1. Introduction
1. J'ai été nommée rapporteure le 21 juin 2011, sur
la base d'une proposition de résolution concernant une contribution
parlementaire à la résolution du conflit du Sahara occidental que
j'avais déposée lors de la partie de session d'avril 2011 avec 19
parlementaires couvrant l'ensemble du spectre politique.
2. A la suite de la demande déposée en 2011 par le Parlement
du Maroc pour obtenir le statut de partenaire pour la démocratie
auprès de l'Assemblée parlementaire, plusieurs collègues avaient
soulevé la question du territoire contesté du Sahara occidental
et celle du respect des droits de l'homme dans le cadre du conflit
en cours dans cette région. M. Luca Volontè, rapporteur sur la demande
de statut de partenaire pour la démocratie déposée par le Parlement
marocain, avait alors avancé que cette question, en soi, n'entrait
pas dans le cadre de son rapport et ne devrait pas constituer un
obstacle ni conditionner la décision de l'Assemblée au sujet du statut
. Il avait par ailleurs estimé que
mon rapport constituerait un cadre approprié pour traiter de cette question.
3. Cela étant, dans la
Résolution
1818 (2011) accordant le statut de partenaire pour la démocratie
au Parlement du Maroc, il est explicitement indiqué que «l'Assemblée
attend du Maroc qu'il continue à rechercher des moyens pacifiques
de régler les litiges internationaux, conformément à la Charte des
Nations Unies». Dans ce contexte, l'Assemblée a spécifiquement appelé
le Parlement marocain à «contribuer davantage au règlement de la
question du Sahara occidental, conformément aux résolutions pertinentes
du Conseil de sécurité des Nations Unies.»
4. Le conflit du Sahara occidental en tant que tel est traité
dans le cadre des Nations Unies, conformément aux résolutions pertinentes
du Conseil de sécurité. Bien qu'il n'ait pas de compétence spécifique
en la matière, le Conseil de l'Europe soutient clairement les efforts
des Nations Unies, comme l'indique aussi la
Résolution 1408 (2004) de l'Assemblée parlementaire sur la situation au Sahara
occidental. En même temps, la situation au Sahara occidental soulève
des questions importantes sur le plan des droits de l'homme et de
la gouvernance démocratique, qui sont au cœur des préoccupations
de notre Assemblée. Le but de mon rapport est de mettre en lumière
ces aspects particuliers du conflit et de chercher à renforcer le
rôle des institutions parlementaires et de la société civile dans
la quête d'une solution politique.
5. Le statut de partenaire pour la démocratie auprès de l'Assemblée
parlementaire, accordé au Parlement marocain, constitue une reconnaissance
des avancées réalisées par le Maroc en matière de droits de l'homme,
de démocratie et de l'Etat de droit et présente une réelle opportunité
pour renforcer le dialogue entre les deux parties dans tous les
domaines d'intérêt commun et pour relever ensemble les défis globaux.
Au moyen de cette base institutionnelle, notre Assemblée a renforcé
sa capacité à suivre certains aspects de plus près et à en discuter
ouvertement avec ses partenaires marocains. J'ai mis à profit les
nouvelles possibilités de dialogue intensifié avec le Parlement
marocain pour renforcer la contribution parlementaire à la recherche, dans
le cadre des Nations Unies, d'un règlement politique équitable,
durable et mutuellement acceptable de ce contentieux sur le Sahara
occidental, en souffrance depuis trop longtemps déjà.
6. Je me suis aussi efforcée d'impliquer le Parlement algérien
dans ce processus car l'Algérie me paraît jouer un rôle très important
depuis le début du conflit du Sahara occidental et serait, selon
la position marocaine, une véritable partie prenante dans le conflit.
7. Notre commission a procédé à cinq auditions:
- à Paris, le 14 novembre 2012,
avec la participation de M. Alexander Ivanko, principal conseiller
politique de la Mission des Nations Unies pour le référendum au
Sahara occidental (MINURSO), de Mme Christiane Perregaux, du Bureau
international pour le respect des droits de l'homme au Sahara occidental
(BIRDHSO), de M. Eric Sottas, de la Kennedy
Foundation, ancien Secrétaire général de l'Organisation
mondiale contre la torture, et de deux parlementaires algériens,
Mme Saïda Brahim Bounab et M. Mohamed Boukhalfa;
- à Rabat, le 14 mars 2013, avec la participation de M.
Mohamed Cheikh Biadillah, Président de la Chambre des Conseillers
du Parlement marocain, de M. Rachid Talbi Elalami, Président de
la Commission d'enquête sur le camp de Gdeim Izik, de M. Ahmed Abbadi,
du Conseil économique et social, de M. Omar Adkhil, membre sahraoui
du Parlement marocain et président de la Commission de la justice
et des droits de l'homme à la Chambre des Conseillers, et de Mme
Khadija Marouazi, Secrétaire générale du Médiateur pour la démocratie
et les droits de l'homme;
- à Paris, le 5 septembre 2013, avec la participation de
M. Driss El Yazami, Président du Conseil national des droits de
l'homme (CNDH) du Maroc, de Mme Hasna Abouzaid, membre sahraoui
du Parlement marocain, de Mme Senia Ahmed Merhba, représentante
du Front Polisario et du Conseil national sahraoui de la République
arabe sahraouie démocratique autoproclamée , de M. Omar Mansour, représentant
du Front Polisario à Paris, et de M. Djamel Ould Abbes, parlementaire,
membre du Conseil de la nation algérien.
- A Strasbourg, le 29 janvier 2014, avec la participation
de représentants de la société civile basés à Laâyoune et Tindouf,
à savoir, M. Abadila Essamlali, Président de l'Association ARRAI
à Laâyoune, M. Abdellah Elharich, Secrétaire général de l'Association
sahraouie pour la démocratie et la justice sociale (MINBAR) à Laâyoune,
Mme Fatimetou Moustapha Saleh, membre du Conseil national de l'Association
des familles des disparus et prisonniers sahraouis (AFAPREDESA)
à Tindouf et Mme El Ghalia Djimi, vice-présidente de l'Association
sahraouie pour les victimes de graves violations des droits de l'homme
(ASVDH) à Laâyoune.
- A Strasbourg, le 7 avril 2014, avec la participation de
M. Maouelainin Ben Khalihanna Maoulainin, Secrétaire général du
Conseil Royal Consultatif des Affaires Sahariennes (CORCAS), et
M. Khatri Addouh, Président du Conseil National Sahraoui. Cette
dernière audition a permis à la commission d'analyser dans les détails
les propositions de solution présentées par les deux parties pour
mettre fin au conflit.
8. Je me suis rendue à Rabat et à Laâyoune du 21 au 24 mai 2013,
où j'ai rencontré des autorités marocaines nationales et locales,
des parlementaires et des représentants de la communauté internationale, ainsi
que des défenseurs des droits de l'homme. Avant ma visite, organisée
avec une grande efficacité par le Parlement marocain, j'avais reçu
de nombreuses demandes de représentants d'organisations de la société civile
sahraouie basées à Laâyoune, y compris celles qui ne sont pas reconnues
par les autorités marocaines. J'ai donc organisé de mon côté des
réunions avec un certain nombre d'organisations non gouvernementales (ONG)
et d'habitants de Laâyoune.
9. Je tiens à remercier la délégation partenaire pour la démocratie
du Maroc de sa contribution et de sa disposition à aborder publiquement
une question aussi délicate. Suite à un premier examen d'une note introductive
le 2 octobre 2013, la délégation marocaine m'a fait parvenir des
commentaires, que j'ai pris en compte, autant que possible, dans
la rédaction de mon rapport qui reflète les conclusions des discussions menées
lors des dernières auditions de janvier et avril 2014.
10. Dernier point, et non le moindre, je me suis également rendue
en Algérie du 6 au 9 octobre 2013. A Alger, j'ai été reçue par les
Vice-Présidents du Conseil de la nation et de l'Assemblée populaire
nationale; je me suis également rendue dans les camps de réfugiés
sahraouis de Tindouf. Je saisis l'occasion qui m'est donnée ici
de remercier le Parlement algérien pour l'excellente organisation
de mon séjour à Alger.
2. Quarante années
de conflit sur le Sahara occidental
11. Le Sahara occidental est un territoire disputé; il
a le statut onusien de «territoire non autonome». Il fait partie
du dernier chapitre d'une histoire commencée à l'effondrement des
empires coloniaux, dans le sillage de la seconde guerre mondiale.
Avec une population de plus de 500 000 habitants et une superficie
de 266 000 km², le Sahara occidental possède de riches gisements
de phosphate, de très importantes réserves halieutiques, des gisements
pétroliers et d'autres minerais.
12. Le territoire est actuellement divisé par un mur d'environ
2 000 km de long et contaminé par des mines antipersonnel, qui continuent
de mettre en danger la vie des réfugiés et des populations nomades
ainsi que celle des observateurs militaires des Nations Unies. Pour
le Maroc, ce mur constitue un dispositif de défense. En 2008, un
relevé des zones dangereuses a été effectué par le Service de la
lutte anti-mines des Nations Unies, duquel il ressortait que le
Sahara occidental est l'un des territoires les plus gravement touchés
au monde.
13. La zone située à l'ouest du mur est sous contrôle marocain,
tandis que la zone située à l'est est contrôlée par le Front Polisario
(pour les Marocains, elle est contrôlée par l'Algérie). La population
sahraouie est présente dans les deux zones, sans compter les camps
de réfugiés de Tindouf (Algérie) et la diaspora émigrée dans d'autres
pays, notamment en Mauritanie et en Espagne. Les forces des Nations
Unies surveillent le cessez-le-feu entre le Front Polisario et le
Maroc accepté en 1991 dans le cadre du plan de règlement des Nations
Unies.
14. Le Sahara occidental est officiellement devenu province espagnole
en 1934, mais se trouvait sous souveraineté espagnole depuis 1884.
