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Rapport | Doc. 13714 | 18 février 2015

Les institutions européennes et les droits de l'homme en Europe

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : M. Michael McNAMARA, Irlande, SOC

Origine - Renvoi en commission: Décision du Bureau, Renvoi 3886 du 29 juin 2012. 2015 - Commission permanente de mars

Résumé

La commission des questions juridiques et des droits de l’homme constate que depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, l’Union européenne a étendu ses activités et intervient désormais dans des domaines d’action traditionnels du Conseil de l’Europe, en particulier la justice et les affaires intérieures. L’Union européenne prend également diverses initiatives relatives à la démocratie, aux droits de l’homme et à l’Etat de droit, aussi bien à l’intérieur de ses frontières qu’au-delà. En mars 2014, la Commission européenne a ainsi publié une Communication intitulée «Un nouveau cadre de l'UE pour renforcer l'Etat de droit» pour répondre aux menaces systématiques à l’Etat de droit au sein des Etats membres de l’Union européenne.

La commission juridique souligne que l’Union européenne devrait notamment mettre à profit l’expertise du Conseil de l’Europe pour mettre en œuvre la proposition de la Commission européenne relative à ce cadre.

Le présent rapport indique également que l’Avis 2/13 de la Cour de Justice de l’Union européenne sur l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme, publié en décembre 2014, identifie un certain nombre d’obstacles juridiques à ce processus, et souligne la nécessité de rouvrir les négociations dans les plus brefs délais.

Le rapport examine en outre les répercussions sur les droits de l’homme des mesures d’austérité imposées à certains Etats membres de la zone euro – en particulier par la Banque centrale européenne et la Commission européenne – et dénonce le manque de transparence dans ce domaine.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 27 janvier
2015.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire rappelle ses résolutions et recommandations antérieures sur la coopération entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe, notamment la Résolution 2029 (2015) sur la mise en œuvre du Mémorandum d’accord entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, la Recommandation 2027 (2013) sur les programmes de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme: des synergies, pas des doubles emplois, les Résolution 1836 (2011) et Recommandation 1982 (2011) sur l’impact du Traité de Lisbonne sur le Conseil de l’Europe et, enfin, les Résolution 1756 (2010) et Recommandation 1935 (2010) sur la nécessité d’éviter la duplication des travaux du Conseil de l’Europe par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne.
2. L’Assemblée réaffirme que la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) constitue la pierre angulaire du système de protection des droits de l’homme en Europe et qu’il convient d’éviter tout chevauchement d’activités dans ce domaine.
3. L’Assemblée considère que les problèmes identifiés par la Cour de justice de l’Union européenne dans son Avis 2/13 doivent être réglés dans les plus brefs délais, conformément aux engagements politiques pris par l’ensemble des parties et tel que reflété dans le Traité de Lisbonne.
4. L’Assemblée constate que, depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, l’Union européenne a étendu ses activités dans les domaines d’intervention traditionnels du Conseil de l’Europe, en particulier la justice et les affaires intérieures, et pris diverses initiatives et actions visant à promouvoir et à garantir le respect de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit, tant au sein qu’en dehors de l’Union européenne. Si cette situation crée un risque de chevauchement et de répétition inutile d’activités, voire de double système de normes, elle ouvre aussi des perspectives en matière de coopération et de synergie.
5. L’Assemblée se félicite des synergies créées dernièrement entre les instances de l’Union européenne et celles du Conseil de l’Europe, par exemple entre la Commission européenne et la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) du Conseil de l’Europe concernant le Tableau de bord de la justice dans l’Union européenne. Elle salue également l’établissement d’une coopération de qualité avec l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne.
6. L’Assemblée se réjouit de l’engagement accru de l’Union européenne envers les valeurs fondamentales communes aux deux organisations – démocratie, droits de l’homme et Etat de droit – et des efforts déployés par l’Union européenne pour renforcer sa capacité à protéger ces valeurs dans ses Etats membres, comme résumé dans la Communication de la Commission européenne sur «Un nouveau cadre de l'UE pour renforcer l'Etat de droit» (mars 2014). Elle salue la volonté de l’Union européenne de mettre à profit le savoir-faire du Conseil de l’Europe dans la mise en œuvre de ce cadre.
7. Compte tenu de ce qui précède, l’Assemblée invite l’Union européenne:
7.1. à reprendre, sans plus tarder, les négociations sur l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme, à la lumière de l’Avis 2/13 de la Cour de justice de l’Union européenne, et faire de cette question une haute priorité politique;
7.2. à continuer à examiner, de manière régulière et structurée, les possibilités de synergie avec le Conseil de l’Europe et mettre à profit le savoir-faire des institutions et organes de ce dernier, notamment la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), le Commissaire aux droits de l’homme, l’Assemblée parlementaire et les mécanismes de suivi pertinents;
7.3. dans la mise en œuvre de la proposition de la Commission européenne relative à l’instauration d’«Un nouveau cadre de l’Union européenne pour renforcer l’état de droit», à informer les instances compétentes du Conseil de l’Europe de toute évolution et/ou initiative du même ordre dans ce domaine et faire appel au savoir-faire de l’Organisation, en particulier pour la définition de critères sur l’existence de «menaces systématiques» contre l’Etat de droit;
7.4. à continuer à examiner à la loupe ses projets de législation pour s’assurer de leur compatibilité avec la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et veiller à ce que toutes les institutions de l’Union européenne participant au processus législatif soient associées à cet examen;
7.5. à continuer à protéger et à promouvoir les droits de l’homme dans ses politiques extérieures et, ce faisant, mettre à profit le savoir-faire des instances compétentes du Conseil de l’Europe.
8. L’Assemblée invite également les Etats membres du Conseil de l’Europe qui sont aussi membres de l’Union européenne:
8.1. à exercer leur influence pour rouvrir, dans les plus brefs délais, les négociations sur l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme et faire de ce processus une haute priorité politique;
8.2. à exercer leur influence de sorte à éviter tout chevauchement inutile d’activités dans le domaine de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit.
9. L’Assemblée est également préoccupée par l’absence de transparence des décisions et mesures prises par la Commission européenne et la Banque centrale européenne pour faire face aux conséquences de la crise économique et financière et imposer des mesures d’austérité à certains Etats membres de la zone euro recevant une aide financière de l’Union européenne. Renvoyant à sa Résolution 1884 (2012) sur les mesures d’austérité – un danger pour la démocratie et les droits sociaux et à sa Résolution 2032 (2015) sur l’égalité et la crise, l’Assemblée réaffirme ses inquiétudes quant à l’impact de ces mesures sur les droits sociaux et économiques et le principe d’égalité.
10. L'Assemblée demande par conséquent à l'Union européenne et à ses Etats membres:
10.1. d’évaluer l’impact social des mesures d’austérité imposées aux Etats membres de la zone euro recevant une aide financière des institutions communautaires (Commission européenne et Banque centrale européenne) et/ou du Mécanisme européen de stabilité;
10.2. de veiller à la transparence et au contrôle démocratique et judiciaire des décisions portant sur la conclusion d’accords relatifs à cette aide financière.
11. L’Assemblée invite également ses Etats membres qui ne l’ont pas encore fait à signer et/ou ratifier la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163), le Protocole additionnel prévoyant un système de réclamations collectives (STE no 158) et le Protocole portant amendement permettant à l’Assemblée parlementaire d’élire les 15 membres du Comité européen des Droits sociaux (STE no 142, «Protocole de Turin»), et à mettre en œuvre les décisions du Comité européen des Droits sociaux, le cas échéant.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet
de recommandation adopté à l’unanimité par la commission le 27 janvier
2015.

(open)
1. Renvoyant à sa Résolution... (2015) sur les institutions européennes et les droits de l’homme en Europe, l’Assemblée parlementaire invite le Comité des Ministres:
1.1. à prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les négociations d’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) reprennent dans les plus brefs délais, et rendre compte à l’Assemblée de l’avancée de ce processus;
1.2. à rationaliser et structurer la coopération et le dialogue avec les institutions et agences de l’Union européenne, à tous les niveaux, de sorte qu’il s’agisse d’un processus régulier mené par les organes compétents du Conseil de l’Europe;
1.3. à examiner les répercussions potentielles de la proposition de la Commission européenne relative à «Un nouveau cadre de l’Union européenne pour renforcer l’état de droit» sur la coopération entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe, et suivre toute nouvelle évolution dans la mise en œuvre de cette proposition et/ou de toute autre initiative du même ordre prise par les institutions de l’Union européenne dans ce domaine.
2. Par ailleurs, renvoyant à sa Résolution 1884 (2012) sur les mesures d’austérité – un danger pour la démocratie et les droits sociaux et à sa Résolution 2032 (2015) sur l’égalité et la crise, l’Assemblée réaffirme ses préoccupations quant à l’impact sur les droits sociaux et économiques des mesures d’austérité prises à la suite de la conclusion d’accords d’aide financière entre certains Etats de la zone euro et la Commission européenne et/ou la Banque centrale européenne. Elle invite par conséquent le Comité des Ministres à réaliser, en coopération avec le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, une étude d’experts visant à élaborer un catalogue de «critères pour l’imposition de mesures d’austérité», conformément aux exigences de la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163) et tel que déterminées par le Comité européen des Droits sociaux.

C. Exposé des motifs, par M. McNamara, rapporteur

(open)

1. Introduction

1.1. Procédure

1. Au cours de sa partie de session de juin 2012, l’Assemblée parlementaire a répondu favorablement à une demande de débat d’actualité sur «Les institutions européennes et les droits de l’homme en Europe». Cette demande était motivée par la décision de l’Union européenne de nommer un Représentant spécial pour les droits de l'homme, qui faisait craindre un double emploi avec les activités du Conseil de l’Europe. Le 29 juin, l’Assemblée a renvoyé cette question à la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, pour rapport 
			(3) 
			Renvoi 3886 du 29 juin
2012.. J’ai été nommé rapporteur le 6 septembre 2012.
2. Le 3 mars 2014, la commission a organisé une audition à laquelle ont participé M. Jean-Claude Trichet, gouverneur honoraire de la Banque de France (Paris) et ancien président de la Banque centrale européenne (BCE), et M. Morten Kjaerum, directeur de l’Agence des droits fondamentaux (FRA) de l’Union européenne (Vienne). Les 12 et 13 juin 2014, j’ai effectué une visite d’information à Bruxelles, où j’ai rencontré plusieurs responsables du Service européen pour l’action extérieure, du Conseil de l’Union européenne, de la Commission européenne et du Parlement européen, ainsi que des représentants d’Amnesty International et du Centre d’études politiques européennes (CEPS, un groupe de réflexion).

