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Rapport | Doc. 13634 | 14 octobre 2014

Prévenir la violence à l’égard des femmes en se concentrant sur les auteurs

Commission sur l'égalité et la non-discrimination

Rapporteure : Mme Athina KYRIAKIDOU, Chypre, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13153, Renvoi. 3953 du 26 avril 2013. 2014 - Commission permanente de novembre

Résumé

Aucun Etat membre du Conseil de l’Europe n'est à l'abri de la violence à l’égard des femmes, un phénomène profondément enraciné dans l'inégalité entre les femmes et les hommes. En dépit d’une attention grandissante portée à cette question, de l’adoption de textes législatifs dédiés à la protection des victimes et d’un nombre croissant de programmes d’assistance, le nombre de victimes demeure encore trop élevé.

Une solution durable à la violence à l’égard des femmes ne sera trouvée qu’en assurant la participation des hommes à des programmes de sensibilisation adressés au grand public et à des programmes spécifiques de traitement et d’intervention lorsque cela s’avère nécessaire. La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul) établit dans son article 16 l’obligation pour les autorités de soutenir et de mettre en place des interventions et des programmes de traitement destinés aux auteurs de violence domestique et aux auteurs d’infractions à caractère sexuel. Ces programmes ne devraient cependant pas être mis en place au détriment des programmes d’assistance et de soutien aux victimes de violences. Les programmes à l’attention des auteurs de violences ne peuvent représenter une solution unique et isolée et ne seront véritablement efficaces qu’en faisant partie d’une lutte globale contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.

L’Assemblée parlementaire devrait appeler les Etats membres à élaborer et à mettre en place, avec des ressources financières adéquates, des programmes préventifs d’intervention et de traitement des auteurs de violence domestique et d’infractions à caractère sexuel sur l’ensemble de leur territoire, en étroite collaboration avec les services d’assistance aux victimes de violences, les services sociaux et sanitaires, les forces de l’ordre et les autorités judiciaires, si tel n’est pas encore le cas. Ils doivent s’assurer que les programmes mis en place mettent l’accent sur la responsabilité des auteurs et apportent un soutien de longue durée et un suivi sur une période d’au moins deux ans afin de limiter au maximum les risques de récidive.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 8 septembre
2014.

(open)
1. La violence à l’égard des femmes est un phénomène n’épargnant aucun Etat membre du Conseil de l’Europe. En dépit d’une attention grandissante portée à cette question, de l’adoption de textes législatifs dédiés à la protection des victimes et d’un nombre croissant de programmes d’assistance, le nombre de victimes de violence domestique et de violences physiques, sexuelles ou psychologiques demeure encore très élevé.
2. La violence à l’égard des femmes trouve son origine dans l’inégalité entre les femmes et les hommes et se perpétue par une culture d’acceptation et de déni. Il est important de lutter contre la discrimination fondée sur le genre afin de parvenir à une plus grande égalité entre les femmes et les hommes, condition indispensable à la réussite de la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.
3. Il est également primordial de mettre l’accent sur la prévention et l’implication directe des hommes, sans lesquelles il ne peut y avoir de changement durable. La mise en place de programmes spécifiques à l’intention des auteurs de violences a des résultats relativement positifs en ce qui concerne la sécurité des victimes et la prévention de la récidive. Cependant, ces programmes ne devraient pas être mis en place au détriment des programmes d’assistance et de soutien aux victimes de violences.
4. La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE n° 210, Convention d’Istanbul) souligne, dans son article 16, l’importance des programmes spécifiques à l’intention des auteurs de violences et établit l’obligation pour les autorités de soutenir et de mettre en place des interventions et des programmes de traitement destinés aux auteurs de violence domestique et aux auteurs d’infractions à caractère sexuel, visant à les aider à changer d’attitudes, adopter un comportement non-violent et prévenir la récidive.
5. A cet égard, l’Assemblée parlementaire salue la ratification de la Convention d’Istanbul par 14 Etats membres et espère qu’ils seront suivis par d’autres dans les plus brefs délais. Elle salue également la mise en place de programmes à l’intention des auteurs dans 38 Etats membres. L’Assemblée souligne l’importance d’assurer l’accessibilité à ces programmes sur l’ensemble du territoire d’un Etat.
6. Au vu de ces considérations, l’Assemblée appelle les Etats membres:
6.1. à élaborer et à mettre en place, avec des ressources financières adéquates, des programmes préventifs d’intervention et de traitement des auteurs de violence domestique et d’infractions à caractère sexuel sur l’ensemble de leur territoire, en étroite collaboration avec les services d’assistance aux victimes de violences, les services sociaux et sanitaires, les forces de l’ordre et les autorités judiciaires, si tel n’est pas encore le cas;
6.2. à s’assurer que les programmes mis en place mettent l’accent sur la responsabilité des auteurs de leurs actes, l’impact de leurs actes sur leur partenaire et leur(s) enfant(s), leur fassent reconnaître que la violence à l’égard des femmes est inacceptable et apportent un soutien de longue durée aux auteurs et un suivi sur une période d’au moins deux ans afin de limiter au maximum les risques de récidive;
6.3. à mettre la sécurité des victimes et le respect de leurs droits humains au cœur des programmes à l’attention des auteurs de violences;
6.4. à offrir des programmes de formation aux personnes animant les programmes de traitement des auteurs de violences, suivant les bonnes pratiques internationalement reconnues;
6.5. à partager et à utiliser les meilleures pratiques en matière de programmes à l’attention des auteurs de violences, qu’ils soient volontaires ou ordonnés par la justice;
6.6. à évaluer régulièrement l’efficacité des programmes préventifs d’intervention et de traitement des auteurs.
7. L’Assemblée appelle les parlements des Etats membres:
7.1. à engager sans délai le processus de signature et de ratification la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, si tel n’est pas déjà le cas, et veiller à sa mise en œuvre;
7.2. à faire mieux connaître les programmes préventifs d’intervention et de traitement des auteurs par l’organisation d’événements de sensibilisation;
7.3. à demander la création et la mise en place de programmes à l’intention des auteurs lorsqu’ils n’existent pas encore.
8. Enfin, l’Assemblée invite les organisations non gouvernementales actives dans ce domaine:
8.1. à promouvoir et à encourager la mise en place de programmes préventifs d’intervention et de traitement des auteurs de violences;
8.2. à poursuivre leur engagement pour la promotion de la ratification et de la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul;
8.3. à intensifier leurs activités et campagnes de sensibilisation sur la nécessité de lutter contre la violence à l’égard des femmes, spécifiquement adressées aux auteurs de violences;
8.4. à souligner l’importance du rôle des hommes dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique et encourager leur participation aux activités de sensibilisation.

