1. Introduction
1. L’Assemblée parlementaire a adopté, le 4 octobre
2011, la
Résolution 1830
(2011) par laquelle elle accorde le statut de partenaire pour
la démocratie au Conseil national palestinien. Elle énonçait que «l’obtention
de progrès sur la voie des réformes est le but principal du partenariat
pour la démocratie et que ces progrès doivent servir de référence
pour évaluer l’efficacité de ce partenariat» et décidait «d’examiner,
au plus tard dans les deux ans à compter de l’adoption de la présente
résolution, les progrès accomplis dans la mise en œuvre des engagements
politiques pris par le Conseil National Palestinien, ainsi qu’à
l’égard des questions spécifiques mentionnées au paragraphe 12»
de la
Résolution 1830
(2011).
2. La commission des questions politiques et de la démocratie
m’a nommé rapporteur le 24 janvier 2012.
3. Afin de préparer le présent rapport, j’ai effectué une première
visite d’information dans les Territoires palestiniens du 15 au
18 juillet 2012 et une deuxième visite du 13 au 16 novembre 2013.
Je me suis par ailleurs rendu dans la région du 6 au 9 avril 2013
avec la sous-commission sur le Proche-Orient de notre commission.
4. Dans l’intervalle, l’Assemblée générale des Nations Unies
a, en novembre 2012, répondu favorablement à la demande de statut
d’état observateur non membre formulée par la Palestine, suite à
quoi l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a décidé d’employer
le nom «Palestine» dans l’Annuaire de l’Assemblée et les documents
y afférents.
5. Des développements étant attendus au cours du second semestre
2013 (reprise du processus de paix, réconciliation entre le Fatah
et le Hamas et élections locales), la commission a accepté ma proposition
de reporter le débat sur l’évaluation du partenariat pour la démocratie
concernant le Conseil national palestinien à janvier 2014. Malheureusement,
les espoirs concernant le processus de paix et la réconciliation
ne se sont pas encore concrétisés.
2. Les critères
6. L’Assemblée avait souligné l’importance d’élections
libres et équitables en tant que pierre angulaire d’une véritable
démocratie et fait part de son attente d’être invitée à observer
les élections parlementaires dans les Territoires palestiniens,
et ce dès les prochaines élections générales qui auraient dû se
tenir avant juin 2012.
7. Le Conseil national palestinien (CNP) a réaffirmé que les
valeurs qu’il défend sont identiques à celles du Conseil de l’Europe,
à savoir la démocratie pluraliste et paritaire, l’Etat de droit
et le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales,
et il s’est engagé tout particulièrement :
- à poursuivre les efforts pour sensibiliser les autorités
publiques et les principaux acteurs de la vie politique et de la
société civile au besoin d’avancer dans la discussion sur les questions
concernant l’abolition de la peine de mort et pour encourager les
autorités concernées à maintenir le moratoire de fait sur les exécutions
mis en place depuis 2005;
- à s’appuyer pleinement, dans ses travaux institutionnels
et législatifs, sur l’expérience de l’Assemblée parlementaire ainsi
que sur l’expertise de la Commission européenne pour la démocratie
par le droit (Commission de Venise), l’Autorité nationale palestinienne
disposant déjà du statut d’observateur auprès de la Commission de
Venise;
- à poursuivre ses efforts pour créer les conditions favorables
à la tenue d’élections libres, équitables et transparentes, conformément
aux normes internationales pertinentes;
- à encourager la participation égale des femmes et des
hommes à la vie publique et à la vie politique;
- à inciter les autorités compétentes de l’Autorité nationale
palestinienne à adhérer aux conventions et accords partiels pertinents
du Conseil de l’Europe pouvant être signés et ratifiés par des Etats
non membres, en particulier ceux traitant des droits de l’homme,
de l’Etat de droit et de la démocratie;
- à informer régulièrement l’Assemblée des progrès réalisés
dans la mise en œuvre des principes du Conseil de l’Europe.
