1. Introduction
1. L’Assemblée parlementaire suit de près la situation
en Ukraine depuis le début de la crise politique, en novembre 2013.
Elle a tenu deux débats d’urgence sur le fonctionnement des institutions
démocratiques en Ukraine lors de ses première et deuxième parties
de session, en janvier et en avril 2014 respectivement. Les corapporteurs
de la commission de suivi ont effectué plusieurs visites à Kiev
et le Comité des Présidents, accompagné des corapporteurs sur l’Ukraine,
s’est rendu à Kiev, Lviv et Donetsk fin mars 2014. De plus, lors de
ses troisième et quatrième parties de session, en juin et en octobre
2014 respectivement, l’Assemblée a tenu deux débats d’actualité
sur la crise en Ukraine.
2. En réaction aux événements en Ukraine, l’Assemblée a tenu
un débat sur le réexamen, pour des raisons substantielles, des pouvoirs
déjà ratifiés de la délégation russe lors de la deuxième partie
de session de 2014, en avril. Dans la
Résolution 1990 (2014) adoptée à cette occasion, la violation de la souveraineté
et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine par la Fédération de
Russie est vivement condamnée et l’annexion de la Crimée est considérée
comme une violation du droit international. Dans le même temps,
l’Assemblée se dit vivement préoccupée par la situation des minorités
en Crimée, en particulier des Tatars de Crimée et des Ukrainiens
de souche, et appelle instamment la Russie, qui contrôle ce territoire,
à veiller à ce que leurs droits ne soient pas violés.
3. Dans le cadre de la mission internationale d’observation des
élections, une délégation de l’Assemblée a observé l’élection présidentielle
anticipée qui a eu lieu en Ukraine le 25 mai 2014. Dans leurs conclusions, les
observateurs ont déclaré que l’élection était largement conforme
aux normes démocratiques malgré l’insécurité régnant dans deux régions
orientales du pays.
4. La délégation de l’Assemblée a également observé les élections
législatives anticipées du 26 octobre 2014. D’après les conclusions
préliminaires, les élections « ont marqué un pas important sur la
voie de la consolidation de la démocratie conformément aux engagements
internationaux et ont comporté de nombreux éléments positifs, dont
une Commission électorale centrale impartiale et efficace, des listes
concurrentes offrant aux électeurs un véritable choix et un respect
général des libertés fondamentales »
.
5. La commission des migrations, des réfugiés et de la démographie
a, pour sa part, examiné les incidences du conflit actuel sur la
situation humanitaire de la population ukrainienne. Le 10 avril
2014, elle a organisé une audition consacrée à la situation des
réfugiés et des personnes déplacées de Crimée, avec la participation
de M. Mustafa Dzhemiliev (Ukraine, PPE/DC), chef de la communauté
tatare de Crimée, et M. Mykola Totchitsky, Ambassadeur extraordinaire
et plénipotentiaire, Représentant permanent de l’Ukraine auprès
du Conseil de l’Europe.
6. Compte tenu de l’instabilité actuelle dans les régions du
sud-est de l’Ukraine et de ses incidences croissantes sur la population
dans les zones concernées, ainsi que de la situation humanitaire
en Ukraine en général, la commission a organisé deux auditions à
ce sujet, avec la participation du Haut-Commissariat des Nations
Unies pour les réfugiés (HCR) et de représentants de la société
civile ukrainienne et russe s’occupant de la question des personnes
déplacées et des réfugiés, lors des parties de session de juin et
de septembre/octobre. Les conclusions de ces auditions ont été prises
en compte dans le présent rapport.
7. En tant que rapporteur sur la situation humanitaire en Ukraine
et ancien rapporteur sur les personnes disparues en Europe, j’ai
fait une déclaration, à l’issue de l’audition organisée par la commission
le 30 septembre 2014, dans laquelle j’ai exprimé ma préoccupation
face au nombre croissant de personnes signalées comme disparues
par toutes les parties au conflit militaire en Ukraine et j’ai appelé
les autorités de l’Ukraine et la Fédération de Russie à prendre
toutes les mesures nécessaires pour aider les familles des personnes
disparues à trouver et, le cas échéant, à identifier sans délai
les restes de leurs proches.
8. D’autres institutions et organes du Conseil de l’Europe ont
également accordé une grande attention à la situation en Ukraine.
En avril 2014, le Comité consultatif international a été créé par
le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe pour superviser les
enquêtes sur les violents incidents survenus lors des manifestations de
la place Maidan à Kiev. Son mandat a par la suite été étendu aux
enquêtes sur les événements tragiques qui se sont produits à Odessa,
le 2 mai 2014. En outre, le Secrétaire Général a nommé un conseiller
spécial pour l’Ukraine, chargé d’assister les autorités ukrainiennes
dans le processus de réforme interne, dont la législation relative
aux personnes déplacées à l’intérieur du pays (PDI).
9. Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe,
M. Nils Muižnieks, a effectué une mission à Kiev, Moscou et Simferopol
du 7 au 12 septembre 2014. Dans ses conclusions, il a évoqué des
cas de violations graves des droits de l’homme, notamment des homicides,
des disparitions forcées, des mauvais traitements physiques graves
et des détentions arbitraires en Crimée depuis mars 2014
.
10. Le présent rapport, qui découle d’une proposition de résolution
déposée au nom de la commission des migrations, des réfugiés et
des personnes déplacées en juin 2014
, met l’accent sur la situation humanitaire des
réfugiés et des personnes déplacées ukrainiens. Il traduit les préoccupations
majeures résultant du déplacement d’une grande partie de la population
ukrainienne, à la fois de Crimée et des régions du sud-est du pays
à l’intérieur et à l’extérieur de l’Ukraine. Il analyse les réponses
à court et long terme apportées par les autorités concernées face
à la crise humanitaire. Il traite aussi de la situation de la population
qui vit dans un environnement non sécurisé et dangereux dans les
zones sous contrôle de milices armées. Enfin, le rapport attire
l’attention sur les risques humanitaires potentiels pour la population
ukrainienne dans son ensemble, si des solutions à court et à long
terme ne sont pas mises en œuvre de toute urgence.
11. Pour mieux tenir compte de l’orientation spécifique de ce
rapport, qui s’intéresse au sort de la population quel que soit
le lieu de son déplacement, je propose d’en modifier le titre qui
se lirait comme suit: «La situation humanitaire des réfugiés et
des personnes déplacées ukrainiens». Ce titre correspondra mieux,
selon moi, au contenu qui ne se limite pas à la situation en Ukraine
même.
12. Comme c’est fréquemment le cas lorsque des problèmes humanitaires
ne sont pas liés à une catastrophe naturelle, je n’ai pas pu faire
totalement abstraction des aspects politiques inhérents à la situation. Toutefois,
soucieux de ne pas empiéter sur le travail de mes collègues de la
commission de suivi, je me suis imposé de strictes limites dans
la considération de ces questions.
