1. Introduction
1. Les Etats membres du Conseil de l’Europe comptent
près de 3 millions de réfugiés, parmi lesquels une grande proportion
d’individus en âge de travailler
. Bien qu’il soit de pratique courante
d’autoriser légalement les réfugiés à travailler, subsiste, dans
la plupart des pays, un écart important en matière d’emploi entre
les réfugiés et les ressortissants. La pratique des Etats veut que,
contrairement aux réfugiés, les demandeurs d’asile, dans leur grande
majorité, ne soient pas autorisés à travailler dès leur arrivée
dans un pays d’accueil et doivent attendre que leur demande fasse
l’objet d’une décision ou qu’un certain laps de temps se soit écoulé.
2. Le manque d’intégration des réfugiés et des demandeurs d’asile
sur le marché du travail peut les obliger à rechercher un emploi
les soumettant à des conditions de travail non réglementées, dangereuses, dégradantes
et à des formes d’exploitation, pouvant à leur tour les exposer
à d’autres risques comme la violence sexuelle et sexiste ou la traite
des êtres humains et porter atteinte à différents droits fondamentaux. Ce
sont non seulement les individus qui en paient le prix mais aussi
les sociétés d’accueil dans la mesure où elles doivent fournir une
assistance et des prestations. Par contre, l’octroi du droit de
travailler et l’intégration sur le marché du travail dès que possible,
profitent aux sociétés d’accueil ainsi qu’aux réfugiés et aux demandeurs
d’asile.
3. Le présent rapport s’attachera essentiellement aux réfugiés.
Il est toutefois impossible de parler des réfugiés
sans
inclure les personnes bénéficiant d’une protection subsidiaire ni
aborder la question des demandeurs d’asile et de leur droit au travail
.
4. Les taux plus élevés de chômage observés chez les réfugiés
– que l’on désigne également par «
refugee gap»
–
trouvent diverses explications et il y a beaucoup à faire pour faciliter
l’intégration de ces personnes sur le marché du travail. Les nouvelles
stratégies pour combler cet écart doivent mettre l’accent, d’une
part, sur l’employabilité des individus, et d’autre part sur les
obstacles personnels et structurels qui entravent l’accès au marché
du travail.
5. Les sociétés d’accueil, en favorisant un accès précoce et
permanent au marché du travail – juridiquement et concrètement –
s’éviteront une longue dépendance à l’égard des finances publiques.
Le même argument s’applique aux personnes bénéficiant d’une protection
subsidiaire ainsi qu’aux demandeurs d’asile.
2. Comprendre
l’importance du droit au travail
6. Le droit au travail est reconnu à tous, dans beaucoup
d’instruments internationaux des droits de l’homme, notamment la
Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, et, en tant
que tel, constitue un droit fondamental. Il signifie que toute personne
doit avoir le droit d’obtenir un emploi productif sans en être empêché.
Le droit au travail est intimement lié à la propriété et à un niveau
de vie minimum ainsi qu’à la liberté économique. L’emploi est capital
dans la mesure où pour l’individu il signifie revenu, indépendance,
statut social et reconnaissance.
«Sans le droit au travail,
les autres droits perdent tout leur sens.»
Professeur
Louis Henkin, délégué américain à l’élaboration de la Convention
de 1951 relative au statut des réfugiés
|
2.1. Pour les réfugiés
7. Il est essentiel pour les réfugiés d’avoir le droit
de travailler et ce pour plusieurs raisons. De nombreuses études
ont montré que l’occupation d’un emploi renforçait leur dignité
et le respect de soi
.
L’emploi permet de donner de l’espoir, de la satisfaction et de
rétablir leur sentiment d’estime de soi. L’emploi joue également
un rôle important en termes d’intégration, le lieu de travail offrant
de vastes possibilités pour «une socialisation positive et une plus
grande créativité»
.
Outre un revenu et une indépendance, l’emploi apporte une plus grande
autonomie financière et met fin au dénuement économique s’accompagnant
souvent de logements insalubres.
8. Tous ces aspects ont un effet général positif sur leur santé
et leur bien-être, notamment leur santé mentale, et peuvent jouer
un rôle important pour les aider à surmonter des expériences traumatisantes.
A cet égard, le Comité exécutif du HCR a affirmé qu’en favorisant
très tôt l’autonomie, la durabilité des futures solutions pour les
réfugiés s’en trouverait renforcée.