B. Exposé des motifs, par Mme Kyriakidou, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. La commission sur l’égalité et la non-discrimination de l’Assemblée parlementaire travaille depuis des années sur les questions de prévention et de lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Elle a décidé de préparer un rapport spécifique sur les auteurs de violences pour la première fois dans le but de compléter ses travaux.
2. L’assistance aux victimes de violences et la prévention demeurent des priorités. Les femmes victimes de violences sont au centre de notre attention et de nos efforts mais il ne peut y avoir de véritable changement sans l’implication des hommes. Une solution durable à la violence à l’égard des femmes ne sera trouvée qu’en assurant la participation des hommes, y compris ceux qui sont des auteurs de violences, à des programmes de sensibilisation adressés au grand public, et à des programmes spécifiques de traitement et d’intervention lorsque cela s’avère nécessaire. Ce rapport permettra de mettre en lumière de bonnes pratiques dans ce domaine.
3. La violence à l’égard des femmes est en effet profondément enracinée dans l’inégalité entre les femmes et les hommes et elle se perpétue par une culture d’acceptation et de déni. Il y a un lien clair entre la vision de la femme dans la société et la violence à l’égard des femmes. Une lutte efficace contre la violence à l’égard des femmes ne peut se faire sans des activités de prévention et de lutte contre les inégalités dès le plus jeune âge. Il est important d’impliquer les garçons et les hommes dans la lutte contre les stéréotypes en amont afin de pouvoir atteindre des résultats.

2. But et portée du rapport

4. Mon rapport trouve son origine dans une proposition de résolution déposée par Mme Nursuna Memecan 
			(2) 
			Doc. 13153. que je tiens à remercier pour son initiative. Il a pour but d’analyser les méthodes spécifiques de prévention de la violence à l’égard des femmes et de la violence domestique se concentrant sur les auteurs. Il vise à faire état de la situation dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, présenter des informations sur les meilleures pratiques existantes, leurs résultats et encourager leur mise en œuvre dans d’autres pays.
5. Ce rapport s’appuie sur des recherches documentaires et sur des informations obtenues lors de l’audition tenue par le Réseau parlementaire pour «le droit des femmes de vivre sans violence» et la commission sur l’égalité et la non-discrimination le 2 octobre 2013 à Strasbourg. Pendant cette audition, les membres du Réseau et de la commission ont entendu le témoignage de Frédéric Matwies, auteur de l’ouvrage «Il y avait un monstre en moi», et les présentations de Thangam Debbonaire, Directrice de recherche, Respect, Royaume-Uni, et de Rosa Logar, co-fondatrice de Femmes contre la violence Europe (WAVE).
6. Ce rapport s’intéresse aux programmes s’adressant aux auteurs dans le cadre de la lutte contre la violence à l’égard des femmes. La plupart des programmes à l’attention des auteurs de violences s’adressent directement aux hommes mais certains peuvent accueillir des femmes. Ce rapport ne traitera pas de la participation des femmes à ces programmes, même si des hommes peuvent également être victimes de violences.

3. Programmes préventifs d’intervention et de traitement des auteurs dans la Convention d’Istanbul 

7. L’importance de la prévention par des actions spécifiques auprès des auteurs a été reconnue par la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE n° 210, Convention d’Istanbul) qui a consacré l’article 16 à cette question. La convention établit l’obligation pour les autorités de soutenir des interventions préventives auprès des auteurs de violences et des programmes de traitement destinés à les aider à changer d’attitudes, adopter un comportement non-violent et ne pas récidiver. Elle appelle les Etats Parties à soutenir ce type de programmes s’ils existent déjà ou à les créer si tel n’est pas encore le cas. La sécurité, le soutien et les droits humains des victimes doivent être considérés comme une priorité. L’article 16 vise deux catégories distinctes de programmes:
  • les programmes destinés aux auteurs de violence domestique;
  • les programmes destinés aux auteurs d’infractions à caractère sexuel.
8. Le rapport explicatif sur la Convention d’Istanbul apporte des précisions supplémentaires. Les Etats Parties décident du contenu des programmes, toutefois la Convention d’Istanbul les encourage à utiliser les bonnes pratiques existantes et à mettre l’accent sur la responsabilité des auteurs de leurs actes.
9. Les participants à ces programmes doivent être encadrés par des professionnels ayant reçu une formation spécifique en psychologie et analysé les causes de la violence à l’égard des femmes. Ils doivent également faire preuve de compétences linguistiques et interculturelles leur permettant d’être en interaction avec des profils d’auteurs de violences très variés. De plus, ces programmes devraient être «gérés en étroite collaboration avec les services de soutien des femmes, les services répressifs, les autorités judiciaires, les services de probation et les services de protection de l'enfance ou d'aide sociale à l'enfance» 
			(3) 
			Rapport explicatif,
Convention d’Istanbul, <a href='www.coe.int/t/dghl/standardsetting/convention-violence/convention/Explanator_Report_FR_210.pdf'>www.coe.int/t/dghl/standardsetting/convention-violence/convention/Explanator_Report_FR_210.pdf</a>..
10. Je me dois de mentionner que la Convention d’Istanbul est un instrument aspirant à changer les mentalités qui propose un cadre global de lutte contre la violence à l’égard des femmes. La convention engage l’ensemble des Etats Parties à prendre des mesures pour éliminer les préjugés, les usages et les traditions qui reposent sur l’idée de l’infériorité des femmes ou sur la répartition stéréotypée des rôles entre femmes et hommes.
11. La Convention d’Istanbul est entrée en vigueur le 1er août 2014 dans 11 Etats membres du Conseil de l’Europe et entrera en vigueur le 1er novembre 2014 en France, à Malte et en Suède. Les Etats Parties devront s’attacher, si ce n’est pas encore le cas, à mettre en place des programmes préventifs d’intervention et de traitement des auteurs de violence domestique et des auteurs d’infractions à caractère sexuel. Les Etats s’engagent également à allouer des ressources suffisantes pour la création de programmes d’intervention et de traitement lorsqu’ils n’existent pas encore.
12. Le Groupe d'experts sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (GREVIO), une fois établi, étudiera la situation dans les Etats Parties et fera rapport de la création de ce type de programmes, de leur mise en œuvre et de leur efficacité dans ses rapports d’évaluation de la mise en œuvre de la convention. Le GREVIO sera formé dans l’année suivant l’entrée en vigueur de la Convention d’Istanbul.