13. Lors de la préparation du présent rapport, je me suis appuyé
sur les informations fournies par le HCR et par les organisations
non gouvernementales nationales et internationales présentes en
Ukraine et en Fédération de Russie. J’ai en outre tenu compte des
conclusions du rapport sur la situation des droits de l’homme en
Ukraine publié périodiquement par le Haut-Commissariat des Nations
Unies aux droits de l’homme, et en particulier du plus récent de
ces rapports, paru en octobre 2014. J’ai également utilisé les conclusions
du rapporteur spécial sur les droits de l’homme des personnes déplacées
dans leur propre pays à la suite de sa visite en Ukraine à la fin
septembre 2014
. D’autres
sources importantes ont été les informations régulièrement mises
à jour communiquées par la Mission de surveillance spéciale de l’Organisation
pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en Ukraine et
son rapport thématique spécial sur le déplacement interne en Ukraine
. Inutile de dire que j’ai suivi
attentivement toutes les déclarations officielles des autorités
en Ukraine et en Fédération de Russie.
14. Afin de mieux appréhender les conditions de vie et les préoccupations
quotidiennes de la population touchée, j’ai procédé à deux visites
d’information: en Ukraine, du 16 au 19 novembre 2014, et en Fédération de
Russie, du 7 au 10 décembre 2014, pour rencontrer les autorités
responsables des PDI et des réfugiés, ainsi que les personnes déplacées
elles-mêmes, et pour recueillir des informations de première main
sur leur situation. Pour des raisons objectives (dates des visites,
délais de traitement et de distribution de documents), il est impossible
d’inclure les observations de ces visites dans le présent rapport.
Par conséquent, lors de la présentation de ce rapport à la commission,
j’ai rendu compte oralement de la mission en Ukraine, et j’inclurai mes
conclusions en ce qui concerne les deux visites dans un addendum
distinct à ce rapport qui sera soumis à la commission lors de la
partie de session de janvier 2015. Le cas échéant, je présenterai
à la commission des propositions d’amendements au projet de résolution.
2. Situation
actuelle et gravité des problèmes humanitaires
15. Lorsque Petro Porochenko, récemment élu Président
de l’Ukraine, a pris ses fonctions le 7 juin 2014, le pays était
confronté aux pires difficultés depuis son indépendance, au sortir
de l’ère soviétique, il y a 23 ans. La péninsule de Crimée était
toujours sous occupation russe à la suite du prétendu «référendum»
illégal du 16 mars 2014 et de l’annexion ultérieure par la Fédération
de Russie, et la situation dans les régions de Donetsk et de Lougansk,
dans le sud-est du pays, était très instable.
16. Des milices armées de la «République populaire de Donetsk»
et de la «République populaire de Lougansk», toutes deux autoproclamées,
occupaient la plupart des principaux bâtiments publics et administratifs
de nombreuses villes et les forces militaires ukrainiennes étaient
incapables de reprendre le contrôle de ces deux régions, malgré
l’opération lancée à la mi-avril. D’intenses combats opposaient régulièrement
des groupes séparatistes prorusses et l’armée régulière ukrainienne.
17. Le nombre d’armes et de personnes armées dans ces deux régions
ne cesse d’augmenter et, fait nouveau et très inquiétant, les séparatistes
ont trouvé le moyen de se procurer des armements sophistiqués, notamment
des pièces de DCA, des chars d’assaut et des véhicules blindés de
transport de troupes. Illustrant clairement ces allégations, les
séparatistes ont abattu des avions militaires ukrainiens et des
hélicoptères. L’attaque déplorable de l’avion de ligne de la Malaysian
Airlines par un missile anti-aérien le 17 juillet 2014 qui, de l’avis
de tous, a été tiré depuis le territoire aux mains des séparatistes,
est un autre exemple de la nature changeante du conflit.
18. Il a été confirmé publiquement par les représentants de la
«République populaire de Donetsk » et de la «République populaire
de Lougansk» et largement reconnu par la communauté internationale
sur la base d’éléments de preuve fiables qu’un grand nombre de militants
armés, ainsi que des armes – dont des armes lourdes – viennent de
Russie et ont participé activement aux combats sur le territoire
ukrainien.
19. Dans sa déclaration du 17 septembre 2014, le Comité des Ministres
du Conseil de l’Europe a exhorté la Fédération de Russie à «retirer
toutes ses troupes d’Ukraine et à s’abstenir de toute autre ingérence
militaire en Ukraine, y compris par la fourniture de moyens militaires
à d’autres parties, ainsi qu’à sécuriser la frontière pour éviter
le transfert illégal de tels moyens, dans le plein respect de la
Charte des Nations Unies et de ses engagements au sein du Conseil
de l’Europe, notamment concernant les principes du règlement pacifique
des différends et du plein respect de l’intégrité territoriale,
de la souveraineté et de l’indépendance des Etats, en rejetant toute
menace d’emploi de la force». De même, le Congrès des pouvoirs locaux
et régionaux du Conseil de l’Europe a adopté, le 16 octobre 2014,
une déclaration condamnant l’intervention militaire de la Russie
en Ukraine, ainsi que «toutes les formes de pressions exercées par
la Russie sur ses voisins». Pour leur part, les autorités russes
ont, à maintes reprises, démenti toute implication des troupes russes
dans le conflit.
20. Le changement radical dans la nature du conflit et les violents
combats qui ont éclaté à la mi-juin, ont fait de nombreuses victimes
parmi la population civile prise dans les tirs croisés entre les
séparatistes armés et les forces militaires ukrainiennes, les deux
parties s’accusant mutuellement de crimes de guerre et de bombardements
aveugles. De nombreux rapports sur les atrocités qui auraient été
commises par les deux parties et avérées par le nombre élevé de
victimes, de disparitions et de fosses communes doivent encore faire l’objet
d’enquêtes objectives et leurs auteurs doivent être punis. Le climat
croissant d’insécurité dans les régions de Donetsk et de Lougansk
a provoqué une augmentation spectaculaire du nombre de personnes déplacées,
qui est passé de 2 600 personnes le 6 juin 2014 à 86 600 personnes
le 15 juillet 2014. Les personnes qui n’avaient pas quitté leur
domicile sont restées non seulement dans un environnement dangereux,
mais sont aussi confrontées à une situation humanitaire toujours
plus déplorable du fait des infrastructures endommagées, des pénuries
d’eau et de vivres, et de l’absence d’accès aux services sociaux de
base comme les hôpitaux et les soins de santé.
21. Selon un rapport d’Amnesty International publié le 1er octobre
2014, les deux parties au conflit ont été responsables d’une série
d’attaques menées sans discrimination contre des zones habitées,
tuant et blessant des civils et détruisant leurs maisons. En outre,
les deux parties ont utilisé des roquettes Grad – connues pour leur
manque de précision – dans des zones civiles.
22. Pendant longtemps, les efforts de médiation internationaux
n’ont pas apporté de résultats tangibles. L’application de la feuille
de route établie le 17 avril 2014 à Genève par des représentants
de l’Union européenne, des Etats-Unis, de l’Ukraine et de la Fédération
de Russie, qui fixait des étapes pour désamorcer les tensions et
restaurer la sécurité dans la région, n’a guère progressé. Le dialogue
politique qui n’a pas réussi à apporter les résultats positifs escomptés
a été partiellement remplacé par des sanctions économiques et politiques
introduites successivement de part et d’autre. Le niveau de méfiance
peut être bien illustré par l’incident du 22 août 2014, impliquant
un convoi de plus d’une centaine de camions russes qui sont entrés
en Ukraine sans autorisation, transportant, selon les autorités
russes, une aide humanitaire pour la ville assiégée de Lougansk.