9. En outre, l’accès au marché du travail peut faciliter le retour
des réfugiés et leur réintégration dans leur pays d’origine, grâce
à l’indépendance financière et aux compétences professionnelles
acquises.
2.2. Pour la société
10. Une importante proportion de réfugiés est en âge
de travailler (18 à 59 ans) et donner à cette population un accès
à l’emploi légal profiterait aux sociétés d’accueil à divers égards.
Les réfugiés sont généralement porteurs d’un savoir, de compétences
et d’une formation et peuvent aider à combler certains déficits
du marché du travail. Si les réfugiés travaillent, cela signifie
également qu’ils paient des impôts et achètent des biens et des
services, augmentant par là-même les recettes des pays d’accueil.
Il convient de noter que les mêmes avantages s’appliquent si les
réfugiés retournent finalement (sont rapatriés) dans leur pays d’origine
.
11. Si les demandeurs d’asile et les réfugiés n’ont pas le droit
de travailler, le risque est grand soit qu’ils recourent au travail
informel, soit qu’ils deviennent dépendants de l’aide accordée aux
arrivants et d’un soutien à long terme de l’Etat. Ni l’un ni l’autre
ne sont souhaitables pour les Etats membres. Il s’agit là de l’une
des nombreuses raisons pour lesquelles le HCR affirme qu’il est
judicieux d’accorder un permis de travail temporaire aux demandeurs
d’asile à l’issue de six mois de résidence dans le pays.
12. L’emploi est un aspect important de l’intégration; il facilite
en effet les relations sociales entre les réfugiés et les membres
de la société d’accueil, prouvant que l’intégration est une démarche
à double sens.
3. Quel est, en droit
international, le fondement du droit au travail ?
13. «Nombreux sont les instruments internationaux et
régionaux de droits de l’homme et les constitutions nationales qui
protègent le droit au travail»
.
Les principaux instruments juridiques internationaux et régionaux portant
sur le droit au travail sont la Convention de 1951 relative au statut
des réfugiés (articles 17, 18 et 19), le Pacte international relatif
aux droits économiques, sociaux et culturels, la Charte sociale
européenne (STE n° 35), la Convention européenne relative au statut
juridique du travailleur migrant (STE n° 93), et la Convention (n°
97) sur les travailleurs migrants (révisée) et la Convention (n°143)
sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires) de
1975 de l’OIT
.
14. En étroite relation avec le droit au travail et de manière
à pouvoir l’exercer, les individus devraient aussi pouvoir intégrer
une formation professionnelle et voir leurs diplômes reconnus.
15. Par ailleurs, la Convention relative au statut des réfugiés
comporte trois dispositions portant sur le droit au travail. L’article
18 accorde aux réfugiés comme aux demandeurs d’asile le droit d’exercer
une profession non salariée; l’article 17, sur les activités salariées,
dispose quant à lui que ce droit est élargi aux réfugiés résidant
régulièrement sur le territoire,
suscitant une certaine polémique, certains arguant que les demandeurs d’asile
ne sont dès lors pas concernés. Pour le HCR, «la résidence régulière
s’applique également aux demandeurs d’asile qui séjournent dans
un Etat où la procédure d’asile excède un délai raisonnable»
. L’article 19 régit
la reconnaissance des diplômes dans les professions libérales
.
16. Il existe en outre toute une série de droits connexes relatifs
aux conditions de travail. Citons notamment les normes en matière
de traitement – qui devraient, conformément à l’article 24 de la
Convention de 1951, être les mêmes que celles s’appliquant aux ressortissants
– les salaires, la sécurité sociale, les conditions de travail,
les prestations, la fiscalité, les retraites, etc
.
17. Des désaccords persistent sur la mesure dans laquelle ces
droits sur le lieu de travail s’appliquent aux réfugiés et aux demandeurs
d’asile. Les recommandations de Michigan
, cependant,
plaident en faveur d’une interprétation dynamique et libérale du
droit au travail «en fonction de l’évolution de la situation» et
en vue «de protéger au mieux les détenteurs de ces droits».