Selon la position officielle du Maroc, en 1912 le territoire marocain
se serait trouvé réparti entre plusieurs zones d'occupation. Quarante-quatre
ans après, le Royaume du Maroc aurait commencé à recouvrer, progressivement
et à travers des accords internationaux négociés avec les différentes
puissances coloniales, son intégrité territoriale. C'est ainsi que
le Maroc aurait engagé, au lendemain de son indépendance en 1956,
des négociations avec l'Espagne, qui auraient abouti à la récupération
progressive de certaines parties situées au sud du Royaume, à savoir
Tarfaya en 1958, Sidi Ifni en 1969 et la région de Seguia el Hamra
et Oued Ed Dahab, plus connue sous le nom de Sahara, en 1975, à la
faveur de l' «Accord de Madrid».
15. Le Front Polisario («Frente popular
para la Liberación de Saguiat El Hamra y de Rio de Oro»)
a été créé en mai 1973 pour libérer le territoire du Sahara occidental
de la colonisation espagnole. Cette organisation politico-militaire
se veut l'instrument d'appel au droit à l'autodétermination et à
l'indépendance du Sahara.
16. En octobre 1975, la Cour internationale de justice a rejeté
les revendications du Maroc et de la Mauritanie sur le Sahara occidental,
mais elle a reconnu l'existence, avant l'époque de la colonisation,
de liens d'allégeance, variables selon les époques, entre certaines
des tribus du Sahara occidental et le Sultan du Maroc ainsi que
l'ensemble mauritanien. L'Espagne a accepté d'organiser un référendum,
conformément au droit d'autodétermination du peuple sahraoui reconnu
par la Cour. Cependant, en novembre 1975, environ 350 000 Marocains
pénétraient au Sahara occidental à la faveur de la «Marche verte»
ordonnée par le roi Hassan II afin de récupérer, selon la position
officielle du Maroc, la région de Saquiat el Hamra et Oued Ed Dahab. L'Espagne
a immédiatement négocié un accord avec le Maroc et la Mauritanie
(dit «Accord de Madrid», voir ci-dessus, au paragraphe 14) prévoyant
la partition du territoire.
17. En 1976, le Front Polisario a proclamé la République arabe
sahraouie démocratique (RASD), Etat autoproclamé revendiquant la
souveraineté sur le territoire contesté du Sahara occidental. Par
la suite, la Mauritanie a signé un accord de paix avec le Front
Polisario, tandis que plus tard le Maroc prenait le contrôle du
territoire attribué à la Mauritanie, s'agissant, selon le Maroc,
de récupérer la région de Oued Ed Dahab. Quarante-huit Etats, principalement
africains, ont reconnu la RASD qui est devenue membre de plein droit
de l'Union africaine en 1984. En protestation, le Maroc s'est retiré
de l'Union africaine et reste le seul Etat d'Afrique à ne pas en
être membre.
18. Le Front Polisario est installé en Algérie, pays qui lui fournit
appui et aide militaire et a permis aux réfugiés sahraouis de s'installer
près de Tindouf, où le Front Polisario a établi son siège et son
gouvernement en exil. Une guerre meurtrière l'a opposé aux forces
marocaines.
19. En 1991, un accord de cessez-le-feu négocié par les Nations
Unies a créé la Mission des Nations Unies pour l'organisation d'un
référendum au Sahara occidental (MINURSO), chargée de la mise en
œuvre du plan de paix des Nations Unies et de l'organisation d'un
référendum au Sahara occidental en 1992. Dans les années qui ont
suivi, le processus, fondé sur le recensement effectué par l'Espagne
en 1973, s'est trouvé face à de nombreux obstacles dont l'installation
au Sahara occidental de milliers de Marocains que le Front Polisario
ne pouvait accepter comme votants. Le processus a été suspendu en
1996.
20. En 1997 et 2000, M. James Baker, envoyé spécial des Nations
Unies, a assuré une médiation entre le Front Polisario et le Maroc,
mais aucun accord n'a pu être trouvé à propos des personnes qui
auraient le droit de vote. En 2001, M. Baker a soumis un accord-cadre
prévoyant l'autonomie du peuple sahraoui sous souveraineté marocaine,
que le Front Polisario a refusé.
21. En juillet 2003, les Nations Unies ont adopté une solution
de compromis selon laquelle le Sahara occidental deviendrait une
région semi-autonome du Maroc pendant une période transitoire de
cinq ans, à l'issue de laquelle un référendum pour l'indépendance,
la semi-autonomie ou l'intégration au Maroc devrait se tenir. Cette
fois, c'est le Maroc qui a rejeté le plan pour des raisons de sécurité,
ce qui a conduit M. Baker à démissionner en 2004. D'autres représentants
ont été nommés par les Nations Unies en 2004 et 2005 pour étudier
et rechercher avec les parties et les Etats voisins, notamment l'Algérie,
les moyens de sortir de l'impasse politique, en pure perte.
22. Dès 2005, des manifestations, connues sous le nom «d'intifada
de l'indépendance» ont eu lieu dans de nombreuses villes du Sahara
occidental; elles ont été durement réprimées par la police marocaine,
mais se poursuivent encore actuellement.
23. En 2006, le Maroc a proposé un plan accordant une large autonomie
au territoire, qui serait doté de ses propres organes législatif,
exécutif et judiciaire, ainsi que de ressources financières lui
permettant de se développer, le Royaume du Maroc conservant ses
prérogatives dans les domaines de la défense, de la sécurité nationale,
des affaires étrangères, de la Constitution, de la religion et des
«attributs de la souveraineté». Le Maroc a mené une vaste campagne
diplomatique auprès de nombreux pays afin de préciser le contenu
du plan et de parvenir à une solution politique définitive. Les
échos ont été largement favorables et la France, en particulier,
a qualifié la démarche marocaine de «constructive et sérieuse».
24. Le Front Polisario a également présenté en 2006 une «proposition
de solution politique mutuellement acceptable qui pourvoit à l'autodétermination
du peuple du Sahara occidental», qui prévoit un référendum à trois
options: intégration dans le Royaume du Maroc, autonomie ou indépendance.
Cette proposition est toujours d'actualité pour le Front Polisario,
comme l'a confirmé son Président lors de ma visite dans les camps.
25. En 2008, les pourparlers ont repris avec la participation
de la Mauritanie et de l'Algérie, mais des divergences subsistaient.
Au mois de janvier 2009, M. Christopher Ross, ancien ambassadeur
des Etats-Unis en Algérie, a été nommé envoyé personnel du Secrétaire
général des Nations Unies pour le Sahara occidental.
26. Les 9 et 10 octobre 2010, quelques heures à peine avant la
reprise des pourparlers sous les auspices des Nations Unies, le
camp de Gdeim Izik, à la périphérie de Laâyoune, a été le théâtre
de la plus grande manifestation non violente de ce conflit de quarante
années, en protestation pacifique contre le Gouvernement marocain
et la marginalisation économique, politique et sociale du peuple
sahraoui. Quelque 20 000 personnes ont campé dans le désert pour
protester contre leurs conditions de vie et l'insuffisance des perspectives
d'éducation et d'emploi. Des ateliers, un groupe de collecte de
dons et un comité de dialogue chargé de négocier avec le gouvernement
marocain ont été créés dans le camp.
27. Le 8 novembre 2010, d'après la plupart des sources et des
média internationaux que j'ai consultés, les forces de sécurité
marocaines ont pénétré dans le camp avec des hélicoptères et des
canons à eau, chassant les occupants, brûlant les tentes, battant
les manifestants et procédant à des arrestations. D'après les autorités marocaines,
les forces de l'ordre n'avaient pas d'armes à feu et des hélicoptères,
qui ne faisaient que filmer, ont été présentés comme des outils
d'intervention. Il y a eu plusieurs morts de part et d'autre, dont
des agents des forces de l'ordre, et des centaines de blessés. Les
journalistes étrangers ont été empêchés d'arriver jusqu'au camp
ou ont été chassés de la zone; néanmoins, les ONG internationales
ont été autorisées à enquêter et j'ai moi-même pris connaissance
de bon nombre de rapports d'enquête commissionnés par le Parlement
marocain et par plusieurs ONG marocaines.
28. Le 17 février 2013, un tribunal militaire de Rabat a condamné
25 civils sahraouis à des peines de prison, dont neuf à perpétuité
pour meurtre, pillage et violences en relation avec ces événements,
à l'issue d'un procès jugé inéquitable par plusieurs organisations
des droits de l'homme et observateurs internationaux, qui néanmoins
avaient eu la possibilité d'assister au procès. Parmi les prévenus
se trouvaient plusieurs personnes que les autorités marocaines avaient
déjà visées ou emprisonnées auparavant en raison de leur action
en faveur de l'autodétermination au Sahara occidental ou des droits
de l'homme.
29. Des allégations de traitement non équitable concernent aussi
la période qui a précédé le procès et le fait que celui-ci ait eu
lieu devant un tribunal militaire, y compris de la part du CNDH
marocain, qui a assuré le suivi de la situation des inculpés avant
la tenue du procès et produit un rapport critique concernant les tribunaux
militaires. Ce dernier a reçu l'approbation du Roi du Maroc
. Il faut noter qu'il
ne s'agit pas d'un jugement définitif, que les condamnés ont introduit
un recours en cassation et que le CNDH est intervenu à maintes reprises
depuis la fin du procès pour garantir notamment l'accès aux soins
et a tenu plusieurs réunions avec les familles des condamnés.
30. D'autres violences, qui ont fait des morts et dont les parties
en présence ont donné des versions contradictoires, se sont malheureusement
produites dans la ville de Dakhla, au Sahara occidental, en septembre
2011.
31. En 2011, le Maroc a adopté une nouvelle Constitution qui,
entre autres, réduit les pouvoirs du roi, garantit la liberté de
pensée, d'opinion, d'expression et de création artistiques, d'expression,
de circulation et d'association. Ces réformes ont été bien accueillies
par l'ensemble de la communauté internationale, qui y a vu une étape
importante vers la démocratie et un meilleur respect des droits
de l'homme au Maroc; mais elles n'ont pas encore été intégrées à
la législation nationale et à la pratique gouvernementale.