23. Fait positif, les efforts du Groupe de contact trilatéral
de hauts représentants de l’Ukraine, de la Fédération de Russie
et du Président en exercice de l’OSCE ont permis une rencontre entre
le Président Porochenko et le Président Poutine qui s’est tenue
à Minsk le 26 août 2014. Elle a été suivie par des réunions associant
des représentants des séparatistes pro-russes, qui ont abouti à
un échange de prisonniers. Enfin, le 5 septembre 2014, un cessez-le-feu
a été signé à Minsk entre les responsables ukrainiens et des représentants
des deux régions autoproclamées en présence de représentants de
la Russie et de l’OSCE. La trêve était censée mettre fin à la longue
effusion de sang qui durait depuis cinq mois.
24. Au moment de la rédaction du présent rapport (première quinzaine
du mois de novembre 2014), la situation demeure extrêmement fragile
et instable et il est difficile de prédire son évolution. Malgré
l’absence d’actions offensives de grande envergure depuis l’annonce
du cessez-le-feu, dans certaines régions, les échanges de tirs d’artillerie,
de chars et d’armes légères se sont poursuivis presque tous les
jours. Selon le rapport susmentionné d’Amnesty International, des
attaques sans discrimination dans des zones résidentielles ont continué
d’être menées par les deux parties au conflit.
25. Le 1er octobre 2014, au moins neuf
civils ont été tués dans des frappes contre une école et un bus
à Donetsk. Le 30 septembre 2014, six civils ont été tués dans le
district de Kiev, d’autres ont été tués et blessés dans le secteur
de Debaltseve et à Adiivka, au nord de l’aéroport de Donetsk, et
dans la ville de Chtchastia, dans la région de Lougansk. Des personnes
continuent d’être tuées ou blessées mais en nombre plus limité qu’avant
la trêve. Selon le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations
Unies
, entre le 6 septembre et le 6 octobre,
au moins 331 décès ont été enregistrés, même s’il se peut que certaines
personnes aient été tuées avant le cessez-le-feu et que leurs données
n’aient été enregistrées que plus tard.
26. Dans le communiqué publié le 8 octobre 2014, le Haut-Commissaire
aux droits de l’homme des Nations Unies, M. Zeid Ra’ad Al Hussein,
a dénoncé le fait que le conflit continuait de tuer et de blesser
des civils et de priver de leurs droits de l’homme les plus fondamentaux
les habitants des zones directement touchées par la violence.
27. De plus en plus de signalements, confirmés par les observateurs
de l’OSCE, font état de l’arrivée depuis la Fédération de Russie
d’importants convois chargés d’armes lourdes et de troupes dans
les zones contrôlées par les séparatistes. Lors de la réunion du
Conseil de sécurité des Nations Unies le 12 novembre 2014, le Sous-Secrétaire
général par intérim aux affaires politiques, Jens Anders Toyberg-Frandzen,
a souligné que le défaut de sécurisation de la frontière russo-ukrainienne
continue d’entraver la voie vers la paix
.
28. Une grande partie de la communauté internationale ainsi que
le Secrétaire général des Nations Unies ont déploré les élections
locales organisées par les séparatistes dans les zones sous leur
contrôle, élections condamnées par l’Ukraine qui les a considérées
anticonstitutionnelles et non conformes à l’accord de cessez-le-feu
de Minsk. Le scrutin du 2 novembre 2014 fait écho au prétendu «référendum»
et a malheureusement suscité une nouvelle vague d’hostilités armées.
29. D’un autre côté, les élections législatives qui ont récemment
eu lieu dans tout le pays à l’exception de la Crimée et des zones
contrôlées par les séparatistes, ainsi que les perspectives d’une
coalition au pouvoir tournée vers les réformes, pourraient contribuer
à la paix et la stabilité.
30. Alors que le cessez-le-feu est une étape très positive vers
la fin du conflit armé dans l’est de l’Ukraine, toutes les parties
doivent véritablement le respecter et le faire respecter, et arrêter
toutes les attaques contre les civils et les infrastructures civiles.
Le dialogue politique doit se poursuivre, et la rencontre entre
le Président Porochenko et le Président Poutine à Milan le 17 octobre
2014 pourrait contribuer à un optimisme prudent à cet égard.
3. Déplacement de
populations à l’intérieur de l’Ukraine
31. D’après le recensement effectué en 2001, la population
totale de l’Ukraine comptait 47,2 millions de personnes. Environ
1,9 million d’entre elles vivaient en Crimée et plus de cinq millions
dans les régions de Donetsk et de Lougansk – les régions orientales
du pays touchées par le conflit armé.
32. Le nombre de personnes déplacées, tant à l’intérieur qu’à
l’extérieur de l’Ukraine, a changé chaque jour pendant le conflit
armé et continue de changer après le cessez-le-feu du 5 septembre
2014. Par conséquent, tous les chiffres doivent être considérés
dans le contexte des développements sur le terrain que j’ai décrits dans
la section précédente. Il importe, cependant, de mener une réflexion
sur la configuration des déplacements et l’évolution des chiffres,
afin de mieux prendre la mesure de la tragédie humanitaire dans l’ensemble
de la nation.
33. D’après les statistiques du HCR au 18 septembre 2014, le nombre
total de PDI en Ukraine se montait à 295 000. Près de 94 % (277
695 personnes) viennent des régions de l’est de l’Ukraine et 6 %
(plus de 18 000) de Crimée. Au moins 163 000 personnes ont été déplacées
dans la deuxième quinzaine d’août et au début de septembre. Les
PDI restent, pour la plupart, dans la région de Donetsk (55 000)
et à Kiev (43 000).
34. Les données publiées par le Service d’urgence de l’Ukraine
le 2 octobre font état de 375 792 PDI. Des différences importantes
dans les chiffres s’expliquent entre autres par la poursuite des
déplacements, mais sur une plus petite échelle, entre le 18 septembre
et le 2 octobre, malgré le cessez-le-feu (dans le même temps, des
retours dans certaines zones ont pu être observés), par l’enregistrement
tardif de personnes déplacées antérieurement et enfin par les problèmes
ayant trait aux procédures d’enregistrement. Je traiterai ce dernier point
ci-après.
35. Cependant, le HCR comme les autorités ukrainiennes reconnaissent
que les chiffres réels pourraient être deux ou trois fois plus élevés
car beaucoup de personnes déplacées ne cherchent aucunement à faire reconnaître
leur situation et ne demandent pas d’assistance officielle. Elles
font souvent appel à des parents ou à des amis.
3.1. Personnes déplacées
de Crimée
36. Depuis l’annexion de la Crimée par la Fédération
de Russie en mars 2014, des milliers de personnes, principalement
des Tatars de Crimée qui, en 2012, constituaient jusqu’à 12,1 %
de la population de la péninsule, ont fui vers l’Ukraine continentale.
37. Dans sa
Résolution
1988 (2014) «Développements récents en Ukraine: menaces pour le fonctionnement
des institutions démocratiques», adoptée en avril 2014, l’Assemblée
s’est dite préoccupée par la multiplication d’informations crédibles
faisant état de violations des droits humains des minorités de souche ukrainienne
et tatare en Crimée, après son annexion par la Russie.