«Au cœur même du droit
au travail se trouve la liberté de gagner sa vie grâce à un travail
librement choisi ou accepté. Ce droit suppose l’accès au marché
du travail ainsi que la capacité à s’orienter vers les professions
non salariées et les professions libérales. Dans la plupart des
instruments de droits de l’homme, cette liberté est énoncée comme
un droit universel et est protégée de façon non discriminatoire.»
Recommandations
de Michigan, 2009
|
18. Les droits sur le lieu de travail sont également
protégés par plusieurs normes internationales, notamment par les
huit conventions «fondamentales» de l’Organisation mondiale du travail
(OIT). Celles-ci se fondent sur quatre grandes valeurs, à savoir:
1) la liberté d’association et le droit de négociation collective; 2) l’élimination
du travail forcé ou obligatoire; 3) l’abolition du travail des enfants;
et 4) l’élimination de la discrimination.
19. La Charte sociale européenne porte sur le droit au travail
et énonce, à l’article 1, toute une série d’obligations, parmi lesquelles
des efforts en faveur de la création d’emplois, des activités d’orientation
et de formation, l’interdiction de la discrimination et la protection
des individus contre le travail forcé, la servitude et l’esclavage.
En vertu de l’article 1.1, les Etats s’engagent à reconnaître, comme
l'un de leurs principaux objectifs et responsabilités, la réalisation
et le maintien du niveau le plus élevé et le plus stable possible
de l'emploi en vue de la réalisation du plein emploi. Le Comité
européen des Droits sociaux considère qu’il s’agit d’une obligation
de moyens et que les Etats doivent mener une politique économique
propice à la création et à la préservation d’emplois et prendre
des mesures appropriées pour aider les personnes au chômage à trouver
un emploi ou à acquérir une qualification. L’article 1.2 de la Charte
reconnaît à toute personne le droit de gagner sa vie par un travail
librement entrepris et a été interprété par le Comité comme supposant l’interdiction
de toute forme de discrimination en matière d’emploi, l’interdiction
du travail forcé et également l’interdiction de pratiques portant
atteinte au droit des travailleurs de gagner leur vie par un travail
librement entrepris. Conformément à la Convention de Genève sur
le statut des réfugiés de 1951, les Etats doivent garantir aux réfugiés
un traitement qui soit aussi favorable que possible et dans tous
les cas qui ne soit pas moins favorable que celui requis au titre
de la Convention. Il est difficile pour le moment de savoir dans
quelle mesure l’article 1 s’applique aux demandeurs d’asile. Certains
aspects sont cependant si intimement liés à la dignité humaine (comme
l’interdiction du travail forcé) qu’ils pourraient s’appliquer aux
demandeurs d’asile conformément à l’interprétation du Comité européen
des Droits sociaux.
20. Au titre de l’acquis en matière d’asile, l’Union européenne
a adopté, au cours des dix dernières années, plusieurs mesures portant
sur le droit des réfugiés d’occuper un emploi. Ainsi, l’article
26 de la directive «Qualifications»
(révisée, 2011
) accorde
aux réfugiés et aux personnes bénéficiant d’une protection subsidiaire
le plein accès au marché du travail dans des conditions équivalentes
à celles applicables aux ressortissants, de même qu’à des possibilités
de formation liée à l’emploi. En outre, l’article 28 garantit l’égalité de
traitement entre les réfugiés et les ressortissants dans le cadre
des procédures existantes de reconnaissance des diplômes, mais demande
également que les réfugiés aient la possibilité de se soumettre à
une évaluation pour prouver leurs qualifications dans le cas où
ils ne seraient pas en mesure de fournir des preuves documentaires
de leur formation
.
21. L’autre instrument majeur est l’article 15 de la directive
«Accueil»
(révisée)
en vertu duquel les demandeurs d’asile doivent avoir accès au marché
du travail dans un délai de neuf mois à compter de l’engagement
de la procédure de détermination de leur statut. Toutefois cette
directive autorise elle aussi un examen du marché de travail, faisant
passer les demandeurs d’asile après les ressortissants et les ressortissants
des pays tiers en séjour régulier en matière d’accès à l’emploi.
22. Au-delà de ces directives, la «Commission encourage les Etats
membres à accorder aux demandeurs d’asile l’accès [au] marché du
travail le plus tôt et le plus largement possible, de manière à
favoriser leur intégration et leur autonomie»
.
4. Quelles sont la
législation et la pratique dans les Etats membres du Conseil de
l’Europe?
