1. Introduction
1.1. Procédure
1. Au cours de sa partie de session de juin 2012, l’Assemblée
parlementaire a répondu favorablement à une demande de débat d’actualité
sur «Les institutions européennes et les droits de l’homme en Europe». Cette
demande était motivée par la décision de l’Union européenne de nommer
un Représentant spécial pour les droits de l'homme, qui faisait
craindre un double emploi avec les activités du Conseil de l’Europe.
Le 29 juin, l’Assemblée a renvoyé cette question à la commission
des questions juridiques et des droits de l’homme, pour rapport

. J’ai été nommé rapporteur le 6 septembre
2012.
2. Le 3 mars 2014, la commission a organisé une audition à laquelle
ont participé M. Jean-Claude Trichet, gouverneur honoraire de la
Banque de France (Paris) et ancien président de la Banque centrale
européenne (BCE), et M. Morten Kjaerum, directeur de l’Agence des
droits fondamentaux (FRA) de l’Union européenne (Vienne). Les 12
et 13 juin 2014, j’ai effectué une visite d’information à Bruxelles,
où j’ai rencontré plusieurs responsables du Service européen pour
l’action extérieure, du Conseil de l’Union européenne, de la Commission
européenne et du Parlement européen, ainsi que des représentants
d’Amnesty International et du Centre d’études politiques européennes
(CEPS, un groupe de réflexion).
1.2. Questions en jeu
3. Au cours du débat de juin 2012 à l’Assemblée, de
nombreux participants ont appelé à élargir la réflexion au-delà
du chevauchement d’activités qui pourrait résulter de la nomination
d’un Représentant spécial de l’Union européenne pour les droits
de l’homme et du double emploi croissant des rôles et fonctions
de l’Union européenne (UE) et du Conseil de l’Europe

. Ils ont souligné la nécessité d’examiner
les tendances qui se dessinent dans l’évolution de l’Union européenne
et le respect par cette dernière des valeurs fondamentales du Conseil
de l’Europe, à savoir les droits de l’homme, l’Etat de droit et
la démocratie en Europe. Le débat qui s’ouvre en Europe sur la codécision
et le «déficit démocratique» dans l’UE a aussi été évoqué dans le
cadre du débat d’actualité. Devant l’évolution politique en Hongrie
et les initiatives prises par certaines institutions et figures
politiques de l’UE pour établir un mécanisme de suivi du respect
des «critères de Copenhague» dans les Etats membres, l’Assemblée
a décidé de tenir un débat d’urgence lors de la partie de session
d’octobre 2013 sur le thème des «Programmes de l’Union européenne
et du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme: des synergies,
pas des doubles emplois». La commission des questions juridiques
et des droits de l’homme a été saisie pour rapport et j’ai été désigné
rapporteur. Le 3 octobre 2013, l’Assemblée a adopté sa
Recommandation 2027 (2013) 
, dans laquelle elle rappelle que
«mettre en place des structures parallèles revient à créer un double
système de normes et à permettre un “choix de la juridiction la
plus favorable”, avec pour conséquence de faire apparaître de nouveaux
clivages en Europe». En décembre 2013, la commission a tenu un échange
de vues – sur ce thème et d’autres questions connexes – avec la
vice-présidente de la commission des libertés civiles, de la justice
et des affaires intérieures (LIBE) du Parlement européen, Mme Kinga
Göncz.
4. Par conséquent, compte tenu des préoccupations exprimées par
l’Assemblée, je propose d’examiner les «dangers» potentiels de tout
chevauchement supplémentaire d’activités entre les institutions
de l’UE et le Conseil de l’Europe dans le domaine des droits de
l’homme, malgré l’existence du Mémorandum d’accord conclu par les
deux organisations en 2007 (qui vise en partie à éviter un tel chevauchement).
Même s’il serait intéressant d’étudier la manière dont la coopération
et la coordination, à tous les niveaux et en particulier entre le
Parlement européen et l’Assemblée, pourraient être renforcées, je
n’ai pas l’intention de répéter les travaux de notre collègue Mme Kerstin
Lundgren (Suède, ADLE), dont le rapport sur la «Mise en œuvre du Mémorandum
d’accord entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne» a été
débattu par l’Assemblée au cours de la partie de session de janvier
2015