8. Par ailleurs, l’Assemblée a considéré qu’un certain nombre
de questions spécifiques présentaient une importance essentielle
pour le renforcement de la démocratie, de l’Etat de droit et du
respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans
les Territoires palestiniens. Elle a inclus leur règlement – en
plus de la mise en œuvre des engagements énumérés au paragraphe
4 – parmi les critères d’évaluation du partenariat pour la démocratie.
Il s’agissait de:
- la conclusion
rapide des négociations en vue de la formation d’un gouvernement
d’unité nationale et la fixation de dates acceptables par tous en
vue des élections présidentielles, parlementaires et locales;
- la tenue de ces élections conformément aux normes internationales
pertinentes dans l’ensemble des Territoires palestiniens;
- l’adoption de mesures concrètes et significatives au regard
des trois demandes mises en avant par le Quartet: s’abstenir de
toute violence, reconnaître le droit de l’Etat d’Israël à exister
et respecter l’ensemble des accords signés par les représentants
palestiniens au cours des dernières années;
- la réforme de l’organisation du Conseil national palestinien
afin d’en faire, dans la plus grande mesure possible, un organe
démocratiquement élu;
- la promotion active de l’égalité des chances entre les
femmes et les hommes dans la vie politique et la vie publique; la
lutte contre toutes les formes de discrimination (en droit et en
pratique) fondées sur le genre; la garantie de l’égalité effective
entre les femmes et les hommes, y compris en ce qui concerne le
mariage, le divorce, la polygamie et le droit successoral, et si
nécessaire l’initiation d’un processus de révision de la législation;
la lutte contre toutes les formes de violence sexiste;
- l’abolition de la peine de mort dans le Code pénal, en
allant au-delà du moratoire de fait sur les exécutions, en vigueur
– au moins en Cisjordanie – depuis 2005;
- le rejet explicite du terrorisme et la lutte active contre
celui-ci par des mesures respectueuses des droits de l’homme et
de l’Etat de droit;
- la libération du soldat Gilad Shalit;
- l’interruption de toute introduction illégale d’armes
dans la bande de Gaza et en Cisjordanie;
- l’acceptation et la mise en œuvre effective des instruments
internationaux pertinents dans le domaine des droits de l’homme,
y compris la coopération pleine et entière avec les mécanismes spéciaux
des Nations Unies et la mise en œuvre des recommandations issues
de l’Examen périodique universel des Nations Unies;
- la garantie de la liberté et du pluralisme des médias;
- l’éradication et la prévention de la torture et des traitements
inhumains ou dégradants à l’égard des personnes placées en détention;
la lutte contre l’impunité des crimes de torture et des mauvais traitements;
- l’amélioration des conditions de détention, conformément
aux normes et standards des Nations Unies dans le domaine des prisons;
- la lutte contre le racisme, la xénophobie et toutes les
formes de discrimination;
- la lutte contre la corruption;
- le renforcement de la démocratie locale et régionale;
- la garantie du plein respect de la liberté de conscience,
de religion et de conviction, y compris le droit de changer de religion;
- la garantie et la promotion de la liberté d’association
et de réunion pacifique.
9. Un partenariat fait intervenir des responsabilités pour les
deux partenaires et la présente évaluation devrait également prendre
en compte la façon dont le Conseil de l’Europe, et en particulier
l’Assemblée parlementaire, a endossé ses propres responsabilités.
10. A titre d’exemple, l’Assemblée avait l’espoir que l’octroi
du statut de partenaire pour la démocratie au Conseil national palestinien
permettrait d’intensifier la coopération entre les Palestiniens
et le Conseil de l’Europe et favoriserait, en temps voulu, l’adhésion
de la Palestine aux conventions de ce dernier. Elle avait ainsi
encouragé le Secrétaire Général, en coordination en tant que de
besoin avec l’Union européenne, à mobiliser l’expertise de l’Organisation,
y compris celle de la Commission de Venise, en vue de contribuer
à mettre pleinement en œuvre les réformes démocratiques dans les
Territoires palestiniens.
