des affaires des universitaires
russes, les Principes prévoient que les personnes qui n’ont pas
accès aux informations classifiées ne doivent pas faire l’objet
de poursuites pour la violation des législations sur le secret de
l’Etat
![(107)
Principes
globaux, Principe 47.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
et que toute loi ou autre
règlement juridique en la matière doit être rendu public
![(108)
Ibid.,
Principe 3.a.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
Ces dispositions visent principalement à protéger les journalistes,
mais couvrent aussi, par exemple, les chercheurs universitaires
ou d’ONG. Parallèlement, ainsi que l’énoncent clairement les Principes,
il n’est pas question de garantir l’impunité aux journalistes et
aux autres chercheurs qui commettent d’autres infractions pénales
afin d’obtenir des informations secrètes auxquels ils n’ont pas
accès. Inutile d’illustrer ce propos par l’exemple extrême d’un
journaliste ou chercheur qui torture ou fait chanter une «source»
pour qu’elle lui fournisse une information secrète: une effraction
commise afin d’obtenir l’accès à l’information souhaitée demeure
une infraction répréhensible.
72. Je partage avec les rédacteurs des Principes l’idée que «les
divulgations à des tiers constituent un correctif important pour
une classification généralisée.» (traduction non officielle) Je
souscris aussi à la position des Rapporteurs spéciaux des Nations
Unies et de la Commission interaméricaine des droits de l’homme
qui, dans leur déclaration conjointe sur Wikileaks en 2010, ont
affirmé que:
“[I]l incombe exclusivement
aux autorités publiques et à leurs agents de protéger la confidentialité
des informations légitimement classifiées sous leur contrôle. La
responsabilité d’autres individus, notamment les journalistes, les
travailleurs des médias et les représentants de la société civile,
qui reçoivent et diffusent des informations classifiées parce qu’ils
estiment que l’intérêt général le justifie, ne doit pas être engagée
sauf s’ils se sont rendus coupables de fraude ou toute autre infraction
pour obtenir l’information
.» (traduction non officielle)
73. Dans la même veine, il est tout à fait logique que des personnes
n’ayant pas accès aux informations classifiées ne puissent être
contraintes à révéler les sources de ces informations
![(110)
Principes
globaux, Principe 48.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
3.6. Les obligations
logistiques des autorités publiques en matière d’accès à l’information
74. Si l’exemption illégitime de la sécurité nationale
est l’une des plus sérieuses menaces pesant sur le droit d’accès
à l’information publique, il n’en demeure pas moins que les autorités
publiques ont également d’importantes tâches subsidiaires, qui doivent
être remplies afin de garantir la réalisation effective du droit
à l’information dans la pratique.
75. Lorsque des demandes d’accès à des informations sont formulées,
les autorités publiques doivent consacrer suffisamment de moyens
et de temps pour trouver les informations manquantes, quelle que
soit la raison de leur disparition
![(111)
Ibid.,
Principe 21.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
. En outre, les procédures menées
pour trouver l’information devraient faire l’objet d’un contrôle
juridictionnel, de même que les raisons de la disparition. Si l’information
ne peut être trouvée, les autorités policières ou administratives
doivent enquêter sur la disparition et publier les résultats de
l’enquête.
76. Il est recommandé que les délais de réponse aux demandes d’information
soient fixés par la loi et n’excèdent pas 20, voire tout au plus
30 jours ouvrables
![(112)
Ibid., Principe 25.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
La loi peut prévoir différents délais en fonction de la complexité
et des volumes de l’information. Lorsqu’il est urgent d’obtenir
l’information afin de «protéger la vie et la liberté d’une personne»,
il convient d’appliquer des délais expéditifs.
77. Le fait qu’une partie d’un document demandé est légitimement
retenue ou classifiée ne constitue pas un obstacle à l’accès à l’information
si certaines parties peuvent en être divulguées. En pareil cas,
«les autorités publiques sont tenues de prélever et diffuser l’information
non exempte
![(113)
Ibid., Principe 22.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
».
(traduction non officielle) De plus, une information retenue même
légitimement doit être identifiée avec autant de spécificité que
possible
![(114)
Ibid., Principe 23.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
. L’information
divulguée doit être, si possible, mise à disposition dans le format
demandé
![(115)
Ibid., Principe 24.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
78. Toutes ces obligations s’appliquent aux informations fournies
à des instances de surveillance, ainsi qu’à des membres du public.