4. Programmes mis en œuvre dans quelques Etats membres du Conseil de l’Europe

13. L’enquête de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne sur la violence à l’égard des femmes dans l’Union européenne, effectuée auprès de 42 000 femmes, a trouvé que 13 millions de femmes dans l’Union européenne avaient été victimes de violence physique au cours des 12 derniers mois précédant l’enquête, ce qui correspond à 7 % des femmes âgées de 18 à 74 ans dans l’Union européenne. Une femme sur 20 aurait été victime d’un viol depuis l’âge de 15 ans. Considérant l’étendue et la gravité de ce phénomène, aucun moyen de lutte et de prévention de la violence à l’égard des femmes ne peut être mis de côté ou ignoré.
14. Les Etats membres du Conseil de l’Europe ont pris des séries de mesures à cette fin, dont la mise en place de programmes destinés aux auteurs de violences. L’étude analytique des résultats du 4ème cycle de suivi de la mise en œuvre de la Recommandation Rec(2002)5 du Comité des Ministres sur la protection des femmes contre la violence nous informe que 37 Etats membres du Conseil de l’Europe sur les 46 ayant participé à ce cycle de suivi ont mis en place des programmes d’intervention à l’intention des auteurs de violences à l’égard des femmes 
			(4) 
			Depuis
la publication de ce rapport, la Fédération de Russie a envoyé ses
réponses au questionnaire sur la mise en œuvre de la Recommandation
Rec(2002)5 du Comité des Ministres sur la protection des femmes
contre la violence et a fait rapport de la mise en place de programmes
à l’attention des auteurs de violences. Cela porte le nombre d’Etats membres
du Conseil de l’Europe ayant mis en place de tels programmes à 38, <a href='http://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/convention-violence/Docs/Analytical%20Study%20FR.pdf'>www.coe.int/t/dghl/standardsetting/convention-violence/Docs/Analytical%20Study%20FR.pdf</a>. . Vingt-neuf Etats ont des programmes qui s’adressent spécifiquement aux auteurs d’agressions sexuelles.
15. Les programmes ont tendance à se ressembler et à se fonder sur le modèle Duluth de traitement des auteurs de violence domestique 
			(5) 
			Le modèle Duluth élaboré
en 1980 met l’accent sur la coordination entre les différents services
d’aide aux victimes et sur la responsabilisation des auteurs, <a href='http://www.theduluthmodel.org/'>www.theduluthmodel.org/</a>.. La participation à ces programmes peut être ordonnée par la justice ou être volontaire. Toutefois, en Europe, la participation à ces programmes se fait pour l’essentiel sur une base volontaire. Dans certains pays, comme la Lettonie, la participation se fait exclusivement sur une telle base. Dans des pays tels que l’Irlande et la Norvège, où coexistent les deux modèles, le modèle «volontaire» est nettement prédominant (par exemple, 98 % des programmes en Norvège) 
			(6) 
			Le traitement thérapeutique
des hommes auteurs de violences au sein de la famille, Séminaire
organisé par le Conseil de l’Europe à Strasbourg, 18-19 novembre
2004. Les actes du séminaire sont disponibles en ligne: <a href='http://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/equality/03themes/violence-against-women/EG-SEM-MV(2004)Proceedings_fr.pdf'>www.coe.int/t/dghl/standardsetting/equality/03themes/violence-against-women/EG-SEM-MV(2004)Proceedings_fr.pdf</a>. .
16. Des programmes dits de proximité sont destinés aux personnes arrêtées dont la culpabilité n’a pas été reconnue par un tribunal, souvent en raison d’un manque de preuves. Ces programmes peuvent prévoir un travail spécifique auprès des victimes, des sessions jointes avec l’auteur des violences et sa victime.
17. Les programmes peuvent combiner une thérapie individuelle et une thérapie de groupe. Le suivi individualisé permet à l’auteur de comprendre son comportement antérieur et de réfléchir à ses causes profondes. La combinaison des deux thérapies peut permettre d’apprendre à l’auteur des violences à utiliser différents moyens de communication des émotions, tels que la verbalisation. Ces thérapies vont fournir des clés permettant d’éviter une montée des tensions aboutissant à la violence. Il est fondamental d’apprendre à prendre du recul et à maîtriser ses émotions afin de contrôler d’éventuelles poussées de violence.

4.1. Espagne

18. En Espagne, la loi organique du 28 Décembre 2004 
			(7) 
			<a href='http://www.wave-network.org/sites/default/files/05 SPAIN END VERSION.pdf'>www.wave-network.org/sites/default/files/05%20SPAIN%20END%20VERSION.pdf</a>; <a href='http://www.boe.es/boe/dias/2004/12/29/pdfs/A42166-42197.pdf'>www.boe.es/boe/dias/2004/12/29/pdfs/A42166-42197.pdf</a>. prévoit des mesures de prévention, qu’elles soient éducatives (Articles 1 à 7 relatifs à des programmes de sensibilisation à l’égalité de genre adapté au niveau d’étude, de la maternelle aux études supérieures), ou qu’elles prennent la forme de programmes à l’intention des auteurs mis en place par l’administration pénitentiaire en contrepartie d’aménagements de peine (article 42) 
			(8) 
			Article 42 de la loi
organique: «1. La Administración penitenciaria realizará programas
específicos para internos condenados por delitos relacionados con
la violencia de género. 2. Las Juntas de Tratamiento valorarán,
en las progresiones de grado, concesión de permisos y concesión
de la libertad condicional, el seguimiento y aprovechamiento de
dichos programas específicos por parte de los internos a que se
refiere el apartado anterior».. Un système de suivi a été mis en place et consiste en une base de données unique comprenant les informations pertinentes à la sécurité des victimes de violence fondée sur le genre, accessible à tous les acteurs impliqués (police, tribunaux, services pénitentiaires, etc.) 
			(9) 
			<a href='http://www.work-with-perpetrators.eu/fileadmin/WWP_Network/redakteure/Reports_2013/WWP_European_Network_Annual_Report_2013.pdf'>www.work-with-perpetrators.eu/fileadmin/WWP_Network/redakteure/Reports_2013/WWP_European_Network_Annual_Report_2013.pdf</a>..
19. Il n’existe pas de fédération nationale regroupant les organisations qui proposent de tels programmes, mais des réseaux informels permettant aux professionnels de se rencontrer et d’échanger leurs expériences ont vu le jour. Aussi, à défaut d’harmonisation quant à leur contenu, on peut distinguer trois types de programmes: ceux mis en place dans le milieu pénitentiaire; ceux constituant une alternative à la peine d’emprisonnement; et ceux basés sur la participation volontaire.
20. L’accès aux programmes mis en place dans les prisons (article 42 de la loi de 2004) se fait sur une base volontaire mais s’effectue en contrepartie d’aménagements de peine. Cinquante centres pénitentiaires, parmi les 68 que compte l’Espagne, proposent de tels programmes, et plus de 2 000 condamnés en ont bénéficié entre 2001 et 2010 
			(10) 
			Programas de intervencion
con hombres que ejercen violencia de genero: panoramica de la situation
en Espana y Europa, Heinrich Geldschläger, 2013, <a href='http://www.lazoblanco.org/wp-content/uploads/2013/08manual/bibliog/material_masculinidades_0148.pdf'>www.lazoblanco.org/wp-content/uploads/2013/08manual/bibliog/material_masculinidades_0148.pdf</a>..
21. Les programmes constituant une alternative à la peine d’emprisonnement sont prévus à l’article 83 du Code pénal et consistent en une rééducation et en un traitement psychologique pour les auteurs de violences. A l’exception de la Catalogne, les institutions pénitentiaires sont responsables de leur mise en œuvre. Ces derniers ont ainsi conclu des partenariats avec des organisations non gouvernementales (ONG), des facultés universitaires de psychologie ainsi que des communautés autonomes.
22. Enfin, les programmes basés sur le volontariat sont proposés par des ONG, des communautés autonomes ainsi que par des services de santé. Le principal frein au travail avec les auteurs de violence en Espagne est le manque de coordination des programmes, en particulier ceux basés sur le volontariat. Ces derniers souffrent de surcroît d’un manque de financements depuis le début de la crise 
			(11) 
			<a href='http://www.work-with-perpetrators.eu/fileadmin/WWP_Network/redakteure/Reports_2013/National_report_Spain.pdf'>www.work-with-perpetrators.eu/fileadmin/WWP_Network/redakteure/Reports_2013/National_report_Spain.pdf</a>..
23. En 2006, près de 2 100 hommes ont participé aux programmes à l’intention des auteurs, qui sont gratuits 
			(12) 
			Geldschläger H., Beckmann
S., Jungnitz L., Puchert R., Stabingis A.J., Dully C., Kraus H.,
Logar R., Dotterud P.K., Lorentzen J. et Schweier S. (2010), Programas
europeos de intervención para hombres que ejercen violencia de género: panorámica
y criterios de calidad. Intervención Psicosocial, 19, 181-190.. 70 % des programmes proposent un travail de groupe (86 % dans le cadre pénitentiaire et 46 % dans le cadre volontaire), 93 % proposent un travail individuel et 27 % des thérapies de couple. Le pourcentage de récidive serait de 33 % selon les épouses dans l’année suivant le programme, et de 75 % pour ceux n’ayant pas suivi de programme 
			(13) 
			Dobash R.E., Dobash
R.P., Cavanagh K. et Lewis R. (1996), Research evaluation of programmes
for violent men. Edimbourg: The Scottish Office Central Research
Unit. .