4.1. La situation actuelle
dans les Etats membres
23. Il n’appartient pas au présent rapport de faire une
synthèse complète du droit et de la pratique en vigueur dans les
47 Etats membres du Conseil de l’Europe en matière de droit au travail
des réfugiés et des demandeurs d’asile. Je reviendrai cependant
sur quelques-unes des méthodes utilisées par les Etats membres pour
appliquer le droit au travail, en premier lieu pour les demandeurs
d’asile puis pour les réfugiés et dégagerai ensuite quelques tendances
générales
.
24. La mise en œuvre de la Directive «Accueil» révisée de l’Union
européenne
devrait contribuer
à la normalisation du droit au travail pour les demandeurs d’asile
dans l’ensemble des Etats de l’Union européenne
. Elle a été élaborée en vue d’harmoniser
les conditions de vie des demandeurs d’asile, en veillant à leur
offrir des conditions minimales leur garantissant un niveau de vie
digne
. Elle accorde aux demandeurs d’asile
le droit de travailler à l’issue d’un délai de neuf mois, que leur
demande d’asile ait ou non fait l’objet d’une décision. La Finlande,
l’Espagne et la Suède autorisent les demandeurs d’asile à travailler avant
la fin de ce délai. La Lituanie n’autorise pas les demandeurs d’asile
à travailler, toutefois la procédure de demande d’asile n’est pas
censée excéder six mois, aussi reste-t-elle en conformité avec la
directive «Accueil» de l’Union européenne.
25. S’agissant des autres Etats membres du Conseil de l’Europe
le tableau est plus contrasté. En Arménie,
les demandeurs d’asile ont le droit de travailler et ont accès au
marché du travail
et en Ukraine, la constitution accorde
également à tous les étrangers en situation régulière le droit de
travailler, mais la loi et sa mise en œuvre manquent encore de clarté
.
La Russie en revanche n’octroie pas le droit de travailler sans permis
de travail aux demandeurs d’asile en attente d’une décision
.
En Turquie «un demandeur ou réfugié conditionnel peut solliciter
un permis de travail à l’issue d’un délai de six mois à compter
de l’introduction de sa demande»
et en République de Moldova
«un demandeur d’asile a le droit de travailler, sur demande, s’il ne
dispose pas des ressources nécessaires à sa subsistance
».
26. De nombreux Etats membres ont toutefois limité le type d’accès
au marché du travail auquel les demandeurs d’asile peuvent prétendre.
Il arrive par exemple qu’ils ne soient pas autorisés à exercer une profession
non salariée, qu’ils soient cantonnés à des emplois en situation
de pénurie ou à certains secteurs ou que leur embauche soit subordonnée
à un examen ou une étude du marché du travail
.
Autrement dit, bien que les demandeurs d’asile aient le droit de
travailler au bout de neuf mois dans la plupart des Etats membres de
l’Union européenne, dans la pratique, la probabilité qu’ils soient
en mesure d’exercer ce droit est beaucoup plus réduite. Certains
pays n’autorisent pas l’accès au marché du travail même une fois
le délai écoulé, si le retard de la procédure est attribué aux demandeurs
d’asile; c’est notamment le cas du Royaume-Uni.
27. Le droit au travail pour les réfugiés sur le territoire étant
inscrit dans la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés,
tout pays ayant ratifié la convention devrait accorder le droit
de travailler aux réfugiés. C’est en général la pratique courante
dans les Etats membres de l’Union européenne
. Au-delà de la Convention, «l’UE
demande également aux Etats membres d’autoriser les réfugiés reconnus
et les bénéficiaires d’une protection subsidiaire à travailler dès
l’octroi du statut de réfugié. Le droit de travailler peut également s’appliquer
aux personnes bénéficiant d’une protection subsidiaire ou complémentaire
».
4.2. Recenser les bonnes
pratiques
28. Dans la mesure où la majorité des Etats membres accordent
aux réfugiés le droit de travailler, j’examinerai dans cette partie
des exemples de bonnes pratiques qui anticipent et favorisent l’accès
et l’intégration des réfugiés sur le marché du travail ainsi que
des bonnes pratiques s’appliquant aux demandeurs d’asile.