32. Le 25 novembre 2011, les élections législatives marocaines
ont également eu lieu au Sahara occidental, dans le territoire situé
à l'ouest du mur; elles ont été remportées par le Parti de la justice
et du développement (PJD). Neuf parlementaires ont été élus pour
représenter le Sahara occidental dans les deux chambres du Parlement
marocain. L'un d'eux, M. Ali Salem Chagaf, faisait partie de la
délégation marocaine auprès de l'Assemblée parlementaire.
33. En décembre 2011, le Front Polisario a tenu son 13e Congrès
populaire général suivi de la formation d'un nouveau gouvernement
en exil.
34. Ces vingt dernières années, la MINURSO a surveillé le cessez-le-feu
sans mandat concernant le volet humanitaire et la situation des
droits de l'homme; elle a aussi soutenu des programmes d'aide visant
en particulier à répondre aux besoins des familles sahraouies déplacées
et éclatées, ainsi qu'un programme de déminage.
35. Selon les informations des parlementaires marocains, entre
2009 et 2012, quatre cycles de négociations formelles et neuf cycles
de pourparlers informels se sont tenus, au cours desquels le Maroc
aurait fait preuve de son approche pragmatique dans ce processus
et son engagement sincère à faciliter la mission de l'envoyé personnel
du Secrétaire général des Nations Unies, tandis que l'Algérie et
le Front Polisario seraient restés sur leur positions, en avançant
des options et des solutions dont l'inapplicabilité aurait été prouvée.
36. En 2012 et 2013, M. Ross a lancé un nouveau cycle de pourparlers
et de visites en Afrique du Nord (Rabat, Fez, Laâyoune, Dakhla,
les camps de réfugiés de Tindouf en Algérie, Nouakchott en Mauritanie
et Alger). Il a également entamé, à la fin du mois de mai 2013,
des discussions bilatérales confidentielles avec les parties au
conflit et les Etats voisins
.
Lors de la dernière tournée de M. Ross en octobre 2013, la MINURSO a
demandé aux commissions régionales du CNDH d'établir une liste des
acteurs de la société civile à rencontrer, ce qui, selon les autorités
marocaines, a été fait sans aucune discrimination et sans tenir
compte de leurs opinions politiques.
37. En avril 2013, le Conseil de sécurité a prorogé le mandat
de la MINURSO d'une année supplémentaire, sans l'élargir à la surveillance
des droits de l'homme
. La demande d'élargissement
du mandat de la MINURSO au suivi des droits de l'homme au Sahara
occidental a été réitérée par une délégation du Front Polisario
qui a participé à la 25e session du Conseil
des droits de l'homme des Nations Unies, tenue à Genève du 3 au
28 mars 2014. Le 29 avril 2014, le Conseil de sécurité des Nations
Unies a adopté à l’unanimité la Résolution 2152, qui proroge pour
un an le mandat de la MINURSO, sans y inclure la surveillance des
droits de l’homme.
38. Cela fait presque 40 ans que ce contentieux gèle les relations
entre le Maroc et l'Algérie, avec des milliers de réfugiés sahraouis
qui vivent sur territoire algérien à la frontière entre le Sahara
occidental et l'Algérie.
3. Situation des droits
de l'homme au Sahara occidental
39. Au cours de la partie de session de juin 2013, j'ai
appris avec satisfaction les progrès effectifs réalisés par le Maroc
au sujet de diverses questions soulevées par notre Assemblée lorsqu'elle
a accordé au Parlement marocain le statut de partenaire pour la
démocratie. Le Maroc a en outre récemment intensifié sa coopération avec
le Conseil de l'Europe par le biais d'un cadre détaillé de coopération,
financé par l'Union européenne, intitulé «Priorités 2012-2014 pour
le Maroc dans le cadre de la coopération avec le voisinage «centré
sur la réforme de la justice, la corruption, le blanchiment d'argent
et la traite des êtres humains. En mars 2013, l'Ecole d'études politiques
du Conseil de l'Europe à Rabat a été inaugurée en présence, notamment,
de M. Pietro Marcenaro, qui présidait alors notre commission. L'engagement
du Maroc dans ce processus a été salué par les organes du Conseil
de l'Europe, notamment à l'occasion du dernier comité de pilotage
tenu à Paris, en janvier 2013. J'espère que le Maroc tirera bénéfice
du programme joint Conseil de l'Europe/Union européenne et continuera
d'améliorer son bilan en matière de droits de l'homme, en particulier
dans la perspective du règlement du conflit du Sahara occidental.
40. Si je me félicite de cette amélioration globale de la situation
des droits de l'homme dans le pays et de la volonté des autorités
marocaines de renforcer davantage leur protection, je n'en ai pas
moins le devoir de signaler un certain nombre d'allégations de violations
des droits de l'homme survenues au Sahara occidental, dont j'ai
pu m'entretenir directement au cours de mes réunions avec les autorités
marocaines, des représentants d'organisations internationales et
des défenseurs des droits de l'homme, à Rabat et à Laâyoune.
41. Des violations systématiques des droits de l'homme ont suscité
d'énergiques réactions de plusieurs ONG internationales comme Amnesty
International, Human Rights Watch et l'ONG Robert
F Kennedy Center for Justice and Human Rights. Ces organisations
ont dénoncé des disparitions forcées, la torture, des viols, le recours
à la détention arbitraire pour réprimer les manifestations, des
persécutions et le recours à une force excessive contre les manifestants
et ont demandé l'extension du mandat de la MINURSO à la surveillance
et à la protection des droits de l'homme. Dans son rapport intitulé
«L'oasis de la mémoire», M. Carlos M. Beristain a décrit la situation
en recueillant, en 2011, des témoignages directs de victimes de
graves violations des droits de l'homme commises au Sahara occidental,
ainsi que de proches de personnes portées disparues depuis 1975.
42. Le 4 mars 2013, le Conseil des droits de l'homme des Nations
Unies a examiné le rapport de la Rapporteure spéciale sur la situation
des défenseurs des droits de l'homme, Mme Margaret Sekaggya. Dans l’addendum
au rapport, Mme Sekaggya fait part de ses inquiétudes sur les restrictions
à la liberté de réunion au Sahara occidental, le recours excessif
à la force lors des manifestations, et les difficultés d'enregistrement dont
font part les organisations au Sahara occidental
.
43. Le respect des droits de l'homme au Maroc a par ailleurs été
évalué dans le cadre de l'examen périodique universel des Nations
Unies, en mai 2013. Le Gouvernement marocain a, par la suite, accepté d'ériger
la disparition forcée en infraction dans le Code pénal et de promulguer
une loi sur la violence interne, mais il n'a pas appuyé les recommandations
des Nations Unies demandant un moratoire de droit sur les exécutions
et l'amélioration des procédures d'enregistrement des organisations
de la société civile. Je rappelle que le moratoire de fait sur la
peine capitale est en place depuis 1993 mais que les tribunaux marocains continuent
de prononcer des condamnations à la peine capitale. Lors de sa demande
de statut de partenaire pour la démocratie, le Parlement du Maroc
s'est engagé à abolir la peine de mort en droit et, entretemps,
à déclarer un moratoire de droit sur les exécutions. A ce propos,
je salue la création, en 2013, d'un réseau de parlementaires contre
la peine de mort qui compte plus de 200 parlementaires marocains.
Je soutien ce combat pour l'abolition totale de cette peine du système
judiciaire marocain. Je salue également l'intention du réseau d'adopter
un projet de résolution portant sur l'instauration d'un moratoire
universel sur l'application de la peine de mort, qui devrait être
soumis à l'attention de l'Assemblée générale des Nations Unies en
décembre 2014.
44. Les parlementaires marocains ont souligné que les éventuelles
violations des droits de l'homme ne sont pas systématiques et massives
et que les cas soulevés sont des cas isolés, qui sont systématiquement
traités par le CNDH. Selon eux, la situation des droits de l'homme
dans la région du Sahara ne constitue pas une exception par rapport
au reste du Maroc et cette région a bénéficié de toutes les réformes
entreprises par le Maroc aux niveaux politique, économique et social,
y compris la nouvelle Constitution. Le Parlement marocain suit de
près la situation des droits de l'homme, des questions orales sont
souvent adressées au gouvernement sur le sujet et des commissions
d'enquête et d'exploration sont souvent constituées. Les parlementaires marocains
ont également fait remarquer que les frontières du Maroc sont ouvertes,
ce qui se traduit par un libre accès aux ONG internationales et
à la société civile pour mener à bien leurs missions et pour rencontrer différents
acteurs.
45. Malheureusement, en mars 2013, une délégation de députés européens,
voyageant à titre privé, s'est vu refuser l'accès à la région. Par
la suite, j'ai appris avec satisfaction, qu'après ma visite en mai
2013, qui a été co-organisée avec le Parlement marocain, quatre
parlementaires espagnols ont pu se rendre au Sahara occidental sans
aucune autorisation préalable et se déplacer librement à Laâyoune
afin de rencontrer des représentants de la société civile sahraouie.
En outre, notre collègue, Mme Josette Durrieu, Sénatrice française,
s'est aussi rendue dans la région en 2013 et a rédigé un rapport
pour le Sénat français
.
A mon avis, les autorités marocaines devraient encourager les visiteurs
étrangers à se rendre sur le territoire et y rencontrer qui bon
leur semble, comme dans toute démocratie.
46. L'expression d'opinions dissidentes et de critiques de la
position officielle marocaine sur le Sahara occidental reste perçue
comme une menace à l'intégrité territoriale du Royaume du Maroc.
Les indépendantistes sahraouis se heurtent ainsi à des restrictions
dans leurs activités: des allégations d'harcèlement, de surveillance
par les forces de sécurité, de restrictions à la liberté de mouvement
et certains cas de poursuites pour menace à la sécurité interne
et extérieure du Maroc ont été portés à mon attention. La législation
sur la presse prévoit des peines de prison pour la diffusion d'informations
ou d'opinions menaçant l'Islam, l'institution monarchique ou l'intégrité
territoriale, c'est-à-dire la revendication territoriale du Maroc
sur le Sahara occidental.