38. Malheureusement, les signalements de cas d’intimidation, de
harcèlement et de discrimination à l’égard de la population «pro-ukrainienne»,
en particulier dans les domaines de l’emploi et de l’éducation,
continuent de s’accumuler. Dans sa déclaration publiée le 12 septembre
2014 à l’issue de sa visite en Crimée, M. Nils Muižnieks, Commissaire
aux droits de l’homme, a indiqué que «depuis mars 2014 se produisent
en Crimée des violations graves des droits de l’homme, dont des
exécutions, des disparitions forcées, des mauvais traitements physiques
graves et des détentions arbitraires». Selon le Commissaire, ce
ne sont pas seulement les Tatars de Crimée, mais aussi les personnes
d’origine ukrainienne et celles qui critiquent l’évolution politique récente
qui sont visés.
39. Les observations du Commissaire ont été confirmées par la
Haut-Commissaire de l’OSCE pour les minorités nationales, Mme Astrid
Thors, qui à la fin de sa visite en Ukraine, effectuée du 15 au
17 septembre 2014, a exprimé sa préoccupation croissante quant à
la situation en Crimée. Dans sa déclaration en date du 19 septembre
2014, elle déclarait: «Je suis alarmée par les informations faisant
état d’une multiplication des intimidations visant des Ukrainiens
de souche, ainsi que de fouilles intrusives dans les domiciles,
les entreprises et les organisations publiques et religieuses des
Tatars de Crimée, y compris des locaux de la Meijlis. J’exhorte
les autorités de contrôle de fait de la Crimée à respecter le droit
international et les engagements vis-à-vis de l’OSCE, et à garantir
les droits de l’homme, dont les droits des minorités, sur le territoire
sur lequel elles exercent leur contrôle effectif». (traduction non
officielle)
40. Dans ce même ordre d’idées, dans son tout dernier rapport
,
le Haut-Commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies note
que la situation des droits de l’homme en Crimée demeure marquée
par des violations multiples et continues, dont des atteintes à
la liberté d’expression, de réunion pacifique, d’association et
de religion ou de conviction, et un recours croissant à l’intimidation
contre les Tatars de Crimée, sous prétexte de lutter contre le terrorisme.
41. Ces allégations ont été pleinement confirmées par M. Alim
Aliyev, responsable de l’initiative d’aide SOS Crimée, qui relaie
de nombreux témoignages de personnes ayant fui la Crimée, craignant
pour leur sécurité; elles racontent notamment avoir reçu des menaces
les visant personnellement par téléphone, dans les médias sociaux
ou dans des messages retrouvés à leur domicile.
42. D’après les statistiques du HCR, au 24 septembre 2014, le
nombre de personnes qui ont fui la Crimée s’élèverait à 17 928,
dont 5 068 enfants, 1 269 personnes handicapées et personnes âgées.
Il s’agit essentiellement de Tatars, mais il y a aussi des personnes
exerçant certaines activités, telles que des journalistes, des militants
des droits de l’homme et des intellectuels, qui fuient de crainte
d’être persécutés en raison de leur origine ethnique, de leur confession
ou de leur action militante en faveur des droits de l’homme. Il
convient de noter que le nombre de personnes déplacées en provenance
de Crimée ne cesse de croître et que les habitants continuent de
quitter la péninsule, bien qu’en nombre limité.
43. Près de la moitié des PDI de Crimée ont pris la direction
de l’Ukraine centrale, tandis qu’environ un quart ont gagné la partie
occidentale du pays. Ces personnes ont été hébergées dans des abris
mis à disposition par les autorités locales ou ont été admises dans
des lieux privés, notamment des sanatoriums et des hôtels. D’autres
ont été accueillies au domicile de particuliers.
44. Notre commission a étudié la situation des Tatars de Crimée
par le passé: en 2000, elle a publié un rapport sur leur rapatriement
et leur intégration. Il faut rappeler que plus de 200 000 Tatars
avaient été déportés en mai 1944, sur ordre de Staline. Quelque
40 % sont morts au cours des deux premières années de leur exil. Ils
sont environ 260 000 à être rentrés en Crimée depuis les années
1980, où ils constituaient jusqu’à 10 % de la population avant l’annexion
par la Russie, en mars 2014.
3.2. Personnes déplacées
de l’est de l’Ukraine
45. Des mouvements de populations quittant les régions
de Donetsk et de Lougansk ont débuté dans les jours précédant le
prétendu «référendum» organisé dans ces deux régions le 11 mai 2014.
A ce moment-là, les journalistes, les élus, les responsables politiques
locaux, les fonctionnaires et les militants de la société civile
sont devenus les cibles privilégiées de violations graves des droits
de l’homme, notamment d’enlèvements, de séquestrations, de mauvais
traitements, d’actes de torture et de meurtres. Des habitants ont
aussi fui les quartiers en proie aux violences de rue, en particulier
à Sloviansk et Kramatorsk.
46. Toutefois, la majorité de ces personnes sont restées dans
les zones rurales de l’est du pays, craignant de s’en aller en raison
du harcèlement exercé par les groupes armés aux points de contrôle.
Ces PDI n’ont pas été recensées et n’ont pas reçu d’aide. Pour des
raisons de sécurité, la majorité des acteurs humanitaires internationaux
étaient dans l’impossibilité d’atteindre les personnes déplacées
dans les régions de Donetsk et de Lougansk. Il était donc impossible
d’en connaître le nombre exact. Les personnes qui avaient le courage de
quitter la région tentaient généralement de masquer le but de leur
voyage, par exemple en emportant très peu d’effets personnels. De
ce fait, elles avaient besoin d’une assistance immédiate à l’arrivée
dans d’autres régions du pays. La mobilisation et l’hospitalité
extraordinaires de la population d’accueil ont largement contribué
à répondre à leurs préoccupations immédiates.
47. A la suite du prétendu «référendum», il y a eu une augmentation
notable de l’activité criminelle des groupes séparatistes armés
et une intensification de la violence qui ne s’est plus limitée
à des catégories ciblées mais a touché l’ensemble de la population.
Les PDI des régions orientales interrogées par le HCR ont signalé
que les enlèvements, les extorsions et le harcèlement se banalisaient.
Le grave impact social et économique du conflit est également devenu
tangible. Les flux de personnes tentant de quitter la région n’ont cessé
de croître de manière systématique.
48. Comme mentionné au chapitre précédent, depuis juin 2014, la
région était touchée par des combats réguliers et intenses alors
que l’armée ukrainienne tentait de reprendre le contrôle des régions
de Donetsk et de Lougansk. La population locale était de plus en
plus sous le feu croisé des forces militaires et des séparatistes
armés. Les deux camps étant en possession d’équipements lourds,
les combats faisaient peser une grave menace sur la sécurité des
civils. Le nombre de civils tués et blessés a connu une augmentation rapide.
Au total, au moins 3 660 personnes ont été tuées depuis le début
du conflit armé jusqu’au 6 octobre 2014 dans les régions de Donetsk
et de Lougansk, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux
droits de l’homme
.
49. Les destructions de plus en plus nombreuses d’infrastructures
ont engendré des risques graves en termes d’hygiène, encore accrus
par les pénuries d’eau et de nourriture et le manque d’accès aux
services sociaux de base, y compris les hôpitaux et les médicaments.