. Je me concentrerai
donc sur la mission de l’UE dans le domaine des droits de l’homme
(droits fondamentaux) et sur les mesures prises en la matière par
ses institutions – Parlement européen, Conseil européen, Conseil
de l’UE, Commission européenne, Cour de justice de l’Union européenne
(CJUE) et Banque centrale européenne (BCE). Bien que les activités
de certaines agences de l’UE, notamment l’Agence des droits fondamentaux
(FRA) mais aussi Frontex, qui coordonne l’action des Etats membres
en matière de gestion et de contrôle des frontières extérieures
de l’UE, mériteraient d’être examinées dans ce contexte, je m’intéresserai
uniquement aux activités de la première (déjà l’objet de rapports
de la commission), le rôle de Frontex ayant dernièrement été examiné
par l’Assemblée à la suite de la présentation d’un rapport de la
commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées
(rapporteur: M. Mikael Cederbratt)

.
Mon analyse des compétences et des actions des institutions de l’UE
dans le domaine des droits de l’homme portera tout particulièrement
sur celles qui visent à promouvoir et à protéger les droits de l’homme à
l’extérieur (c’est-à-dire en dehors de l’UE) et au sein de ses 28
Etats membres. Etant donné que le thème de l’«Adhésion de l’Union
européenne à la Convention européenne des droits de l’homme: élection
des juges» sera dûment traité dans un rapport de notre commission
(rapporteur: M. Jordì Xuclà, Espagne, ADLE), j’ai décidé de ne pas
aborder cette question dans le présent document.
5. Par ailleurs, je propose de me pencher sur le rôle de certaines
institutions de l’UE dans la promotion, et de fait l’imposition,
de mesures d’austérité dans certains Etats membres de la zone euro
dans le contexte de la crise économique et financière. Il s’agit
en particulier des institutions relativement récentes de l’Union européenne,
comme la Banque centrale européenne (BCE) et le Mécanisme européen
de stabilité (MES). Je propose d’examiner la mesure dans laquelle
les décisions de ces institutions sont guidées ou influencées par les
répercussions qu’elles peuvent avoir sur les droits de l’homme,
y compris les droits socio-économiques

. C’est dans cet esprit que j’ai
participé à la Conférence à haut niveau sur la Charte sociale européenne
qui s’est déroulée à Turin (Italie) les 17 et 18 octobre 2014 dans
le cadre de la présidence italienne de l’UE.
1.3. Coopération générale
entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe
6. Le 23 mai 2007 a été signé le
Mémorandum
d’accord entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, qui régit jusqu’ici leur coopération dans le domaine
de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit. Ce
document souligne que le Conseil de l’Europe reste «la référence
en matière de droits de l’homme, de primauté du droit et de démocratie
en Europe».
7. Dans sa
Résolution
1836 (2011) sur l’impact du Traité de Lisbonne sur le Conseil de
l'Europe