4.2. France

24. En France, des initiatives de programmes de traitement sont nées en premier lieu à l'échelle départementale, sous l'impulsion des Services Pénitentiaires d'Insertion et de Probation (SPIP) et des associations 
			(14) 
			<a href='http://www.jidv.com/njidv/index.php?option=com_content&view=article&id=219:dispositif-socio-judiciaire-de-prevention-de-la-recidive-des-violences-conjugales&catid=120:jidv-14&Itemid=611%22Itemid=611'>www.jidv.com/njidv/index.php?option=com_content&view=article&id=219:dispositif-socio-judiciaire-de-prevention-de-la-recidive-des-violences-conjugales&catid=120:jidv-14&Itemid=611'Itemid=611</a>..
25. Le rapport Coutanceau remis en 2006 au Sénat par le docteur du même nom 
			(15) 
			<a href='http://femmes.gouv.fr/wp-content/uploads/2012/11/rapport_coutanceau-2006.pdf'>http://femmes.gouv.fr/wp-content/uploads/2012/11/rapport_coutanceau-2006.pdf</a>. a entraîné une discussion au niveau national sur ce sujet et a mené à l’adoption d’un nouveau texte législatif. La loi adoptée le 5 février 2008 impose un suivi socio-judiciaire et une injonction de soins aux hommes condamnés et considérés après expertise médicale comme susceptibles de faire l'objet d'un traitement. Le juge peut également imposer une obligation de soins pour toute peine supérieure 
			(16) 
			<a href='http://www.justice.gouv.fr/publication/guide_violences_conjugales.pdf'>www.justice.gouv.fr/publication/guide_violences_conjugales.pdf</a>.. Les SPIP sont chargés de la mise en œuvre des programmes à l'échelle départementale.
26. La loi (article 15) pour l’égalité entre les femmes et les hommes, adoptée le 23 juillet 2014, prévoit l’insertion de l’alinéa «accomplir à ses frais un stage de sensibilisation à la prévention et à la lutte contre les violences sexistes» dans les articles relatifs aux obligations pouvant être imposées par le juge au titre d’une condamnation pénale (article 41-1 du Code de Procédure pénale et articles 132-45 et 222-44 du Code pénal). Cet ajout est une conséquence directe de la ratification de la Convention d’Istanbul par la France.
27. Des thérapies individuelles et des thérapies de groupe sont proposées. La thérapie de groupe est encouragée afin d’écouter les autres, d’apprendre à exprimer des émotions et de bénéficier d’une dynamique de groupe. Le rappel à la loi est utilisé dans le processus menant à la prise de conscience de l’auteur 
			(17) 
			Auteurs de violences
au sein du couple, prise en charge et prévention, mars 2006, <a href='http://femmes.gouv.fr/wp-content/uploads/2012/11/rapport_coutanceau-2006.pdf'>http://femmes.gouv.fr/wp-content/uploads/2012/11/rapport_coutanceau-2006.pdf.</a>. Les équipes d’encadrement sont composées d’une femme et d’un homme, souvent d’un sociologue et d’un psychiatre ou psychologue. Un programme de six séances est le minimum avant un jugement. Un programme plus long peut être mis en place après le jugement. Une période de six mois à un an est recommandée.
28.  Frédéric Matwies, ancien auteur de violences, a décidé de partager son expérience afin de sensibiliser la population et d’encourager les agresseurs à suivre de tels programmes les aidant à reconnaître leur responsabilité. «En suivant une thérapie de groupe et une thérapie individuelle, j’ai appris à mieux gérer les conflits, à éviter l’escalade des tensions et à m’exprimer uniquement à l’aide de mots», a-t-il souligné lors de notre audition en octobre 2013 à Strasbourg.
29. Les programmes destinés aux auteurs d’agressions sexuelles et de viols sont expressément conçus pour que, tant en milieu carcéral qu’à l’extérieur, les délinquants sexuels condamnés suivent un traitement visant à réduire au maximum la récidive et à les réinsérer avec succès dans la société.
30. Les programmes sont supervisés à l'échelle nationale par la Fédération nationale des associations et des centres de prise en charge des auteurs de violences conjugales et familiales (FNACAV) 
			(18) 
			<a href='http://www.fnacav.fr/'>www.fnacav.fr/</a>.. La FNACAV a ouvert 22 centres régionaux et propose des stages de 14 jours sur deux ans pour former les professionnels à animer des groupes de parole. Les associations rattachées à la fédération qui proposent et animent les groupes en question sont au nombre de 30 et sont réparties équitablement sur le territoire 
			(19) 
			<a href='http://www.sosfemmes.com/ressources/contacts_hommes_violents.htm'>www.sosfemmes.com/ressources/contacts_hommes_violents.htm</a>..
31. Dans le cadre du programme européen STARR (Strengthening Transnational Approaches to Reducing Re-offending (Renforcer les approches transnationales de lutte contre la récidive)), visant à lutter contre la récidive en général, un projet pilote a été mis en place en 2009 dans le ressort du tribunal de grande instance de Mulhouse, et des résultats ont ainsi pu être publiés en ce qui concerne la pratique des groupes de parole. 50% des auteurs de violences conjugales participant ont bien adhéré aux travaux et bien évolué, 20% ont connu une évolution positive, 10% une évolution faible ou quelques incidents, et 20% ont commis de nouvelles infractions 
			(20) 
			Projet européen STARR, <a href='http://www.cepprobation.org/uploaded_files/Rep STARR DV F.pdf'>www.cepprobation.org/uploaded_files/Rep%20STARR%20DV%20F.pdf</a>..
32. Des campagnes de sensibilisation adressées aux hommes peuvent également être efficaces. La campagne organisée en Seine-Saint-Denis (France) avec le slogan «Tu n’es pas un homme si tu la bats» a eu un impact fort et a pu contribuer à faire évoluer les mentalités.