29. Conformément à la politique de la Suède en matière d’asile,
les demandeurs d’asile sont autorisés à travailler immédiatement et
perçoivent une indemnité journalière suffisante pour couvrir les
dépenses liées à l’achat de vêtements, aux soins médicaux et aux
activités de loisir. Si l’asile leur est accordé, les réfugiés se voient
offrir des cours gratuits de langue ainsi que des cours sur la culture
du pays et l’intégration sur le marché du travail. La Suède reposant
sur un Etat providence généreux, des taux élevés d’emploi, y compris
pour les réfugiés, sont nécessaires.
«Si vous obtenez un permis
[séjour] permanent, vous savez dès lors que c’est là que vous allez
être, que c’est là qu’est votre avenir et vous adoptez une toute
approche à son égard [la Suède].»
Mikael Ribbenvik,
Directeur général adjoint de l’Office suédois des migrations
|
30. Les recherches ont montré que de telles politiques
contribuaient à la réduction du chômage des réfugiés au cours de
leurs 20 premières années en Suède. Il convient toutefois de rappeler
que le taux d’emploi des réfugiés reste en deçà de celui des autochtones,
et ce essentiellement durant toute la durée de leur séjour en Suède
et varie
selon le pays d’origine et l’âge des réfugiés à leur arrivée.
31. Wuppertal (Allemagne), Réseau de participation
: il s’agit d’un effort de coopération
entre les autorités locales et les organisations non gouvernementales
(ONG), financé par le ministère fédéral du Travail et le Fonds social
européen, visant à aider les demandeurs d’asile et les réfugiés
à entrer sur le marché du travail. Le projet a donné de bons résultats
en termes d’insertion. Le modèle a également été reproduit dans
deux autres villes du pays. Outre les avantages évidents pour les
individus qui trouvent un emploi avec l’aide du Réseau, notons le
bénéfice financier qu’en retire la ville: il était estimé à € 577
700 fin 2009, € 1 200 220 fin 2007 et € 3 346 560 à la fin août
2013
.
32. Forum sur l’employabilité (Royaume-Uni)
: il s’agit d’une organisation indépendante
œuvrant en faveur de l’emploi des réfugiés au Royaume-Uni. Le forum
propose notamment: des cours de langue sur mesure, des informations
sur l’accès au marché du travail, l’expérience professionnelle,
le bénévolat, les droits, les prestations et l’avancement professionnel.
Il accompagne également les demandeurs d’asile dans leur transition
vers le régime classique d’aide et les aide à surmonter leurs traumatismes.
Il gère également un programme de placement des enseignants pour
les réfugiés qui étaient des enseignants qualifiés dans leur pays
d’origine et a ainsi contribué avec succès au placement de réfugiés
dans des emplois, des formations et des programmes de perfectionnement,
notamment de formation d’enseignants
.
33. Programme EQUAL (EC)
était une initiative financée par
le Fonds social européen (FSE) destinée à soutenir les projets transnationaux
novateurs visant à lutter contre la discrimination et les inégalités
sur le marché du travail et œuvrant en faveur de l’intégration des
demandeurs d’asile. Trois enseignements majeurs ont été tirés du
programme. Le premier est que l’intégration et l’autonomisation
des demandeurs d’asile devraient commencer dès leur arrivée. Le
deuxième est que l’emploi des demandeurs d’asile est un élément essentiel
de leur intégration et le troisième, que les bilans de compétences
peuvent favoriser le retour des groupes vulnérables sur le marché
du travail.
4.3. Comparaison avec
les Etats-Unis
34. Il est intéressant de noter qu’aux Etats-Unis, les
réfugiés et les demandeurs d’asile ont le droit de travailler sans
limitation de temps et peuvent prétendre à la délivrance de cartes
de sécurité sociale sans restriction en matière d’emploi, sur un
pied d’égalité avec les citoyens américains
.
35. Les recherches ont montré que cette pratique ne leur assure
pas pour autant de trouver un emploi. L’enquête «New Immigrant Survey»
a révélé que leur intégration sur le marché du travail dépendait
de toute une série de facteurs, dont les compétences linguistiques,
le niveau d’études, les différentes formes de soutien familial,
la santé mentale et physique et le type d’habitat et d’environnement
dans lequel ils vivent. Cependant, même en tenant compte de ces
différences, des disparités en termes de revenus et de réussite
professionnelle persistent
.
L’étude révèle néanmoins que l’écart diminue à mesure que s’allonge
la durée de séjour aux Etats-Unis et que s’élève le niveau d’études.
