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Résolution 2034 (2015) Version finale
Contestation, pour des raisons substantielles, des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation de la Fédération de Russie
1. Le 26 janvier 2015, les pouvoirs
non encore ratifiés de la délégation russe ont été contestés sur
la base des articles 8.1 et 8.2 du Règlement de l’Assemblée parlementaire
au motif que le rôle et la participation de la Fédération de Russie
dans le conflit qui touche l’est de l’Ukraine, ainsi que le maintien
de son annexion illégale de la Crimée, représentent une violation
du Statut du Conseil de l’Europe (STE no 1)
ainsi que des engagements qu’elle a contractés lors de son adhésion
au Conseil de l’Europe, ce qui, d’une manière générale, remet en
cause le respect par la délégation russe des principes de l’Organisation
et des obligations imposées à ses Etats membres.
2. L’Assemblée rappelle sa Résolution 1990 (2014) sur
le réexamen, pour des raisons substantielles, des pouvoirs déjà
ratifiés de la délégation russe. Dans cette résolution, l’Assemblée
estimait que l’annexion illégale de la Crimée par la Fédération
de Russie ainsi que sa participation et ses actions qui ont conduit
à cette annexion constituaient une grave violation du droit international
et étaient en contradiction flagrante avec le Statut du Conseil
de l’Europe et les engagements contractés par la Russie lors de
son adhésion. L’Assemblée a condamné avec force la violation de
la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine par
la Fédération de Russie, considérant que cet acte exigeait de sa
part un message fort de désapprobation. En même temps, elle a souligné
la nécessité de poursuivre le dialogue avec la Fédération de Russie,
y compris au sujet de ses obligations et de son adhésion aux valeurs
et aux principes du Conseil de l’Europe. L’Assemblée a donc décidé de
ne pas annuler les pouvoirs de la délégation russe mais de suspendre,
jusqu’à la fin de la session de 2014, son droit de vote ainsi que
son droit d’être représentée au sein du Bureau, du Comité des Présidents
et de la Commission permanente de l’Assemblée, et celui de participer
à des missions d’observation électorales. En outre, dans cette résolution,
l’Assemblée s’est réservé le droit d’annuler les pouvoirs de la
délégation russe si la Fédération de Russie n’amorçait pas une désescalade
de la situation et ne faisait pas marche arrière sur l’annexion
de la Crimée.
3. L’Assemblée condamne l’annexion illégale de la Crimée et la
poursuite de son intégration dans la Fédération de Russie. Elle
est préoccupée par les déclarations de responsables politiques russes
qui laissent manifestement entendre qu’un règlement de cette question
conformément au droit et aux principes internationaux ne sera pas
possible dans un avenir prévisible. L’Assemblée réaffirme que l’annexion
illégale de la Crimée par la Fédération de Russie constitue une
violation grave du droit international, dont la Charte des Nations
Unies, l’Acte final d’Helsinki de l’Organisation pour la sécurité
et la coopération en Europe (OSCE) ainsi que le Statut du Conseil
de l’Europe, et des engagements contractés par la Russie lors de
son adhésion à cette Organisation.
4. L’Assemblée est vivement préoccupée par la dégradation de
la situation des droits de l’homme en Crimée, notamment par la mort
et la disparition de militants politiques qui avaient critiqué l’annexion
de la Crimée par la Russie. Elle est également inquiète au sujet
des menaces et des actions menées contre des organismes de presse
indépendants et critiques. A cet égard, l’Assemblée demande instamment
aux autorités russes:
4.1. d’annuler
l’annexion illégale de la Crimée;
4.2. de mener des enquêtes approfondies et transparentes sur
ces morts et disparitions ainsi que sur les allégations d’abus et
de violations des droits de l’homme par la police et les forces
(para)militaires actives dans cette région;
4.3. de démanteler toutes les forces paramilitaires de la région;
4.4. de s’abstenir de toute pression et de toute menace de
fermeture d’organismes de médias indépendants, et de rouvrir l’ATR,
la chaîne des Tatars de Crimée.