Si elles ne sont pas remplies, l’effet pratique est le même que
si une exemption illégitime de sécurité nationale s’applique. Les
excuses logistiques déraisonnables sont par conséquent inacceptables
tout comme les refus non fondés de communiquer l’information pour
des motifs de sécurité nationale.
3.7. Accès à l’information
et respect de la vie privée
79. Le libre accès aux informations détenues par les
organismes publics ainsi que préconisé dans ce rapport peut entrer
en conflit avec le droit au respect de la vie privée des personnes
directement concernées par ces informations. Le droit au respect
de la vie privée est également garanti par la Convention européenne
des droits de l’homme (article 8). Parallèlement, le droit à l’accès
à l’information vient souvent renforcer le droit au respect de la
vie privée pour accentuer l’obligation de rendre des comptes faite
à l’administration, notamment les violations de ce droit
![(116)
D. Banisar, <a href='http://wbi.worldbank.org/wbi/Data/wbi/wbicms/files/drupal-acquia/wbi/Right to Information and Privacy.pdf'>The
Right to Information and Privacy: Balancing Rights and Managing
Conflicts</a>, 2011, p. 3, 9.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
. Le droit d’accès
d’une personne aux informations qui la concernent détenues par les
autorités publiques sert en pratique à protéger le respect de sa
vie privée: cela lui permet de contrôler l’utilisation de ses données
à caractère personnel et de rectifier toute information inexacte.
Les litiges proviennent généralement d’une mauvaise compréhension
des informations accessibles ou protégées, voire du fait que les
agents publics invoquent le respect de la vie privée pour dissimuler
les malversations ou autres abus des pouvoirs publics
![(117)
Ibid.,
p. 9.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
. Bien que cette question revête indéniablement
une importance capitale pour la définition de la portée du droit
à l’information, je compte la traiter uniquement dans la mesure
où elle concerne les rapports entre accès à l’information et sécurité
nationale. Les divers aspects de l’accès à l’information et du droit
au respect de la vie privée ont en effet déjà fait l’objet d’autres
travaux de l’Assemblée parlementaire
![(118)
Voir, par exemple, Doc. 12695, rapport sur la protection de la vie privée et des données
à caractère personnel sur l’internet et les médias en ligne, 29 juillet 2011;
rapport Doc. 8130 et Résolution 1165
(1998) sur le droit au respect de la vie privée, 3 juin 1998.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
80. Le droit international des droits de l’homme ne confère aucune
primauté à l’un des deux droits – droit d’accès à l’information
et droit au respect de la vie privée – sur l’autre. Le juste équilibre
doit être trouvé au cas par cas
![(119)
D. Banisar, op. cit., p. 16.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
Il convient tout d’abord qu’une définition claire et compatible
des informations à caractère personnel protégées soit donnée par
la législation et appliquée par les mécanismes de surveillance pertinents.
Des critères d’appréciation objectifs des intérêts contraires doivent
ensuite prendre en compte les intérêts privés et publics. Enfin,
n’oublions pas qu’un organisme gouvernemental ne peut, de par sa
nature collégiale, invoquer son droit au respect de la vie privée.
Seul l’agent public concerné par des informations
à caractère personnel qui portent
sur sa vie privée peut invoquer ce droit, qui sera alors mis en
balance avec les intérêts des personnes qui consultent et utilisent
ces informations. Lorsque les données à caractère personnel concernent des
malversations pénalement répréhensibles et d’autres atteintes aux
droits de l’homme, l’intérêt général que présentent la transparence
et l’obligation de rendre des comptes des organismes publics peut
fort bien primer sur le droit d’un agent public au respect de sa
vie privée. Cela dit, le respect de la présomption d’innocence (article 6.2
de la Convention européenne des droits de l’homme) impose de traiter
avec le plus grand soin les informations qui allèguent de la commission
d’actes pénalement répréhensibles, afin que la publication des informations
qui ont donné lieu à une mise en accusation et leur examen en dehors
du tribunal ne portent pas atteinte au droit du prévenu à un procès
équitable.