1.2. Questions en jeu

3. Au cours du débat de juin 2012 à l’Assemblée, de nombreux participants ont appelé à élargir la réflexion au-delà du chevauchement d’activités qui pourrait résulter de la nomination d’un Représentant spécial de l’Union européenne pour les droits de l’homme et du double emploi croissant des rôles et fonctions de l’Union européenne (UE) et du Conseil de l’Europe 
			(4) 
			Il est également intéressant
de noter que l’Assemblée parlementaire Euronest, constituée le 3
mai 2011 à Bruxelles et composée d’une délégation du Parlement européen
ainsi que de délégations des partenaires d'Europe orientale, d'Arménie,
d’Azerbaïdjan, de Géorgie, de la République de Moldova et d'Ukraine,
a aussi été considérée comme un doublon de plus des activités du
Conseil de l'Europe. Pour de plus amples informations, consulter <a href='http://www.euronest.europarl.europa.eu/euronest/'>www.euronest.europarl.europa.eu/euronest</a>.. Ils ont souligné la nécessité d’examiner les tendances qui se dessinent dans l’évolution de l’Union européenne et le respect par cette dernière des valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe, à savoir les droits de l’homme, l’Etat de droit et la démocratie en Europe. Le débat qui s’ouvre en Europe sur la codécision et le «déficit démocratique» dans l’UE a aussi été évoqué dans le cadre du débat d’actualité. Devant l’évolution politique en Hongrie et les initiatives prises par certaines institutions et figures politiques de l’UE pour établir un mécanisme de suivi du respect des «critères de Copenhague» dans les Etats membres, l’Assemblée a décidé de tenir un débat d’urgence lors de la partie de session d’octobre 2013 sur le thème des «Programmes de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme: des synergies, pas des doubles emplois». La commission des questions juridiques et des droits de l’homme a été saisie pour rapport et j’ai été désigné rapporteur. Le 3 octobre 2013, l’Assemblée a adopté sa Recommandation 2027 (2013) 
			(5) 
			Voir
également le Doc. 13321., dans laquelle elle rappelle que «mettre en place des structures parallèles revient à créer un double système de normes et à permettre un “choix de la juridiction la plus favorable”, avec pour conséquence de faire apparaître de nouveaux clivages en Europe». En décembre 2013, la commission a tenu un échange de vues – sur ce thème et d’autres questions connexes – avec la vice-présidente de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) du Parlement européen, Mme Kinga Göncz.
4. Par conséquent, compte tenu des préoccupations exprimées par l’Assemblée, je propose d’examiner les «dangers» potentiels de tout chevauchement supplémentaire d’activités entre les institutions de l’UE et le Conseil de l’Europe dans le domaine des droits de l’homme, malgré l’existence du Mémorandum d’accord conclu par les deux organisations en 2007 (qui vise en partie à éviter un tel chevauchement). Même s’il serait intéressant d’étudier la manière dont la coopération et la coordination, à tous les niveaux et en particulier entre le Parlement européen et l’Assemblée, pourraient être renforcées, je n’ai pas l’intention de répéter les travaux de notre collègue Mme Kerstin Lundgren (Suède, ADLE), dont le rapport sur la «Mise en œuvre du Mémorandum d’accord entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne» a été débattu par l’Assemblée au cours de la partie de session de janvier 2015 
			(6) 
			Doc. 13655 du 17 décembre 2014.. Je me concentrerai donc sur la mission de l’UE dans le domaine des droits de l’homme (droits fondamentaux) et sur les mesures prises en la matière par ses institutions – Parlement européen, Conseil européen, Conseil de l’UE, Commission européenne, Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et Banque centrale européenne (BCE). Bien que les activités de certaines agences de l’UE, notamment l’Agence des droits fondamentaux (FRA) mais aussi Frontex, qui coordonne l’action des Etats membres en matière de gestion et de contrôle des frontières extérieures de l’UE, mériteraient d’être examinées dans ce contexte, je m’intéresserai uniquement aux activités de la première (déjà l’objet de rapports de la commission), le rôle de Frontex ayant dernièrement été examiné par l’Assemblée à la suite de la présentation d’un rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées (rapporteur: M. Mikael Cederbratt) 
			(7) 
			Frontex: responsabilités
en matière de droits de l’homme, Doc. 13161, ainsi que Résolution
1932 (2013) et Recommandation
2016 (2013) de l'Assemblée. Voir également l’avis de la présente
commission, Doc. 13187 (rapporteur: M. James Clappison, Royaume-Uni, CE).. Mon analyse des compétences et des actions des institutions de l’UE dans le domaine des droits de l’homme portera tout particulièrement sur celles qui visent à promouvoir et à protéger les droits de l’homme à l’extérieur (c’est-à-dire en dehors de l’UE) et au sein de ses 28 Etats membres. Etant donné que le thème de l’«Adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme: élection des juges» sera dûment traité dans un rapport de notre commission (rapporteur: M. Jordì Xuclà, Espagne, ADLE), j’ai décidé de ne pas aborder cette question dans le présent document.
5. Par ailleurs, je propose de me pencher sur le rôle de certaines institutions de l’UE dans la promotion, et de fait l’imposition, de mesures d’austérité dans certains Etats membres de la zone euro dans le contexte de la crise économique et financière. Il s’agit en particulier des institutions relativement récentes de l’Union européenne, comme la Banque centrale européenne (BCE) et le Mécanisme européen de stabilité (MES). Je propose d’examiner la mesure dans laquelle les décisions de ces institutions sont guidées ou influencées par les répercussions qu’elles peuvent avoir sur les droits de l’homme, y compris les droits socio-économiques 
			(8) 
			Dans son arrêt du 30
juin 2009, la Cour constitutionnelle fédérale allemande a rejeté
une requête contestant la compatibilité du Traité de Lisbonne avec
la Loi fondamentale allemande. Ce faisant, elle a réaffirmé que
l'unification européenne établie sur la base d'une union conventionnelle
d'Etats souverains ne pouvait être réalisée si les Etats membres
jouissent d’une marge de manœuvre insuffisante pour déterminer leurs
politiques économiques, culturelles et sociales – <a href='http://www.bundesverfassungsgericht.de/entscheidungen/es20090630_2bve000208en.html'>2
BvE 2/08, 2 BvE 5/08, 2 BvR 1010/08, 2 BvR 1022/08, 2 BvR 1259/08
et 2 BvR 182/09</a>.. C’est dans cet esprit que j’ai participé à la Conférence à haut niveau sur la Charte sociale européenne qui s’est déroulée à Turin (Italie) les 17 et 18 octobre 2014 dans le cadre de la présidence italienne de l’UE.

1.3. Coopération générale entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe

6. Le 23 mai 2007 a été signé le Mémorandum d’accord entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, qui régit jusqu’ici leur coopération dans le domaine de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit. Ce document souligne que le Conseil de l’Europe reste «la référence en matière de droits de l’homme, de primauté du droit et de démocratie en Europe».
7. Dans sa Résolution 1836 (2011) sur l’impact du Traité de Lisbonne sur le Conseil de l'Europe 
			(9) 
			Voir
également la Recommandation
1982 (2011) et le Doc.
12713 (rapporteure: Mme Kerstin Lundgren, Suède, ADLE). , l'Assemblée fait observer que le partenariat entre les deux organisations dans le contexte post-Lisbonne «devrait aboutir à terme à la création d’un espace commun de protection des droits de l’homme sur l’ensemble du continent», notamment avec l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, CEDH) et à d’autres conventions clés et mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe. «Les doubles emplois et la lassitude liée au suivi, notamment en période de crise économique», seraient ainsi évités et le rôle du Conseil de l’Europe en tant que «référence en matière de droits de l’homme, d’Etat de droit et de démocratie en Europe» devrait être davantage développé. Dans sa Recommandation 2027 (2013) sur les «Programmes de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme: des synergies, pas des doubles emplois», l’Assemblée invite l’UE à continuer d’utiliser l’expertise du Conseil de l’Europe, à étudier les possibilités de synergie et à accélérer l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme.

2. Les institutions de l’Union européenne et les droits de l’homme: cadre juridique général

8. Le Traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1er décembre 2009, amène plusieurs évolutions dans les domaines traditionnels d’activité du Conseil de l’Europe. Tout d’abord, il souligne l’attachement de l’UE aux valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe à l’article 2 du Traité sur l’Union européenne («TUE»), affirmant que l’UE «est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'Etat de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités (…)». En deuxième lieu, le Traité de Lisbonne reconnaît à la Charte des droits fondamentaux «la même valeur juridique que les traités» (article 6.1 du TUE) et troisièmement, il pose les bases juridiques d’une adhésion de l’UE à la Convention européenne des droits de l’homme (article 6.2 du TUE). Enfin, en fusionnant le premier pilier communautaire avec les deux autres piliers intergouvernementaux, le Traité de Lisbonne élargit encore le champ de compétence de l’UE en matière de droits de l’homme à des domaines tels que la justice, la liberté et la sécurité, qui sont étroitement liés à la question des droits fondamentaux. Cette fusion est devenue entièrement applicable au 1er décembre 2014 et désormais, les compétences de la Commission européenne et de la Cour de justice s’appliquent également à la coopération policière et judiciaire en matière pénale.
9. Outre ces évolutions, il convient de mentionner deux autres dispositions du TUE qui existaient antérieurement, à savoir l’article 6.3, et l’article 7. L’article 6.3, dispose que «[l]es droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, font partie du droit de l'Union en tant que principes généraux.»
10. L’article 7 du TUE prévoit l’option dite «nucléaire», applicable en cas de «risque clair de violation grave» ou de «violation grave et persistante par un Etat membre des valeurs visées à l’article 2» du TUE. Lorsque le Conseil européen «constate l’existence d’une violation grave et persistante» de ces valeurs, le Conseil de l’Union européenne «peut décider de suspendre certains des droits découlant de l'application des traités à l'Etat membre en question, y compris les droits de vote». Ce mécanisme, essentiellement de nature politique, n’a jusqu’ici jamais été utilisé.
11. Après l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, le Conseil de l’Union européenne a adopté «Le programme de Stockholm – Une Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens» pour la période 2010-2014, à la suite de quoi ont notamment été adoptées plusieurs directives sur les droits procéduraux dans les procédures pénales. Aucun nouveau programme de la sorte n’a été envisagé pour les cinq années à venir. Dans ses Conclusions des 26-27 juin 2014, le Conseil européen définit «les orientations stratégiques pour la planification législative et opérationnelle (…) au sein de l'espace de liberté, de sécurité et de justice» 
			(10) 
			Extrait des Conclusions
du Conseil européen concernant la liberté, la sécurité et la justice
et certaines questions horizontales connexes, 2014/C 240/05, Journal
officiel de l'UE, C 240/13 du 24 juillet 2014. pour la période 2015-2020. Il souligne que «la priorité générale est désormais d'assurer la transposition cohérente, la mise en œuvre effective et la consolidation des instruments juridiques et des mesures existants» en matière d’asile, d’immigration, de contrôle des frontières et de coopération policière et judiciaire. Il rappelle la nécessité de garantir «le plein respect des droits fondamentaux» dans ce domaine, sans toutefois mentionner – ce qui est regrettable – l’adhésion de l’Union européenne à la CEDH comme une priorité. Dans son rapport sur «L’impact du Traité de Lisbonne sur le Conseil de l’Europe», Mme Lundgren jette un regard positif sur la coopération entre l’UE et le Conseil de l’Europe dans la mise en œuvre du Programme de Stockholm. Toutefois, remarque-t-elle, quand bien même l’UE sollicite l’expertise du Conseil de l’Europe, elle ne le fait pas de manière cohérente 
			(11) 
			Doc. 12713, paragraphes 27-28. .
12. L’UE a fait part de sa volonté d’adhérer au Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO) 
			(12) 
			Voir,
par exemple, les Conclusions du Conseil de l'UE sur le rapport anticorruption
de l’UE adoptées les 5 et 6 juin 2014. et la Commission européenne étudie actuellement la faisabilité et les modalités d’une telle adhésion, qui signifierait que les institutions communautaires seraient soumises aux évaluations périodiques et thématiques du GRECO.