47. Lors de ma visite à Laâyoune au mois de mai 2013, plusieurs
autorités marocaines ont tenté de m'empêcher de rencontrer, dans
leurs propres locaux, des défenseurs des droits de l'homme et des
dissidents de Laâyoune que j'avais personnellement contactés. Ces
organisations ne sont pas reconnues par les autorités marocaines,
bien qu'elles aient montré par de nombreuses demandes d'enregistrement
qu'elles sont prêtes à fonctionner sous souveraineté marocaine.
Je remercie M. Chagaf, qui faisait partie à l'époque de la délégation
marocaine à l'Assemblée et qui s'est porté garant pour moi auprès
du préfet régional (Wali) me permettant de rencontrer à leur domicile
des représentants d'ONG non enregistrées.
48. En novembre 2012, les autorités marocaines ont fait un geste
positif en autorisant la chaîne de télévision Al-Jazeera à rouvrir
ses bureaux au Maroc, deux ans après les avoir fermés en critiquant
la façon dont elle rendait compte du conflit au Sahara occidental.
49. Selon plusieurs rapports internationaux, les autorités continuent
de viser les défenseurs sahraouis des droits de l'homme et les défenseurs
de l'autodétermination et de recourir à une force excessive pour
réprimer ou empêcher les manifestations au Sahara occidental. Des
Sahraouis ont été emprisonnés à la suite de manifestations, certains
auraient été torturés ou auraient subi des sévices au cours d'interrogatoires
par des agents des forces de l'ordre marocaines. Les allégations
correspondantes n'auraient pas fait l'objet d'enquêtes convenables,
selon plusieurs organisations de défense des droits de l'homme.
50. Tant le gouvernement que des défenseurs sahraouis des droits
de l'homme m'ont fait visionner, au cours de mes visites, plusieurs
vidéos montrant des actes de violence et de vandalisme. Je n'étais
pas en mesure de juger de l'authenticité de ces documents, mais
toutes les images qui m'ont été présentées attestaient de violences
et de provocations. Si toute forme de violence est condamnable,
je trouve particulièrement inquiétant, du point de vue de l'Etat
de droit, que les forces de sécurités en fassent un usage délibéré
et disproportionné.
51. Comme indiqué précédemment, les autorités marocaines continuent
de refuser l'enregistrement formel des organisations sahraouies
de la société civile et de défense des droits de l'homme qui soutiennent
le droit à l'autodétermination. J'ai parlé à des représentants de
l'Association sahraouie pour les victimes de graves violations des
droits de l'homme (ASVDH), dont l'inscription continue d'être rejetée
malgré une décision rendue en 2006 selon laquelle la décision administrative
de refus de l'enregistrement était illégale. Aucune des ONG que
j'ai rencontrées à Laâyoune n'est autorisée à s'enregistrer et toutes
sont considérées comme «illégales» par les autorités locales.
52. Le Gouvernement marocain a rejeté une recommandation émise
à l'occasion de l'Examen périodique universel des Nations Unies
lui demandant d'admettre l'enregistrement légal des ONG défendant
le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. Pour leur part,
les parlementaires marocains estiment que la réglementation stricte
en vigueur, qui, selon eux, s'inspire largement des standards internationaux,
constitue un cadre juridique largement étendu et explicite pour
les associations, qui recouvre les différents aspects liés à leur
constitution, leur fonctionnement et leur mode de financement, et
qui régit les rassemblements publics en faisant la distinction entre
réunions publiques et manifestations sur la voie publique. A mon
avis, la reconnaissance et l'enregistrement des associations aujourd'hui
considérées comme «illégales» est une condition préalable à l'instauration
du dialogue et permettrait aux autorités marocaines d'avoir des interlocuteurs
dans les moments de tension et de révolte.
53. Je félicite le Maroc pour sa législation contre la torture
et pour sa ratification de la Convention des Nations Unies contre
la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants ainsi que du Pacte international relatif aux droits civils
et politiques (PIDCP). Je me félicite également des efforts déployés par
le Maroc entre 2003 et 2005 par le mécanisme de justice de transition,
l'Instance Equité et Réconciliation, pour enquêter sur les violations
flagrantes, généralisées et systématiques des droits de l'homme
commises au Maroc entre 1956 et 1999 (période que les Marocains
appellent «les années de plomb»), dont de nombreux cas de torture
et de mauvais traitements.
54. Cependant, des rapports crédibles d'organisations internationales
et d'ONG locales indiquent que les forces de sécurité marocaines
continuent d'infliger des tortures et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants à des détenus, surtout à des militants
indépendantistes sahraouis.
55. Malgré le fait que, dans sa
Résolution 1818 (2011), l'Assemblée a souligné la nécessité de «prévenir la torture
et les traitements inhumains ou dégradants à l'encontre des personnes
privées de liberté; lutter contre l'impunité des auteurs d'actes
de torture et de sévices» (paragraphe 8.13), de graves allégations
d'abus ont été faites à cet égard, comme également souligné par
la commission des questions juridiques et des droits de l'homme
dans son avis sur l'évaluation du partenariat pour la démocratie
concernant le Parlement du Maroc de juin 2013
.
56. A la suite de sa visite au Maroc, au mois de septembre 2012,
M. Juan E. Méndez, Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture
et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
a observé l'émergence d'une culture des droits de l'homme au Maroc,
mais a néanmoins constaté que la torture est toujours pratiquée,
surtout dans les situations de forte tension perçues par les autorités
comme une menace pour la sécurité nationale, comme les manifestations
de masse. Il a aussi conclu à un usage excessif de la force, surtout
lorsque la police ou d'autres autorités réagissent à des incidents
survenant pendant des manifestations ou des réunions
.
57. Pour ne citer qu'un exemple, 25 prisonniers qui attendaient
d'être jugés à la suite des violences survenues au camp de protestation
de Gdeim Izik ont été incarcérés à la prison de Sale, près de Rabat,
loin de chez eux. Beaucoup d'entre eux disent avoir été torturés
ou maltraités d'une façon ou d'une autre pendant leur détention
.
Les parlementaires marocains, pour leur part, tiennent à préciser
que ni les accusés ni leurs avocats qui les ont accompagnés devant
le juge d'instruction n'ont à aucun moment demandé le recours à
une expertise médicale pour déterminer le degré de véracité de leurs
assertions.
58. Notons que dans la
Résolution
1942 (2013) sur l'évaluation du partenariat pour la démocratie concernant
le Parlement du Maroc, l’Assemblée se félicite de l'invitation faite
au Maroc d'adhérer à une série d'autres conventions du Conseil de
l'Europe ou de les signer et a appelé le Parlement marocain à veiller
à ce que les conditions appropriées soient réunies à cette fin.
L'Assemblée a aussi encouragé les autorités marocaines à envisager
l'adhésion à la Convention européenne pour la prévention de la torture
et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (STE n° 126)
ainsi qu'aux Conventions du Conseil de l'Europe sur la lutte contre
la traite des êtres humains (STCE n° 197) et sur la prévention et
la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence
domestique (STCE n° 210).
59. Le procès de 25 civils sahraouis, qui devaient être jugés
par un tribunal militaire en raison du rôle qu'ils auraient joué
dans les confrontations survenues au camp de Gdeim Izik en 2010,
a été ajourné à deux reprises. Leurs familles ont indiqué que les
conditions de détention étaient particulièrement dures, avec des
droits de visite restreints, des difficultés à se faire soigner
et à obtenir une nourriture convenable et des vêtements propres.
Le 17 février 2013,
les 25 prisonniers ont été condamnés à des peines allant de 20 ans d'emprisonnement
à la prison à vie.
60. Selon le Conseil national marocain des droits de l'homme,
le procès se serait déroulé «dans des conditions normales et selon
une procédure régulière». La Délégation interministérielle aux droits
de l'homme du Royaume du Maroc a publié, au mois de février 2013,
un livre blanc sur les événements de Gdeim Izik, dans lequel elle
indique ne pas avoir constaté d'irrégularités majeures dans la conduite
des forces de sécurité ni dans le déroulement du procès. Le Parlement
marocain a constitué une commission d'enquête sur les événements
de 2010. Cette commission a rendu son rapport en février 2013, concluant
à «des dysfonctionnements de la gouvernance locale, qui ont contribué
aux événements de Gdeim Izik et de Laâyoune «et critiquant» le laxisme
des autorités locales au moment de l'installation du camp, qui était
une erreur des points de vue sécuritaire, social et politique».
Elle opère également une distinction entre une «contestation motivée
par des revendications sociales légitimes» et son «exploitation
politique par un groupuscule séparatiste soutenu par l'Algérie,
qui compte dans ses rangs des criminels et des personnes recherchées
par la justice, venus s'installer dans le camp».
61. Toutefois, de nombreuses organisations de défense des droits
de l'homme estiment que les autorités marocaines devraient rapidement
faire rejuger les accusés par un tribunal civil et les remettre
en liberté dans l'attente de ce nouveau procès. Ce tribunal devrait
également examiner toutes les allégations de torture et s'assurer
qu'aucune déclaration obtenue par la violence ou la contrainte n'ait
été admise comme preuve. Je salue le fait que le 14 mars 2014 le
Maroc a annoncé l'élaboration d'un projet de loi empêchant les tribunaux militaires
de juger les civils; il s'agit là d'une initiative bienvenue qui,
espérons-le, aura également des répercussions sur l'affaire de Gdeim
Izik.
4. La position et
les efforts du Maroc en ce qui concerne les droits de l'homme au
Sahara occidental
62. Tous mes entretiens avec les autorités marocaines
m'ont montré que la question du Sahara occidental fait l'unanimité
parmi elles, à savoir que toute remise en question compromettrait
la stabilité de cette région troublée, ouvrirait la porte aux extrémistes
et aux djihadistes, et donnerait à l'Algérie l'occasion de s'ingérer dans
les «affaires intérieures» du Maroc.