4.3. Géorgie

33. Le Gouvernement géorgien a adopté un document conceptuel sur la réhabilitation des auteurs de violence domestique le 24 février 2011. Il présente les expériences internationales et des principes et lignes directrices pour la réhabilitation des auteurs de violence domestique. Ce document, signé par le Premier Ministre, est entré en vigueur le 1er juin 2011 
			(21) 
			<a href='http://inthenews.unfpa.org/?m=20110224'>http://inthenews.unfpa.org/?m=20110224</a>..

4.4. Islande

34. En Islande, la loi n°85/2011 préconise l’éloignement du domicile de l’auteur de violences mais n’impose pas de traitement à celui-ci.
35. Selon le rapport national de 2013 à l’attention du Work With Perpetrators European Network (Réseau européen «travailler avec les auteurs») 
			(22) 
			<a href='http://www.work-with-perpetrators.eu/fileadmin/WWP_Network/redakteure/Reports_2013/National_report_Iceland.pdf'>www.work-with-perpetrators.eu/fileadmin/WWP_Network/redakteure/Reports_2013/National_report_Iceland.pdf</a>., une initiative gouvernementale a mis en place dès 1998 un traitement psychologique à l’attention des auteurs de violence domestique. Le programme Men Take Responsibility («Les hommes prennent leurs responsabilités») a été stoppé en 2003 faute de financements, puis a repris sous la tutelle du Ministère des affaires sociales en 2006, à l’occasion du Plan d’action contre les violences domestiques et sexuelles pour 2006-2011. Cependant, depuis le début de la crise, il a cessé de bénéficier de publicité. Un rapport de 2012 a mis en exergue le coût des programmes et aucun nouveau plan d’action n’a été soumis au gouvernement 
			(23) 
			<a href='http://www.unwomen.org/~/media/Headquarters/Attachments/Sections/CSW/59/National_reviews/Iceland_review_Beijing20.pdf'>www.unwomen.org/~/media/Headquarters/Attachments/Sections/CSW/59/National_reviews/Iceland_review_Beijing20.pdf</a>..
36. Le programme repose sur la participation volontaire, sauf demande expresse des services de protection de l’enfance. Dirigé par deux psychologues, il débute avec des rendez-vous individuels, et si l’auteur de violence y réagit correctement il intègre un groupe de parole, principale phase du traitement, et qui consiste à faire prendre conscience à l’auteur de son entière responsabilité dans les actes de violence dont il fait preuve. Deux sessions ont lieu en présence de la conjointe, au début et à la fin du traitement. La conjointe y a l’occasion de décrire les violences subies. De 2006 à 2010, 122 personnes ont assisté à au moins une session, et si aucun chiffre clair n’est cité, les résultats restent considérés comme très satisfaisants 
			(24) 
			Male
Violence against Women in Intimate Relationships in Iceland – Report
of the Minister of Welfare, 2012, <a href='http://eng.velferdarraduneyti.is/media/rit-og-skyrslur2012/Ofbeldi_gegn_konum_enska_feb_2012.pdf'>http://eng.velferdarraduneyti.is/media/rit-og-skyrslur2012/Ofbeldi_gegn_konum_enska_feb_2012.pdf</a>.. Le programme ne couvre pas tout le pays est n’est accessible qu’à Reykjavik. Les auteurs peuvent recevoir leur programme de traitement au Centre pour l’égalité de genre.
37. Une initiative de la société civile (un groupe d’hommes de l’Association Féministe Islandaise –Femínistafélag Íslands) a également vu le jour et consiste à distribuer au cours de festivals des brochures et tee-shirts pour sensibiliser les hommes quant à leur responsabilité, ainsi qu’à organiser des discussions sur les thèmes du viol et de la violence domestique.

4.5. Norvège

38. Depuis 1983, de nombreux plans d’action contre les violences domestiques ont été mis en place, et s’appuient généralement sur les enquêtes effectuées par le Norwegian Center for Violence and Traumatic Stress Studies (NKVTS) 
			(25) 
			<a href='http://ec.europa.eu/justice/gender-equality/files/exchange_of_good_practice_es/no_comments_paper_en.pdf'>http://ec.europa.eu/justice/gender-equality/files/exchange_of_good_practice_es/no_comments_paper_en.pdf</a>..
39. Les programmes à l’attention des auteurs de violences suivent deux modèles principaux: le modèle Brøset, qui se concentre sur les caractéristiques individuelles afin de proposer des thérapies de gestion de la colère, et le modèle «Alternatives à la violence» 
			(26) 
			Violence prevention
in Norway, Activities and measures to prevent violence in close
relationships, NKVTS, <a href='http://www.nkvts.no/biblioteket/Publikasjoner/Violence-prevention-in-Norway-Activities-and-measures-to-prevent-violence-in-close-relationships.pdf'>www.nkvts.no/biblioteket/Publikasjoner/Violence-prevention-in-Norway-Activities-and-measures-to-prevent-violence-in-close-relationships.pdf</a>. . Le modèle Brøset propose plusieurs types de thérapies. L’une d’entre elles est une thérapie générale adressée aux hommes et femmes auteurs de violence et basée sur le volontariat. Cette thérapie s’étale sur 34 sessions, avec des groupes de 4 à 6 participants, encadrés par deux thérapeutes. Elle a été mise en place avec l’aide des autorités de santé. Un autre programme est adapté aux prisons et accrédité par les services correctionnels. Une autre thérapie est basée sur le volontariat pour les hommes violents à l’égard de leur famille, elle consiste en deux réunions de groupe de six à huit hommes, deux fois par an. Une autre thérapie, basée sur le volontariat et adressée aux hommes et femmes auteurs de violence à l’égard de leur conjoint(e)/famille, consiste en trois rendez-vous individuels suivis de 30 heures de travail de groupe.
40. Depuis 1987, «Alternatives à la violence» propose des programmes de traitement pour les hommes violents envers leur partenaire et/ou leurs enfants 
			(27) 
			<a href='http://atv-stiftelsen.no/engelsk'>http://atv-stiftelsen.no/engelsk</a>.. Les traitements y sont individuels ou en groupe, et peuvent durer entre 12 et 24 semaines. Un autre programme est destiné aux hommes et femmes condamnés, et ayant des problèmes de violence et de drogue (programme commissionné par le ministère de la Justice et de la Police), avec 12 séances de conversation et d’exercices.
41. De plus, différentes ONG et autorités publiques proposent un nombre varié de programmes, allant du groupe de parole pour femmes condamnées pour des faits de violence (Services correctionnels norvégiens), aux thérapies individuelles pour adolescents commettant des violences à l’égard de leur famille (Reform – resource centre for men, qui propose également des thérapies pour hommes violents basées sur le volontariat), en passant par les services nationaux de médiation, qui offrent un cadre de dialogue entre victimes et auteurs de violences.