3. L’Union européenne et le respect des droits de l’homme dans ses Etats membres

3.1. L’application de la Charte des droits fondamentaux

13. La Charte des droits fondamentaux («la Charte») est divisée en six chapitres: Dignité, Libertés, Egalité, Solidarité, Citoyenneté et Justice. Elle prévoit une série de droits et libertés individuels, notamment ceux consacrés par la CEDH, ainsi que des droits sociaux et économiques et des droits de «troisième génération» (protection des données, garanties en matière de bioéthique, transparence de l’administration, etc.). Lorsqu’un droit est protégé à la fois par la Charte et la CEDH, sa signification et sa portée restent les mêmes. La Charte, qui fait partie intégrante du droit des traités, a force obligatoire pour les institutions, organes, bureaux et agences de l’UE ainsi que pour les Etats membres lorsqu’ils appliquent le droit de l’Union 
			(13) 
			Article
51.1 de la Charte..
14. Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, la Commission européenne élabore chaque année un rapport sur l’application de la Charte des droits fondamentaux. Elle évalue également la compatibilité des propositions législatives avec cet instrument. Le premier rapport date de 2010.
15. D’après le dernier rapport (2013) de la Commission européenne 
			(14) 
			<a href='http://ec.europa.eu/justice/fundamental-rights/files/com_2014_224_en.pdf'>COM(2014)224final</a>: Rapport 2013 sur l’application de la Charte des droits
fondamentaux, 14 avril 2014., les juges nationaux interrogent de plus en plus la Cour de justice de l’UE sur l’applicabilité de la Charte lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre le droit communautaire (demandes préjudicielles) 
			(15) 
			En
2013, dans 41 affaires. et la Cour de justice a donné des indications plus précises en la matière dans son arrêt en l’affaire Åkerberg Fransson 
			(16) 
			CJUE, affaire C-617/10, Åklagaren c. Hans Åkerberg Fransson, arrêt
du 26 février 2013.. Les juges nationaux sont de plus en plus conscients des normes de la Charte. Le nombre de décisions dans lesquelles les juridictions de l’Union européenne (Cour de justice, Tribunal et Tribunal de la fonction publique) se réfèrent à cet instrument a augmenté ces dernières années: de 43 en 2011, il est passé à 87 en 2012 et à 114 en 2013.
16. La Commission européenne a intenté plusieurs procédures en manquement en relation avec les droits fondamentaux consacrés par la Charte de l’UE 
			(17) 
			Par
exemple, une procédure judiciaire a entraîné la séparation de l'autorité
autrichienne de contrôle de la protection des données (DSK) de la
Chancellerie fédérale. La DSK est ainsi devenue indépendante, avec
ses propres effectifs et budget. Affaire C-614/10, Commission c. Autriche, CJUE, arrêt
du 16 octobre 2012. . Elle a également proposé plusieurs actes législatifs visant à défendre les droits garantis par la Charte, notamment les droits des suspects et des accusés dans les procédures pénales, ou à renforcer l’accès à la procédure d’asile 
			(18) 
			Directives
2013/32/UE et 2013/33/UE.. Quelques directives ont été adoptées dans le cadre du Programme de Stockholm, à savoir la Directive 2010/64/UE relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales, la Directive 2012/13/UE relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales et la Directive 2013/48/UE relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d’arrêt européen, au droit d’informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires. Le 4 décembre 2014, le Conseil a approuvé une directive sur la présomption d’innocence, qui devrait être prochainement examinée par le Parlement européen.
17. La Commission européenne, le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen sont tenus d’examiner les projets de politiques et de législation sous l’angle de leur compatibilité avec la Charte. Toutefois, bien que tous les départements de la Commission européenne soient censés le faire, ce contrôle ne semble pas très approfondi, certains départements étant chargés de questions qui ne sont pas directement liées aux droits fondamentaux ou n’ayant pas conscience de l’impact de leurs politiques sur ces droits. En dépit des efforts déployés par la DG Justice pour «éduquer» les autres directions, les effectifs de la Commission européenne semblent insuffisants pour contrôler tous les projets 
			(19) 
			I. Butler, Open Society
European Policy Institute, <a href='http://www.opensocietyfoundations.org/voices/european-commission-s-new-leadership-creates-momentum-fundamental-rights'>European
Commission’s New Leadership Creates Momentum for Fundamental Rights,</a> 6 octobre 2014..
18. Dans plusieurs arrêts, la Cour de justice a jugé que des législations et décisions de l’UE visant des personnes étaient incompatibles avec la Charte. L’affaire Kadi II l’illustre bien, dans laquelle la CJUE a statué que la décision de geler les avoirs du requérant (en application d’une décision du Comité des sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies), soupçonné d’activités terroristes, violait le droit à un recours effectif et à accéder à un procès équitable (articles 41 et 47 de la Charte) 
			(20) 
			Affaire C-584/10P, Commission et autres c. Kadi (Kadi
II), procédure de pourvoi contre l’arrêt du 18 juillet 2013 rendu dans
l’affaire T85/09 Kadi c. Commission (Kadi
I).. Dans l’affaire Besselink, le Tribunal a conclu qu’une décision du Conseil de l’UE refusant l’accès du requérant à un document sur l’adhésion de l’UE à la CEDH emportait violation du droit d’accès aux documents (article 42 de la Charte) 
			(21) 
			Tribunal,
T-331/11, Besselink c. Conseil, arrêt
du 12 septembre 2013. .

3.2. Les mécanismes mis en place par l’Union européenne pour contrôler le respect de certains aspects de l’Etat de droit dans les Etats membres

19. S’il n’existe pas de mécanisme interne permettant à l’UE de contrôler à titre permanent le respect des valeurs fondamentales consacrées par l’article 2 du TUE, des outils ont été élaborés de manière sporadique par les institutions communautaires pour dresser le bilan de certains aspects de la situation en matière de droits de l’homme et d’Etat de droit. Il s’agit du rapport anticorruption de l’UE, du Tableau de bord de la justice dans l’UE, du Mécanisme de coopération et de vérification et de certains rapports annuels des institutions et agences de l’UE. Comme l’indiquent certains auteurs, ces outils révèlent des degrés variables de «proximité» avec le cadre juridique de l’UE établi par le Traité de Lisbonne 
			(22) 
			Voir, par exemple,
l’étude demandée par le Parlement européen sur «<a href='http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/etudes/join/2013/493031/IPOL-LIBE_ET(2013)493031_EN.pdf'>La
relation triangulaire entre les droits fondamentaux, la démocratie
et l'état de droit dans l'UE – vers un mécanisme de Copenhague au
niveau de l'Union </a>», Etude (2013), Direction générale des politiques internes
de l’Union, Département thématique C (Droits des citoyens et Affaires
constitutionnelles) (en anglais), ou A. Szklanna, The Council of
Europe vis-à-vis the proposal to establish a «rule of law mechanism»
in the European Union, in European Yearbook
on Human Rights 2014, dir. W. Benedek et al., p. 333-345. .
20. Le rapport anticorruption de l’UE a été élaboré par la Commission européenne. Il analyse la corruption dans les Etats membres et les mesures prises pour la prévenir et la combattre. Il s’agit d’un nouvel outil, le premier rapport de la sorte ayant été publié le 3 février 2014 
			(23) 
			<a href='http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/e-library/documents/policies/organized-crime-and-human-trafficking/corruption/docs/acr_2014_en.pdf'>COM(2014)38final</a>..
21. Le Tableau de bord de la justice dans l’UE est un autre outil d’information novateur de la Commission européenne. Il fournit des données sur la justice civile et commerciale dans les Etats membres de l’UE. Sa première édition date de mars 2013 
			(24) 
			Le premier tableau
de bord a été publié le 27 mars 2013: «Le tableau de bord de la
justice dans l’UE – Un outil pour promouvoir une justice effective
et la croissance», COM(2013)160final.; la dernière, de mars 2014 
			(25) 
			<a href='http://ec.europa.eu/justice/effective-justice/files/justice_scoreboard_2014_en.pdf'>COM(2014)55</a>, 17 mars 2014.. Si ce tableau de bord met l’accent sur le droit d’accès à la justice en tant que droit fondamental et sur la nécessité de promouvoir l’efficacité des systèmes de justice dans l’UE, il a été conçu dans le cadre du «semestre européen», un cycle de coordination des politiques économiques et budgétaires des Etats membres, et poursuit donc l’objectif de contribuer à «favoriser la croissance économique au sein de l’UE». Aussi, la justice pénale dans les Etats membres de l’UE est exclue de son périmètre. Le tableau de bord est un bon exemple de coopération entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe, car la plupart des données sur lesquelles il se fonde proviennent de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) du Conseil de l’Europe.
22. Depuis 2007, la Commission européenne évalue le respect de l’Etat de droit – systèmes judiciaires et lutte contre la corruption – en Bulgarie et en Roumanie par le biais du Mécanisme de coopération et de vérification. Dans le cas de la Bulgarie, elle examine également les progrès accomplis dans la lutte contre la criminalité organisée. La Commission européenne établit des rapports semestriels dans ce cadre 
			(26) 
			Pour la
liste exhaustive des rapports: <a href='http://ec.europa.eu/cvm/progress_reports_en.htm'>http://ec.europa.eu/cvm/progress_reports_en.htm</a>..
23. En outre, les institutions et agences de l’Union européenne produisent des rapports à caractère non contraignant, notamment le Rapport annuel de la Commission européenne sur l’application de la Charte des droits fondamentaux 
			(27) 
			Voir plus haut note
n° 15., le Rapport annuel du Parlement européen sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne 
			(28) 
			Le dernier rapport
en date sera cité dans la section suivante., le Rapport annuel de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne sur la situation des droits fondamentaux dans les Etats membres 
			(29) 
			Voir: <a href='http://fra.europa.eu/fr/publications-and-resources/publications'>http://fra.europa.eu/fr/publications-and-resources/publications</a>., le Rapport annuel du Médiateur européen 
			(30) 
			Le rapport de 2013
a été publié le 23 septembre 2014. Pour la liste exhaustive des
rapports, voir: <a href='http://www.ombudsman.europa.eu/fr/activities/annualreports.faces'>www.ombudsman.europa.eu/fr/activities/annualreports.faces</a>. , axé sur les plaintes reçues par cette institution, et le Rapport annuel de l’Office européen de lutte antifraude de la Commission européenne (OLAF) 
			(31) 
			Pour la liste exhaustive
des rapports produits depuis 1999, voir: <a href='http://ec.europa.eu/anti_fraud/about-us/reports/olaf-report/index_en.htm'>http://ec.europa.eu/anti_fraud/about-us/reports/olaf-report/index_en.htm</a>.