3. Les constatations
11. Lors de ma première visite, j’ai rencontré les ministres
de la Justice et de la Condition féminine, le juge président, le
responsable de la Commission anticorruption et le Commissaire général
de la Commission indépendante pour les droits de l’homme. Je me
suis également entretenu avec des membres de la délégation palestinienne
partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée, des représentants
des partis politiques ainsi qu’avec un membre du Comité exécutif
de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP).
12. J’ai par ailleurs rencontré un des groupes de travail du Conseil
législatif palestinien (CLP) à Ramallah. Ces groupes de travail
ont été créés afin de garantir au moins le traitement de certaines
des tâches du CLP en dépit du fait que ce dernier ne peut pas fonctionner
en tant que tel en raison de l’impossibilité des membres de Gaza
d’y participer. Les groupes de travail, ouverts à l’ensemble des
factions du CLP, ont pour mission d’examiner les propositions présidentielles,
de formuler des observations à leur sujet et de discuter des développements
concrets. Ils rencontrent des ministres et certaines institutions
officielles telles que le Conseil judiciaire suprême, la Commission
pour les droits de l’homme et la Commission anticorruption.
13. De surcroit, je me suis entretenu avec des représentants d’organisations
de femmes, de la société civile, des droits de l’homme et des détenus
ainsi qu’avec des membres de la Commission électorale centrale palestinienne.
Enfin, j’ai entrepris des visites de travail à Bethléem et Naplouse.
14. Avec la sous-commission sur le Proche-Orient, j’ai rencontré
le Président Abbas, le négociateur en chef de l’Autorité palestinienne,
Saeb Erekat, des membres de la délégation palestinienne, partenaire
pour la démocratie auprès de l’Assemblée, le directeur de la Commission
électorale centrale (CEC), l’ex-Premier ministre et négociateur
Ahmad Qurei, le ministre chargé des affaires concernant les prisonniers
et anciens prisonniers et des associations de détenus, des organisations
des droits de l’homme et des médias. Par la suite, j’ai une nouvelle
fois rencontré l’un des groupes de travail du CLP et le Président
de la CEC. J’ai tenu une discussion fructueuse avec des élèves de
l’enseignement secondaire à propos de leur avenir et me suis rendu
à l’Université Bir Zeit où avaient lieu les élections estudiantines
dans lesquelles les candidats du Fatah et du Hamas jouaient un rôle
crucial.
15. Avec la sous-commission, je me suis rendu au camp de réfugiés
d’Am’ari à Ramallah, au mur de séparation à Bethléem et dans la
vieille ville de Jérusalem. J’ai ensuite effectué une visite de
travail à Jéricho près de la Mer morte.
16. Lors de ma deuxième visite, j’ai rencontré le Président Abbas,
le Premier ministre Hamdallah, les ministres de l’Intérieur, de
la Justice, des Prisonniers, de la Condition féminine et de l’Agriculture,
le juge président, le Commissaire palestinien aux droits de l’homme,
le négociateur en chef, les chefs de la CEC, de la Commission anticorruption
et du Bureau national d’audit ainsi que des membres de toutes les
factions du CNP. J’ai aussi rencontré le Parlement palestinien de
la Jeunesse et des représentants de la société civile, d’organisations
de défense des droits de l’homme et de médias palestiniens. A Jérusalem,
j’ai été informé de la situation par le Haut-Commissariat des Nations
Unies aux droits de l’homme
17. Les autorités palestiniennes et notamment la délégation palestinienne
partenaire pour la démocratie ont fait preuve d’efficacité et d’un
grand professionnalisme dans l’organisation de la réunion de la
sous-commission sur le Proche-Orient et de mes deux visites d’information
dans la région.
18. J’ai expliqué à l’ensemble de mes interlocuteurs l’objet de
mes visites et me suis enquis des attentes du peuple palestinien
quant au statut et au respect des engagements. J’ai également fait
part de mes préoccupations devant l’absence de contrepouvoirs en
raison de l’inexistence actuelle d’un pouvoir législatif effectif
à l’origine d’un grave déséquilibre dans les structures étatiques
palestiniennes.