50. Les flux de civils en fuite se sont multipliés. Cependant,
fuir à cette époque impliquait des risques graves pour sa sécurité
physique à cause des bombardements et des combats intenses. Le 10
juin 2014, le Président Porochenko a annoncé la création d’un corridor
humanitaire (c’est-à-dire d’un passage sûr) pour les civils, ce qui
s’est révélé utile lorsque des PDI ont commencé à fuir la région
en masse. Cela n’a toutefois pas empêché la tragédie du 18 août,
quand un convoi de réfugiés de la région de Lougansk a été touché
par des roquettes qui ont tué bon nombre de femmes et d’enfants.
51. Selon les statistiques officielles, quelque 300 000 personnes,
dont plus de 85 000 enfants et près de 40 000 personnes handicapées
ont quitté la région à cette période. Toutefois, leur nombre réel
serait très probablement deux ou trois fois plus élevé.
52. Les PDI se sont installées un peu partout dans le pays, mais
les régions orientales de Kharkov (107 700), Donetsk (55 800), Zaporozhia
(32 400), Dniepropetrovsk (30 000) et Lougansk (28 000) ont accueilli
près des deux tiers de l’ensemble des PDI des régions du sud-est.
Il se peut que certaines d’entre elles aient été comptées plus d’une
fois au cours de leur déplacement d’une région à l’autre.
53. Selon les estimations du HCR, 80 % des PDI de l’est de l’Ukraine
vivent avec des proches, des amis, d’autres familles d’accueil ou
dans des appartements loués. Les autres 20 % vivent dans divers
centres collectifs, y compris des camps d’été et des hangars industriels
reconstruits. Ces locaux sont généralement dépourvus de chauffage
et d’eau chaude. Ils sont en partie contrôlés par les autorités
locales. Toutefois, la société civile, les Eglises et les bénévoles
appuyés par les organismes des Nations Unies et les organisations non
gouvernementales (ONG) internationales contribuent largement aux
efforts collectifs déployés pour venir en aide aux personnes déplacées.
54. Le cessez-le-feu du 5 septembre 2014, et une amélioration
relative de la sécurité, ont donné lieu à des retours prudents.
Dans la deuxième quinzaine de septembre, les PDI ont commencé à
rentrer chez elles dans les zones contrôlées par le gouvernement
dans les régions de Donetsk et de Lougansk. Selon les autorités, près
de 50 000 personnes étaient rentrées chez elles au 24 septembre
2014. De son côté, le HCR a observé une augmentation de 15 000 PDI,
qui serait cependant due à des inscriptions tardives de personnes
déplacées antérieurement.
55. Les personnes qui rentrent chez elles sont confrontées à de
grandes difficultés. L’insécurité est évidemment la principale préoccupation,
mais est loin d’être la seule. Les infrastructures et les biens
publics et privés détruits ou endommagés rendent les conditions
de vie extrêmement pénibles. En particulier, 11 325 locaux ont été
endommagés, dont 4 501 immeubles résidentiels, appartements et maisons
d’habitation. Quelque 2 733 installations d’approvisionnement en
énergie, eau et chaleur ont été endommagées. Des mines et des usines
ne fonctionnent plus. Plus de 260 000 enfants n’ont pas pu reprendre
l’école le 1er septembre à cause de la
destruction de 217 établissements scolaires. Quarante-cinq hôpitaux
ont été démolis; l’eau manque et l’accès aux soins de santé est
limité. Les pénuries de gaz annoncées sont particulièrement inquiétantes
à l’approche de l’hiver et vu le nombre de PDI vivant dans des abris
temporaires et mal équipés. Quelque 40 000 petites et moyennes entreprises
des régions de Donetsk et de Lougansk ont cessé leur activité en
raison des combats, laissant un grand nombre de personnes sans revenu.
3.3. Réponse des autorités
ukrainiennes
56. Dès le tout début du processus de déplacements massifs,
les autorités ukrainiennes ont été confrontées à des défis majeurs
auxquels elles n’étaient pas bien préparées. Par exemple, dans les
premiers mois de la crise, les autorités centrales n’ayant pas émis
d’instructions formelles pour enregistrer et aider les personnes déplacées,
des pratiques hétérogènes ont été appliquées d’un endroit à l’autre
du pays. C’est l’une des raisons pour lesquelles il était difficile
d’obtenir des statistiques fiables sur les populations déplacées
en Ukraine. De plus, il n’y avait aucune instruction pour l’octroi
d’aides financières aux PDI. Il n’y avait pas de camps de réfugiés
et les personnes concernées étaient hébergées dans des logements
provisoires, qui sont en nombre insuffisant dans de nombreuses régions.
57. Dans les premiers mois de 2014, la plupart des personnes fuyant
la Crimée ont été aidées et assistées par des proches ou ont subvenu
à leurs besoins par leurs propres moyens. Comme susmentionné, la population
ukrainienne s’est fortement mobilisée et a fait preuve d’une solidarité
exemplaire en accueillant les PDI dans des logements privés et en
leur fournissant des moyens de transport, de la nourriture et même
de l’argent. Les volontaires s’organisaient eux-mêmes par l’intermédiaire
des réseaux sociaux, notamment Facebook.
58. Cependant, avec le nombre croissant de PDI en provenance des
parties orientales de l’Ukraine, cette aide spontanée a atteint
ses limites, et le gouvernement a dû faire face à son obligation
de se conformer intégralement aux normes internationales reconnues
dans les Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes
à l’intérieur de leur propre pays (1998), dont l’Ukraine est signataire.
59. Parmi les nombreuses difficultés rencontrées au cours de cette
période, il faut relever la portée restreinte du système d’enregistrement,
qui a eu une grande incidence sur le processus d’assistance dans
son ensemble, à court et à long terme. Dans chaque région, les responsables
de la politique sociale ont constitué des listes de personnes déplacées
ayant sollicité de l’aide (hébergement, pensions, emplois, etc.).
Ces listes étaient certes communiquées régulièrement au ministère
de la Politique sociale mais aucune information n’était recueillie
sur les personnes qui séjournaient chez leurs proches ou qui s’étaient
installées en utilisant leurs propres ressources. En conséquence,
les chiffres officiels ne reflétaient pas la réalité.
60. Certaines personnes étaient réticentes à s’enregistrer, craignant
qu’une fuite de l’information ne mette en danger leurs proches restés
à la maison. En outre, faute d’informations suffisantes, certaines
PDI ne savaient pas qu’elles avaient la possibilité de s’enregistrer,
ou que le fait de s’enregistrer pouvait leur apporter des avantages.
61. Un autre problème majeur est l’absence d’harmonisation des
données recueillies par les autorités locales et de ventilation
de ces données selon l’âge/le sexe/les besoins spécifiques, ce qui
limite fortement leur utilité pour déterminer les besoins d’assistance.
L’enregistrement de toutes les PDI et leur profil complet des PDI,
y compris l’évaluation de leurs besoins, sont essentiels pour que
l’aide soit efficace.
62. Selon le HCR, certains Roms, notamment ceux qui n’avaient
pas de documents d’identité, auraient rencontré des difficultés
pour s’enregistrer en tant que personnes déplacées.
63. Ce n’est que le 1er octobre 2014
que le Conseil des ministres a adopté une résolution sur l’enregistrement
des PDI. Conformément à ses dispositions, le ministère de la Politique
sociale a pris l’initiative dans l’organisation de l’enregistrement
et la tenue à jour d’une base de données unifiée des PDI enregistrées et
de leur délivrer un certificat type. Le ministère travaille en collaboration
avec le HCR à l’élaboration d’outils d’enregistrement et de collecte
de données, ainsi qu’à la mise en place d’un système de traitement
des prestations sociales. L’ensemble du système devrait être opérationnel
très prochainement.