63. Le Maroc a proposé un plan offrant une large autonomie au
peuple sahraoui, considéré par le Maroc comme un peuple marocain
d'origine sahraouie. Tous nos interlocuteurs marocains pensent qu'un
Etat indépendant ne serait pas viable pour des raisons de sécurité
et craignent de voir se reproduire au Sahara occidental ce qui se
passe actuellement au Mali, ce qui aggraverait les risques de déstabilisation
de toute la région. Lors de l'audition organisée par la commission
le 7 avril 2014 à Strasbourg, le Dr Maouelainin Ben Khalihenna Maoulainin,
Secrétaire général du CORCAS, a précisé que «l'initiative marocaine
d'autonomie est fondée sur la réconciliation et le compromis. La
proposition est le fruit d'un large consensus et a été élaborée selon
une démarche participative, sincère, démocratique, transparente».
64. Trente-quatre tribus du Sahara occidental ont été impliquées
dans la préparation de ce plan, qui prévoit un parlement élu localement
qui élirait à son tour une autorité exécutive, ainsi que la mise
en place d'un système judiciaire indépendant. Le modèle proposé
assurerait une représentation majoritaire au sein de l'assemblée
législative pour les habitants sahraouis de la région autonome tout
en veillant à la représentation législative des non-Sahraouis qui
résident depuis longtemps sur le territoire. Les habitants de la
région autonome continueraient également à élire des représentants
au Parlement marocain. Le gouvernement autonome serait compétent
dans les domaines de l'administration locale, de la police locale,
de l'éducation, du développement culturel et économique, de l’aménagement
du territoire, du tourisme, de l'investissement, du commerce, des
travaux publics et des transports, du logement, de la santé, des
sports et de la protection sociale. Il disposerait des prérogatives
habituelles lui permettant d'assurer ces fonctions et continuerait également
à recevoir des fonds issus du budget de l'Etat. Il pourrait établir
des bureaux de liaison pour le commerce extérieur régional et serait
doté de droits consultatifs sur les autres accords étrangers, touchant
les domaines régaliens, qui affectent la région
. Ce plan a été présenté au Conseil de sécurité
des Nations Unies en avril 2007 et a reçu le soutien des Etats-Unis
et de la France. Les négociations menées au sein des Nations Unies
n'ont pu aboutir à des résultats concluants. Lors de l'audition
à Strasbourg, le Secrétaire général du CORCAS a également lancé
un appel pour abandonner les positions extrêmes et pour permettre
aux populations des camps de Tindouf de retrouver leurs familles
et proches et vivre dans la dignité et la plénitude de leurs droits.
65. Parallèlement, nombre d'institutions marocaines, dont des
organisations de défense des droits de l'homme et le parlement,
sont de plus en plus conscientes de la nécessité de prendre au sérieux
la question des droits de l'homme et d'agir efficacement pour leur
protection au Sahara occidental, y compris par l'intermédiaire des
mécanismes de contrôle des Nations Unies et d'un rôle accru de la
communauté internationale et, notamment, de notre Assemblée. Cette
nécessité a également été soulignée avec insistance par Mme Hasna
Abouzaid, députée de l'opposition représentant le Sahara occidental
au Parlement marocain, et par M. Driss El Yazami, Président du CNDH,
lors de l'audition tenue par la commission à Paris, le 5 septembre
2013. M. El Yazami, en particulier, a mentionné «l'absence de culture
des droits de l'homme» au Sahara occidental et insisté sur l'importance
de promouvoir ces droits dans la région. Selon M. Abdellah Elharich, Secrétaire
général de l'Association sahraouie pour la démocratie et la justice
sociale (MINBAR) à Laâyoune, la société civile marocaine redouble
d'efforts pour assurer le contrôle des élections dans la région du
Sahara occidental et établir des structures de la société civile
permettant de renforcer les droits de l'homme, les droits des femmes
et les droits culturels.
66. Comme évoqué plus haut, au cours de la période de «justice
transitionnelle», l'Instance Equité et Réconciliation créée en 2004
a enquêté sur les présomptions de graves violations des droits de
l'homme – disparitions forcées, détentions arbitraires, atteintes
au droit à la vie, torture, exils forcés, usage disproportionné
de la force par la police pour disperser les mouvements de protestation
sociale – survenues au Maroc au cours des années dites «de plomb»,
de 1956 à 1999.
67. Le CNDH a offert des réparations, avec notamment une assistance
financière, une formation professionnelle et une assurance médicale,
aux victimes sahraouies reconnues ou aux membres des familles de
personnes disparues ou détenues dans les années 1970 et 1980. Le
Maroc a également renforcé des mécanismes nationaux de surveillance
des droits de l'homme au Sahara occidental par l'ouverture de deux antennes
du CNDH à Laâyoune et à Dakhla. L'antenne du CNDH à Laâyoune a recommandé,
ces dernières années, l'indemnisation de centaines de victimes ou
familles de personnes portées disparues et a récemment recentré
son action en faveur de projets communautaires. Cependant, les groupes
sahraouis de défense des droits de l'homme font valoir que de nombreuses
demandes ont été rejetées et qu'un nombre bien plus grand encore
de demandeurs n'ont pas reçu leurs indemnisations, dont le versement
doit être effectué par les instances gouvernementales.
68. L'Association des familles de prisonniers et disparus sahraouis
estime que le sort de plus de 550 Sahraouis reste inconnu et de
nouvelles découvertes montrent que les informations fournies par
le Maroc ne sont pas toujours exactes. En septembre 2013, une équipe
espagnole d'experts médico-légaux a publié les résultats d'une enquête
confirmant le décès de huit sahraouis, dont deux enfants, disparus
en 1976. Ces experts ont, pour la première fois, apporté la preuve
que ces personnes ont été exécutées sommairement par les forces
armées marocaines. Ces révélations remettent en cause l'exactitude
des conclusions publiées par le Conseil consultatif pour les droits
de l'homme (l'institution marocaine des droits de l'homme, à l'époque)
au sujet d'autres cas de disparitions forcées et souligne la nécessité
de faire la vérité sur des centaines de cas de disparitions forcées
remontant à plusieurs dizaines d'années et de rendre justice aux
victimes et à leurs familles. A ce propos, je soutiens la création
d'une mission MINURSO-CICR (Comité international de la Croix Rouge)
afin de procéder à l'exhumation, à l'identification et à la restitution
des dépouilles aux familles. Notons également que le 14 mai 2013,
le Maroc a ratifié la Convention internationale pour la protection
de toutes les personnes contre les disparitions forcées.
69. Le CNDH marocain, l'Institut du médiateur et la délégation
interministérielle aux droits de l'homme constituée en 2011 coopèrent
activement avec les experts indépendants des droits de l’homme («Procédures spéciales»)
du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, à travers l'invitation,
au Maroc, de trois rapporteurs onusiens en 2012 et de trois autres
en 2013. Ces initiatives ont été appréciées par la communauté internationale,
notamment par le Conseil de sécurité des Nations Unies qui, dans
le paragraphe 15 de sa Résolution n° 2099, «se félicit[e] à cet
égard des mesures que le Maroc a prises pour renforcer les commissions
du Conseil national des droits de l'homme à Dakhla et Laâyoune et
du dialogue qu'il entretient avec les titulaires de mandats relevant
des Procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies,
y compris celles qui sont prévues pour l'année 2013».
70. La nouvelle Constitution a renforcé le processus de réforme,
comme le demandaient les Nations Unies, notamment en définissant
plus strictement les conditions d'équité des procès, la participation
de la société civile, la non-discrimination et l'égalité des sexes.
Cependant, nombre de dispositions constitutionnelles doivent encore
être transposées dans la législation interne et dans la pratique
de l'Etat, aussi bien au niveau de l'administration que de la police.
71. Sur une note plus positive, le 13 mars 2014, quelques semaines
avant la décision du Conseil de sécurité des Nations Unies sur le
mandat de la MINURSO, le Gouvernement marocain a annoncé la nomination
de personnes de contact au niveau ministériel pour donner suite
aux recommandations du CNDH, en particulier des bureaux de Laayoune
et de Dakhla, afin de traiter les plaintes des citoyens concernant
les droits de l'homme dans un délai de trois mois.
72. Fait encore plus marquant, un jour plus tard, le 14 mars 2014,
conformément aux recommandations émises par le Conseil national
des droits de l'homme, les avocats et les défenseurs des droits
de l'homme, le Maroc a annoncé l'élaboration d'un projet de loi
empêchant les tribunaux militaires de juger les civils.
73. A Laâyoune, j'ai également assisté à la présentation de plusieurs
investissements et autres projets très ambitieux en cours de réalisation
dans la région (écoles, équipements sportifs, théâtres et autres équipements).
Concrètement, un budget important a été consacré, depuis 1976, au
développement de cette région. Selon les parlementaires marocains,
cet effort dépasse, de loin, les recettes générées par l'exploitation des
ressources naturelles et explique largement le fait que l'indice
de développement humain dans cette région soit aujourd'hui supérieur
à la moyenne nationale en terme de scolarisation, santé, éducation
et accès aux infrastructures. Par ailleurs, le 17 janvier 2014,
le Président Obama a promulgué un «projet de loi de crédits pour
l'exercice 2014» lequel dispose expressément que l'aide au développement
dont bénéficie le Maroc concerne également «l'aide au territoire
du Sahara occidental».
74. Le Maroc est également sur le point de lancer de vastes programmes
en faveur des énergies renouvelables. A ce jour, la production d'énergie
solaire et éolienne au Sahara occidental représente tout au plus
5,5 % de la quantité totale d'énergie produite au Maroc à partir
de ces sources. D'ici 2020, cette part pourrait être portée à environ
26 %. En juillet 2013, le Maroc a également conclu un nouvel accord
de pêche de quatre ans avec la Commission européenne, en vertu duquel
les bateaux européens auront le droit de pêcher dans les eaux du
Maroc et du Sahara occidental. Cet accord a néanmoins été sévèrement
critiqué par le Parlement européen ainsi que par de nombreuses ONG
car il serait contraire aux principes onusiens qui concernent les
territoires non-autonomes.