3.3. Le «mécanisme de l’Etat de droit»

24. Ces dernières années, plusieurs «crises» ont éclaté dans les Etats membres de l’UE (par exemple en Autriche en 2000, en France à l’été 2010 avec le problème de l’expulsion des Roms, en Roumanie en 2012 avec la crise constitutionnelle et en Hongrie en 2011 avec les modifications constitutionnelles et législatives controversées) qui montrent que l’UE a toujours du mal à faire respecter de manière permanente les valeurs de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit – valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe – dans ses Etats membres. La persuasion politique et diplomatique dont elle a tendance à user ne porte pas toujours ses fruits et «l’option nucléaire» de l’article 7 du TUE, solution de dernier ressort, n’a jamais été appliquée. Même si la Commission européenne peut en théorie intenter des procédures en manquement contre tout Etat membre qui ne respecte pas les Traités, dans la réalité, elle est intervenue sur certains aspects seulement de l’Etat de droit 
			(32) 
			Ainsi, en mars 2013,
la Hongrie a pris des mesures pour se conformer à l'arrêt de la
Cour de justice sur l’abaissement forcé de l’âge de la retraite
des juges, notaires et procureurs, jugé incompatible avec la Directive 2000/78 portant création d'un cadre général en faveur de
l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail. Affaire
C-286/12, Commission c. Hongrie, arrêt
du 6 novembre 2012. , quand elle ne s’est pas totalement abstenue d’engager une quelconque procédure 
			(33) 
			Lors de ma visite à
Bruxelles, ce point a été soulevé par les représentants de la société
civile, qui ont dénoncé le manque d'action de la Commission pour
défendre les droits des Roms et des demandeurs d'asile..
25. Dans mon rapport précédent sur les «Programmes de l’Union européenne et du Conseil de l'Europe en matière de droits de l'homme: des synergies, pas des doubles emplois», examiné par l’Assemblée en octobre 2013, j’ai décrit les premières initiatives prises par certains responsables politiques et institutions de l’UE pour mettre en place un mécanisme de contrôle du respect des valeurs visées à l’article 2 du TUE dans les Etats membres, ainsi que l’origine de cette idée. Une de ces initiatives avait été lancée par le Parlement européen, par le biais de sa commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE), dont le rapporteur, M. Louis Michel, avait élaboré un projet de résolution sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne en 2012. Le 27 février 2014, le Parlement européen a adopté cette résolution 
			(34) 
			Rapport du 27 janvier
2014 sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne
(2012) (2013/2078/INI), A7-0051/2014, P7_TA-PROV(2014)0173. Voir
Résolution du Parlement européen du 27 février 2014 sur la situation des
droits fondamentaux dans l'Union européenne (2012) (2013/2078(INI)., proposant d’établir un «mécanisme de Copenhague» pouvant être mis en action sur la base d’une décision de la Commission européenne, en collaboration avec la FRA, dont les pouvoirs et les compétences devraient être accrus, et plaidant également en faveur d’une révision de l’article 7 du TUE et de la création d’une «commission de Copenhague» composée de spécialistes indépendants de haut niveau. Plus récemment, le 12 mars 2014, le Parlement européen a adopté une résolution sur «L’évaluation de la justice en relation avec le droit pénal et l’Etat de droit» 
			(35) 
			<a href='http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2014-0231+0+DOC+XML+V0//EN'>2014/2006(INI),</a> voir aussi le projet de rapport du 20 janvier 2014 de
la LIBE, rapporteure: Mme Kinga Göncz, 2014/2006(INI), paragraphes
3 et 4., qui invite également la Commission européenne à proposer un mécanisme de sauvegarde de l’Etat de droit et souligne que ce mécanisme devrait viser «à compléter les travaux d'autres institutions internationales, comme le Conseil de l'Europe, et notamment sa commission de Venise».
26. Depuis le débat à l’Assemblée en octobre 2013, de nouveaux développements sont intervenus 
			(36) 
			L’organisation, par
exemple, d’Assises de la Justice par
la Commission européenne à Bruxelles les 21 et 22 novembre 2013,
sur le thème <a href='http://ec.europa.eu/justice/events/assises-justice-2013/index_en.htm'>«Shaping
Justice Policies in Europe for the Years to Come»</a> («Façonner les politiques de justice en Europe pour
les années à venir»). , qui ont abouti à l’adoption, en mars 2014, d’une Communication de la Commission européenne sur «Un nouveau cadre de l’UE pour renforcer l’Etat de droit» 
			(37) 
			Communication de la
Commission au Parlement européen et au Conseil, <a href='http://ec.europa.eu/justice/effective-justice/files/com_2014_158_en.pdf'>COM(2014)158/2
final</a>, 19 mars 2014..
27. Dans ce document, la Commission européenne réaffirme que l’Etat de droit est la clé de voûte de toute démocratie constitutionnelle moderne et une condition préalable à l’adhésion à l’UE. Elle souligne que diverses instances lui ont demandé de mettre au point une méthode permettant de faire face aux situations où une menace systématique pèse contre l’Etat de droit. Le nouveau cadre doit donc permettre de réagir à ce type de situation dans un Etat membre lorsque les autres mécanismes de contrôle actuellement disponibles ne permettent pas de le faire de manière appropriée.
28. Le processus comporte trois étapes – évaluation, recommandation et suivi:
a. Evaluation: pour déterminer si une menace systématique pèse sur l’Etat de droit. Le cadre s’appuiera sur différentes sources, notamment le Conseil de l’Europe. S’il existe effectivement une menace systématique, la Commission européenne adressera un «avis sur l'état de droit», motivant ses préoccupations et donnant à l’Etat membre concerné la possibilité de répondre. Ce processus sera confidentiel et il sera attendu de l’Etat membre qu’il coopère tout au long, conformément au principe de coopération loyale prévu à l’article 4.3 du TUE.
b. Si le problème n'a pas trouvé de solution satisfaisante entre-temps, la Commission européenne adressera à l'Etat membre concerné une «recommandation sur l'état de droit», qui indiquera clairement les motifs de ses inquiétudes et un délai pour résoudre les problèmes recensés. Si nécessaire, la recommandation peut préconiser des moyens et des mesures pour remédier à la situation. L’Etat membre devra dans sa réponse indiquer les mesures prises. La Commission européenne rendra publics le fait d'avoir envoyé une recommandation et les principaux éléments de celle-ci.
c. Dans un troisième temps, la Commission européenne contrôlera le suivi donné à sa recommandation par l'Etat membre concerné. Faute de suite satisfaisante, elle envisagera de recourir à l'un des mécanismes prévus à l'article 7 du TUE.
29. La Communication ne précise pas complètement la base légale sur laquelle repose la création de ce cadre 
			(38) 
			La Communication se
contente de déclarer que la Commission européenne est tenue de jouer
un «rôle actif» en tant que «gardienne des traités». et ne définit pas non plus spécifiquement la portée d’un tel mécanisme compte tenu des controverses entourant la définition de l’«Etat de droit» 
			(39) 
			La Communication
indique que le respect de l’Etat de droit comprend notamment «la
légalité (…) la certitude juridique; l’interdiction de l’arbitraire
du pouvoir exécutif; des tribunaux indépendants et impartiaux; un
contrôle juridictionnel effectif incluant le respect des droits
fondamentaux; et l’égalité devant la loi».. Le nouveau mécanisme s’appliquera lorsque l’intégrité et le fonctionnement des institutions nationales visant à assurer le respect de l’Etat de droit seront, au vu de certaines allégations, jugés compromis. La Commission européenne souligne que le cadre ne s’appliquera qu’en cas de menaces systématiques pour l’Etat de droit et non de violations individuelles, ces dernières pouvant être traitées par les systèmes judiciaires nationaux et la procédure de la CEDH.
30. Selon la Commission européenne, «le cadre jouera un rôle complémentaire par rapport à l’ensemble des mécanismes existants au niveau du Conseil de l’Europe pour protéger l’Etat de droit» 
			(40) 
			Page 6.. La Commission insiste sur l’importance de la coopération entre diverses institutions pour la mise en œuvre effective de ce cadre. En règle générale, elle sollicitera l’avis de l’Agence européenne des droits fondamentaux (FRA), du Conseil de l’Europe et de sa Commission de Venise, et maintiendra la coordination avec eux sur les questions soumises à leur examen et analyse. Elle est convaincue que le cadre proposé repose sur ses compétences, telles que définies dans les traités, et n’exclut aucune modification future de ces derniers.
31. Lors de ma visite à Bruxelles en juin 2014, j’ai discuté du cadre proposé avec des représentants de la Commission européenne, du Conseil de l’UE et du Parlement européen. On m’a informé que le Conseil de l’UE se montrait critique à l’égard de la proposition de la Commission européenne, considérant qu’elle n’était pas juridiquement fondée dans les traités et que, celle‑ci ayant été émise assez tardivement au cours du mandat tant de la Commission que du Parlement, le Parlement européen n’avait pas eu suffisamment de temps pour l’examiner avant les élections qui ont eu lieu en mai 2014.
32. Le cadre de la Commission européenne met l’accent sur les «menaces systématiques» et la coopération avec la Commission de Venise. Je reconnais avec Mme Lundgren que, «en règle générale, les problèmes systémiques liés à l’Etat de droit en Europe sont mis en évidence dans les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, les rapports analytiques par pays établis par le Conseil de l’Europe, en particulier ceux de ses organes de suivi compétents» 
			(41) 
			Voir
plus haut note 38, paragraphe 60. . Bien que l’expertise de la Commission de Venise, qui a aidé de nombreux Etats à élaborer une législation compatible avec les normes internationales des droits de l’homme, soit d’une importance primordiale à cet égard, il ne faut pas négliger d’autres sources d’information et d’expertise telles que les arrêts de la Cour, les rapports des organes de suivi du Conseil de l’Europe et le Commissaire aux droits de l’homme. Pour déterminer s’il existe une «menace systématique», il est nécessaire avant tout de consulter les arrêts de la Cour et, en particulier, ses arrêts pilotes et les conclusions du Comité des Ministres, qui supervise l’exécution des arrêts de la Cour.
33. Il est difficile de prévoir à ce stade les suites qui seront données à la Communication du 19 mars 2014 de la Commission européenne. Le nouveau Commissaire européen chargé de l’amélioration de la législation, des relations interinstitutionnelles, de l’Etat de droit et de la Charte des droits fondamentaux, M. Frans Timmermans, qui est également vice‑président de la Commission européenne, a pris ses fonctions le 1er novembre 2014. Le 12 novembre 2014, M. Timmermans a rencontré le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, M. Thorbjørn Jagland, avec lequel il s’est entretenu de l’état des droits de l’homme et de la démocratie en Europe, du cadre de l’Etat de droit dans l’Union européenne et de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme. La décision du président de la Commission européenne, M. Jean-Claude Juncker, de confier au Commissaire Timmermans des responsabilités spéciales eu égard à l’Etat de droit et à la Charte des droits fondamentaux montre son engagement – et celui de la Commission européenne – à résoudre les difficultés apparentes de l’UE à assurer le suivi des actions de ses Etats membres de ce point de vue. Dans les conclusions de la réunion du Conseil des affaires générales du 16 décembre 2014, le Conseil de l’UE et les Etats membres de l’UE se sont engagés à établir un dialogue annuel afin de «promouvoir et sauvegarder l’Etat de droit dans le cadre des traités», qui seront développés de façon «complémentaire avec les autres institutions de l’UE et les organisations internationales, en évitant la duplication et en prenant en compte les documents existants et l’expertise en ce domaine» 
			(42) 
			Voir
“Conclusions of the Council of the European Union and the member
States meeting within the Council on ensuring respect for the rule
of law” (en anglais), points 1 et 5..
34. La société civile appelle depuis longtemps l’UE à introduire un «mécanisme de type Copenhague» pour surveiller le respect des valeurs inscrites à l’article 2 du TUE. Pour le Centre d’études politiques européennes (CEPS), par exemple, ce mécanisme devrait être un mécanisme de suivi reposant sur l’évaluation régulière (ou un «tableau de bord») de la conformité des Etats membres avec lesdites valeurs et s’appuyant sur l’expertise d’universitaires, des Nations Unies, du Conseil de l’Europe et d’autres organes extérieurs à l’UE. Il pourrait être coordonné par la Commission européenne et ne nécessiterait pas à court terme une modification des traités 
			(43) 
			CEPS Policy Brief, Rule of law or rule of thumb? A New Copenhagen
Mechanism for the EU, S. Carrera, E. Guild et N. Hernanz,
n° 305, 20 novembre 2013. .
35. Je voudrais aussi mentionner dans ce contexte la décision récente de l’Assemblée de revoir sa procédure de suivi en invitant sa commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi) à «instaurer un examen périodique de groupes de pays, conformément à ses méthodes de travail internes» et à «lancer un suivi transnational thématique en étroite coopération avec les commissions pertinentes de l’Assemblée» 
			(44) 
			Résolution 2018 (2014) de l’Assemblée sur l’évolution de la procédure de suivi
de l’Assemblée (octobre 2013‑septembre 2014), adoptée le 2 octobre
2014, paragraphe 19. Voir également le rapport du rapporteur de
la commission de suivi, M. Stefan Schennach (Autriche, SOC), Doc. 13595.. Ces deux nouvelles procédures permettront à la commission de suivi et à l’Assemblée de conduire un suivi plus approfondi de tous les Etats membres du Conseil de l’Europe, y compris les Etats membres de l’UE, puisque jusqu’ici la majorité des Etats soumis au sens strict au suivi de l’Assemblée (suivi et dialogue post‑suivi) étaient des Etats non‑membres de l’UE (à l’exception de la Bulgarie). Une fois ces nouveaux mécanismes en place s’ouvriront des possibilités supplémentaires de coopération entre l’Assemblée et les institutions pertinentes de l’UE, y compris la Commission européenne.