5. La situation des minorités en Crimée, notamment de la communauté
tatare de Crimée, préoccupe vivement l’Assemblée. Cette dernière
est consternée par les descentes de police dont ont fait l’objet
des organisations et institutions tatares, dont les bureaux du Mejlis
(le Conseil des représentants des Tatars de Crimée), ainsi que par
l’interdiction d’entrer sur le territoire de la Crimée dont sont
frappés les chefs tatars Mustafa Djemilev et Refat Tchoubarov. En
outre, l’Assemblée se dit préoccupée par les rumeurs selon lesquelles,
en Crimée, l’enseignement serait de moins en moins dispensé en langue
ukrainienne. A cet égard, l’Assemblée appelle les autorités russes:
5.1. à s’abstenir de tout harcèlement
et de toute pression à l’égard des institutions et organisations tatares
de Crimée;
5.2. à permettre le retour en Crimée de MM. Mustafa Djemilev
et Refat Tchoubarov, et à les autoriser à circuler librement de
part et d’autre de la ligne de démarcation administrative;
5.3. à prendre toutes les mesures nécessaires pour qu’un enseignement
continue d’être dispensé en langue ukrainienne.
6. L’Assemblée se réjouit que, à quelques exceptions près, les
civils puissent continuer à circuler librement de part et d’autre
de la frontière administrative entre la Crimée et le reste de l’Ukraine.
Elle appelle toutes les autorités concernées à s’abstenir de prendre
toute mesure injustifiée qui pourrait entraver ou empêcher cette libre
circulation des civils.
7. L’Assemblée est vivement préoccupée par les événements survenus
dans l’est de l’Ukraine et condamne le rôle joué par la Russie dans
l’instigation et l’exacerbation de ces événements, notamment par
la fourniture d’armes aux forces insurgées et par la couverture
de l’action militaire des troupes russes sur le territoire oriental
de l’Ukraine, ce qui constitue une violation grave du droit international,
dont le Statut du Conseil de l’Europe ainsi que le Protocole de
Minsk auquel la Fédération de Russie est Partie. En outre, l’Assemblée
se déclare consternée par la participation d’un grand nombre de
«volontaires» russes au conflit dans l’est de l’Ukraine sans que
les autorités russes fassent apparemment quoi que ce soit pour mettre
fin à cette participation, bien qu’il s’agisse d’une violation du
Code pénal de la Fédération de Russie elle-même. L’Assemblée prend
note des rapports crédibles faisant état d’enterrement de soldats
sur le territoire russe. L’Assemblée condamne la violation de l’intégrité
territoriale et des frontières d’un Etat membre du Conseil de l’Europe
par la Fédération de Russie. L’Assemblée appelle donc immédiatement
la Russie:
7.1. à retirer du territoire
ukrainien toutes ses troupes, y compris les forces qu’elle y a déployées clandestinement;
7.2. à s’abstenir de fournir des armes aux forces insurgées;
7.3. à prendre des mesures concrètes pour mettre fin à l’afflux
de «volontaires» russes sur la scène du conflit dans l’est de l’Ukraine;
7.4. à adopter des amendements au Code pénal pour ériger en
infraction la participation de civils russes à des conflits armés
à l’étranger, même s’ils ne sont pas rémunérés pour leurs interventions;
7.5. à poursuivre en justice, dans toute la mesure permise
par le droit russe, tous les citoyens russes qui ont participé à
titre de «volontaires» au conflit armé dans l’est de l’Ukraine;
7.6. à apporter sa pleine et entière coopération à l’enquête
relative à la destruction de l’appareil de la Malaysia Airlines
qui assurait le vol MH17;
7.7. à rendre la loi fédérale sur la défense de la Fédération
de Russie conforme à l’avis de la Commission européenne pour la
démocratie par le droit (Commission de Venise) rendu sur cette loi;
7.8. à assurer le contrôle permanent ukrainien et russe de
leur frontière commune;
7.9. à libérer tous les otages, prisonniers de guerre et personnes
détenues illégalement.
8. Selon l’Assemblée, le conflit en Ukraine orientale ne peut
être réglé que par des moyens politiques. Elle se félicite, par
conséquent, des Protocole et Mémorandum de Minsk signés par la Fédération
de Russie et l’Ukraine ainsi que par les républiques populaires
autoproclamées de Donetsk et Louhansk. Mais elle est vivement préoccupée
par le fait que la Fédération de Russie nie désormais être Partie
aux Protocole et Mémorandum de Minsk, affirmant être un simple observateur.