, l'Assemblée
fait observer que le partenariat entre les deux organisations dans
le contexte post-Lisbonne «devrait aboutir à terme à la création
d’un espace commun de protection des droits de l’homme sur l’ensemble du
continent», notamment avec l’adhésion de l’Union européenne à la
Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5,
CEDH) et à d’autres conventions clés et mécanismes de suivi du Conseil
de l’Europe. «Les doubles emplois et la lassitude liée au suivi, notamment
en période de crise économique», seraient ainsi évités et le rôle
du Conseil de l’Europe en tant que «référence en matière de droits
de l’homme, d’Etat de droit et de démocratie en Europe» devrait
être davantage développé. Dans sa
Recommandation 2027 (2013) sur les «Programmes de l’Union européenne et du Conseil
de l’Europe en matière de droits de l’homme: des synergies, pas
des doubles emplois», l’Assemblée invite l’UE à continuer d’utiliser
l’expertise du Conseil de l’Europe, à étudier les possibilités de
synergie et à accélérer l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne
des droits de l’homme.
2. Les institutions
de l’Union européenne et les droits de l’homme: cadre juridique
général
8. Le Traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1er décembre
2009, amène plusieurs évolutions dans les domaines traditionnels
d’activité du Conseil de l’Europe. Tout d’abord, il souligne l’attachement
de l’UE aux valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe à l’article
2 du Traité sur l’Union européenne («TUE»), affirmant que l’UE «est
fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté,
de démocratie, d'égalité, de l'Etat de droit, ainsi que de respect
des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant
à des minorités (…)». En deuxième lieu, le Traité de Lisbonne reconnaît
à la Charte des droits fondamentaux «la même valeur juridique que
les traités» (article 6.1 du TUE) et troisièmement, il pose les
bases juridiques d’une adhésion de l’UE à la Convention européenne
des droits de l’homme (article 6.2 du TUE). Enfin, en fusionnant
le premier pilier communautaire avec les deux autres piliers intergouvernementaux,
le Traité de Lisbonne élargit encore le champ de compétence de l’UE
en matière de droits de l’homme à des domaines tels que la justice,
la liberté et la sécurité, qui sont étroitement liés à la question
des droits fondamentaux. Cette fusion est devenue entièrement applicable
au 1er décembre 2014 et désormais, les
compétences de la Commission européenne et de la Cour de justice
s’appliquent également à la coopération policière et judiciaire en
matière pénale.
9. Outre ces évolutions, il convient de mentionner deux autres
dispositions du TUE qui existaient antérieurement, à savoir l’article
6.3, et l’article 7. L’article 6.3, dispose que «[l]es droits fondamentaux,
tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et tels qu'ils
résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres,
font partie du droit de l'Union en tant que principes généraux.»
10. L’article 7 du TUE prévoit l’option dite «nucléaire», applicable
en cas de «risque clair de violation grave» ou de «violation grave
et persistante par un Etat membre des valeurs visées à l’article
2» du TUE. Lorsque le Conseil européen «constate l’existence d’une
violation grave et persistante» de ces valeurs, le Conseil de l’Union
européenne «peut décider de suspendre certains des droits découlant
de l'application des traités à l'Etat membre en question, y compris
les droits de vote». Ce mécanisme, essentiellement de nature politique, n’a
jusqu’ici jamais été utilisé.
11. Après l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, le Conseil
de l’Union européenne a adopté «Le programme de Stockholm – Une
Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens» pour la
période 2010-2014, à la suite de quoi ont notamment été adoptées
plusieurs directives sur les droits procéduraux dans les procédures
pénales. Aucun nouveau programme de la sorte n’a été envisagé pour
les cinq années à venir. Dans ses Conclusions des 26-27 juin 2014,
le Conseil européen définit «les orientations stratégiques pour
la planification législative et opérationnelle (…) au sein de l'espace
de liberté, de sécurité et de justice»

pour
la période 2015-2020. Il souligne que «la priorité générale est
désormais d'assurer la transposition cohérente, la mise en œuvre
effective et la consolidation des instruments juridiques et des
mesures existants» en matière d’asile, d’immigration, de contrôle
des frontières et de coopération policière et judiciaire. Il rappelle
la nécessité de garantir «le plein respect des droits fondamentaux»
dans ce domaine, sans toutefois mentionner – ce qui est regrettable
– l’adhésion de l’Union européenne à la CEDH comme une priorité.
Dans son rapport sur «L’impact du Traité de Lisbonne sur le Conseil
de l’Europe», Mme Lundgren jette un regard
positif sur la coopération entre l’UE et le Conseil de l’Europe
dans la mise en œuvre du Programme de Stockholm. Toutefois, remarque-t-elle,
quand bien même l’UE sollicite l’expertise du Conseil de l’Europe,
elle ne le fait pas de manière cohérente