19. Tous ceux que j’ai rencontrés ont insisté sur les difficultés
liées à l’occupation israélienne, encore exacerbées par la scission
avec Gaza. Cependant, alors qu’en 2011 la plupart de mes interlocuteurs
s’étaient montrés optimistes quant à une issue positive, en 2012
et plus encore en 2013, l’espoir d’une solution rapide s’est estompé.
Ils ont critiqué la «communauté internationale» – principalement
les Etats-Unis mais aussi, dans une moindre mesure, l’Europe – de
ne pas faire suffisamment pression sur Israël pour l’amener à respecter ses
obligations.
20. Nos interlocuteurs semblaient moins convaincus que les changements
actuellement opérés dans le monde arabe aient des conséquences positives
sur le conflit israélo-palestinien. Au contraire, pour reprendre les
mots prononcés par le Président Abbas en novembre 2013, la situation
en Egypte «n’aide pas» le processus de réconciliation, qui semblait
être pour lui un objectif prioritaire.
21. Le Président Abbas s’est félicité du soutien apporté par l’Europe
à l’édification d’un Etat en Palestine. Il a demandé à l’Europe
d’être «non seulement un contributeur majeur mais aussi un acteur
majeur» du développement des institutions palestiniennes et de participer
au règlement du conflit israélo-palestinien. Le Président a salué
la décision de l’Union européenne de commencer, à partir de 2014,
à étiqueter les produits en provenance de colonies israéliennes
dans les Territoires palestiniens occupés. D’après le Président,
il ne s’agit pas d’un boycott des produits israéliens mais d’une
mesure conforme à la position de l’Europe sur l’illégalité de ces
colonies.
22. Le Premier ministre Hamdallah a exprimé sa gratitude à l’Europe,
qui est le premier bailleur de fonds de la Palestine. L’occupation
israélienne est le principal obstacle au développement économique.
L’absence de réconciliation avec Gaza et l’incapacité qui en découle
à tenir des élections entravent l’instauration d’une démocratie
à part entière.
23. Le Chef de la Commission anticorruption a évoqué le combat
mené contre la corruption, fondé sur une législation moderne sans
équivalent dans le monde arabe. La Commission est totalement indépendante
et perçue en tant que telle par le public. Un tribunal spécial anti-corruption
a également été mis en place. Les efforts déployés par la Commission,
ainsi que les actions menées par le Bureau national d'audit et de
contrôle administratif, ont permis de lutter efficacement contre
ce fléau qui reste néanmoins un problème.
24. Le ministre de la Justice et le Chef du Conseil judiciaire
suprême ont expliqué comment l’occupation israélienne et la scission
avec Gaza empêchaient la mise en œuvre pleine et entière de l’Etat
de droit et le bon fonctionnement du système judiciaire. En Cisjordanie,
les principaux problèmes ont trait au manque de coopération des
autorités israéliennes ainsi qu’à la pénurie de ressources qui a
pour conséquence de rallonger de manière inacceptable les procédures.
Dans la bande de Gaza, les autorités de fait sont en charge du système
judiciaire, de ce fait fortement politisé et manquant d’indépendance.
La différence d’accès aux zones A, B et C fausse la mise en œuvre
de l’Etat de droit. Les tribunaux de Cisjordanie sont cependant
plus indépendants que dans n’importe quel autre Etat arabe.
25. Le moratoire sur la peine capitale, qui constitue l’un des
engagements auxquels a souscrit le CNP lors de la conclusion du
partenariat avec l’Assemblée, est pleinement respecté en Cisjordanie.
En revanche, les tribunaux de Gaza continuent de prononcer des condamnations
à mort et les autorités du Hamas procèdent toujours à des exécutions
illégales. Pendant notre visite à Ramallah en 2012, nous avons appris
que trois personnes avaient été exécutées par le Hamas le 17 juillet
à Gaza. J’ai publié à cet égard un communiqué de presse condamnant
fermement ces exécutions.