75. Les Sahraouis que j'ai rencontrés, tout comme des milliers
de ceux qui participent régulièrement aux manifestations de rue,
affirment de leur côté qu'ils ne tirent aucun bénéfice de l'exploitation
de leurs ressources naturelles, en particulier du commerce du phosphate,
et que les investissements d'équipement ne leur sont quasiment d'aucun
secours. Des aides sont également fournies à la population locale
pour atténuer les effets d'un chômage élevé. Elles restent toutefois
très limitées et sont interprétées comme une façon «d'acheter la conscience»
des gens. De plus, les Sahraouis que j'ai rencontrés considèrent
que les efforts déployés par le Maroc pour le développement économique
est en fait «un pillage économique des ressources naturelles sahraouies
au bénéfice exclusif des élites». Les Sahraouis se plaignent aussi
de discriminations dans l'accès au logement et à l'emploi.
76. En mars 2013, le Conseil économique, social et environnemental
(CESE) du Maroc a publié une évaluation critique de l'actuel modèle
de développement du territoire, portant notamment sur la gouvernance et
les questions de transparence et de responsabilité, mais aussi de
droits de l'homme, qui sont source de tensions sociales et qui ont
comme effet pervers de créer une logique d'assistance et de dépendance.
Comme souligné dans le rapport du Sénat français publié en octobre
2013, la franchise du rapport du CESE montre que les autorités marocaines
souhaitent attaquer la question des inégalités qui fait le lit des
mouvements sociaux spontanés
.
77. D'après les parlementaires marocains, depuis que le Maroc
a présenté l'initiative d'autonomie en 2007, la question des droits
de l'homme est exploitée pour dévier les négociations et utilisée
comme prétexte pour ne pas s'engager dans la recherche d'une solution
politique au différend régional du Sahara occidental. Il s'agirait
d'une réaction aux réalisations continues du Maroc sur le plan politique
depuis la présentation du projet d'autonomie. A leur avis, le rejet
systématique de l'initiative marocaine d'autonomie ferait défaut
à la crédibilité et à la bonne foi du Front Polisario, quant au
règlement de ce différend.
78. Pour leur part, des observateurs estiment également que le
Gouvernement marocain doit faire des efforts sérieux et crédibles
pour convaincre les jeunes Sahraouis que leurs aspirations à la
liberté et au respect de leur dignité auraient plus de chances de
se réaliser dans le cadre d'un Maroc véritablement démocratique et
pluraliste, ouvert aux divergences d'opinions et respectueux des
droits de l'homme et de la différence culturelle. Concrètement,
il faudrait leur permettre de s'exprimer librement et donner la
possibilité aux acteurs de la société civile de s'organiser et de
participer à la vie publique, jusqu'au niveau parlementaire. Seule
la pleine démocratisation des institutions du pays pourrait donner
une chance au Maroc de faire reconnaître sa souveraineté sur le
Sahara occidental
.
79. J'ai eu la possibilité d'aborder la question à maintes reprises
avec nos collègues marocains. Je les ai encouragés à inviter les
défenseurs des droits de l'homme que j'avais rencontrés à Laâyoune
à une audition au Parlement, à Rabat, et à voir en eux des interlocuteurs
stratégiques plutôt que des opposants, ce qui serait la marque d'une
institution authentiquement pluraliste et démocratique, digne du
statut de partenaire pour la démocratie de l'Assemblée parlementaire
du Conseil de l'Europe.
80. Dans cet esprit, je salue l'initiative de l'Union Internationale
de la Jeunesse Socialiste d'organiser un programme de visites qui
a eu lieu en septembre 2013 d'une délégation de quatre jeunes du
Polisario et quatre jeunes Marocains, y compris des députés de l'Union
socialiste des forces populaires (USFP), à Dakhla et Laâyoune et
ensuite à Tindouf, afin de juger la réalité des choses sur le terrain
et de reconstruire la confiance entre les deux parties. Le chef
de la délégation marocaine, M. Ali El Yazghi, député de l'USFP,
a remarqué qu'«un avenir est possible pour tous dans un Maroc uni,
pluriel et qui accepte toutes les divergences»
.
Les jeunes se sont mis d'accord sur le principe d'un rassemblement
élargi entre les jeunes des deux côtés et dans un pays neutre.
81. Je me félicite également de l'initiative du groupe parlementaire
du Parti de la Justice et du développement (PJD) à la Chambre des
Représentants du Parlement marocain pour l'activité de communication
appelée «Caravane de la lampe», sous le slogan «La Réforme: engagement
et responsabilité collectifs», qui a eu lieu du 27 au 30 mars 2014
et qui a permis d'entreprendre un dialogue avec des associations
des droits de l'homme y compris des ONG prônant l'indépendance du
Sahara occidental. Au cours de ces réunions, les membres du groupe
parlementaire ont pu écouter les doléances de la population et les
différents points de vue. Ils se sont également engagés à poursuivre
le dialogue avec toutes les composantes politiques, civiles, sociales
à travers d'autres réunions à la Chambre des Représentants
.
5. Situation dans
les camps de réfugiés de Tindouf
82. Les 7 et 8 octobre 2013, je me suis rendue à Alger
pour rencontrer des représentants du Parlement algérien et, ensuite,
à Tindouf, qui abrite quatre camps sahraouis, «Aousserd», «Dakhla»,
«El Ayoun» et «Smara», dont les noms proviennent des principales
villes du Sahara occidental; je suis également allée dans le camp
scolaire du «27 février», connu sous le nom de «Boujdour», et à
«Rabouni», le centre administratif qui abrite les bureaux du gouvernement
auto-proclamé de la RASD, les ONG locales et l'hôpital. Créés en
1975 pour les réfugiés fuyant le conflit, les camps de Tindouf figurent
parmi les plus anciens au monde et sont totalement dépendants de
l'aide internationale.
83. L'Algérie a reconnu la RASD auto-proclamée et le Polisario
en tant que «gouvernement en exil». Mes entretiens avec les parlementaires
algériens ont confirmé l'importance que l'Algérie attache au principe
de l'auto-détermination, en raison de sa propre histoire de colonisation
et dans le respect des résolutions du Conseil de sécurité des Nations
Unies, ainsi que sa détermination à soutenir les mouvements d'indépendance dans
le monde. L'Algérie a ainsi, par exemple, soutenu l'indépendance
du Timor oriental, essentiellement peuplé de Chrétiens, contre l'Indonésie,
un pays musulman. Toutefois, elle estime que les négociations doivent se
dérouler entre le Front Polisario et le Maroc et qu'elle n'est pas
un interlocuteur.
84. En l'absence de chiffres officiels, le gouvernement algérien
estime le nombre de réfugiés à 165 000. En attendant le lancement
d'une campagne d'enregistrement, le Haut-Commissariat des Nations
Unies pour les réfugiés (HCR) fonde ses programmes d'assistance
sur une estimation de 90 000 réfugiés vulnérables dans les camps
. Les autorités marocaines ont
demandé à l'Algérie de procéder à un recensement pour établir le nombre
effectif et la composition des réfugiés vivant dans ces camps et
ont souligné que le recensement constitue une condition préalable
à l'exercice du mandat du HCR de protection des réfugiés et la fourniture
de l'aide humanitaire. Depuis 1975, l'Algérie a toujours refusé
de permettre le déroulement de l'opération et l'a conditionnée à
un règlement politique global de la question du Sahara. Cette conditionnalité
constitue, selon les parlementaires marocains, une violation des
obligations statutaires et légales du HCR et représenterait un défi
pour le consensus international sur la nécessité de distinguer la
dimension humanitaire du processus politique du conflit. Cette attitude
algérienne confirmerait la contradiction entre les déclarations
de neutralité de l'Algérie et de ses actes dans la question du Sahara.
85. Pour les occupants des camps, il est difficile de se rendre
en visite dans les parties du Sahara occidental sous contrôle marocain;
des milliers de familles sont donc séparées depuis près de 40 ans.
Depuis 2004, le HCR déploie un programme de mesures de confiance
visant à instaurer des contacts directs entre les familles séparées
du Sahara occidental et à les aider à se retrouver en organisant
des vols réguliers. En janvier 2012, il a lancé un plan d'action
actualisé sur les mesures de confiance. Le Maroc et le Front Polisario
participent activement à ce programme et ont récemment pris part
à la quatrième réunion d'évaluation des mesures de confiance organisée
sous les auspices du HCR, tenue à Genève les 2 et 3 juillet 2013.
86. Le Front Polisario est lui aussi accusé par le Maroc de réprimer
la liberté d'expression, de pratiquer la torture et le détournement
d'aide dans les camps de réfugiés de Tindouf. S'il a reconnu les
accusations de mauvais traitements remontant aux années 1970 et
1980, le Front Polisario dément qu'il en aille encore de même et
affirme que les habitants des camps sont libres d'exprimer leurs
opinions, de se déplacer et même de quitter les camps.
87. Dans son rapport de visite de 2006, le Haut-commissaire des
Nations Unies aux droits de l'homme conclut que les conditions de
vie dans les camps sont difficiles, mais que la situation des droits
de l'homme est satisfaisante
.
En 2010, le Gouvernement sahraoui en exil a fait appel aux Nations
Unies pour surveiller le respect des droits de l'homme dans les
camps. Plusieurs ONG internationales se rendent régulièrement dans les
camps et n'ont pas rapporté de violations majeures des droits de
l'homme. Les organisations internationales présentes dans les camps
que j'ai rencontrées m'ont dit qu'elles avaient un accès libre à
tout le territoire des camps et que la collaboration avec le gouvernement
sahraoui était très bonne.
88. En octobre 2012, au cours de la visite de l’envoyé des Nations
Unies, M. Ross, dans les camps de réfugiés de Tindouf, le Secrétaire
général du Front Polisario, M. Mohamed Abdelaziz, a exprimé sa profonde exaspération
face à l'incapacité des Nations Unies à organiser le référendum
sur l'autodétermination. S'agissant de la situation prévalant alors
au Mali, il a souligné que le Front Polisario est fermement opposé
aux activités des groupes terroristes ou criminels et qu'il a pris
des mesures pour empêcher tout recrutement dans les camps. Lors
des réunions avec les groupes de jeunes, d'étudiants et de femmes,
M. Ross a constaté que les Sahraouis de deuxième et troisième générations
étaient déçus non seulement par le manque de progrès dans les négociations
mais aussi par l'absence de possibilités d'emploi. Bon nombre se
sont déclarés favorables à des actions radicales comme la reprise
des hostilités contre le Maroc, exigeant que la MINURSO reconnaisse
son impuissance et s'en aille. D'autres ont prévenu que ces exaspérations
faisaient des jeunes des cibles potentielles de recrutement pour
les réseaux criminels ou terroristes.