4.6. Pologne

42. Les programmes s’adressant aux auteurs de violence sont encadrés en Pologne par deux lois 
			(28) 
			<a href='http://eige.europa.eu/content/programs-of-influencing-on-perpetrators-of-domestic-violence'>http://eige.europa.eu/content/programs-of-influencing-on-perpetrators-of-domestic-violence</a>.. La première date de 2005 
			(29) 
			Loi du 29 juillet 2005
sur la lutte contre la violence domestique, Article 4: «Il est décidé
d'utiliser des moyens qui empêchent le contact entre les auteurs
de violence domestique et les personnes lésées et d’assurer leur
participation dans les programmes éducationnels.». La seconde loi, en 2011 
			(30) 
			Regulation
of the Minister of Labour and Social Policy of 22 February 2011 relating
to the standard of basic services provided for domestic violence
victims by Specialised Support Centres, to the qualifications of
staff working in these centres, to detailed instructions for carrying
out correctional and educational measures for perpetrators of domestic violence,
and to the qualifications of persons carrying out correctional and
educational measures., a mis en place des standards de base concernant ce service, avec en particulier l’obligation de généraliser les programmes de prévention et de protection à l’échelle locale: en conséquence, chaque année, pas moins de 200 centres accueillent plus de 3 500 auteurs de violence à travers le pays.
43. En plus de ces mesures, les programmes polonais bénéficient d’une importante coordination avec les services de probation ainsi que d’autres autorités locales 
			(31) 
			<a href='http://www.work-with-perpetrators.eu/fileadmin/WWP_Network/redakteure/Reports_2013/National_report_Poland.pdf'>www.work-with-perpetrators.eu/fileadmin/WWP_Network/redakteure/Reports_2013/National_report_Poland.pdf</a>.. Ainsi, la police et les juges sont habitués (et parfois même formés, comme c’est le cas au sein du Centre de santé de Wroclaw) à réorienter les auteurs vers des programmes lorsqu’ils le jugent nécessaire, de l’interpellation au jugement. Il est d’ailleurs courant que, lors de l’interpellation, la police soit assistée d’un psychologue en vue d’engager le dialogue avec l’auteur de violences.
44. Le Centre de santé de Wroclaw est une des organisations les plus importantes en matière d’intervention auprès des auteurs de violence. Le centre a mis en place le programme changement et protection, qui consiste en plusieurs séances individuelles, ainsi qu’en des ateliers et thérapies de groupe.

4.7. Royaume-Uni

45. Au Royaume Uni, l’Integrated Domestic Abuse Programme (IDAP) permet à des hommes condamnés pour des faits de violence domestique de composer leur peine en y intégrant une formation de 27 séances sur deux ans. Ce programme est accrédité par le ministère de l’Intérieur. Un juge peut également imposer le suivi de ce programme. Si l’auteur condamné manque deux séances, l'exécution de sa peine sera considérée comme violée et son jugement sera alors révisé.
46. Il existe également un programme mis en place par le service des prisons et des probations (Prison Service and Probation Service): le Healthy Relationships Programme (programme pour des relations saines), consiste, en prison ou dans des centres communautaires, à proposer des cours, adaptés à la dangerosité de l'auteur des violences. Un programme est destiné aux auteurs à la «dangerosité modérée» (28 séances de groupe et trois séances individuelles réparties sur deux mois) et un autre aux auteurs «hautement dangereux» (68 séances de groupe et 10 séances individuelles réparties sur cinq mois). Ce programme est également accrédité par le gouvernement 
			(32) 
			<a href='http://www.justice.gov.uk/offenders/before-after-release/obp'>www.justice.gov.uk/offenders/before-after-release/obp</a>..
47. Nombre d'initiatives privées ont vu le jour depuis la fin des années 1980. L’ONG Respect 
			(33) 
			Présentation des programmes
de l’ONG «Respect» par Mme Thangam Debonnaire, gestionnaire de projets,
lors d’une audition du Réseau parlementaire pour le droit des femmes
de vivre sans violence le 2 octobre 2013 à Strasbourg. gère des programmes de 20 à 48 semaines employant une combinaison de techniques (thérapie comportementale cognitive, discussion, engagement thérapeutique). Les programmes de cette ONG sont animés par des professionnels femmes et hommes, ce qui permet aux auteurs de voir une femme dans une position d’égalité avec un homme. Cette pratique a été reconnue comme une bonne pratique et est utilisée dans d’autres pays et par d’autres organisations. Les discussions avec les participants au programme les aident à comprendre ce qui peut déclencher une montée de violence et à apprendre à se maîtriser. Les participants apprennent les codes de la communication non-abusive.
48. Les participants sont en contact avec leur formateur tout au long du programme et peuvent aussi le/la contacter après la fin du programme. Un suivi est effectué avec un dialogue continu, des visites à domicile et des consultations quand cela semble nécessaire.
49. Respect a sous sa tutelle les programmes de plusieurs organisations telles que Hampton Trust 
			(34) 
			<a href='http://www.hamptontrust.org.uk/'>www.hamptontrust.org.uk/</a>. et le programme «Make the change» dans le Somerset 
			(35) 
			<a href='http://www.bcha.org.uk/domestic-violence-and-abuse/make-the-change-programme.aspx'>www.bcha.org.uk/domestic-violence-and-abuse/make-the-change-programme.aspx</a>.. Les programmes à l’attention des auteurs supervisés par Respect 
			(36) 
			<a href='http://www.respectphoneline.org.uk/pages/domestic-violence-prevention-programmes.html'>www.respectphoneline.org.uk/pages/domestic-violence-prevention-programmes.html</a>. établissent clairement qu’ils visent à expliquer la violence et en découvrir les causes profondes, apprendre à l’individu qu’il a le contrôle de son comportement violent et peut choisir de ne pas l’être, faire prendre conscience à l’auteur qu’il est responsable de ses actes et lui faire comprendre l’impact de la violence sur les victimes, apprendre à s’arrêter quand le comportement devient abusif, apprendre à écouter et à dialoguer en vue de régler des différends.
50. Le «Freedom Programme» de Pat Craven propose des week-ends de formation, forme des professionnels à gérer une thérapie, propose des cours en ligne et dispense des conseils aux femmes et aux hommes 
			(37) 
			<a href='http://www.freedomprogramme.co.uk/'>www.freedomprogramme.co.uk/</a>.. Il aide les participants à comprendre les caractéristiques psychologiques des auteurs de violences et permet de faire réaliser aux victimes l’étendue des violences et leur impact. J’ai trouvé le schéma présentant les caractéristiques d’un dominateur particulièrement éloquent 
			(38) 
			<a href='http://www.freedomprogramme.co.uk/docs/dominator-mr-right.pdf'>www.freedomprogramme.co.uk/docs/dominator-mr-right.pdf</a>..