26. Le ministre de la Justice a souligné l’indépendance du Parquet.
L’équilibre des sexes dans les rangs des juges, des procureurs et
des avocats devrait s’améliorer dans la mesure où il y a davantage
d’étudiantes que d’étudiants. La recrudescence du trafic de drogues
constitue un problème sérieux. La situation dans les établissements
pénitentiaires s’est améliorée et peut être qualifiée d’acceptable
mais appelle cependant à la création de centres de détention pour
mineurs. Le ministre apprécie la coopération palestinienne avec
la Commission de Venise et a fait part de son intérêt à développer
les contacts avec le Comité européen pour la prévention de la torture
et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du Conseil
de l’Europe. Un programme de formation destiné aux avocats est mené
en coopération avec l’Union européenne mais il convient de renforcer
le soutien international à cet égard.
27. Le ministre de l’Intérieur a fait part de la volonté du Gouvernement
palestinien de développer les structures étatiques, dans le respect
des meilleures normes internationales. Dans ce contexte, il est
prêt à adhérer aux conventions pertinentes du Conseil de l’Europe.
Il faudrait cependant que les Etats membres du Conseil de l’Europe
conviennent d’inviter l’Autorité palestinienne à le faire.
28. La ministre de la Condition féminine est très fière du rôle
pionnier joué par la Palestine dans le monde arabe s’agissant des
questions liées au genre. Son ministère collabore étroitement avec
d’autres ministères, des organisations non gouvernementales (ONG)
et diverses institutions partenaires à la mise en œuvre d’une stratégie
intersectorielle pour l’égalité des sexes. Un travail considérable
a été réalisé dans le cadre de l’élaboration du nouveau code pénal,
adopté par le CPL mais non encore ratifié par le Président, afin
d’éliminer la discrimination à l’égard des femmes. Cette tâche a
bénéficié du soutien de chefs religieux et de la population sur
un plan général. La ministre a participé à trois sessions de l’Assemblée
parlementaire et a suivi avec intérêt les travaux de la commission
sur l'égalité et la non-discrimination.
29. Les femmes restent cependant sous-représentées tant dans la
vie publique que politique. Il a été proposé d’augmenter le quota
de femmes de 20% à 30% à l’occasion des prochaines élections générales.
En 2013, le Président de la Commission indépendante pour les droits
de l’homme de Palestine a fait part d’un regain de violence à l’encontre
des femmes, y compris des crimes dits «d’honneur». La poursuite
des auteurs de ces actes manque cruellement d’efficacité en raison
principalement de l’absence d’une législation appropriée.
30. Le soldat israélien Gilad Shalit a été libéré à Gaza en octobre
2011, conformément à l’une des obligations souscrites par le CNP
lorsqu’il est devenu partenaire pour la démocratie. Les organisations
de prisonniers se sont plaintes des conditions de détention dans
les établissements pénitentiaires israéliens mais aussi palestiniens.
S’agissant des prisons israéliennes, les problèmes ont trait aux
détentions administratives ainsi qu’aux allégations d’actes de torture.
Les jeunes détenus bénéficient du même traitement que les adultes et
selon plusieurs plaintes, les personnes malades ne reçoivent pas
l’aide médicale dont elles ont besoin. Certains rapports font également
état de violations graves des droits des prisonniers à Gaza, où
le Hamas procède aujourd’hui à l’exécution de détenus condamnés
dans les années 1990.
31. Le Commissaire général de la Commission indépendante pour
les droits de l’homme, le Dr Ahmad Harb, a souligné les développements
positifs intervenus dans certains domaines. A titre d’exemple, les
civils ne sont plus déférés devant les tribunaux militaires et des
prisonniers politiques ont été libérés. Toutefois plusieurs dysfonctionnements
perdurent: des membres des forces de l’ordre bafouent les droits
des citoyens; l’impunité est largement répandue; certaines personnes
ont été arrêtées et détenues sans motif durant de longues périodes
et des cas de torture ont été découverts. Les structures et méthodes
permettant de traiter la plupart des problèmes sont en place mais
les mentalités ne changent pas du jour au lendemain.