81. De surcroît, les victimes de violations des droits de l’homme
peuvent parfaitement avoir un intérêt privé légitime à éviter la
divulgation publique de leurs noms, afin d’éviter tout préjudice
supplémentaire. Ce point est expliqué de manière très pertinente
dans une note au Principe 10.A.6.
b:
«Les noms et d’autres données personnelles
des victimes, de leurs proches et des témoins peuvent ne pas être
divulguées au public dans la mesure nécessaire pour éviter de leur
porter un préjudice supplémentaire, si la personne concernée le
demande librement et de manière explicite, ou lorsque cela est manifestement
compatible avec ce que la personne souhaite ou les besoins particuliers
de groupes vulnérables. S’agissant des victimes de violence sexuelle,
il convient d’exiger leur consentement explicite. L’identité des
victimes mineures (âgées de moins de 18 ans) ne peut être divulguée
au public. Ce principe doit toutefois être interprété compte tenu
du fait que différents gouvernements ont, à divers moments, dissimulé
des violations des droits de l’homme à l’opinion publique en invoquant
le droit à la vie privée, notamment ceux des individus mêmes dont
les droits sont ou ont été gravement violés, sans égard pour ce
que souhaitent véritablement les individus concernés.» (traduction
non officielle)
4. Mécanismes de surveillance,
de contrôle et de recours
82. La procédure de contrôle du bien-fondé du rejet d’une
demande d’information et les mécanismes de recours doivent garantir
l’accessibilité des informations non confidentielles et la protection
des informations légitimement confidentielles.
83. Les instances de surveillance, qu’elles soient judiciaires
ou parlementaires, et les organes indépendants de contrôle et de
recours sont essentiels au maintien d’un système de poids et contrepoids
dans le domaine de la sécurité. Ces instances doivent être prévues
par la loi et prendre en compte tous les aspects du secteur de la
sécurité, dont le respect de la législation, y compris des dispositions
relatives aux droits de l’homme, le caractère effectif et l’efficacité
des opérations de renseignement, ainsi que les pratiques en vigueur
dans les domaines administratif et financier
![(120)
M. Scheinin, op. cit., Pratique 6.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
En outre, lorsque des éléments de preuve suffisants laissent penser qu’une
infraction a été commise, il convient de mener une enquête en bonne
et due forme et, le cas échéant, d’engager des poursuites pénales.
Les considérations de sécurité nationale ne doivent en effet pas
conduire à l’impunité de fait des agents publics qui prennent part
aux opérations visant au maintien de la sécurité.
84. La difficulté en la matière tient, à l’heure actuelle, au
manque d’informations fournies à ces instances
![(121)
Par exemple, R. (Khan) v. Secretary of State for Foreign
and Commonwealth Affairs<a href='http://www.judiciary.gov.uk/Resources/JCO/Documents/Judgments/khan-v-SSFCA-approved211212.pdf'> [2012]
EWHC 3728 (Admin)</a>, un tribunal administratif britannique n’a pas été en
mesure d’examiner, y compris dans le cadre d’une procédure de confidentialité,
la légalité de renseignements britanniques communiqués aux Etats-Unis
en vue de faciliter les frappes de drone au Moyen-Orient parce que
le Gouvernement britannique a suivi sa politique consistant à ne
pas confirmer ou infirmer l’existence de tels renseignements, ni
le fait de savoir s’ils ont été transmis aux Etats-Unis. Le tribunal
n’a donc pas pu examiner la question dont il était saisi (celui-ci
ayant admis que le gouvernement avait le droit de refuser de lui communiquer
cette information).](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
ainsi qu’au manque d'expertise
et de compréhension de la situation qui leur est imputé
![(122)
Union interparlementaire
(UIP) et Centre pour le contrôle démocratique des forces armées
(DCAF), Parliamentary Oversight of the Security Sector, 2003, p.