89. Le 10 juin 2013, le Secrétaire général des Nations Unies,
Ban Ki-moon, a réitéré «l'engagement de l'ONU à aider le Maroc et
le Front Polisario à négocier une solution à leur différend de longue
date sur le statut futur du Sahara occidental, conformément aux
résolutions de l'ONU», suite à une rencontre avec M. Abdelaziz à
New York. Au cours de cette rencontre, M. Ban Ki-moon «a souligné
son intérêt soutenu à l'égard des droits de l'homme au Sahara occidental
et pour les camps de réfugiés» et a félicité l'engagement continu
du Front Polisario à maintenir le dialogue. Il a également encouragé
le Front Polisario à rester en contact de manière constructive avec
l'Envoyé personnel du Secrétaire général pour le Sahara occidental,
Christopher Ross, qui a appelé les deux parties à faire preuve de
souplesse et de créativité dans la recherche d'une solution au conflit.
Des conclusions similaires ont été émises à la suite de la dernière
visite de M. Ross en octobre 2013.
90. Pendant ma visite des camps le 8 octobre 2013, j'ai eu l'occasion
de m'entretenir de ces questions avec M. Mohamed Abdelaziz, Secrétaire
général du Front Polisario et Président de la RASD auto-proclamée,
et avec M. Khatri Addouh et d'autres membres du Conseil national
sahraoui, l'organe législatif de la RASD auto-proclamée, qui compte
53 membres «élus» dans 11 circonscriptions basées dans les camps
de réfugiés en Algérie et d'autres territoires contrôlés par le
Front Polisario. Les «élections» les plus récentes ont eu lieu du 17
au 19 février 2008.
91. La RASD auto-proclamée possède sa propre Constitution, qui
prévoit une séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.
Tous les habitants des camps sont membres du Front Polisario; toutefois
les opinions divergentes seraient débattues ouvertement au sein
du Conseil.
92. J'ai également eu l'occasion de visiter un jardin d'enfants,
une école primaire et une clinique locale et j'ai pris note des
mécanismes de fonctionnement de la gouvernance locale. La pauvreté,
le manque de services de base, la malnutrition et le manque d'accès
à l'eau potable demeurent des motifs très importants d'inquiétude.
Le Programme alimentaire mondial fournit aux réfugiés chaque mois
environ 125 000 rations alimentaires générales, et les femmes enceintes
ou qui allaitent ainsi que les enfants sous-alimentés reçoivent des
compléments alimentaires riches en oligoéléments.
93. Les femmes jouent un rôle important dans la gestion des camps,
encouragent l'égalité entre les sexes et ont un rôle essentiel dans
la prise de décisions sur divers aspects de la société, notamment
le processus de distribution de la nourriture, comme l'a souligné
l'Union des femmes sahraouies. L'éducation primaire est obligatoire
pour tous les enfants sahraouis, qui doivent cependant quitter le
Sahara occidental s'ils veulent poursuivre leurs études (en Algérie,
à Cuba, en Libye ou dans d'autres pays).
94. La société civile est très active dans les camps et j'ai discuté
d'un certain nombre de questions urgentes, qui sont reprises tout
au long du présent rapport. Selon l'Association des familles de
prisonniers et disparus sahraouis, il n'y a aucune volonté de la
part du Maroc d'enquêter sur la réalité de ce qui est arrivé aux personnes
qui ont disparu. Les récentes révélations de l'équipe espagnole
d'experts médico-légaux soulignent la nécessité de révéler la vérité
sur des centaines de cas de disparitions forcées remontant à plusieurs
dizaines d'années et de rendre justice aux victimes et à leurs familles.
Lors d'une audition organisée à Strasbourg en janvier 2014, Mme
Fatimetou Moustapha Saleh, membre du Conseil national de l'Association
des familles de disparus et de prisonniers sahraouis (AFAPREDESA)
à Tindouf, a évoqué son père porté disparu depuis 1976 ainsi que
les nombreux disparus sahraouis que le Maroc refuse de reconnaître.
Elle a exhorté les autorités marocaines à publier la liste des victimes
et à coopérer avec les autorités à Tindouf et la communauté internationale
afin de faire la lumière sur les tragédies passées. Notre collègue
Tiny Kox, ancien rapporteur sur le partenariat pour la démocratie
avec le Conseil national palestinien, a
insisté sur la responsabilité qui incombe à la délégation marocaine,
en tant que premier partenaire pour la démocratie de notre Assemblée,
à aider les familles de disparus à connaître la vérité. Il a attiré
l'attention sur le fait que le partenariat devrait être un instrument
permettant de résoudre des problèmes concrets, à l'instar de celui-ci.
Pour ma part, je souscris pleinement à cette déclaration.
95. A l'issue d'une réunion avec l'Association des victimes de
mines antipersonnel à Tindouf, j'ai appris que le Front Polisario
avait signé l'Appel de Genève sur l'interdiction des mines antipersonnel
en novembre 2005, alors que le Maroc est l'un des pays à ne pas
avoir signé le traité d'Ottawa sur l'interdiction des mines.
96. D'après le HCR, en 2012 et 2013, les effets de la crise économique
mondiale ont encore aggravé la situation dans les camps, car de
nombreux donateurs ont retiré ou limité leurs contributions. On
s'attend à ce que cette tendance se poursuive en 2014. Les représentants
des organisations internationales et des ONG basées dans les camps,
ainsi que les dirigeants du Polisario, sont d'avis que le statu
quo engendre une frustration croissante, en particulier chez les
jeunes. Un autre problème de plus en plus préoccupant est celui de
l'instabilité dans la région, qui est un carrefour pour le trafic
de drogue, les combattants d'Al-Qaïda et les rebelles touareg du
Mali. La frustration, le chômage et l'absence de perspectives, combinés
à une hausse des trafics en tous genres, risquent encore d'accroître
les activités illégales.
6. Considérations
finales
97. Les avancées réalisées par le Maroc en matière de
droits de l'homme, de démocratie et de l'Etat de droit ont été reconnues
par notre Assemblée à travers l'octroi du statut de partenaire pour
la démocratie au parlement du Maroc en 2011. Néanmoins, les allégations
de violations des droits de l'homme au Sahara occidental doivent
être prises au sérieux et devraient être envisagées en liaison avec
le rapport d'évaluation positif du partenariat pour la démocratie
concernant le Parlement du Maroc sur la base duquel l'Assemblée
a adopté en juin 2013 la
Résolution
1942 (2013).
98. Je suis absolument convaincue que le respect scrupuleux des
droits de l'homme et des principes démocratiques doit l'emporter
sur toute autre considération dans un pays dont le parlement est
partenaire pour la démocratie auprès de notre Assemblée.
99. Un certain nombre d'organisations marocaines de défense des
droits de l'homme ont heureusement commencé à exprimer des critiques
et je salue leur courage. Il faut espérer que le Parlement marocain
se montrera lui aussi plus critique à l'égard de l'action gouvernementale
au Sahara occidental pour ce qui est de la protection des droits
de l'homme de toute la population sahraouie. J'encourage le gouvernement
marocain à mettre en œuvre toutes les recommandations formulées
dans les rapports des Nations Unies et du Conseil national marocain
des droits de l'homme (CNDH), dont l'indépendance doit être renforcée,
et à continuer à développer une véritable culture des droits de
l'homme.
100. Comme je l'ai indiqué plus haut, si les autorités marocaines
tiennent à convaincre les jeunes sahraouis que leurs aspirations
à la liberté et au respect de leur dignité trouveront mieux à se
réaliser dans le cadre d'un Maroc véritablement démocratique et
pluraliste, elles doivent leur permettre d'exprimer librement leurs opinions
et autoriser les groupes de la société civile à s'organiser par
eux-mêmes et à participer à la vie publique, y compris au niveau
parlementaire. Une action concrète en ce sens pourrait être d'organiser
des auditions à Rabat avec la participation d'ONG non enregistrées
et de défenseurs des droits de l'homme.
101. A mon premier passage dans la région, j'ai entendu deux histoires,
deux langages et on m'a présenté deux visions de l'avenir. Parmi
les défenseurs des droits de l'homme que j'ai rencontrés à Laâyoune,
Rabat, Tindouf, Genève, Paris et Strasbourg, j'ai ressenti un sentiment
d'exaspération croissante devant le statu quo, la violence et la
récurrence des violations des droits de l'homme, surtout parmi les
jeunes Sahraouis. Je partage les craintes d'Aminatou Haidar qui
voit là un risque de radicalisation et de reprise de la violence.
102. Les autorités marocaines craignent que les militants islamiques
ne fomentent des violences. Elles comptent en outre sur les pêcheries
et les mines de phosphate du territoire et ont entamé une campagne
de prospection pétrolière. Les pays occidentaux voient dans le Maroc
un allié stable dans une région agitée et le règlement du conflit
ne les intéresse pas au point de vouloir se pencher sérieusement
sur les violations des droits de l'homme.
103. Je partage l'avis de ceux qui voient dans le Sahara occidental
le parfait exemple des limites de la capacité de la communauté internationale
à aider une population à jouir de son droit à l'autodétermination
si elle décide de ne pas recourir à la violence et de se conformer
aux règles, par exemple par voie de référendum
.
Un accord négocié par les Nations Unies a donné, en 1991, à la population
du Sahara occidental le droit de choisir son avenir par les urnes:
l'indépendance ou le rattachement au Maroc. Malgré plus de 20 ans
de négociations politiques, cette population est toujours laissée
pour compte, avec des milliers de familles déchirées par le conflit.
La déception est grande face à l'action et aux capacités des Nations
Unies et l'absence de volonté du Conseil de sécurité d'agir avec
détermination a mené la situation dans l'impasse.