3.4. L’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme: encore un long chemin à parcourir?

36. Les répercussions de l’adhésion de l’UE à la Convention européenne des droits de l’homme ont été rappelées au cours du débat d’actualité en juin 2012. L’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme est requise par l’article 6 du Traité de Lisbonne et prévue par l’article 59 de la Convention européenne des droits de l’homme, modifié par le Protocole n° 14 (STCE no 194). Le 17 mars 2010, la Commission européenne a proposé une série de directives de négociation en vue de l'adhésion de l'Union à la Convention. Le 4 juin 2010, les ministres de la Justice de l’UE ont donné mandat à la Commission européenne de conduire les négociations en leur nom. Le 26 mai 2010, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a donné mandat ad hoc à son Comité directeur pour les droits de l'homme (CDDH) d’élaborer, avec l’UE, les instruments juridiques indispensables à l’adhésion de l’Union européenne à la CEDH. Ce groupe de travail ad hoc a ensuite été remplacé par le Groupe de négociation ad hoc du CDDH et la Commission européenne en vue de l’adhésion de l’UE à la CEDH. Le 5 avril 2013, les négociations ont abouti à un accord sur les projets d’instruments juridiques nécessaires à l’adhésion et, le 4 juillet 2013, la Commission européenne a sollicité l’avis de la Cour de justice de l’UE sur la compatibilité du projet d’accord avec le droit de l’UE, conformément à l’article 218.11 du Traité sur le fonctionnement de l’UE (TFEU) 
			(45) 
			La Cour européenne
de justice avait déjà été appelée à se prononcer, sous le système
de traités antérieur, sur la capacité légale de l’UE à adhérer à
la CEDH; elle avait rendu un avis négatif: voir Avis 2/94 du 28 mars 1996. . Vingt‑quatre Etats membres sont intervenus au cours de la procédure devant la Cour de justice. Dans son avis du 13 juin 2014, l’avocat général Kokott a considéré que le projet d’accord était conforme avec le droit de l’UE.
37. Le 18 décembre 2014, la CJUE a rendu son avis sur le projet d’accord en vue de l’adhésion de l’UE à la CEDH. Elle juge que celui‑ci est incompatible avec le droit de l’UE en identifiant de nombreux points d’achoppement dans le projet d’accord, la conséquence en étant que l’adhésion de l’UE à la CEDH est devenue très difficile et même, au dire de certains observateurs, impossible 
			(46) 
			Voir l’article de S.
Douglas-Scott, Opinion
2/13 on EU accession to the ECHR: a Christmas bombshell
from the European Court of Justice, <a href='http://ukconstitutionallaw.org/'>UK Constitutional Law
Group Blog</a>, 24 décembre 2014.. La Cour de justice fait état de l’autonomie du droit de l’UE et mentionne ses caractères spécifiques, en soulignant qu’en cas d’adhésion à la CEDH, ses arrêts sur le droit de l’UE ne pourraient être remis en cause par la Cour européenne des droits de l’homme. Elle constate à cet égard, premièrement, que le projet d’accord ne contient aucune disposition visant à assurer la coordination entre la CEDH et la Charte des droits fondamentaux dans le cas où cette dernière prévoirait des normes de protection plus élevées. Deuxièmement, la CEDH exigerait de chaque Etat membre qu’il contrôle le respect des droits fondamentaux dans les autres Etats membres, ce qui irait à l’encontre du principe de confiance mutuelle entre les Etats membres découlant du droit de l’UE (principe extrêmement pertinent dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice, et surtout dans les cas d’application du mandat d’arrêt européen), et le projet d’accord ne contient aucune disposition pour l’éviter. Troisièmement, le mécanisme instauré par le Protocole n°16 à la CEDH (STCE no 214) 
			(47) 
			Signé le 2 octobre
2013. (autorisant les tribunaux nationaux à saisir la Cour européenne des droits de l’homme pour clarification de l’interprétation et de l’application des droits et libertés inscrits dans la CEDH) pourrait nuire à l’autonomie et à l’efficacité de la procédure préjudicielle prévue à l’article 267 du TFUE et le projet d’accord est également muet à ce sujet. La CJUE fait aussi valoir que le projet d’accord n’exclut pas la possibilité que la Cour européenne des droits de l’homme règle des litiges entre des Etats membres de l’UE, ce qui serait contraire au droit de l’UE (article 344 du TFUE), et critique le «mécanisme de co‑défendeur» 
			(48) 
			Le
mécanisme de co‑défendeur vise à assurer, dans les cas où une part
importante du droit de l’UE est mise en œuvre par ses Etats membres,
que les procédures engagées devant la Cour européenne des droits
de l’homme par des Etats ou des individus n’appartenant pas à l’UE
soient correctement référées aux Etats membres de l’UE concernés
et/ou à l’UE, le cas échéant. Une Partie contractante deviendrait
co-défendeur soit sur l’invitation de la Cour européenne des droits
de l’homme, soit sur décision de cette dernière en réponse à une
requête en ce sens de la Partie contractante elle‑même. proposé dans le projet d’accord, car l’octroi du statut de co‑défendeur exigerait que la Cour européenne des droits de l’homme évalue les règles du droit de l’UE régissant la répartition des pouvoirs entre l’UE et ses Etats membres. En outre, la CJUE analyse la procédure relative à son «implication préalable» 
			(49) 
			Cette
procédure envisagée dans le projet d’accord vise à permettre à la
CJUE de participer aux affaires portées devant la Cour européenne
des droits de l’homme dans lesquelles le droit de l’UE est en cause
mais n’a pas encore été interprété par la Cour de justice. avant une procédure devant la Cour européenne des droits de l’homme: elle considère que le projet d’accord ne lui réserve pas le pouvoir exclusif de décider si une question a déjà été traitée par la Cour de justice (c’est‑à‑dire qu’il n’exclut pas la possibilité pour la Cour européenne des droits de l’homme de se prononcer à ce sujet) et ne permet pas à la Cour de justice de trancher sur l’interprétation mais seulement sur la validité du droit de l’UE. Enfin, la CJUE, qui ne dispose que d’une juridiction limitée sur les décisions prises dans le cadre de la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC), déclare que le projet d’accord néglige de prendre en compte les caractéristiques spécifiques du droit de l’UE au regard du contrôle juridictionnel des décisions en ce domaine. Cela tient au fait qu’aux termes du projet d’accord, la Cour européenne des droits de l’homme se chargerait elle‑même du contrôle du droit de l’UE dans le domaine de la PESC.
38. L’adhésion de l’UE à la CEDH est une priorité pour la plupart des institutions européennes et, en particulier, pour la Commission européenne, comme l’ont annoncé son nouveau président, M. Jean-Claude Juncker, dans son allocution d’ouverture au Parlement européen 
			(50) 
			<a href='http://ec.europa.eu/priorities/docs/pg_fr.pdf'>A New
Start for Europe: My Agenda for Jobs, Growth, Fairness and Democratic
Change, Political Guidelines for the next European Commission,</a> Allocution d’ouverture du Parlement européen, Strasbourg,
15 juillet 2014. et le Commissaire Timmermans dans sa déclaration à l’occasion du 5e anniversaire de l’entrée en vigueur de la Charte des droits fondamentaux 
			(51) 
			Voir sa <a href='http://europa.eu/rapid/press-release_MEX-14-2264_en.htm'>déclaration
du 1er décembre 2014</a>.. Toutefois, il est regrettable que les Conclusions du Conseil européen sur certaines questions dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice et d’autres questions horizontales connexes n’en fassent pas mention. La liste des points problématiques relevés par la CJUE dans le projet d’accord est tellement longue que l’on peut s’interroger, à mon avis, sur la volonté de la Cour du Luxembourg d’accepter l’idée même d’adhésion de l’UE à la CEDH. Cela est particulièrement décevant aujourd’hui, puisqu’ont encore été étendus les pouvoirs de l’UE dans le domaine de la coopération en matière pénale où les droits de l’homme sont particulièrement pertinents.

3.5. L’Agence européenne des droits fondamentaux: un domaine de préoccupation particulière?

39. La création de l’Agence européenne des droits fondamentaux de l’UE (FRA) en 2007 a suscité des préoccupations au sein du Conseil de l’Europe et de l’Assemblée 
			(52) 
			Voir
la Résolution 1427 (2005) et la Recommandation
1744 (2006). au sujet des risques de chevauchement inutile avec le travail du Conseil de l’Europe. En 2008, un accord a été conclu entre la Communauté européenne et le Conseil de l’Europe sur la coopération entre l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne et le Conseil de l’Europe 
			(53) 
			JO
L186 du 15 juillet 2008, p. 6. Voir également <a href='http://www.europarl.europa.eu/webnp/webdav/users/jribot/public/PACE/signed EP-PACE Agreement.pdf'>Accord
sur le renforcement de la coopération entre l’APCE et le Parlement
européen (28 novembre 2007).</a>. Depuis lors, la FRA et le Conseil de l’Europe ont établi des formes de coopération appropriées et se sont consultés mutuellement dans leur travail quotidien. Les deux institutions travaillent parfois sur des questions identiques ou similaires, mais elles se servent d’outils différents pour mener à bien leurs activités respectives. La collecte de données de l’Agence et ses analyses factuelles pourraient compléter les travaux entrepris par les organes de suivi du Conseil de l’Europe.
40. L’Assemblée parlementaire a pris note de ce changement de contexte dans sa Résolution 1756 (2010) et sa Recommandation 1935 (2010) sur la nécessité d’éviter la duplication des travaux du Conseil de l’Europe par l’Agence européenne des droits fondamentaux, sur la base du rapport de notre collègue au sein de la commission, M. Boriss Cilevičs (Lettonie, SOC) 
			(54) 
			Doc. 12272.. Cependant, l’Assemblée a rappelé que la FRA devra utiliser comme référence principale dans ses travaux l’acquis du Conseil de l’Europe dans le domaine de la protection des droits de l’homme. Elle a également appelé les Etats membres et les institutions de l’UE «à examiner une nouvelle fois l’allocation de ressources financières et autres aux divers mécanismes européens de protection des droits de l’homme, afin de répartir celles-ci le plus efficacement possible» et regretté que le niveau du financement des activités principales du Conseil de l’Europe portant sur les droits de l’homme soit bien inférieur à celui de la FRA 
			(55) 
			Paragraphes 6.5 et
7 de la Résolution 1756
(2010)..
41. Dans sa réponse à la Recommandation 2027 (2013) de l’Assemblée «Programmes de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme: des synergies, pas des doubles emplois», le Comité des Ministres a rappelé l’«excellente coopération» développée entre le Conseil de l'Europe et la FRA «dans divers domaines sur la base de leurs mandats, forces et savoir-faire respectifs» et que les deux parties ont convenu que «l’Accord de 2008 entre la Communauté européenne et le Conseil de l’Europe conserve sa validité en tant que base pour la coopération entre la FRA et le Conseil de l’Europe» 
			(56) 
			Point
2 de la réponse, Doc.
13432.. Le Directeur de la FRA, M. Morten Kjaerum, a également souligné le caractère positif de cette coopération lors de l’audition devant notre commission en mars 2014. Il a indiqué que la FRA a entretenu un dialogue étroit avec les agents du Conseil de l’Europe et que les deux institutions sont complémentaires. Le Conseil de l’Europe est représenté par un membre indépendant au conseil d’administration et au bureau exécutif de l’Agence et cette dernière le consulte sur son programme d’activité annuel. L’Agence et la Cour européenne des droits de l’homme ont publié conjointement des manuels consacrés à la non-discrimination, au droit d’asile et à la protection des données; une publication sur les droits de l’enfant sera bientôt prête. La FRA s’est, elle aussi, penchée récemment sur les crimes de haine, auxquels elle a consacré une conférence en 2013; elle a élaboré avec l’ECRI (Commission européenne contre le racisme et l’intolérance) les recommandations de politique générale de cette dernière, réalisé des enquêtes sur la discrimination des minorités et rendu un rapport sur l’antisémitisme. La FRA a aussi tenu un échange de vues avec la BCE sur certains aspects relatifs aux droits de l’homme, mais son mandat est trop restreint pour lui permettre d’examiner en détail l’impact des décisions de la Troïka (la Commission européenne, la BCE et le Fonds monétaire international) sur les droits sociaux et économiques.