20.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
. Il est donc essentiel que les institutions
de surveillance aient un accès illimité à toutes les informations
indispensables à l'exercice de leur mandat
![(123)
M. Scheinin, op.
cit., Pratique 7; Principes globaux, Principe 32.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
Elles doivent bénéficier de la coopération pleine et entière des
services de sécurité concernés, avoir la capacité de mener des enquêtes
et de procéder à des contrôles de leur propre initiative, ainsi
qu’être investies des pouvoirs nécessaires et des ressources humaines
et financières indispensables à l'accomplissement effectif de leur
mission
![(124)
M. Scheinin, ibid.; Principes globaux, Principe
33; <a href='http://epe.lac-bac.gc.ca/100/206/301/pco-bcp/commissions/maher_arar/07-09-13/www.ararcommission.ca/eng/EnglishReportDec122006.pdf'>Commission
of Inquiry into the Actions of Canadian Officials in Relation to
Maher Arar, A New Review Mechanism for the RCMP’s National Security
Activities</a>, 2006, p. 18.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
85. Une autre difficulté tient au fait que les institutions de
surveillance sont des organismes nationaux dont la compétence est
limitée aux actions du secteur des renseignements de leur propre
pays. En même temps, la coopération internationale entre services
de renseignement va s’intensifiant, les menaces à la sécurité dépassant
aussi les frontières nationales. Les renseignements sont le plus
souvent échangés sous réserve qu’ils ne soient pas communiqués par
le service récepteur et à la condition que celui-ci ne dévoile pas
sa source. Le fruit d’une telle coopération ne fait donc l’objet
d’aucun contrôle. Une solution consisterait à renforcer la coopération
internationale entre organes nationaux de contrôle pour harmoniser
le développement de la coopération au plan opérationnel
![(125)
Voir le troisième rapport
de M. Dick Marty (Doc.
12714, op. cit.), paragraphes
52-57.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
. Cela ne devrait normalement pas poser
de problème pour les institutions de pays soumis aux même normes
en matière de transparence et de protection des droits de l’homme.
Dans la pratique, cela suppose encore beaucoup de progrès dans les
cultures organisationnelles des secteurs du renseignement de la
plupart, sinon de tous les Etats membres du Conseil de l’Europe.
86. Il convient de noter que ces instances accomplissent par nature
une mission de service public et qu'elles relèvent par conséquent,
en principe, du champ d'application du droit d'accès à l'information
![(126)
Principes globaux,
Principe 34.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
87. Pour parvenir au meilleur équilibre possible entre transparence
et intérêts de la sécurité nationale, un rapport antérieur de l’Assemblée
proposait de créer une instance composée de juges, assistés d'experts
en fonctionnement des services secrets. Cette structure devra bénéficier
d'un accès illimité à tout type d'informations détenues par le pouvoir
exécutif, afin d'être en mesure de définir les informations qui
doivent rester confidentielles et celles qu’il convient de rendre
publiques. Il importe que la procédure en vigueur devant cette instance
soit confidentielle, mais contradictoire, afin qu'elle puisse rendre
des décisions objectives en toute connaissance de cause
![(127)
Voir Doc. 12714 de l’Assemblée, op. cit.;
voir également à cet égard la controverse survenue au Royaume-Uni
au sujet de la “procédure de confidentialité”; par exemple la contribution
de Rosalind English, “Secret justice: do we have a compromise?”,
UK Human Rights Blog, 4 avril 2012, ainsi que les échanges avec
David Anderson QC, qui contrôle de manière indépendante la législation
britannique en matière de lutte contre le terrorisme. Ces questions
se sont récemment posées avec une acuité particulière lorsque la
Cour suprême du Royaume-Uni a décidé «à contrecœur» d’examiner partiellement
un recours en l’absence d’une partie pour des motifs de sécurité
nationale (<a href='http://www.supremecourt.gov.uk/news/bank-mellat-v-hm-treasury.html'>www.supremecourt.gov.uk/news/bank-mellat-v-hm-treasury.html</a>); Adam Wagner, «<a href='http://ukhumanrightsblog.com/2013/03/21/historical-first-as-supreme-court-boots-iranian-bank-out-of-secret-hearing/'>Historical
first as Supreme Court boots Iranian bank out of secret hearing</a>», UK Human Rights Blog, 21 mars 2013.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
5. Protection des
donneurs d’alerte
88. Pour que le grand public bénéficie des signalements
par les donneurs d’alerte, “comme outils permettant d’augmenter
la responsabilisation et de renforcer la lutte contre la corruption
et la mauvais gestion”, ainsi qu’énoncé par l’Assemblée dans sa
Recommandation 1916 (2010) sur la protection des «donneurs d’alerte», les agents
de l’Etat devraient être protégés contre les représailles lorsqu’ils