32. Le Dr Hanan Ashrawi, membre du Comité exécutif de l’Organisation
de libération de la Palestine, s’est montré pessimiste. L’occupation
israélienne, et notamment le développement des colonies, rend chaque
jour plus difficile l’atteinte d’une solution à deux Etats. La population
israélienne n’a pas vraiment connaissance de la situation compte
tenu de la mauvaise couverture médiatique qui en est faite. Le Hamas
détient en otage tous les Palestiniens. Les Américains mettent en
avant le Quartet pour montrer que les choses avancent alors qu’aucun
progrès n’est enregistré. L’émigration, en particulier de chrétiens,
est en train de changer l’identité palestinienne.
33. Nous avons été informés de la finalisation de la nouvelle
législation électorale palestinienne et de la conclusion d’un accord
avec le Hamas en 2012 pour engager le processus d’enregistrement
des électeurs en vue des élections générales prévues en janvier
2013. La CEC a été nommée avec l’accord de tous les partis politiques
(dont le Hamas) afin de préparer le scrutin dans l’ensemble des
Territoires palestiniens. Cependant, le 1er juillet
2012, l’opération a été repoussée suite au refus du Hamas de laisser
la CEC commencer son travail à Gaza. Entre autres raisons invoquées
par le Hamas, le placement en détention par Israël de tous ses membres
élus ou le caractère inutile de ces élections si les résultats ne
devaient pas être respectés. Le véritable motif était peut-être
en fait que le Hamas ne tenait pas réellement à ces élections par
crainte d’être vaincu. En 2013, la CEC a enfin été autorisée à finaliser
l’enregistrement des électeurs à Gaza, les conditions techniques
du scrutin étant désormais remplies en Palestine.
34. Après avoir été reportées à plusieurs reprises, les élections
locales se sont déroulées en Cisjordanie (mais pas à Gaza) en octobre
et novembre 2012. Elles ont été jugées libres et équitables malgré
un taux de participation relativement faible comparativement aux
élections générales de 2006. Le Hamas a cependant refusé de participer
au scrutin et de reconnaître les résultats. La CEC est disposée
à organiser les élections dans l’ensemble des Territoires palestiniens
dès qu’un accord aura été conclu.
35. Bon nombre des interlocuteurs rencontrés lors de ma visite
en 2013 ont salué l’adoption par l’Union européenne des «Lignes
directrices relatives à l'éligibilité des entités israéliennes établies
dans les territoires occupés par Israël depuis juin 1967 et des
activités qu'elles y déploient aux subventions, prix et instruments financiers
financés par l'UE à partir de 2014», qui excluent les entités israéliennes
établies dans les territoires occupés et les activités qu'elles
y déploient. Certains demandent à l’Europe de boycotter les produits
en provenance des colonies israéliennes illégales en Cisjordanie.
Le Président Abbas a toutefois souligné qu’il ne s’agissait pas
d’un boycott des produits en provenance d’Israël.
36. Concernant le Conseil de l’Europe, et en particulier les responsabilités
de l’Assemblée envers le CNP, les membres de la délégation palestinienne
partenaire pour la démocratie, qui se sont montrés très actifs au sein
de l’Assemblée parlementaire depuis l’obtention du statut, sont
satisfaits de leur participation aux travaux de l’Assemblée, au
niveau des commissions et en plénière. Le président de la délégation,
M. Bernard Sabella, a déclaré que le Conseil de l’Europe était une
«bonne école». Les membres de la délégation ont appelé le Conseil
de l’Europe à jouer un rôle plus actif, pour amener Israël à respecter
ses obligations.
37. D’autres parlementaires, y compris du Hamas, ont reconnu l’utilité
du partenariat pour la démocratie avec l’Assemblée parlementaire
et appelé à sa poursuite. Les différents interlocuteurs rencontrés
lors de mes visites partageaient le même avis.
4. Conclusions
38. Une évaluation détaillée de chacun des engagements
souscrits par le CNP lorsqu’il est devenu partenaire pour la démocratie
auprès de l’Assemblée parlementaire figure dans le projet de résolution.
Je suis convaincu que le CNP souhaite satisfaire à l’ensemble de
ses engagements. Cependant, compte tenu des circonstances, il est
devenu de plus en plus difficile, voire impossible, de remplir certains
d’entre eux. L’occupation israélienne actuelle et le refus du Hamas
de respecter les accords de réconciliation successifs constituent
les principaux obstacles.