64. Cependant, de nouvelles améliorations sont encore nécessaires
pour que le système d’enregistrement fonctionne bien (par exemple,
introduction de formulaires de demande en ligne et mobilisation
de bénévoles pour contribuer au processus).
65. Le 1er octobre également, le Conseil
des ministres a adopté une résolution sur l’assistance financière pour
le logement temporaire. En conséquence, tous les adultes enregistrés
en tant que PDI reçoivent une subvention mensuelle de 442 UAH (environ
$US 34) si elles recherchent activement un emploi ou ont trouvé un
emploi dans leur lieu d’accueil, tandis que celles qui ne sont pas
en mesure de travailler (enfants, personnes âgées, personnes handicapées)
reçoivent 884 UAH (environ $US 68) pendant six mois.
66. Même si le programme d’aide financière sera d’un grand secours
pour les individus, il est néanmoins nécessaire d’adopter une résolution
sur le paiement des factures accumulées par les centres collectifs
au cours des derniers mois. Une résolution du Conseil des ministres
prévoyait le paiement de ces frais pour les PDI de Crimée, mais
les centres hébergeant des PDI de l’est de l’Ukraine n’ont pas été
remboursés.
67. Toutefois, le paiement des factures des centres collectifs
ne permettra pas de régler les problèmes les plus urgents en matière
d’hébergement. Les centres collectifs sont, pour la plupart, des
camps d’été et des hangars industriels, inadaptés pour l’hiver,
car ils sont sans chauffage et eau chaude. Outre un hébergement convenable,
les PDI ont besoin de matériel de base, notamment de matelas, d’oreillers,
de couvertures, de draps, de générateurs électriques mobiles (2-15
kW et 30-150 kW) avec divers matériels de câblage, de chauffe-eau
électriques et de stations de traitement de l’eau.
68. En coopération avec le HCR, les autorités régionales des régions
de Kharkov, de Dniepropetrovsk et de Zaporozhia, de Marioupol et
des parties accessibles des régions de Donetsk et de Lougansk ont
remis en état un grand nombre d’installations se prêtant à des conditions
hivernales. En outre, le HCR a signé des accords avec les autorités
locales pour entreprendre des travaux permettant d’adapter les centres
collectifs pour PDI à des conditions hivernales.
69. En ce qui concerne les secours non alimentaires, le HCR a
envoyé plus de 10 000 couvertures en laine, 2 000 draps, 4 200 serviettes,
1 800 trousseaux de vêtements, 2 200 kits d’ustensiles de cuisine
(en plus de 6 700 colis alimentaires) pour faire face aux besoins
urgents des PDI dans les régions de Kharkov, Dniepropetrovsk et
Zaporozhia. La distribution est en cours dans les principales zones
d’accueil et comprend des vêtements chauds pour l’hiver.
70. Les autorités locales font de plus en plus appel à l’assistance
des organismes des Nations Unies car le recours à leurs propres
moyens et aux organisations caritatives a atteint ses limites.
71. Fait positif, le 20 octobre 2014, le Parlement ukrainien a
adopté la loi sur les droits et libertés des personnes déplacées
dans leur propre pays. L’adoption de cette loi, y compris la législation
connexe en matière de fiscalité et d’aide humanitaire, constitue
une étape importante dans le processus de prise en charge du déplacement
en Ukraine. La loi définit l’ensemble des droits des PDI, simplifie
les procédures administratives, améliore l’accès à l’aide humanitaire
et établit le cadre pour l’élaboration de solutions à long terme.
La loi permettra aussi une politique gouvernementale plus large
en matière de réinstallation des PDI ou d’aide au retour.
72. En réaction au nombre toujours plus grand de retours, le 10
octobre 2014, un décret gouvernemental a été promulgué pour faciliter
l’octroi aux ressortissants ukrainiens bénéficiant d’un statut de
réfugié temporaire en Fédération de Russie de documents pour participer
au programme national de retour de compatriotes en provenance de
l’étranger.
73. Le retour massif est toutefois tributaire du processus de
reconstruction qui constitue un problème énorme, compte tenu de
l’économie affaiblie de l’Ukraine et de l’insécurité qui prévaut
dans certaines zones.
74. L’Ukraine devrait tirer parti de l’expérience d’autres pays
qui ont été confrontés à des problèmes similaires et mettre en place
des politiques, des cadres, des structures de soutien et des programmes
vitaux pour les PDI qui pourront rentrer en toute sécurité dans
leurs foyers, ou trouver d’autres solutions durables pour ceux qui
en seraient empêchés. Il va sans dire que ces programmes sur le
long terme, ainsi que l’aide matérielle, organisationnelle et médicale,
requièrent d’importants moyens financiers.
4. Réfugiés ukrainiens
à l’extérieur de l’Ukraine
4.1. Fédération de Russie
75. Un nombre considérable de citoyens ukrainiens des
zones touchées par le conflit armé dans les régions de Donetsk et
de Lougansk ont franchi la frontière russe et se sont essentiellement
réfugiés dans les localités voisines. Une fois de plus, il n’est
pas facile d’établir des chiffres exacts. Les Ukrainiens n’ont pas
besoin de visa pour entrer en Russie et de nombreuses personnes
choisissent de ne pas se faire inscrire comme réfugiées parce qu’elles
estiment que leur déplacement est temporaire.
76. A l’inverse, la question des réfugiés a été largement couverte
par les médias russes, souvent de manière trompeuse. En avril 2014,
le rapport de l’Assemblée sur «Le réexamen, pour des raisons substantielles,
des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation russe» cite des informations
diffusées le 1er mars 2014 par la chaîne
de télévision russe ORT, montrant des centaines de milliers de réfugiés
ukrainiens prétendument en train de fuir vers la Russie. Au cours
d’une interview, un responsable du Service fédéral des gardes-frontières
de Russie a déclaré qu’environ 675 000 Ukrainiens avaient déjà fui
l’Ukraine et qu’on craignait une aggravation de cette crise humanitaire.
Cependant, il s’est avéré que les images des files d’attente à la
frontière utilisées pour illustrer ces affirmations étaient des
photos des files d’attente habituelles du poste de Chegni-Medyka,
à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne. Le HCR n’a confirmé
aucun déplacement irrégulier de personnes entre l’Ukraine et la
Russie et l’on n’a pas trouvé la moindre trace de ces réfugiés présumés
jusqu’en juin 2014, lorsque des combats violents ont éclaté dans
l’est de l’Ukraine. La chaîne de télévision ORT n’a jamais rectifié cette
fausse information.
77. Selon les statistiques du Service fédéral russe des migrations
(FMS), au 10 septembre 2014, 5 500 personnes avaient déjà présenté
des demandes d’asile et 115 avaient mené à terme la procédure et
obtenu le droit d’asile. En outre, 150 000 personnes avaient demandé
l’asile temporaire et 110 000 s’étaient vu accorder cette forme
de protection. Environ 60 000 réfugiés ont été hébergés dans des
camps.
78. Ces chiffres correspondent aux estimations communiquées par
des ONG travaillant avec les réfugiés, selon lesquelles 150 000
à 170 000 réfugiés ukrainiens auraient besoin de protection en Russie.