5. Travaux de recherche et réseaux européens

51. Le Conseil de l’Europe est en train de réaliser une étude afin d’aider les Etats membres à mettre en place des programmes à l’attention des auteurs de violences sexuelles et de violence domestique en vue de respecter les obligations imposées par la Convention d’Istanbul. Cette étude sera rendue publique au cours du mois de septembre 2014 
			(39) 
			Publication
du Conseil de l’Europe, Programmes à l’attention des auteurs de
violence domestique et de violences sexuelles: l’article 16 de la
Convention d’Istanbul (préparée par M. Hester et S.-J. Lilley, Royaume-Uni)..
52. Financé par le programme Daphné de l’Union européenne, le projet Impact mené par l’ONG Dissens est en train d’évaluer des programmes pour auteurs de violences dans toute l’Europe. Les résultats devraient être publiés dans les prochains mois.
53. Je souhaite ajouter quelques mots sur le Réseau européen «travailler avec les auteurs» (Work with perpetrators European Network) créé en 2009 et financé par la Commission européenne via son programme Daphné. Ses membres viennent de plus de 20 Etats européens. Son comité directeur est composé de sept organisations: Dissens – Institut für Bildung und Forschung e.V. (Allemagne) (coordination), Respect (Royaume-Uni), Men´s Counseling Center (Autriche), Conexus (Espagne), AskovFonden (Danemark), FNACAV (France) et le Réseau WAVE (Autriche) 
			(40) 
			Work with perpetrators
European Network, <a href='http://www.work-with-perpetrators.eu/index.php?id=67'>www.work-with-perpetrators.eu/index.php?id=67</a>..
54. Le Réseau vise à promouvoir un travail de fond avec les auteurs de violences selon des standards internationaux. Ses membres ont préparé des lignes directrices pour les programmes à l’attention des auteurs de violences, disponibles dans 17 langues 
			(41) 
			Guidelines to develop
Standards, <a href='http://www.work-with-perpetrators.eu/index.php?id=86'>www.work-with-perpetrators.eu/index.php?id=86</a>..
55. Ces lignes directrices mettent l’accent sur la coopération avec les services d’aide aux victimes et les systèmes d’intervention, la responsabilisation des auteurs et la prise de conscience de la violence, l’importance de discuter d’une définition de la violence et des inégalités et des facteurs déterminants (socioculturels, émotionnels, comportementaux). Elles soulignent également l’importance d’un contact volontaire entre partenaires. Les partenaires doivent être averties si l’auteur des violences quitte le programme ou s’il y a un risque de danger.

6. Les programmes de réadaptation sont‑ils efficaces?

56. La volonté de reconnaître sa responsabilité et la détermination de l’auteur de violence à participer aux programmes sont des éléments clés pour leur réussite. Il est indispensable que les hommes soient étroitement associés à la conception et à la mise en œuvre des programmes. Les auteurs de violences ne sont pas seulement une partie du problème; ils doivent aussi être reconnus comme étant une partie potentielle de la solution. Les programmes doivent leur permettre de travailler sur leur conception des rapports femmes–hommes afin de les aider à changer durablement de comportement et d’attitude. Il est très important de s’assurer que les auteurs participent au programme en entier afin de pouvoir atteindre des résultats.
57. Il peut être difficile de mesurer l’impact de ces programmes sur le long terme. Selon l’étude de M. Gondolf datant de 2002, plus de 80 % des hommes s’abstiennent encore de toute violence après quatre ans et, dans leur majorité, les femmes déclarent qu’elles se sentent bien plus en sécurité grâce au programme 
			(42) 
			Gondolf E.W. (2002),
Batterer Intervention Systems, Sage, London, Etude de M. Gondolf
menée pendant sept ans. Cette étude a porté sur 842 hommes et leurs
conjointes/ex-conjointes et enfants. Tous les hommes participant
à cette étude avaient été condamnés par les tribunaux et avaient
commis une série d’infractions. Leur statut social, leur parcours et
leur âge sont très divers. .
58. Thangam Debbonaire de l’ONG Respect 
			(43) 
			Audition organisée
par le Réseau parlementaire pour le droit des femmes de vivre sans
violence tenue à Strasbourg le 2 octobre 2013. a confirmé que la plupart des hommes continuent à ne pas se montrer violents quatre ans après la fin des programmes. Elle recommande une combinaison de mesures afin de prévenir et de lutter efficacement contre les violences: des sanctions pour les auteurs, l’utilisation de plans de sécurité, l’évaluation des risques et la mise en œuvre de programmes au niveau local. Ces programmes permettent d’assurer un suivi des auteurs pendant une période prolongée pendant laquelle ils peuvent être particulièrement vulnérables.
59. Il est essentiel que ces programmes ne soient pas mis en place de façon isolée mais qu’ils soient étroitement coordonnés avec les services d’aide aux femmes, les services répressifs, le pouvoir judiciaire, les services de probation et les services de protection de l’enfance. Il y a une meilleure gestion des risques lorsque l’on s’occupe à la fois des auteurs et des victimes, surtout en ce qui concerne les risques post-séparation. Le travail avec les auteurs pourrait se développer en réseau ce qui assurerait une interaction entre les différents acteurs, qui peuvent développer ensemble des protocoles de prévention, de répression et de suivi des victimes et des auteurs de violences.
60. Selon Rosa Logar, Présidente de WAVE, la sécurité des victimes est la clé du succès des programmes destinés aux auteurs de violences. La première des priorités consiste par conséquent à aider et à protéger les victimes, avec des foyers d’accueil, une assistance et du soutien. A l’heure actuelle, il manque en Europe 80 000 places dans les foyers d’accueil pour les victimes. Le taux de condamnation des auteurs reste relativement faible et l’abandon des poursuites est fréquent.