104. Pour leur part, les parlementaires marocains estiment que
la pratique onusienne dans la résolution des conflits des territoires
non autonomes démontre que le recours au référendum reste une exception,
dans la mesure où, depuis 1945, seuls quatre cas ont été résolus
par un vote référendaire, la grande majorité ayant été solutionnée
grâce aux négociations. Ainsi, l'exercice de l'autodétermination
ne passerait pas forcement par l'organisation d'un référendum. D'après
le Maroc, il s'agit d'un mécanisme qui a déjà été testé au Sahara occidental
et a fait preuve de son inapplicabilité et dont le processus d'identification
des électeurs mené pendant plusieurs années n'a pas été concluant.
Les parlementaires marocains soulignent également que le caractère
tribal et nomade des populations sahraouies rendrait impossible
ce processus d'identification.
105. Depuis 2004, le Conseil de Sécurité des Nations Unies fait
référence à la recherche d'une solution politique, négociée et mutuellement
acceptable. La proposition marocaine d'un plan offrant une large autonomie
au peuple sahraoui ne serait une option acceptable par les représentants
du Polisario qu'à condition qu'elle passe par un choix du peuple
Sahraoui, à travers un référendum, comme réitéré par M. Addouh, Président
du Conseil National Sahraoui, lors de la dernière audition du 7
avril 2014. D'après M. Addouh, «le territoire n'appartient pas au
Maroc et, tant que son statut n'est pas défini, le Maroc ne peut
pas lui accorder une autonomie sous sa souveraineté».
106. J'estime qu'il n'appartient pas à notre Assemblée de soutenir
l'une ou l'autre proposition de solution présentées par les deux
parties pour mettre fin au conflit, du moment que des négociations
à haut niveau sont en cours. Le rapport, en octobre 2014, du Secrétaire
général des Nations Unies au Conseil de Sécurité, sera l'occasion
d'avoir une première évaluation des négociations. S'il n'y a aucun
progrès avant avril 2015, il faudra inviter les membres du Conseil
de sécurité à examiner en profondeur le cadre fixé en avril 2007
pour le processus de négociation
.
A ce propos, je salue et je soutiens les efforts de l'Envoyé personnel
du Secrétaire général des Nations Unies, M. Ross, et je partage
son avis sur le fait que la question des droits de l'homme reste
un élément primordial de tout règlement global du conflit. Le respect
des droits de l'homme doit être assuré au Sahara occidental et dans
les camps de Tindouf sans attendre un règlement politique final
entre le Maroc et le Front Polisario. A mon avis, le Parlement marocain,
le Conseil national sahraoui ainsi que le Parlement algérien devraient
prendre une part plus active et s'impliquer davantage dans la recherche
de solutions qui permettraient de faciliter les négociations et
consolider la confiance entre les parties au conflit, en soutenant
les efforts des Nations Unies.
107. Il ne peut y avoir de solution au conflit sans confiance mutuelle
et je regrette l'absence de dialogue authentique entre les représentants
marocains et les Sahraouis militant pour le droit à l'autodétermination
de leur population, en tant qu'élus ou en tant que représentants
de la société civile (ONG enregistrées ou non). Les initiatives
de l'Union Internationale de la Jeunesse Socialiste et du groupe
parlementaire du Parti de la Justice et de développement à la Chambre
des Représentants du Parlement marocain représentent un bon début
et j'encourage tous les parlementaires marocains et les autres acteurs
de la société civile à suivre cette piste.
108. A mon avis, la reconnaissance et l'enregistrement des associations
aujourd'hui considérées comme «illégales» est une condition préalable
à l'instauration du dialogue et permettrait aux autorités marocaines d'avoir
des interlocuteurs dans les moments de tension et de révolte. Les
libertés d'expression, d'association et de réunion doivent être
pleinement garanties et le Parlement marocain, en tant que partenaire
de la démocratie auprès de notre Assemblée, devrait intensifier
ses efforts pour assurer la protection de ces libertés au Sahara
occidental.
109. Je me félicite des invitations marocaines à plusieurs délégations
internationales et aux rapporteurs spéciaux des Nations Unies. Les
autorités marocaines devraient également autoriser les missions
d'enquête d'autres organisations internationales telles que la Commission
africaine des droits de l'homme et des peuples et le Parlement européen
ou toute autre instance qui en ferait la demande.
110. En ce qui concerne la situation dans les camps de Tindouf,
l'Assemblée devrait exhorter les autorités du Front Polisario à
faciliter, avec l'assistance de l'Algérie, des recensements réguliers
ou des enregistrements officiels afin d'améliorer la gestion de
l'assistance humanitaire et les conditions de vie des réfugiés,
et d'assumer leurs responsabilités pour garantir la sécurité et
le respect des droits de l'homme dans les camps. Toute allégation
de violations des droits de l'homme dans les camps devrait pouvoir
faire l’objet d’enquête par une instance indépendante.
111. En avril 2013, les Etats-Unis ont, pour la première fois,
proposé que les Nations Unies surveillent la situation des droits
de l'homme au Sahara occidental. Après un lobbying intense, et avec
le soutien de la France, le Maroc a mis en échec cette proposition,
ce qui a déclenché de nouvelles protestations.
112. Pour leur part, les parlementaires marocains estiment que
l'inclusion du suivi des droits de l'homme au mandat de la MINURSO
ne serait pas en mesure d'apporter la solution idoine, du fait que
la MINURSO se contenterait uniquement de rapporter des faits. En
revanche, ils soulignent que le CNDH, organe marocain indépendant,
en sus des rapports qu'il soumet régulièrement aux autorités marocaines,
émet des recommandations pour aborder la question des droits de
l'homme dans le cadre d'une approche globale. Cependant, les rapports,
avis et propositions du CNDH, de même que son règlement interne
et ses priorités, sont soumis à l'approbation du Roi du Maroc, lequel
désigne également ses membres
. Parmi les membres du CNDH, beaucoup, notamment
son président, ont été des défenseurs actifs des droits de l'homme.
Le manque d'indépendance nuit toutefois à la crédibilité des institutions
.
113. Le 22 octobre 2013, le Parlement européen a adopté le rapport
de l'eurodéputé Charles Tannock sur la situation des droits de l'homme
dans la région du Sahel
, rapport qui inclut une section
importante sur le Sahara occidental. Ce texte met l'accent sur la
nécessité de régler le conflit du Sahara occidental qui freine actuellement
l'intégration régionale et il pointe une situation extrêmement préoccupante
au Sahel en matière de sécurité, de droits de l'homme et de développement
humain, social et économique. La résolution adoptée encourage les
Nations Unies à créer un nouvel organe permanent et impartial en
matière de droits de l'homme qui serait chargé de surveiller et
de rendre compte de la situation globale des droits de l'homme,
ainsi que d'enquêter sur les différentes plaintes et demande que
cet organe englobe la zone du Sahara occidental contrôlée par le
Maroc, les camps de Tindouf ainsi que les autres territoires sous
contrôle du Front Polisario. A mon avis, le Maroc devrait prendre
en considération une telle proposition qui serait susceptible par
la suite de débloquer le statu quo et faciliter l'acceptation d'une
solution politique par toutes les parties au conflit.
114. Le 29 avril 2014, adoptant à l'unanimité la Résolution 2152
(2014), le Conseil de Sécurité des Nations Unies a prorogé le mandat
de la MINURSO jusqu'au 30 avril 2015 et a demandé aux parties «de
poursuivre les négociations sous les auspices du Secrétaire général,
sans conditions préalables et de bonne foi, en tenant compte des
efforts faits depuis 2006 et des faits nouveaux survenus depuis,
en vue de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement
acceptable qui pourvoie à l'autodétermination du peuple du Sahara occidental
dans le cadre d'arrangements conformes aux principes et buts de
la Charte des Nations Unies», tout en prenant note «du rôle et des
responsabilités des parties à cet égard».
115. Pour leur part, les Etats membres du Conseil de l'Europe doivent
redoubler d'efforts dans la recherche d'un règlement à un conflit
qui a engendré tant d'années de détresse. Il n'y aura pas de réconciliation
sans droit à la vérité et à la justice ni sans solution à l'exil
d'une population marginalisée dans les camps de réfugiés, ce que
tous les participants aux auditions organisées par la commission
ainsi que mes interlocuteurs dans la région n'ont eu de cesse de
souligner clairement. Il me semble également nécessaire de renforcer
le plan d'action du HCR sur les mesures de confiance et d'intensifier
les rencontres des familles séparées du Sahara occidental.
116. Enfin, il appartient aux parlements et aux gouvernements du
Maroc et de l'Algérie d'intensifier leur dialogue sur toute question
concernant les droits de l'homme et la démocratie dans la région,
afin de renforcer des relations de confiance favorisée par les échanges
comparables à celui qui s'est récemment produit entre les jeunes
de l'Union Internationale de la Jeunesse Socialiste.
117. A ce propos, la conférence régionale organisée par la commission
des questions politiques et de la démocratie à Lisbonne le 8 novembre
2013 sur «Les changements politiques en Méditerranée du sud et au Proche-Orient:
le rôle des institutions représentatives», avec
la participation de présidents et de représentants des parlements
d'Algérie, de Jordanie, du Liban, du Maroc, de l'Assemblée nationale
constituante de Tunisie, du Conseil National Palestinien et de représentants
des forces politiques d'Egypte, est une bonne initiative qui devrait
être poursuivie au niveau gouvernemental ainsi qu'au niveau des
parlements nationaux.
118. Enfin, selon moi, la mise en œuvre des recommandations qui
seront émises par l'Assemblée devraient être prises en considération
dans le prochain rapport, prévu en 2015, sur l'évaluation du partenariat
pour la démocratie concernant le Parlement du Maroc (rapporteur:
M. Bogdan Klich, Pologne, PPE/DC). Dans ce contexte, l'Assemblée
devrait continuer à faciliter les échanges directs entre les parties
concernées. Comme l'ont souligné plusieurs membres de la commission,
ce partenariat doit devenir un outil permettant de résoudre les
problèmes concrets et d'apporter des solutions novatrices aux conflits
au long cours, également au moyen de débats parlementaires.