79. Face à l’augmentation des flux de réfugiés, les autorités
russes ont pris un certain nombre de mesures positives. Le 22 juillet
2014, la Résolution n° 690 a établi une procédure simplifiée d’octroi
du statut de réfugié temporaire pour les Ukrainiens, qui réduit
le délai d’attente de trois mois à trois jours.
80. Le 2 septembre 2014, la Résolution n° 866 a autorisé la délivrance
d’un permis de travail aux Ukrainiens qui arrivent dans des «circonstances
urgentes et en masse» et supprimé le système de quotas antérieur.
Il est trop tôt pour savoir si les dispositions de la résolution
seront mises en œuvre de manière non restrictive, mais leur adoption
est en tout état de cause une mesure qu’il convient de saluer.
81. Autre fait positif, le FMS a autorisé une coopération accrue
avec les organisations de la société civile s’occupant des réfugiés,
en les associant à divers programmes d’intégration. Les ONG contribuent
aussi activement à aider les réfugiés à différents stades de la
procédure de détermination du statut.
82. La situation demeure cependant préoccupante à maints égards.
Tout d’abord, l’accès à la procédure de détermination du statut
de réfugié est entravé par le fait que la présentation d’une demande
d’asile suppose de prendre un rendez-vous dans un des centres du
FMS spécialement créés. Le temps d’attente peut être de plusieurs
mois; selon les dernières informations, en septembre 2014, les centres
étaient complets jusqu’en mai 2015. En conséquence, aux trois jours
prévus par la procédure accélérée pour la détermination du statut,
il faut ajouter une longue période d’attente pour avoir la possibilité
de présenter une demande.
83. En outre, il n’est pas possible de demander le droit d’asile
dans certaines zones, notamment à Moscou et Saint-Pétersbourg.
84. Depuis août 2014, ceux qui ont terminé avec succès la procédure
de détermination du statut et qui ont obtenu le droit d’asile ont
été empêchés de s’installer aux abords de Moscou, à Saint-Pétersbourg
ou dans la région de Rostov, et à la place, ils ont été dirigés
vers des régions éloignées de la Russie. Cette mesure est en contradiction
avec la Convention de Genève de 1951 sur les réfugiés et la loi
fédérale russe sur les réfugiés, qui permet de répartir les personnes
ayant besoin d’assistance entre différentes régions, mais ne permet
pas d’instaurer des quotas pour les demandeurs d’asile immédiats.
En conséquence, des candidats ukrainiens qui sont hébergés par des
proches ou des amis ou qui ont eu une offre d’emploi à Moscou ou
à Saint-Pétersbourg ont dû rejoindre des zones reculées où l’espoir
de trouver un emploi pour certaines professions est très faible.
85. L’examen médical obligatoire que les demandeurs d’asile doivent
subir à leurs frais demeure un autre sujet de préoccupation.
86. Ceux qui se voient accorder le droit d’asile ne reçoivent
pas systématiquement une pièce d’identité valide confirmant leur
statut, ce qui risque d’accroître leur vulnérabilité juridique.
Ils rencontrent également des obstacles pour accéder à certains
services, comme l’école pour les enfants ou les soins de santé publique. Selon
les statistiques officielles, en septembre 2014, 110 000 personnes
avaient déjà obtenu un statut de réfugié temporaire, mais seulement
64 000 documents d’identité avaient été délivrés.
87. Depuis l’accord de cessez-le-feu du 5 septembre, des mouvements
accrus de population de la Fédération de Russie vers l’Ukraine ont
été observés. Cependant, il semble que des personnes se déplacent dans
les deux sens, avec l’intention soit de revenir en Ukraine soit
de se rendre en Russie.
4.2. Autres pays européens
88. D’après les statistiques du HCR, depuis le début
de 2014, au 25 septembre 2014 pas moins de 3 397 citoyens ukrainiens
avaient demandé une protection internationale dans 38 pays européens
autres que la Fédération de Russie, dont 1 661 en Pologne, 484 au
Bélarus, 80 en République de Moldova et 30 en Hongrie. Bon nombre
ont sollicité d’autres formes de permis de séjour, principalement
au Bélarus (25 000), en Pologne (18 416), en Hongrie (5 586) et
en République de Moldova (5 344).
5. Population vivant
dans des zones contrôlées par les séparatistes
89. Avant le début des hostilités armées, près de cinq
millions de personnes vivaient sur le territoire aujourd’hui contrôlé
par les séparatistes. Il est difficile de déterminer le nombre de
personnes qui sont restées. Beaucoup de celles qui n’ont pas fui
appartiennent aux catégories les plus vulnérables de la population,
à savoir les personnes âgées ou handicapées, et rares sont les informations
fiables concernant leur situation. Des ONG internationales viennent
à peine d’arriver et d’obtenir les autorisations requises pour établir
une présence et démarrer des activités. Cependant, la situation
extrêmement instable en matière de sécurité risque de freiner l’assistance
en cours.
90. Une mission d’experts de l’ONU s’est rendue à Donetsk du 10
au 12 novembre 2014 afin d’identifier des partenaires fiables pour
assurer à l’avenir la distribution de l’aide. La mission a constaté
que les besoins humanitaires sont considérables et en augmentation
constante ainsi que l’insuffisance de capacités sur le terrain pour
mettre en œuvre les programmes humanitaires. Les conclusions seront
prises en considération lors de la préparation du Plan de réponse
stratégique 2015 coordonné par les Nations Unies
.
91. Les semaines de combat ont dévasté la région et entraîné la
destruction de nombreuses habitations et infrastructures. Il n’y
a plus d’électricité ni d’eau, l’approvisionnement en eau potable
étant assuré de manière sporadique par camions. La population est
fortement tributaire de l’aide humanitaire. La santé reste l’une
des principales sources de préoccupation compte tenu de la pénurie
de médicaments essentiels et de la fermeture de nombreux hôpitaux
et cliniques qui ne sont plus en état de fonctionner.
92. Selon les rapports de l’OSCE, cinq convois russes sont entrés
en Ukraine et en sont ressortis. Ils ont été contrôlés uniquement
par les services de surveillance des frontières et douaniers russes
et non par les autorités ukrainiennes.
93. Le 5 novembre 2014, le Premier ministre ukrainien a annoncé
le gel des paiements, principalement des salaires et pensions de
la fonction publique que le gouvernement versait dans certaines
parties orientales de l’Ukraine contrôlées par les séparatistes.
Cette décision, perçue comme une réaction aux élections illégales organisées
par les séparatistes, risque d’aggraver les conditions déjà désastreuses
dans lesquelles vit la population.
6. Préoccupations
majeures d’ordre humanitaire et perspectives d’avenir
94. Toute solution durable à la situation actuelle des
personnes déplacées passe par la stabilité et la sécurité sur l’ensemble
du territoire ukrainien. Tant que la violence perdurera dans certaines
régions, toute perspective de retour durable et de reconstruction
demeure illusoire. L’Assemblée a toujours privilégié les solutions
politiques et devrait donc appeler à intensifier le dialogue politique
en cours et à appliquer intégralement le cessez-le-feu du 5 septembre
2014.
95. En ce qui concerne la Crimée, le Conseil de l’Europe a à maintes
reprises réaffirmé sa position sur l’intégrité territoriale de l’Ukraine.