L’Assemblée déplore les violations répétées du cessez-le-feu par
toutes les parties au conflit. Elle appelle l’ensemble des signataires
à respecter le cessez-le-feu et à appliquer pleinement le Protocole
de Minsk. Elle demande en particulier aux autorités russes d’autoriser
et d’aider les autorités ukrainiennes à contrôler pleinement, sous
supervision internationale, l’ensemble de sa frontière avec la Russie,
ce qui est la base de toute solution politique au conflit, comme
prévu dans le Protocole de Minsk.
9. L’Assemblée est vivement préoccupée par les nombreux comptes-rendus
crédibles faisant état de violations des droits de l’homme, voire
de crimes de guerre, commis par des insurgés armés et par des bataillons
volontaires qui combattent aux côtés des forces militaires ukrainiennes.
A chaque fois que des violations des droits de l’homme et des crimes
de guerre commis par leurs ressortissants leur sont signalés, les
autorités russes et ukrainiennes se devraient d’ouvrir une enquête
approfondie et transparente, et, si les faits sont établis, poursuivre
leurs auteurs dans le plein respect de la loi.
10. Soulignant la nécessité d’une solution négociée au conflit,
l’Assemblée ne peut que condamner les déclarations faites, le 23
janvier 2015, par le chef rebelle prorusse Alexander Zakharchenko;
il a, en effet, affirmé que ses forces ne respecteraient plus d’accord
de cessez-le-feu, qui ne les intéresse plus, et décidé de lancer
une offensive visant à occuper le reste de la région de Donetsk
ainsi que la ville de Marioupol. Une telle initiative représente
une grave escalade du conflit dans l’est de l’Ukraine. L’Assemblée
condamne également les tirs de roquettes par les forces séparatistes
sur la ville de Marioupol, qui ont causé la mort d’au moins trente
civils. Elle exhorte la Russie à user de son influence pour s’assurer
que les forces rebelles retournent à la table des négociations et
adhèrent pleinement à l’accord de cessez-le-feu, comme le prévoit
le Protocole de Minsk.
11. L’Assemblée exprime sa vive inquiétude concernant l’incarcération
et l’inculpation par la Fédération de Russie de Mme Nadiia
Savchenko, qui est à présent membre de l’Assemblée. L’Assemblée
estime que son transfert par des insurgés ukrainiens vers la Fédération
de Russie et son emprisonnement ultérieur par les autorités russes
constituent une violation du droit international que l’on peut qualifier, de facto, d’enlèvement. Elle demande
que la Fédération de Russie respecte ses obligations de droit international,
en tant que Partie à l’Accord général sur les privilèges et immunités
du Conseil de l'Europe (STE n° 2) et son protocole, en vertu desquels
Mme Nadiia Savchenko, membre de l’Assemblée
parlementaire, jouit de l’immunité parlementaire européenne. L’Assemblée
appelle les autorités russes à libérer Mme Savchenko
dans les vingt-quatre heures et à garantir son retour en Ukraine,
ou à la remettre à un pays tiers.
12. Les actions de la Russie en Ukraine démontrent son manque
de volonté d’honorer les engagements contractés lors de son adhésion
s’agissant de ses relations avec les pays voisins. L’Assemblée invite,
par conséquent, les autorités russes à dissiper ces inquiétudes:
12.1. en appliquant la Résolution 1633 (2008) sur
les conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie, la Résolution 1647 (2009) sur
la mise en œuvre de la Résolution
1633 et la Résolution
1683 (2009) sur la guerre entre la Géorgie et la Russie:
un an après; en cessant le nettoyage ethnique et l’occupation des
provinces géorgiennes de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, et en
autorisant l’accès d’observateurs de l’Union européenne à ces régions;
12.2. en éliminant tous les obstacles à la libre circulation
des civils de part et d’autre des lignes de démarcation administratives
entre l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie, et le reste de la Géorgie;
12.3. en honorant sans tarder l’engagement contracté lors de
son adhésion de retirer la XIVe armée
et son équipement du territoire de la République de Moldova;
12.4. en mettant en œuvre rapidement l’arrêt de la Cour européenne
des droits de l’homme dans l’affaire Catan
et autres c. Moldova et Russie concernant le droit à
l’éducation dans des établissements scolaires utilisant l’alphabet
latin en Transnistrie et en s’abstenant de boycotter les produits
moldoves dans le but d’influencer indûment les choix de politique
étrangère de la République de Moldova;
12.5. en maintenant son engagement constructif au sein du Groupe
de Minsk de l’OSCE afin de trouver une solution pacifique au conflit
du Haut‑Karabakh et en suspendant les ventes d’armes offensives
à l’Arménie et à l’Azerbaïdjan jusqu’au règlement de ce conflit.