7. Prévention de la violence: un rôle spécifique pour les hommes

61. Les hommes peuvent jouer un rôle particulier dans la prévention de la violence, en sensibilisant leur entourage, leurs amis, et en mobilisant leurs réseaux. Il peut leur être plus facile d’intervenir auprès d’auteurs de violences et de dialoguer avec eux.
62. En Bosnie-Herzégovine, en Croatie et en Serbie, l’initiative «Young Men» est un programme de prévention de la violence à l’intention des jeunes hommes et des garçons. Des ONG locales et internationales y participent. Cette initiative vise à promouvoir l’égalité femmes–hommes via des campagnes sur les réseaux sociaux et un programme dans les écoles, qui permet de réfléchir sur les relations femmes–hommes et la question de la masculinité 
			(44) 
			Young Men Initiative, <a href='http://www.icrw.org/where-we-work/young-men-initiative-balkans'>www.icrw.org/where-we-work/young-men-initiative-balkans</a>; <a href='http://gender.care2share.wikispaces.net/file/view/YMI_CaseStudy_2012_EN_FINAL.pdf'>http://gender.care2share.wikispaces.net/file/view/YMI_CaseStudy_2012_EN_FINAL.pdf</a>..
63. A l’initiative de son Secrétaire général, Ban Ki-Moon, les Nations Unies ont mis en place en 2009 un réseau de leaders de sexe masculin engagés dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes 
			(45) 
			<a href='http://endviolence.un.org/network.shtml'>http://endviolence.un.org/network.shtml</a>.. Le réseau comprend des personnalités politiques en poste ou d’anciennes figures politiques, des activistes de la société civile, des représentants religieux, des personnalités du monde de la culture qui s’engagent à mener des actions spécifiques afin de mettre fin à la violence à l’égard des femmes, à sensibiliser l’opinion publique et à rencontrer des jeunes hommes et garçons afin de lutter contre la violence.
64. La campagne du ruban blanc (White Ribbon campaign) a été lancée par un groupe d’hommes au Royaume-Uni et appelle directement les hommes à s’engager à lutter contre la violence à l’égard des femmes 
			(46) 
			<a href='http://www.whiteribboncampaign.co.uk/'>www.whiteribboncampaign.co.uk</a>.. Le site de la campagne présente également les programmes à l’attention des auteurs de violence et le travail de l’organisation Respect, avec ses coordonnées.
65. En France, une «charte des hommes contre les violences faites aux femmes», préparée par le ministère de la Parité et de l’Egalité professionnelle, a été signée le 25 novembre 2003 par une trentaine de personnalités de sexe masculin (artistes, juristes, médecins…) 
			(47) 
			<a href='http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20031125.OBS0266/trente-hommes-celebres-soutiennent-les-femmes.html'>http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20031125.OBS0266/trente-hommes-celebres-soutiennent-les-femmes.html</a>.. Cette charte affirme que «la violence est incompatible avec une démocratie en phase avec son temps et que le combat pour l’égalité entre les hommes et les femmes et pour la dignité de la personne, le combat pour zéro violence dans notre société est le combat de la modernité».
66. Je tiens à ajouter que M. Mendes Bota, rapporteur général de l’Assemblée parlementaire sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes a à maintes reprises souligné l’importance du rôle des hommes dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes et les a appelés à s’engager dans des activités de prévention, que ce soit dans leurs pays ou sur la scène internationale. Je souhaite également mentionner la Résolution 1641 (2008) et la Recommandation 1853 (2008) «Impliquer les hommes pour réussir l’égalité entre les femmes et les hommes» adoptées par l’Assemblée 
			(48) 
			Voir également le Doc. 11760 (rapporteur:
M. Steingrímur J. Sigfússon)..

8. Conclusions

67. Il y a indéniablement une tendance à la hausse du nombre de programmes pour les auteurs de violences dans les Etats membres du Conseils de l’Europe. Ils ont des résultats relativement positifs en ce qui concerne la sécurité des victimes et la plupart des participants à ces programmes ne feraient pas de récidive.
68. Les programmes préventifs d’intervention et de traitement des auteurs de violence domestique et d’infractions à caractère sexuel font partie d’un ensemble d’actions visant à prévenir et à lutter contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Ce type de programme doit par conséquent être organisé de façon coordonnée avec les services apportant de l’aide aux victimes et les autorités judiciaires.
69. La combinaison d’une thérapie de groupe et d’une thérapie individuelle sur une longue durée, avec un suivi sur une période d’au moins deux ans, permettent un travail de fond sur les causes profondes des poussées de violence et un apprentissage du contrôle des émotions. Leur but principal est d’amener l’auteur de violences à admettre qu’il est responsable de sa propre violence et de prévenir de futures violences. La prise de conscience de la violence et la responsabilisation de l’auteur doivent être au cœur de tout programme.
70. L’efficacité relative de ces programmes a été établie sur le court terme 
			(49) 
			Thangam
Debbonaire, ONG Respect, Audition organisée par le Réseau parlementaire
pour le droit des femmes de vivre sans violence tenue à Strasbourg
le 2 octobre 2013. mais il n’a pas encore été possible d’effectuer une évaluation sur le long terme, par exemple 5 à 10 ans après les violences.
71. Les programmes s’intéressant aux auteurs de violences peuvent permettre de protéger des victimes et de contribuer à changer durablement des comportements. Ils ne sauraient toutefois se substituer à des sanctions pénales proportionnelles à la gravité des actes.
72. Ils ne sauraient également se substituer à des activités de prévention telles des campagnes de sensibilisation et des programmes de lutte contre les inégalités femmes–hommes, dans lesquels nous devons continuer à investir afin de combattre efficacement la violence à l’égard des femmes.
73. La crise économique actuelle a de graves conséquences budgétaires et des incidences sur le financement des programmes destinés aux auteurs de violences et des programmes de prévention de la violence à l’égard des femmes et de la violence domestique. De nombreuses organisations proposant des programmes préventifs d’intervention et de traitement des auteurs ont déploré un manque de financement ces dernières années. Je souhaite par conséquent inviter les Etats membres du Conseil de l’Europe à minimiser les restrictions budgétaires affectant ces programmes et à s’assurer que leur financement ne se fasse pas au détriment des services d’assistance aux victimes.
74. Il a été prouvé qu’une prévention et une lutte efficaces contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique étaient porteurs d’économies à long terme pour le budget des Etats, ayant un coût bien moindre que l’assistance et le soutien aux victimes de violences.
75. Les programmes à l’attention des auteurs de violences ne peuvent représenter une solution unique et isolée. Ils ne seront véritablement efficaces qu’en faisant partie d’une lutte globale contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. L’accent doit être mis sur la prévention de la violence dès le plus jeune âge. Un véritable changement ne pourra pas se produire tant qu’il n’y aura pas de changement d’attitude à l’égard des femmes, avec une lutte contre les stéréotypes de genre. Il faudrait s’attaquer aux causes profondes de la violence perpétrée par les hommes, en cherchant à comprendre la nature du statut des hommes et des femmes dans la société et en s’engageant pour une égalité femmes–hommes réelle et à tous les niveaux.