La situation des droits de l’homme sur la péninsule doit être améliorée
de toute urgence et il faut créer les conditions de retour pour
ceux qui ont fui.
96. Toutes les violations du droit international des droits de
l’homme et les atteintes aux libertés fondamentales doivent scrupuleusement
faire l’objet d’enquêtes et donner lieu à des poursuites, notamment les
bombardements sans discrimination de civils, les assassinats, les
allégations de violences sexuelles, la saisie illégale de biens
et les mauvais traitements de détenus.
97. En particulier, les enquêtes en cours sur les incidents tragiques
de Maidan, d’Odessa, sur les fosses communes et les cas de personnes
disparues doivent être menées à terme et les coupables doivent être traduits
en justice. Le Comité consultatif international travaille activement
à cette fin.
98. Il est clair que l’Ukraine n’était pas préparée à faire face
à un déplacement massif de ses citoyens et n’est pas en mesure d’en
prendre en charge seule les conséquences. Dans le contexte économique
actuel, le pays aura du mal à offrir des conditions correctes et
une assistance aux PDI, ainsi qu’à mettre en œuvre des solutions
à court et à long terme.
99. Pour la prise en charge du déplacement interne, les autorités
centrales et locales en Ukraine sont soutenues par le HCR et d’autres
organismes des Nations Unies ainsi que par un certain nombre d’ONG
et d’organisations communautaires de différentes régions de l’Ukraine.
La demande totale de financement s’élève à ce jour à $US 11,3 millions,
dont seulement 69 % ont été accordés, ce qui entraîne un déficit
de financement de 31 %. La communauté internationale devrait être
invitée instamment à soutenir immédiatement et sur le long terme
les efforts de reconstruction essentiels, les projets visant à rétablir l’approvisionnement
en eau, en électricité, et d’autres services essentiels. L’Assemblée
devrait inviter les Etats membres du Conseil de l’Europe et d’autres
donateurs à financer cette aide.
100. L’économie des régions orientales décline régulièrement depuis
le mois d’avril 2014. Les dégâts causés aux infrastructures – mines,
ponts, routes, chemins de fer, gares, châteaux d’eau, tuyauteries
sous pression et terres agricoles incendiées – rendent toute perspective
de reprise très compliquée et coûteuse. Aujourd’hui, de nombreux
civils vivent privés de gaz, d’eau courante, d’électricité, de moyens
de communication, de médicaments, de carburant et de vivres. La
destruction des biens publics et privés crée des obstacles considérables
pour des retours durables et des investissements énormes sont nécessaires.
Les institutions financières, les bureaux de poste et d’autres établissements
publics étant fermés, les habitants ne perçoivent plus leurs pensions
ou allocations.
101. A l’approche de l’hiver, les efforts devraient consister à
apporter une assistance aux principales zones d’accueil: régions
de Kharkov, Dniepropetrovsk, Zaporozhia et Donetsk. Selon le HCR,
pour se préparer à l’hiver, 40 centres collectifs seront réparés
et remis à neuf pour héberger les PDI. Des vêtements d’hiver (10 000)
et des couvertures (100 000) seront distribués. Les programmes d’aide
en espèces seront étendus à six autres régions dans le prolongement
des programmes pilotes qui ont bénéficié à 1 600 PDI parmi les plus vulnérables.
102. D’une manière plus générale, les événements récents ont durement
affecté l’économie et le système bancaire du pays. Au cours du premier
trimestre 2014, la monnaie nationale a perdu 27 % de sa valeur et
le prix des denrées alimentaires a augmenté de 8,2 % par rapport
aux niveaux de 2013. La poursuite du différend avec la Russie sur
l’approvisionnement en gaz constitue une menace supplémentaire pour
l’économie ukrainienne. Parallèlement, l’Ukraine a signé un accord
d’association avec l’Union européenne le 27 juin 2014. La communauté
internationale et l’Union européenne en particulier devraient contribuer
au redressement de l’économie ukrainienne.
103. L’amélioration des relations de voisinage avec la Russie est
une condition nécessaire pour l’avenir du pays. Cela requiert évidemment
que les autorités russes ne jouent pas un rôle ambigu dans le règlement
du conflit. Les deux pays sont enlisés dans un litige portant sur
les livraisons de gaz. La lenteur des investigations sur les événements
de Maidan et les tragiques incidents survenus à Odessa le 2 mai
2014 ne contribuent pas à rapprocher les appréciations divergentes
des événements récents en Ukraine. Toutefois, le dialogue politique
est la seule façon de sortir de la crise.
104. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires
des Nations Unies (BCAH), le nombre de blessés dans le conflit armé,
au 26 septembre 2014, s’élevait à 8 198 personnes, dont 82 enfants,
dont bon nombre ont besoin d’une aide spécialisée impossible à obtenir
dans le contexte actuel de l’Ukraine.
105. Toutefois, indépendamment de l’aide financière internationale,
de nombreux problèmes doivent être traités par les autorités nationales.
Selon les rapports du HCR, les PDI de l’est du pays continuent de
signaler la discrimination qui prévaut sur les marchés de la location
de logements et du travail. Le HCR et ses partenaires ont organisé
une table ronde avec la presse nationale, au cours de laquelle plusieurs
PDIs ont parlé de leur expérience, afin de sensibiliser le public
à ce problème. Une formation a également été dispensée aux PDI pour
les informer de leurs droits.
106. Avec son partenaire SOS Crimée, le HCR a examiné les difficultés
rencontrées par les PDI pour s’inscrire aux récentes élections législatives.
Grâce à leurs efforts, la commission électorale centrale a simplifié les
procédures, afin que les personnes dont le domicile est enregistré
à Donetsk et Lougansk puissent s’inscrire pour voter temporairement
dans un autre endroit sans avoir à fournir de nombreux documents. Cependant,
elles ont pu voter uniquement pour les listes de partis, pas dans
les circonscriptions uninominales.
107. La situation des personnes placées en institution constitue
une préoccupation majeure. Les personnes handicapées, les orphelins,
les personnes âgées et les patients des établissements psychiatriques
ont tous été déplacées hors des zones touchées par le conflit. Le
HCR a identifié plusieurs institutions qui prennent en charge ces
personnes qui ont besoin d’une aide non alimentaire.
108. Récemment, l’Ukraine était encore une destination et un pays
de transit pour les réfugiés et les demandeurs d’asile originaires
de pays extérieurs à l’Europe. Les récents événements ont incontestablement eu
un fort impact sur leur situation. Un point positif mérite d’être
signalé: le 13 mai 2014, le Parlement ukrainien a modifié la législation
sur les réfugiés, élargissant la définition de la protection complémentaire
aux personnes fuyant les conflits armés et d’autres violations graves
des droits de l’homme. Le parlement a ainsi rendu la définition
de la protection complémentaire conforme aux normes du Conseil de
l’Europe.
109. Toutefois, certaines lacunes juridiques subsistent; elles
concernent principalement la procédure de demande d’asile et les
conditions d’accueil des demandeurs d’asile. La qualité de la procédure
de traitement des demandes d’asile reste également préoccupante.
Dans ce contexte, une attention particulière devrait être accordée
aux procédures de réadmission.
110. Un mouvement séparatiste armé soutenu par un pays voisin a
engendré une crise humanitaire en Ukraine. Pour la résoudre, les
autorités nationales ont besoin de l’aide de tous les Etats membres
du Conseil de l’Europe.