4. Les droits de l’homme dans l’action extérieure de l’Union européenne

42. Aux termes de l’article 21.1 du TUE, «l'action de l'Union sur la scène internationale repose sur les principes qui ont présidé à sa création, à son développement et à son élargissement et qu'elle vise à promouvoir dans le reste du monde: la démocratie, l'Etat de droit, l'universalité et l'indivisibilité des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le respect de la dignité humaine, les principes d'égalité et de solidarité et le respect des principes de la Charte des Nations Unies et du droit international».
43. Le Groupe de travail «Droits de l’homme» (COHOM) du Conseil de l’UE, qui comprend des experts des Etats membres et de la Commission européenne, examine les questions qui touchent aux droits de l’homme dans les relations extérieures de l’UE. Il se réunit régulièrement et examine les questions d’actualité préoccupantes en ce domaine et favorise l’inscription des problèmes relatifs aux droits de l’homme sur l’agenda d’autres réunions d’experts avec des pays tiers.
44. En 2012, l’UE a adopté le «Cadre stratégique sur les droits de l’homme et la démocratie», qui vise à promouvoir de façon cohérente les droits de l’homme dans les relations extérieures de l’UE, notamment dans des domaines tels que les échanges, l’investissement, le développement et la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC), ainsi qu’au regard des dimensions extérieures des politiques de la justice, des politiques intérieures, des politiques de l’emploi et des politiques sociales 
			(57) 
			Dans
sa Résolution 1901 (2012) sur les droits de l’homme et politique étrangère, l’Assemblée
a approuvé l’adoption du Cadre stratégique et du Plan d’action de
l’UE sur les droits de l’homme et la démocratie, en y voyant l’opportunité d’améliorer
les synergies entre le Conseil de l’Europe et l’UE et de renforcer
l’efficacité des efforts internationaux pour la promotion et la
protection des droits de l’homme dans le monde. . Pour mettre en œuvre ce cadre, elle a également adopté un Plan d’action, qui est venu à terme le 31 décembre 2014. En 2013, l’UE a adopté dans ce cadre près de 150 stratégies des droits de l’homme par pays et tenu des consultations sur les droits de l’homme avec 30 pays partenaires et groupements régionaux. Le Conseil de l’UE adopte chaque année un Rapport annuel sur les droits de l’homme et la démocratie dans le monde 
			(58) 
			Pour
le dernier rapport du 23 juin 2014, voir: <a href='http://eeas.europa.eu/human_rights/docs/2013_hr_report_en.pdf'>http://eeas.europa.eu/human_rights/docs/2013_hr_report_en.pdf</a>..
45. En juillet 2012, le Conseil de l’UE a nommé M. Stavros Lambrinidis Représentant spécial de l’Union européenne pour les droits de l’homme. La Décision 2012/440/CFSP du Conseil, du 25 juillet 2012, portant nomination du Représentant spécial de l’Union européenne pour les droits de l’homme a affecté un budget de € 712 500 au financement de ses activités jusqu’à la fin du premier semestre 2013 et lui a donné mandat:
a. de contribuer à la mise en œuvre de la politique en matière de droits de l’homme de l’Union européenne, notamment le Cadre stratégique sur les droits de l'homme et la démocratie et le Plan d’action sur les droits de l’homme et la démocratie de l’Union européenne, y compris en formulant des recommandations à cet égard;
b. de contribuer à la mise en œuvre des lignes directrices, boîtes à outils et plans d’action relatifs aux droits de l’homme et au droit international humanitaire de l’Union;
c. d’intensifier le dialogue avec les gouvernements des pays tiers et les organisations internationales et régionales sur les droits de l’homme, ainsi qu’avec les organisations et les autres acteurs pertinents de la société civile pour assurer l’efficacité et la visibilité de la politique de l’Union en matière de droits de l’homme;
d. de contribuer à améliorer la cohérence et l’homogénéité de la politique et des actions de l’Union dans le domaine de la protection et de la promotion des droits de l’homme, notamment en faisant part de ses observations pour la formulation des politiques pertinentes de l’Union.
46. Comme indiqué dans le Rapport annuel 2013 sur les droits de l’homme et la démocratie 
			(59) 
			Ibid., p. 14., M. Lambrinidis a concentré ses efforts sur le renforcement de l’engagement de l’UE en matière de droits de l’homme avec ses partenaires stratégiques, la résolution des défis concernant les droits de l’homme dans les pays en transition situés dans des régions pivots du monde, l’accroissement de la visibilité de l’UE et de son engagement avec les mécanismes multilatéraux et régionaux des droits de l’homme (Nations Unies, Conseil de l’Europe, Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN), Union africaine, Organisation de la coopération islamique), et sur l’intensification de la coopération de l’UE avec la société civile et de l’autonomisation de cette dernière dans le monde. Sur le plan thématique, il a continué à travailler à la protection des ONG et des défenseurs des droits de l’homme et à l’extension de leur sphère d’activité, à promouvoir l’universalité des droits de l’homme, à renforcer l’efficacité des dialogues de l’UE sur les droits de l’homme et à promouvoir les priorités thématiques essentielles de l’UE, notamment celles qui figurent dans les lignes directrices sur les droits de l’homme adoptées récemment. Il travaille sous l’autorité du Haut Représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité/Vice-Présidente de la Commission européenne et sous la direction des ambassadeurs du Comité politique et de sécurité de l’UE, en coordination avec le Service européen pour l’action extérieur (SEAE), la Commission européenne et le Parlement européen.
47. Lors de ma visite à Bruxelles, le président du COHOM, M. Bert Theuermann, m’a expliqué que la principale valeur ajoutée du Représentant spécial est sa visibilité, car M. Lambrinidis est perçu comme un acteur clé de la politique des droits de l’homme de l’UE. En outre, il incite fréquemment d’autres institutions de l’UE à examiner de plus près certaines questions qui touchent aux droits de l’homme, par exemple dans le domaine des migrations, de l’énergie et des activités des entreprises, et il a identifié comme acteurs stratégiques un certain nombre de pays tiers. Il m’a assuré qu’il n’existe aucun risque de duplication du travail du Conseil de l’Europe, car le travail du Représentant spécial est axé sur les relations extérieures de l’UE et que celui‑ci mentionne fréquemment le savoir-faire du Conseil de l’Europe et, en particulier, de la Commission de Venise.
48. D’autre part, l’UE a adopté un certain nombre de lignes directrices afin de promouvoir sa politique extérieure dans le domaine des droits de l’homme 
			(60) 
			Pour
une liste complète, voir: <a href='http://eeas.europa.eu/human_rights/guidelines/index_en.htm'>http://eeas.europa.eu/human_rights/guidelines/index_en.htm</a>., en particulier tout récemment les Lignes directrices sur la promotion et la protection de la liberté de religion et de conviction, les Lignes directrices sur la peine de mort, les Lignes directrices en faveur des droits des LGBTI en 2013 et les Lignes directrices sur la liberté d’expression en ligne et hors ligne en 2014. Ces lignes directrices ont été adoptées au niveau ministériel et, bien qu’elles ne soient pas juridiquement contraignantes, témoignent de la vigueur de l’engagement politique de l’UE pour promouvoir les droits en question.
49. Via l’Instrument européen pour la démocratie et les droits de l’homme (IEDDH), l’UE soutient notamment les ONG qui travaillent à promouvoir les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit. Les aides financières qui seront accordées entre 2014 et 2020 atteindront € 1,3 milliard.
50. En ce qui concerne les Etats membres du Conseil de l’Europe qui sont candidats à l’adhésion à l’UE, la Commission européenne consulte régulièrement les instances et organes pertinents du Conseil de l’Europe. S’agissant de la dimension des droits de l’homme dans les accords commerciaux de l’UE, la Commission européenne réalise une «évaluation d’impact» prenant en compte cette problématique avant d’engager le processus de négociation 
			(61) 
			Ibid.,
p. 27. . Dans ses accords avec des pays tiers, l’UE inclut régulièrement des «clauses sur les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit» afin de promouvoir ses valeurs et principes politiques. En cas de non-respect de telles clauses, qui sont considérées comme des éléments essentiels de ces accords, l’UE peut prendre des mesures restrictives, y compris en dernier ressort la suspension en totalité ou en partie d’un accord 
			(62) 
			Ibid.,
p. 106..
51. Les sanctions – ou mesures restrictives – à l’encontre de pays tiers, d’individus ou d’entités constituent en outre un outil essentiel de la politique étrangère de l’UE et sont appliquées conformément aux principes de la Politique étrangère et de sécurité commune. Elles sont adoptées sous la forme de «Positions communes» du Conseil de l’UE. Leur mise en œuvre est assurée par la Commission européenne et les Etats membres. Elles ne font l’objet d’aucun contrôle juridictionnel, ou seulement d’un contrôle très limité 
			(63) 
			Pour plus d’informations,
voir: <a href='http://eeas.europa.eu/cfsp/sanctions/index_en.htm'>http://eeas.europa.eu/cfsp/sanctions/index_en.htm</a>..
52. Le Parlement européen suit régulièrement la situation des droits de l’homme dans des pays tiers grâce aux travaux de sa sous‑commission des droits de l’homme (DROI), qui prépare le Rapport annuel du Parlement européen sur les droits de l’homme et invite fréquemment des représentants de la société civile et des défenseurs des droits de l’homme à participer à ses réunions 
			(64) 
			Voir
note 59, p. 120. Voir également p. 124-125 et 128 au sujet du rôle
d’autres commissions du Parlement européen et de leurs travaux en
2013.. Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne et l’extension des pouvoirs reconnus au Parlement européen aux fins de la conclusion d’accords internationaux, sa Commission des affaires étrangères (AFET) et sa Commission du commerce international (INTA) remplissent également un rôle important dans ce domaine. Le Parlement européen décerne aussi chaque année le prix Sakharov pour la liberté d’expression.