divulguent des informations faisant état d’actes répréhensibles,
quelle que soit la gravité de ces actes et leurs conséquences éventuelles
pour la sécurité nationale
![(128)
Principes
globaux, Partie IV.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
. Plus précisément, ils devraient
être exonérés de responsabilité civile ou pénale et protégés contre
la perte de leur emploi et/ou contre les dommages physiques ou psychologiques
![(129)
Ibid.,
Principe 41.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
. De plus, ils ne devraient pas être
tenus de fournir des éléments de preuve écrits pour que leur demandes
donnent lieu à une enquête ou pour éviter les représailles et ils
ne devraient pas non plus assumer la charge de la preuve pour ce
qui est de la véracité de l’information divulguée, sous réserve
qu’ils agissent de bonne foi
![(130)
Ibid., Principe 38.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
89. Les Principes globaux comportent une liste détaillée de catégories
d’informations que les donneurs d’alerte devraient être à même de
divulguer sans être en butte à des représailles, notamment des informations:
![(131)
Ibid.,
Principe 37.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
- sur
des infractions pénales;
- sur des violations des droits de l’homme;
- sur des violations du droit humanitaire international;
- sur la corruption;
- sur les menaces pour la santé et la sécurité publiques;
- sur les menaces pour l’environnement;
- sur les abus d’autorité;
- sur les erreurs judiciaires;
- sur la mauvaise gestion ou le gaspillage des ressources;
- sur les représailles pour signalement d’un des actes répréhensibles
énumérés ci-dessus;
- sur la dissimulation intentionnelle de toute situation
relevant de l’une des catégories ci-dessus.
91. La sévérité des poursuites pénales engagées contre la source
de “Wikileaks”, M. Bradley Manning, apparaît comme une violation
claire des principes susmentionnés. La diffusion de l’enregistrement
vidéo de l’homme tué à Bagdad par l’équipage d’un hélicoptère américain
qui prenait pour cible des civils, notamment des journalistes, en
commentant ces scènes avec cynisme, a trait à n’en pas douter à
des infractions pénales, des violations des droits de l’homme et
des violations du droit humanitaire international. Le fait de contribuer à
rendre public ces faits pour déclencher le débat et favoriser la
responsabilité découlant des actes concernés devrait être salué,
pas réprimé. Toute sanction pénale pour ces fuites alléguées devrait
être proportionnée au véritable préjudice causé et tenir compte
des idéaux de M. Manning, qui avait vingt ans à peine au moment des
faits supposés.
92. Pour optimiser les services rendus au grand public par les
donneurs d’alerte, les lois relatives à la protection des intéressés
devraient prévoir des procédures internes et désigner, au sein des
autorités publiques, des agents chargés de recevoir des divulgations
protégées
![(134)
Ibid., Principe 39.A.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
De plus, en l’absence de mécanismes internes, ou lorsque ceux-ci
sont défaillants, les donneurs d’alerte devraient être à même de
faire des signalements protégés à des organes de contrôle indépendants
protégeant l’identité des donneurs d’alerte, de façon à les préserver
contre les formes les plus subtiles de représailles
![(135)
Ibid.,
Principe 39.B.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
. Les divulgations publiques, avec
tous les risques qu’elles emportent, ne devraient intervenir qu’en
dernier recours.
93. Pour assurer la protection universelle des agents publics,
ceux-ci ne devraient pas pouvoir lever eux-mêmes ou renoncer à une
protection en tant que donneurs d’alerte. Tout accord ou contrat
en ce sens doit être considéré comme étant nul dès le départ
![(136)
Ibid.,
Principe 41.E; voir à ce propos, même si elle ne porte pas sur l’exemption
au titre de la sécurité nationale, la controverse au sujet des «clauses
de confidentialité» signées par le personnel du Service national
de santé (<a href='http://www.bbc.co.uk/news/health-21780425'>www.bbc.co.uk/news/health-21780425</a>).](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
Les
donneurs d’alerte devraient être en mesure de faire état de représailles
ou de menaces à des organes de contrôle indépendants, habilités
à prendre des mesures correctives ou réparatrices
![(137)
Ibid.,
Principe 41.C.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
94. Ces conditions garantissent la protection des donneurs d’alerte
et répondent aux objectifs plus généraux de prévention des abus
de pouvoir et de responsabilisation des gouvernements, notamment
du secteur du renseignement. Ces conditions devraient être fixées
dans des lignes directrices applicables à toutes les autorités publiques
afin de promouvoir la sécurité juridique et de rassurer d’éventuels
donneurs d’alerte
![(138)
Ibid., Principe 42.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
.