13. De l’avis de l’Assemblée, aucune solution ne pourra être trouvée
au conflit ukrainien sans la pleine participation et la volonté
politique correspondante de la Fédération de Russie. Aussi la Fédération
de Russie doit-elle engager un véritable dialogue avec l’Assemblée
sur cette question, ainsi que sur le respect de ses engagements
et obligations à l’égard du Conseil de l’Europe. Pour autant, l’Assemblée
tient à souligner qu’un tel dialogue n’est possible qu’à la condition
que les autorités russes acceptent de participer, en toute bonne
foi et sans condition préalable, à un dialogue constructif et ouvert
avec l’Assemblée, y compris sur des points à propos desquels les
vues de l’Assemblée et de la Russie divergent. Si la Douma a, au
grand regret de l’Assemblée, rejeté dans un premier temps la proposition
d’un tel dialogue qui avait été formulée dans la Résolution 1990 (2014),
des signes clairs montrent que la Douma est à présent prête à l’accepter.
14. Afin de favoriser le dialogue avec la Fédération de Russie,
l’Assemblée décide, pour l’instant, de ratifier les pouvoirs de
la délégation russe. Mais, dans le même temps, soucieuse d’exprimer
clairement qu’elle condamne la poursuite des graves violations du
droit international commises par la Fédération de Russie en Ukraine,
notamment à l’égard du Statut du Conseil de l’Europe et des engagements
pris par la Russie au moment de son adhésion à l’Organisation, elle
décide de suspendre les droits suivants des membres de la délégation
russe pour la durée de la session 2015 de l’Assemblée:
14.1. le droit d’être désigné comme
rapporteur;
14.2. le droit d’être membre d’une commission ad hoc d’observation
des élections;
14.3. le droit de représenter l’Assemblée dans les instances
du Conseil de l’Europe ainsi qu’auprès d’institutions et d’organisations
extérieures, tant au niveau institutionnel qu’à titre occasionnel.
15. Outre les sanctions énoncées aux paragraphes 14.1 à 14.3,
l’Assemblée décide de suspendre les droits de vote et de représentation
au Bureau de l’Assemblée, au Comité des Présidents et à la Commission permanente
de la délégation russe auprès de l’Assemblée. Elle décide toutefois
de réexaminer cette question en vue de rétablir ces deux droits
lors de sa partie de session d’avril 2015, s’il devait s’avérer
que la Russie a fait des progrès tangibles et mesurables pour donner
suite aux exigences formulées par l’Assemblée aux paragraphes 4.1
à 4.4, 5.1 à 5.3, 7.1 à 7.9, 11 et 12.1 à 12.4 de la présente résolution,
et qu’elle a apporté sa pleine et entière coopération au groupe
de travail mentionné au paragraphe 17 de cette résolution.
16. L’Assemblée décide d’annuler les pouvoirs de la délégation
russe lors de sa partie de session de juin 2015 si aucun progrès
n’est constaté pour ce qui concerne la mise en œuvre du Protocole
et du Mémorandum de Minsk ainsi que les demandes et recommandations
de l’Assemblée qui figurent dans la présente résolution, en particulier
celles relatives au retrait immédiat des troupes russes de l’est
de l’Ukraine.
17. L’Assemblée invite le Bureau de l’Assemblée à envisager d’instituer,
dans l’attente de l’accord des parlements concernés, un groupe de
travail spécial auxquels participeraient les Présidents de la Douma
russe et de la Verkhovna Rada ukrainienne, ou leurs représentants,
groupe qui serait chargé de contribuer à la mise en œuvre de toutes
les propositions figurant dans la présente résolution et de proposer
d’éventuelles initiatives supplémentaires de l’Assemblée parlementaire
pour favoriser l’application du Protocole de Minsk.