39. Tout en ne partageant pas l’avis de l’ensemble de mes interlocuteurs
qui estiment que l’occupation israélienne est à l’origine de tous
leurs problèmes, je me dois de dire que cette situation complique grandement,
ou rend impossible, tout effort des Palestiniens pour solutionner
ces problèmes. Comme le disait M. Erekat, «Je n’avance pas comme
excuse l’occupation, mais si les Israéliens le décident, je ne serai
plus en mesure de me rendre à mon bureau».
40. Dans ce contexte, le CNP attend du Conseil de l’Europe et
de l’Assemblée qu’ils redoublent d’efforts en vue de parvenir à
la libération par Israël de tous les membres élus du CLP et de garantir
la participation de l’ensemble des membres de ce conseil au Parlement
élu des Territoires palestiniens. En sa qualité d’Etat jouissant
du statut d’observateur auprès de l’Assemblée, Israël devrait permettre
au CNP, en tant que partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée,
de satisfaire aux engagements auxquels il a souscrit lors de la
conclusion du partenariat et l’aider dans cette tâche.
41. A ce stade, je trouve pertinent de citer les propos tenus
par M. Doron Avital lors de son intervention au nom de la Knesset,
en octobre 2011, durant le débat relatif à «La demande de statut
de Partenaire pour la démocratie auprès de l'Assemblée parlementaire
présentée par le Conseil national palestinien»: «… en qualité de
chef de la délégation israélienne de la Knesset, j’ai le mandat
de transmettre au nom de notre Parlement et de la société israélienne
le message d’espoir et la conviction que cette étape sera un élément
positif pour la société palestinienne, œuvrera pour plus de démocratie
et sera utile au processus de paix comme aux négociations entre
nos deux nations. Je saisis l’occasion pour encourager les Palestiniens
à y participer. Les idéaux démocratiques que nous défendons tous
exigent un processus permanent; nous les Israéliens le savons bien:
il suffit de considérer les événements récents survenus dans notre
pays. Nous remercions les Palestiniens d’avoir accepté cet engagement
qui est lourd; je leur souhaite bien du succès dans cette entreprise.
Pour moi, il ne fait aucun doute que le renforcement des fondements
démocratiques de la société palestinienne formera une étape utile
au processus de paix et qu’il œuvrera à la résolution du conflit
entre nos deux nations.»
42. Le fait que la Palestine ne soit pas membre à part entière
des Nations Unies empêche la pleine coopération avec ses mécanismes
spéciaux, dont l’Examen périodique universel des Nations Unies. Cependant,
la non reconnaissance d’un Etat palestinien par la plupart des Etats
membres du Conseil de l’Europe n’entrave pas sa possibilité d’adhérer
aux conventions et autres instruments juridiques du Conseil de l’Europe,
sous réserve d’un accord au sein du Comité des Ministres du Conseil
de l’Europe (à la majorité des deux tiers) et des Etats Parties
à ces instruments (à l’unanimité).
43. L’Assemblée devrait encourager le Secrétaire Général du Conseil
de l’Europe, à prendre toute disposition nécessaire, en collaboration
avec les partenaires pertinents, à mobiliser l’expertise de l’Organisation,
y compris celle de la Commission de Venise, en vue de contribuer
à la mise en œuvre pleine et entière des réformes démocratiques
dans les Territoires palestiniens. J’ai appris que lors de la visite
en Palestine en mai 2012 du Secrétaire Général, les autorités palestiniennes
avaient fait part de leur intérêt à coopérer dans les domaines de
la réforme du système judiciaire, la promotion de la bonne gouvernance
et la prévention de la traite des êtres humains. Malheureusement,
ces bonnes intentions n’ont pas été suivies d’effet dans la pratique.
44. En conclusion, l’Assemblée devrait se féliciter des progrès
accomplis et décider de continuer à suivre la mise en œuvre des
réformes politiques en Palestine et d’offrir son assistance au CNP.
Enfin, elle devrait procéder à une réévaluation du partenariat dans
un délai de deux ans.