6. Conclusions
95. L’étendue croissante des opérations spéciales menées
au nom de la sécurité nationale et des dispositions pertinentes
adoptées pour les mêmes raisons, surtout depuis le 11 septembre,
a été préjudiciable à la législation relative à la liberté de l'information,
qui vise à renforcer la transparence de l'administration et son
obligation de rendre des comptes. Le manque d'informations qui en
découle a, à son tour, empêché les parlements, les juridictions
et les simples citoyens de prendre part concrètement à la prise
des décisions pertinentes et d'obliger le pouvoir exécutif à rendre
compte de ses actes.
96. Le Préambule des Principes globaux souligne à juste titre
que:
«En permettant au public
de contrôler l’action des pouvoirs publics, l’accès à l’information
est non seulement une garantie contre les abus de la part d’agents
de l’Etat, mais elle permet également au public de jouer un rôle
dans la définition des politiques de l’Etat et constitue, par conséquent,
une composante essentielle d’une véritable sécurité nationale, de
la participation démocratique et de l’élaboration de politiques
rationnelles. Pour protéger le plein exercice des droits de l’homme,
il peut être nécessaire, dans des circonstances particulières, de
garder l’information confidentielle pour protéger les intérêts légitimes
en matière de sécurité nationale.»
97. Il est indispensable de mettre en place des garanties adéquates
aux différents niveaux de procédure, afin de prévenir tout abus.
Des lignes directrices claires doivent être définies pour garantir
que les motifs de sécurité nationale soient uniquement invoqués
dans des situations appropriées et fassent l'objet d'un contrôle adéquat.
Les Principes globaux offrent à cet égard un ensemble de lignes
directrices bien conçues. Ils mettent en relief les questions qui
présentent un intérêt public légitime particulier et qui ne devraient
pas être classifiées secrètes. Ainsi, les informations relatives
à de graves violations des droits de l’homme commises par des agents
publics ne devraient jamais être classifiées secrètes. Le fait qu’un
gouvernement en place risque d’être embarrassé ne constitue pas
une menace pour la sécurité nationale. Les organismes qui s’occupent
de questions de sécurité nationale devraient être régulièrement
contrôlés, y compris par des organes de contrôle parlementaires
ou judiciaires dévoués, s’appuyant sur un mandat solide et dotés
des moyens nécessaires. Dernier point mais non le moindre, les donneurs
d’alerte devraient bénéficier d’une protection adéquate.
98. Le rôle joué par l'Assemblée parlementaire dans la promotion
effective des droits de l'homme dans les Etats membres du Conseil
de l'Europe suppose qu'elle prenne une part active à l'élaboration
et à la promotion de normes communes en matière de droit d'accès
à l'information tout en respectant les préoccupations nationales
légitimes en matière de sécurité nationale, comme j’ai essayé de
le faire dans ce rapport, établi en coopération avec le projet de
Principes globaux mis en œuvre avec l’aide de l’Open Society Justice
Initiative. Nous devons à présent inviter instamment les parlements
nationaux à mettre en place des instances de surveillance effectives,
afin de garantir le respect de ces normes. Il importe que les institutions
européennes (notamment le Conseil de l'Europe et l'Union européenne)
offrent un exemple constructif en la matière et accordent l'accès
le plus large possible aux informations qu'elles détiennent.
99. Dans le projet de résolution, j’ai résumé les principaux points
sur lesquels nous devrions tous pouvoir tomber d’accord. Je propose
aussi un projet de recommandation au Comité des Ministres, afin
d’associer les gouvernements des Etats membres à nos efforts tendant
à donner vie à la Convention du Conseil de l’Europe sur l’accès
aux documents publics.