5. L’Union européenne, la crise économique et les droits fondamentaux

53. L’impact de la crise sur les droits de l’homme a déjà été examiné par l’Assemblée 
			(65) 
			Voir, par exemple, Résolution 2024 (2014) et Recommandation
2058 (2014) «L’exclusion sociale: un danger pour les démocraties
européennes», Résolution
1719 (2010) et Recommandation
1911 (2010) sur les femmes et la crise économique et financière
et Résolution 1651 (2009) sur les conséquences de la crise financière mondiale., en particulier dans sa Résolution 1884 (2012) «Mesures d'austérité: un danger pour la démocratie et les droits sociaux» 
			(66) 
			Voir
également le rapport de la commission des questions sociales, de
la santé et du développement durable, (rapporteur: M. Andrej Hunko,
Allemagne, GUE), Doc. 12948. , et par d’autres instances du Conseil de l’Europe 
			(67) 
			Voir,
par exemple, le rapport du Commissaire aux Droits de l’homme, Protéger
les droits de l’homme en temps de crise économique, novembre 2014.. Pendant la partie de session de janvier 2015, l’Assemblée discutera, entre autres, du rapport de la commission sur l’égalité et la non‑discrimination portant sur «L’égalité et la crise» 
			(68) 
			Doc. 13661 (rapporteur: M. Nikolaj Villumsen, Danemark, GUE). . Je ne chercherai donc pas à dupliquer le travail de mes collègues.
54. Bien que la Cour européenne des droits de l’homme soit demeurée assez silencieuse sur cette question (puisque, en principe, la CEDH ne garantit pas les droits sociaux et économiques), le Comité européen des Droits sociaux (CEDS) – suite à plusieurs réclamations collectives – a constaté dans plusieurs pays un certain nombre de violations de la Charte sociale européenne (révisée) en relation avec des mesures d’austérité 
			(69) 
			Conclusions
annuelles du Comité européen des Droits sociaux, 29 janvier 2014, <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/socialcharter/conclusions/conclusionsindex_FR.asp'>www.coe.int/t/dghl/monitoring/socialcharter/conclusions/conclusionsindex_FR.asp</a>.. Par exemple, en Grèce, la législation autorisant le licenciement sans préavis ni indemnisation de salariés employés sur la base d’un contrat à durée indéterminée pendant une période d’essai de douze mois a été jugée contraire à l’article 4.4 de la Charte sociale européenne (qui reconnaît le droit de tous les travailleurs à un délai de préavis raisonnable en cas de cessation d’emploi), bien que constituant l’une des conditions de l’accord de prêt entre la Grèce et les institutions de l’UE et le Fonds monétaire international (FMI) 
			(70) 
			Fédération générale des employés des compagnies
publiques d’électricité (GENOP-DEI) et Confédération des syndicats
des fonctionnaires publics (ADEDY) c. Grèce (n° 65/2011),
décision sur le bien-fondé de la réclamation adoptée le 23 mai 2012.. Les réductions des retraites de vieillesse, introduites également aux termes d’un accord avec la Troïka, ont aussi été jugées contraires à son article 12.3, qui prévoit l’obligation de porter progressivement le régime de sécurité sociale à un niveau plus haut 
			(71) 
			Fédération
des pensionnés salariés de Grèce (IKA-ETAM) c. Grèce (n° 76/2012)
et un certain nombre de décisions similaires rendues le 7 décembre
2012. . Une comparaison entre la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et du CEDS en relation avec la crise économique montre qu’elles reposent sur des approches différentes: alors que la Cour européenne des droits de l’homme accorde aux Etats membres une certaine marge d’appréciation lorsqu’ils adoptent des mesures d’austérité, le CEDS a pris clairement position en faveur de la protection des droits essentiels couverts par la CSE 
			(72) 
			Comité directeur pour
les droits de l’homme (CDDH), L’impact de la crise économique et
des mesures d’austérité sur les droits de l’homme en Europe, Projet
d’étude de faisabilité, CDDH(2014)017, 4 novembre 2014, p. 9. Voir
aussi p. 7 pour les décisions de non‑recevabilité de requêtes contestant
les mesures d’austérité qui ont été rendues par la Cour européenne
des droits de l’homme. .
55. Je souhaite aussi examiner si les décisions prises par certaines institutions de l’UE en relation avec la crise économique et financière de la zone euro ont été conformes aux principes démocratiques et au respect des droits de l’homme. Premièrement, la Troïka qui, dans ses accords d’aide financière avec Chypre, la Grèce, l’Irlande et le Portugal, a imposé un certain nombre de conditions telles que des augmentations d’impôts, des réductions de dépenses et des mesures structurelles visant à libéraliser le marché de l’emploi et certains secteurs protégés ne semble guère soumise, ou même pas du tout, à l’obligation de rendre des comptes. D’autre part, dans son arrêt sur l’affaire Pringle 
			(73) 
			Thomas Pringle, affaire C-370/12,
arrêt du 27 novembre 2012., la Cour de justice de l’UE a statué que, lorsque les Etats membres ont décidé de créer le Mécanisme européen de stabilité (dans lequel, comme indiqué, la Commission européenne et la BCE jouent un rôle majeur) comme une organisation internationale séparée devant servir de mécanisme permanent de résolution de la crise dans la zone euro, ils n’ont pas agi dans le cadre du droit de l’UE, car rien dans les Traités ne confère à l’UE des compétences spécifiques en ce sens. Par conséquent, la Charte des droits fondamentaux ne s’applique pas à la création du MES par les Etats membres au sens de l’article 51 de la Charte. Le Mécanisme européen de stabilité a été créé par la Décision 2011/199 du Conseil européen modifiant l’article 136 du TFUE.
56. Comme je souhaitais examiner si les décisions prises par la BCE étaient conformes aux principes démocratiques et au respect des droits de l’homme, j’ai invité M. Jean-Claude Trichet, ancien président de la BCE, à une audition devant la commission des questions juridiques le 3 mars 2014. Je suis très reconnaissant à M. Trichet d’avoir accepté l’invitation de la commission. Dans un exposé très intéressant, l’ancien président de la BCE nous a présenté son point de vue sur les mesures prises par l’UE, et en particulier la BCE, pour combattre la crise économique et financière.
57. M. Trichet a souligné que toutes les décisions de la BCE ont été prises conformément aux traités européens. Selon les services juridiques de la Commission européenne, du Conseil de l’UE et de la BCE, c’est à la Cour de justice de l’UE qu’il revenait d’évaluer leur compatibilité avec le droit de l’UE. La crise financière et économique qui a commencé en 2007 est la plus grave que les pays développés aient eue à subir depuis la seconde guerre mondiale. Les Etats de l’UE se trouvant dans une situation de déséquilibre économique et financier n’auraient pas été dans une telle situation s’ils avaient respecté le Traité de Maastricht et le Pacte de stabilité et de croissance; ils auraient dû aussi accorder une plus grande attention à leur compétitivité. M. Trichet a néanmoins reconnu que certains Etats, notamment l’Irlande qui avait respecté les critères de Maastricht mais avait négligé de tenir compte des craintes suscitées par la bulle du marché de l’immobilier, sont atteints par une crise similaire. Les investisseurs et les organismes de financement ont perdu confiance en eux, comme le montre le prix des contrats d’échange de défaut de crédit. Pendant la dernière phase de la crise, a-t-il indiqué, seules deux solutions étaient envisageables: soit l’aide d’un généreux philanthrope prêt à continuer à financer les déficits actuels et à remplacer les investisseurs effrayés par l’ampleur des déficits, soit la prise de mesures d’ajustement par les Etats concernés pour ramener les déficits à un niveau jugé viable par les investisseurs. En l’absence d’un philanthrope, le Fonds monétaire international et/ou d’autres institutions et les gouvernements européens se sont montrés prêts à aider les pays concernés à réaliser leur ajustement inévitable. Il a souligné qu’aucun Etat n’a été contraint à accepter un programme d’aide; les Etats pouvaient refuser l’aide et effectuer eux‑mêmes les ajustements nécessaires. Il a ensuite déclaré que la rapidité des ajustements économiques ne devrait pas être aujourd’hui remise en cause, mais que l’on devrait plutôt s’interroger sur leur équité ou non‑équité, et que les mesures prises devraient être évaluées sous cet angle via les processus démocratiques des Etats concernés. Les revenus des citoyens devraient diminuer de façon proportionnée car, à son avis, c’est le seul moyen de protéger l’emploi. Il a admis, cependant, que le «pouvoir de négociation» des personnes qui ont un emploi ou qui occupent de manière générale des postes plus élevés au sein de la société est plus important que celui des chômeurs ou des autres personnes défavorisées dont les avantages non seulement pourraient mais devront être réduits de façon très importante. Tout en reconnaissant que cela pourrait conduire à ce que les processus démocratiques dans les pays concernés aboutissent à des résultats déséquilibrés ou inéquitables en matière de partage du coût des mesures d’ajustement, il a rejeté l’idée que la BCE devrait tenir compte de la Charte des droits fondamentaux en formulant ses propositions. Sachant que des déficits budgétaires excessifs finissent toujours par rattraper les pays concernés et mener à la catastrophe, il convient d’insister sur l’impératif de bonne gestion, de mettre en œuvre les procédures de surveillance de l’équilibre macro‑économique, de finaliser les travaux sur l’union bancaire et de disposer d’instruments comme le Fonds de stabilité européen. Le préjudice causé aux droits économiques et sociaux n’est pas l’œuvre du FMI ou de la Troïka: en absence d’un philanthrope mondial, les déficits devaient être diminués.
58. M. Trichet a déclaré que le Parlement européen devrait avoir un pouvoir de contrôle plus important sur les décisions prises par les institutions de l’UE à propos du fonctionnement de la zone euro. Le processus de prise de décision en vue de résoudre la crise a, en effet, été long mais cela a tenu au fait que les Etats opéraient dans le cadre de l’UE et devaient respecter les procédures démocratiques.
59. Bien que la BCE ait été créée comme une institution de l’Union européenne dans le TUE, M. Trichet ne voit guère la pertinence de la Charte des droits fondamentaux ou de l’Agence des droits fondamentaux au regard de son activité et ne voit non plus aucun avantage à ce que la FRA examine les effets de ses politiques. Il a également rejeté l’idée que le droit de travailler, inscrit dans la Charte, devait être pris en compte dans l’établissement de la politique monétaire de la BCE, dont l’objectif premier, tel que défini à l’article 2 des statuts de la BCE, est de maintenir la stabilité des prix dans la zone euro.
60. L’exposé de M. Trichet reflétait évidemment les opinions d’un économiste et d’un ancien président de banque centrale. En ce qui concerne la responsabilité de la Troïka à l’égard des mesures d’austérité, il a clairement souligné que la responsabilité politique première de l’acceptation de ces mesures incombe aux Etats qui ont accepté l’aide financière de l’Union européenne et du FMI. Le rapporteur de la commission sur l’égalité et la non‑discrimination, M. Villumsen, a recueilli des propos similaires lors de ses entretiens avec des représentants de la Troïka à Lisbonne et a ensuite parlé de «responsabilité partagée» 
			(74) 
			Note 69, paragraphe
6. . Au sein de l’UE, l’absence de responsabilité de la Troïka, l’absence de transparence des accords conclus avec elle et l’absence globale de contrôle démocratique à cet égard ont été critiquées par le Parlement européen dans deux résolutions adoptées le 13 mars 2014 
			(75) 
			«Aspects
liés à l’emploi et dimensions sociales du rôle et des activités
de la Troïka» et «Le rôle et les activités de la Troïka dans les
pays du programme de la zone euro».. Le Parlement européen a exprimé des doutes sur la question de savoir si la Commission européenne n’avait pas abusé de ses pouvoirs en tant que «gardienne des traités» et contesté le rôle de la BCE. Le rapporteur du Parlement européen, M. Alejandro Cercas, a même jugé que les mesures proposées par la Troïka étaient contraires à l’article 9 du TUE, qui stipule que l’UE «respecte le principe de l'égalité de ses citoyens, qui bénéficient d'une égale attention de ses institutions, organes et organismes» dans toutes les activités de l’UE.
61. M. Trichet a refusé tout commentaire spécifique sur la légalité des transactions monétaires directes. Je noterai aussi à cet égard qu’une affaire concernant la légalité de la décision du 6 septembre 2012 de la BCE introduisant un programme de rachat des obligations d’Etat émises par les Etats de la zone euro – il s’agit du programme OMT (Outright Monetary Transactions/transactions monétaires directes) – est en instance d’examen devant la Cour de justice de l’UE, suite à une demande de décision préjudicielle de la Cour constitutionnelle fédérale allemande (Bundesverfassungsgericht) 
			(76) 
			Déposée le 10 février
2014. Affaire C-62/14, Peter Gauweiler
et Autres.. La Bundesverfassungsgericht pose la question de savoir si ladite décision de la BCE est compatible avec l’article 119 et les articles 127.1 et 127.2 du TFUE (il s’agit de déterminer si les OMT constituent une mesure de politique économique, et non une mesure de politique monétaire) et l’article 123.1 du TFUE (sur l’interdiction du crédit monétaire). Dans un avis très récent du 14 janvier 2015, l’avocat général Cruz Villalón propose que la Cour de justice réponde que les OMT, si elles sont introduites, ne sont compatibles avec les Traités que sous certaines conditions. Elles sont compatibles avec l’article 119 et les articles 127.1 et 127.2 du TFUE à condition que «la BCE s’abstienne de toute participation directe aux programmes d’aide financière auxquels est lié le programme des OMT (…)», et avec l’article 123.1 du TFUE à condition que «le calendrier de sa mise en œuvre soit tel qu’il permette la formation effective d’un prix du marché eu égard aux obligations d’Etat» 
			(77) 
			Paragraphe 263..
62. Pendant ma visite à Bruxelles, j’ai discuté avec des représentants de la Commission européenne des conséquences sociales des décisions prises par cette dernière en relation avec la crise économique. Mes interlocuteurs de la Commission européenne (DG Emploi) m’ont déclaré qu’en effet, une meilleure évaluation de leur impact social est nécessaire. Cependant, la Commission européenne a pris certaines mesures pour renforcer la dimension sociale et d’emploi de l’union économique et monétaire. Dans sa Communication «Renforcer la dimension sociale de l’union économique et monétaire» 
			(78) 
			COM(2013)690, 2 octobre
2013., la Commission européenne a inclus plusieurs indicateurs clés en matière sociale et d’emploi (comme le chômage et le risque de pauvreté) afin d’être mieux en mesure – et à un stade plus précoce – d’identifier les problèmes sociaux et d’emploi majeurs 
			(79) 
			Voir l’annexe
à la Communication.. Elle a aussi appelé à une meilleure coordination et à un meilleur suivi des politiques sociales et de l’emploi dans le cadre du «semestre européen» et à renforcer le rôle du dialogue social. En outre, des considérations sociales et d’emploi figurent dans les deux Règlements 472/2013 (UE) 
			(80) 
			Règlement du Parlement
européen et du Conseil relatif au renforcement de la surveillance
économique et budgétaire des Etats membres de la zone euro connaissant
ou risquant de connaître de sérieuses difficultés du point de vue
de leur stabilité financière. et 473/2013 (UE) 
			(81) 
			Règlement du Parlement
européen et du Conseil établissant des dispositions communes pour
le suivi et l'évaluation des projets de plans budgétaires et pour
la correction des déficits excessifs dans les Etats membres de la
zone euro. sur la surveillance budgétaire du 21 mai 2013. Le premier stipule que les Etats membres, lors de l’établissement de leurs projets de programmes d’ajustement macroéconomique, doivent solliciter l’avis des partenaires sociaux et des organisations pertinentes de la société civile. Le second les oblige à fournir des informations générales sur les dépenses et l’éducation, la santé et l’emploi.
63. Mes interlocuteurs de la Commission européenne ont aussi affirmé qu’il n’existe aucun risque de duplication du travail dans le domaine des droits sociaux et économiques entre l’UE et le Conseil de l’Europe, les normes de ce dernier (la Charte sociale européenne) ayant été adoptées il y a longtemps. La Cour de justice de l’UE a évidemment un rôle à jouer à cet égard, puisqu’elle a juridiction à interpréter les droits inscrits dans la Charte. Néanmoins, il existe un risque de divergences entre les normes de l’UE (CJUE) et celles du Conseil de l’Europe (principalement le Comité européen des Droits sociaux), comme le montre l’affaire Confédération générale du travail de Suède (LO) et Confédération générale des cadres, fonctionnaires et employés (TCO) c. Suède concernant le droit de négociation collective et le droit de grève 
			(82) 
			Affaire n° 85/2012,
décision sur la recevabilité et le bien-fondé du 3 juillet 2013..
64. A l’occasion de la conférence de haut niveau à Turin les 17 et 18 octobre 2014, à laquelle j’ai participé, la sous‑commission sur la Charte sociale européenne de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable a adopté une déclaration dans laquelle elle déplore le fait que «de nombreux programmes d’austérité et de consolidation fiscale ont été mis en œuvre sans consultation préalable avec les partenaires sociaux et ne sont pas en conformité avec la Charte sociale européenne, ni avec la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne». La sous‑commission appelle les gouvernements et parlements européens à renforcer la protection des droits sociaux et les mécanismes qui s’y rapportent en «évaluant les conséquences des mesures d’austérité sur les droits sociaux et démocratiques dans le passé, et en encourageant l’adoption de programmes pour la restauration des droits et des institutions pour un dialogue social le cas échéant» et en «assurant que les objectifs fiscaux et les réformes structurelles ne portent pas atteinte au travail décent et à l’emploi pour tous, et en promouvant une distribution équitable des revenus». Elle a également appelé à renforcer le rôle pivot de la Charte sociale européenne et à maintenir la cohérence entre les normes de l’UE et du Conseil de l’Europe. J’approuve pleinement ces déclarations.