Bien que l’on ne dispose de guère d’informations sur l’efficacité des
politiques et sur les ressources consacrées à l’intégration des
réfugiés sur le marché du travail, ces conclusions laissent penser
qu’il ne suffit pas simplement d’accorder aux réfugiés le droit
de travailler. Les pays doivent en effet également prendre des mesures
d’activation du marché du travail spécialement conçues pour les
réfugiés
.
5. Quels sont les
obstacles au droit de travailler et d’accéder au marché de l’emploi?
36. Comme nous venons de le voir, il existe de nombreux
instruments juridiques qui reconnaissent le droit de travailler
aux réfugiés et aux demandeurs d’asile mais aussi de nombreux obstacles
dans la pratique.
37. L’un des principaux problèmes est le passage du régime de
l’asile à la reconnaissance du statut de réfugié. Comme souligné
plus haut, le droit de travailler est limité pour les demandeurs
d’asile dans la plupart des Etats membres, ce qui signifie que la
majorité d’entre eux ne peut exercer une activité et dépend dès
lors de l’aide sociale publique. Durant cette période, ils n’ont
pour l’essentiel pas accès aux cours de langue, aux autres cours
d’enseignement général et aux formations, ne peuvent occuper aucun
emploi quel qu’il soit et vivent souvent dans des logements isolés
et insalubres. Cette situation peut se prolonger pendant de longs mois
(ne pouvant désormais excéder neuf mois dans les Etats membres de
l’Union européenne hormis pour les pays qui ont fait un choix contraire)
et fait que ces personnes, au moment où le statut de réfugié ou
une protection subsidiaire leur est accordé, ne sont pas préparées
pour trouver un emploi. Elles ne sont donc pas en mesure de se familiariser
avec le marché du travail des Etats membres, manquent de confiance
en elles et, si elles ont subi des traumatismes, sont peut-être
encore en proie à des troubles mentaux et émotionnels. Par conséquent,
même une fois leur statut de réfugié reconnu, il est probable qu’elles
continuent à dépendre de l’aide sociale et qu’elles deviennent alors
un poids financier pour les villes ou les communes
.
38. D’autres obstacles pratiques se posent aux réfugiés lors de
leur recherche d’emploi, une fois le statut accordé: il s’agit de
difficultés pour atteindre le niveau de compétences linguistiques
requis pour un poste en particulier, pour obtenir la reconnaissance
des qualifications obtenues dans leur pays d’origine et pour avoir accès
à des services de garde d’enfants et à un logement abordables. Les
réfugiés se heurtent en outre à des difficultés liées à leurs employeurs
qui méconnaissent leur situation et n’ont parfois pas l’habitude
des candidatures atypiques
.
39. Gardons également à l’esprit que les réfugiés ne débutent
pas leur recherche d’emploi sur un pied d’égalité avec les ressortissants.
Il est par conséquent essentiel que les Etats membres prennent des
mesures afin que le droit au travail soit effectif et réalisable
pour eux.
40. Il existe par ailleurs des obstacles d’ordre juridique et
administratif, dont j’ai déjà parlé, tels que le permis de travail
obligatoire (comme c’est le cas pour les demandeurs d’asile en Belgique),
des procédures bureaucratiques ou des dispositions qui donnent priorité
aux ressortissants par rapport aux étrangers. Plus particulièrement,
il convient toutefois de faire observer que la Convention de 1951
dispense les réfugiés des exigences administratives auxquelles ils
ne sont pas capables de satisfaire en raison de leur statut particulier de
réfugié (article 6).
6. Opposition entre
demandeurs d’asile et réfugiés face au droit au travail
41. Bien que la différence entre demandeurs d’asile et
réfugiés face au droit au travail ait été évoquée tout au long du
présent rapport, je tiens à souligner que, si de toute évidence
les réfugiés vont passer beaucoup de temps, voire leur vie entière,
dans le pays qui leur a accordé le statut de réfugié, la logique
n’est pas la même pour les demandeurs d’asile. S’ils sont déboutés,
ils devront retourner dans leur pays d’origine, sauf si une protection
subsidiaire leur est accordée, situation qui peut malgré tout rester
provisoire. Par conséquent, nombreux sont les Etats membres qui
affirment qu’il n’est pas judicieux d’investir dans des mesures d’intégration
pour les demandeurs d’asile tant que l’on ne sait pas s’ils deviendront
des résidents à long terme. Certains Etats avancent par ailleurs
que l’octroi du droit de travailler aux demandeurs d’asile agira
comme un facteur d’attraction supplémentaire, bien que cela ne puisse
être clairement démontré.