6. Conclusions

65. Tous les Etats membres de l’UE sont membres du Conseil de l’Europe et sont Parties à la Convention européenne des droits de l’homme. L’UE est elle‑même basée sur des valeurs fondamentales identiques: démocratie, Etat de droit et droits de l’homme. Dans certains domaines, elle s’efforce même d’assurer une plus forte protection, comme le montre le champ d’application concret de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, qui constitue un instrument moderne dans le domaine des droits de l’homme. Dans ses relations extérieures avec des pays tiers, l’UE promeut les droits de l’homme en insérant des «clauses des droits de l’homme» dans les accords de partenariat économique ou en imposant des sanctions ciblées. Néanmoins, deux problèmes essentiels n’ont toujours pas été résolus: l’UE, qui est une puissante organisation dotée d’une administration énorme, n’a pas encore adhéré à la CEDH (alors que tous ses Etats membres ont dû le faire avant d’adhérer à l’UE) et elle a des difficultés à discipliner ses Etats membres en cas de risque de violations graves et systémiques des valeurs inscrites à l’article 2 du TUE. De plus, la réponse des institutions de l’UE à la crise économique est extrêmement controversée, en raison de l’absence de transparence – et d’obligation de rendre des comptes – de la part des décideurs.
66. Au cours de ma visite à Bruxelles, des représentants de la société civile se sont plaints également des aspects suivants: le manque d’accès à certaines procédures et documents; l’absence d’une procédure formalisée pour les interventions de tierces parties devant la CJUE; la passivité de la Commission européenne en cas de violations graves des droits de l’homme (notamment l’absence de procédures en manquement dans les cas de violation des droits des Roms ou des demandeurs d’asile); le découplage des questions d’immigration de celles des droits de l’homme; le rôle insuffisant du FREMP (Groupe «Droits fondamentaux, droits des citoyens et libre circulation des personnes») du Conseil de l’UE; et le fait que le Parlement européen n’ait pas sollicité l’avis de la FRA au sujet de tous les projets législatifs et des projets d’amendements concernant des propositions auxquelles l’Agence avait contribué par des orientations ou des conseils. Ces remarques devraient, bien entendu, être adressées directement aux dirigeants et aux institutions de l’UE mais elles ne sont pas sans pertinence pour nos collègues parlementaires des Etats membres de l’UE.
67. La Convention européenne des droits de l'homme demeure la pierre angulaire du système de protection des droits de l'homme en Europe et l'UE devrait adhérer à la CEDH. L’adhésion de l’UE à la CEDH permettrait de résoudre de nombreux problèmes résultant de la coexistence des ordres juridiques distincts de l’UE et du Conseil de l’Europe; elle devrait constituer une priorité politique pour les décideurs de l’UE. L’Avis 2/13 de la CJUE, qui a mis en veilleuse pour longtemps l’ensemble du processus, semble montrer la profonde réticence de la Cour de Luxembourg vis‑à‑vis de tout contrôle extérieur des actions de l’UE. La renégociation du projet d’accord de manière à prendre en compte les préoccupations exprimées par la CJUE demandera de nombreux mois, peut‑être même des années, et la bonne volonté des institutions de l’UE, des Etats membres de l’UE et des 19 Etats membres du Conseil de l’Europe qui ne sont pas membres de l’UE. L’adhésion de l’UE à la CEDH – prévue à l’article 6 du TUE – constitue une obligation légale pour l’UE et ses Etats membres. J’appelle les gouvernements de tous les Etats membres de l’UE, et l’UE elle‑même (Conseil, Commission et Parlement européen), à prendre des mesures appropriées pour accélérer le processus d’adhésion de l’UE à la CEDH. Ce processus devrait aussi être plus transparent qu’il ne l’a été jusqu’ici (voir aussi l’arrêt Besselink précité de la CJUE) 
			(83) 
			Voir
plus haut note 22..
68. Bien que le respect des «critères de Copenhague» fasse l’objet d’un contrôle strict avant l’adhésion d’un pays candidat à l’UE, les outils existants ne permettent pas le suivi complet et cohérent de la poursuite de leur application dans les Etats membres de l’UE. En dépit de l’existence de normes élevées de l’UE en ce domaine – à savoir les normes découlant de l’article 2 du TUE et de la Charte des droits fondamentaux, et du fait que tous les Etats membres de l’UE sont Parties à la CEDH –, la situation est loin d’être parfaite. Certains Etats membres sont toujours confrontés à des risques graves de violation du principe de l’Etat de droit en raison d’interférences dans le système constitutionnel d’équilibre entre les pouvoirs (par exemple en Hongrie et en Roumanie), de problèmes systémiques dans le fonctionnement du système judiciaire (par exemple sous la forme de scandales de corruption, comme en Bulgarie et en Roumanie, ou de la durée excessive des procédures, comme en Italie) et de l’absence d’investigation adéquate de nombreuses violations graves et/ou répandues (comme les centres de détention de la CIA, l’utilisation de l’espace aérien ou des aéroports des Etats membres pour des «vols de restitution» ou la participation de certains Etats occidentaux aux activités de surveillance massive menées par l’Agence nationale de la sécurité (NSA) des Etats-Unis).
69. Comme l’a souligné Amnesty International, la violence à l’égard des femmes, des migrants, des Roms et des personnes LGBTI reste très répandue à l’intérieur de l’UE, et les mesures de contrôle des frontières mettent en danger les réfugiés et les demandeurs d’asile, dont beaucoup perdent la vie en cherchant à atteindre l’UE. Amnesty International a souligné que l’UE devrait «développer des politiques et des pratiques de protection dans le domaine de l’immigration, en respectant les droits fondamentaux des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile, et prévenir de nouveaux accidents mortels en mer» 
			(84) 
			Voir <a href='http://www.amnesty.eu/en/news/press-releases/all/new-eu-leadership-must-work-together-to-prioritise-human-rights-0766/'>communiqué
de presse du 27 juin 2014</a>, New EU leadership must work together to prioritise
human rights.. L’organisation appelle aussi les dirigeants de l’UE à «assurer que les droits de l’homme forment le socle des politiques et pratiques intérieures (et extérieures) de l’UE» 
			(85) 
			Voir <a href='http://www.amnesty.eu/en/news/press-releases/eu/eu-leaders-actions-must-speakӘ-louder-than-any-words-at-this-weekӘ-s-summit-to-protect-human-righ-0765/'>communiqué
de presse du 26 juin 2014</a>, EU leader’s actions must speak louder than any words
at this week’s Summit to protect human rights and their own credibility. .
70. Des problèmes en matière de droits de l’homme persistent à l’intérieur des Etats membres de l’UE et il faut accueillir positivement toute mesure visant à améliorer le suivi interne de l’UE à cet égard. Cependant, toute initiative en ce sens, comme la proposition de la Commission européenne sur «un nouveau cadre pour renforcer l’Etat de droit», doit être soigneusement examinée et le Conseil de l’Europe devrait se montrer vigilant afin d’éviter tout chevauchement inutile des tâches des deux organisations et le gaspillage de ressources déjà peu nombreuses. Il est regrettable que, malgré les critiques exprimées par l’Assemblée, d’autres organes du Conseil de l’Europe restent assez silencieux à ce sujet, mais cela s’explique peut‑être par le fait que la majeure partie (près de 86 %) des activités d’aide technique et de coopération de cette institution visant à promouvoir le respect des droits de l’homme et l’Etat de droit sont financées par l’UE via les «programmes conjoints» 
			(86) 
			L’UE demeure le contributeur
le plus important des Programmes conjoints du Conseil de l’Europe
axés sur la coopération et l’aide technique en direction des Etats
candidats à l’adhésion à l’UE, ainsi que des pays du Partenariat oriental
de l’UE, du Sud de la Méditerranée et de l’Asie centrale. En 2013,
la contribution de l’UE aux 55 Programmes conjoints s’est élevée
à € 81,9 millions, soit 86 % du total des contributions. .
71. Dans sa réponse de février 2014 à la Recommandation 2027 (2013) de l’Assemblée, le Comité des Ministres a soutenu sans réserve le Secrétaire Général qui a indiqué à ses interlocuteurs de l’UE qu’«un éventuel futur cadre de l’UE devrait tenir compte des instruments et de l’expertise du Conseil de l’Europe et coopérer étroitement avec celui-ci» 
			(87) 
			Doc. 13432, paragraphe 4.. Le Comité des Ministres a également estimé qu’en l’absence d’informations détaillées (à cette date, c’est‑à‑dire avant la publication de la Communication de la Commission européenne en mars 2014), il était prématuré de percevoir cette initiative comme «amoindrissant le rôle du Conseil de l’Europe ou du système de la Convention» 
			(88) 
			Ibid.,
paragraphe 5.. Il n’a pas paru aussi préoccupé des risques de duplication du travail et de gaspillage inutile de ressources et s’est abstenu d’évoquer la manière dont le Conseil de l’Europe pourrait prendre part au processus d'élaboration de ladite initiative et faire en sorte que l'UE tienne compte de son savoir-faire. Je suis pleinement convaincu que le Comité des Ministres devrait revoir sa position, attirer plus fortement l’attention sur les initiatives récentes à l’intérieur de l’UE concernant le «nouveau cadre pour renforcer l’Etat de droit» et prendre des mesures supplémentaires pour promouvoir le savoir-faire de notre Organisation et établir/poursuivre la coopération entre les deux organisations, comme spécifié dans le Mémorandum d’accord de 2007.
72. Lors de ma visite à Bruxelles, nombre de mes interlocuteurs au sein des institutions de l’UE ont appelé au développement d’une coopération mieux structurée avec le Conseil de l’Europe et je suis pleinement d’accord avec eux. De nombreux collègues à l’intérieur de notre Organisation entretiennent des relations de travail plus ou moins régulières avec leurs homologues de l’UE; cependant, cette coopération, de nature souvent thématique, a fréquemment un caractère fragmentaire et dispersé. Cette remarque vaut également pour notre Assemblée, qui devrait essayer d’établir des contacts de travail plus réguliers et mieux structurés avec les commissions pertinentes du Parlement européen (la Commission LIBE principalement pour ce qui concerne notre commission).
73. Beaucoup de choses restent à élucider en ce qui concerne le rôle de l’UE dans l’imposition de mesures d’austérité à certains Etats menacés par la crise économique et financière dans la zone euro. Ces mesures, qui portent fréquemment atteinte aux droits sociaux, affectent tout particulièrement les groupes les plus vulnérables (jeunes, personnes âgées, migrants, femmes et handicapés) et peuvent favoriser la montée des extrémismes, du racisme, des crimes haineux et de l’intolérance. Les interventions de la Troïka ou de la seule Commission européenne sont souvent présentées comme le seul moyen de sortir de la crise; telle est notamment l’opinion de M. Trichet, ancien président de la BCE. Sans vouloir nécessairement «juger» de l’opportunité ou du caractère approprié des décisions politiques prises par les gouvernements en acceptant l’aide financière internationale et/ou de l’UE, j’aimerais souligner que les circonstances dans lesquelles ces décisions ont été prises ont souvent manqué de transparence, et que celles‑ci n’ont fait l’objet d’aucun contrôle juridictionnel. Les décideurs de l’UE devraient réfléchir aux moyens d’améliorer la transparence et le caractère démocratique de ces processus. L’UE et/ou le Conseil de l’Europe pourraient‑ils, par exemple, élaborer une liste des «critères de conformité pour l’imposition de mesures d’austérité», comme l’a fait le Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme 
			(89) 
			«Austerity
measures and economic, social and cultural rights», p. 12.?