42. Toutefois, le HCR comme d’autres, font valoir que le fait
d’avoir eu accès au marché de travail peut être bénéfique et favorisera
leur intégration, s’ils restent sur le territoire, ou leur réintégration,
s’ils retournent dans leur pays d’origine. Le fait d’avoir une meilleure
situation matérielle et financière, d’acquérir de nouvelles compétences,
de jouir d’un meilleur état de santé et de bien-être, profitera
à l’évidence à l’individu comme à la société.
«Indépendamment du droit
en question, il est parfaitement logique, économiquement et socialement
parlant, d’autoriser les demandeurs d’asile, quel que soit leur
mode d’entrée ou contexte particulier, à travailler. La participation
en tant que membres productifs de la société est essentielle à l’estime
de soi et à la dignité et peut de la même manière contribuer à améliorer
les relations entre les demandeurs d’asile et la communauté locale.»
Professeur
Alice Edwards, HCR
|
7. Conclusions et
voie à suivre pour aider les Etats à mettre en œuvre le droit de
travailler pour les réfugiés et les demandeurs d’asile
43. Je me suis attaché dans ce rapport au fondement juridique
du droit au travail pour les réfugiés et les demandeurs d’asile
dans les Etats membres, aux bénéfices que les individus et la société
retirent de l’accès au marché du travail et aux divers obstacles
qui empêchent actuellement les réfugiés et les demandeurs d’asile de
pouvoir pleinement exercer ce droit.
«Une politique qui encourage
l’autonomie et diminue la dépendance à long terme à l’égard du pays
d’asile ou de l’aide internationale en offrant des possibilités
professionnelles, est une politique mutuellement avantageuse pour les
réfugiés et les pays d’accueil quelle que soit la solution durable
qui sera adoptée en définitive» .
Rosa Da
Costa, UNHCR
|
44. Il est évident que le droit au travail est fondamental
pour tout être humain et qu’il revêt une importance particulière
pour les réfugiés et également pour les demandeurs d’asile. Il est
essentiel pour les aider à surmonter les traumatismes qu’ils ont
pu subir, pour parvenir à une indépendance et une autonomie financière et
économique et pour restaurer leur estime de soi et leur dignité.
Pour la société, l’octroi du droit de travailler aux réfugiés et
aux demandeurs d’asile diminue leur dépendance vis-à-vis de l’aide
de l’Etat et réduit le risque qu’ils ne deviennent un poids pour
les finances publiques. Plus généralement, l’emploi est également
essentiel à l’intégration. Quant aux demandeurs d’asile, s’ils sont
déboutés, ils seront mieux préparés pour le processus de retour.
45. Les conventions internationales et régionales, ainsi que certains
instruments juridiques nationaux, accordent le droit de travailler
aux réfugiés et, dans une moindre mesure, aux demandeurs d’asile.
Le cadre juridique couvre le droit au travail, les conditions de
travail et l’aide sociale. Toutefois, des obstacles d’ordre juridique,
administratif et pratique empêchent nombre de réfugiés et de demandeurs
d’asile d’exercer pleinement leur droit au travail.
46. Les Etats membres devraient par conséquent s’efforcer d’éliminer
ces obstacles en veillant à un traitement plus rapide des demandes
d’asile, en accompagnant les demandeurs d’asile dans leur passage
du régime de l’asile aux services d’intégration ordinaire, en mettant
à disposition davantage de ressources pour leur intégration, notamment
en ce qui concerne les compétences linguistiques, et en favorisant
leur accès au marché du travail (en s’attachant à la recherche d’emploi
et à l’expérience professionnelle, à la rédaction de CV et de candidatures,
à la reconnaissance des précédentes qualifications
et à la formation utile
et nécessaire). A cet égard, une coopération de qualité et des structures
solides entre les acteurs aux niveaux national et régional et entre
les pouvoirs publics, les organisations et les populations d’accueil
sont essentielles. Il est par ailleurs fondamental qu’une législation
anti-discrimination soit mise en place.