.
12. L’UE a fait part de sa volonté d’adhérer au Groupe d’Etats
contre la corruption (GRECO)

et la Commission
européenne étudie actuellement la faisabilité et les modalités d’une
telle adhésion, qui signifierait que les institutions communautaires
seraient soumises aux évaluations périodiques et thématiques du GRECO.
3. L’Union européenne
et le respect des droits de l’homme dans ses Etats membres
3.1. L’application de
la Charte des droits fondamentaux
13. La Charte des droits fondamentaux («la Charte») est
divisée en six chapitres: Dignité, Libertés, Egalité, Solidarité,
Citoyenneté et Justice. Elle prévoit une série de droits et libertés
individuels, notamment ceux consacrés par la CEDH, ainsi que des
droits sociaux et économiques et des droits de «troisième génération» (protection
des données, garanties en matière de bioéthique, transparence de
l’administration, etc.). Lorsqu’un droit est protégé à la fois par
la Charte et la CEDH, sa signification et sa portée restent les
mêmes. La Charte, qui fait partie intégrante du droit des traités,
a force obligatoire pour les institutions, organes, bureaux et agences
de l’UE ainsi que pour les Etats membres lorsqu’ils appliquent le
droit de l’Union

.
14. Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, la Commission
européenne élabore chaque année un rapport sur l’application de
la Charte des droits fondamentaux. Elle évalue également la compatibilité
des propositions législatives avec cet instrument. Le premier rapport
date de 2010.
15. D’après le dernier rapport (2013) de la Commission européenne

, les juges nationaux
interrogent de plus en plus la Cour de justice de l’UE sur l’applicabilité
de la Charte lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre le droit communautaire
(demandes préjudicielles)

et la Cour de justice
a donné des indications plus précises en la matière dans son arrêt
en l’affaire
Åkerberg Fransson
. Les
juges nationaux sont de plus en plus conscients des normes de la
Charte. Le nombre de décisions dans lesquelles les juridictions
de l’Union européenne (Cour de justice, Tribunal et Tribunal de
la fonction publique) se réfèrent à cet instrument a augmenté ces
dernières années: de 43 en 2011, il est passé à 87 en 2012 et à
114 en 2013.
16. La Commission européenne a intenté plusieurs procédures en
manquement en relation avec les droits fondamentaux consacrés par
la Charte de l’UE

. Elle a également proposé
plusieurs actes législatifs visant à défendre les droits garantis
par la Charte, notamment les droits des suspects et des accusés
dans les procédures pénales, ou à renforcer l’accès à la procédure
d’asile

. Quelques directives
ont été adoptées dans le cadre du Programme de Stockholm, à savoir
la
Directive 2010/64/UE relative au droit à l’interprétation et à la traduction
dans le cadre des procédures pénales, la
Directive 2012/13/UE relative au droit à l’information dans le cadre
des procédures pénales et la
Directive
2013/48/UE relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre
des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d’arrêt
européen, au droit d’informer un tiers dès la privation de liberté
et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec
des tiers et avec les autorités consulaires. Le 4 décembre 2014,
le Conseil a approuvé une directive sur la présomption d’innocence,
qui devrait être prochainement examinée par le Parlement européen.
17. La Commission européenne, le Conseil de l’Union européenne
et le Parlement européen sont tenus d’examiner les projets de politiques
et de législation sous l’angle de leur compatibilité avec la Charte.
Toutefois, bien que tous les départements de la Commission européenne
soient censés le faire, ce contrôle ne semble pas très approfondi,
certains départements étant chargés de questions qui ne sont pas
directement liées aux droits fondamentaux ou n’ayant pas conscience
de l’impact de leurs politiques sur ces droits. En dépit des efforts
déployés par la DG Justice pour «éduquer» les autres directions,
les effectifs de la Commission européenne semblent insuffisants
pour contrôler tous les projets

.
18. Dans plusieurs arrêts, la Cour de justice a jugé que des législations
et décisions de l’UE visant des personnes étaient incompatibles
avec la Charte. L’affaire
Kadi II l’illustre
bien, dans laquelle la CJUE a statué que la décision de geler les
avoirs du requérant (en application d’une décision du Comité des
sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies), soupçonné d’activités
terroristes, violait le droit à un recours effectif et à accéder
à un procès équitable (articles 41 et 47 de la Charte)

. Dans l’affaire
Besselink,
le Tribunal a conclu qu’une décision du Conseil de l’UE refusant
l’accès du requérant à un document sur l’adhésion de l’UE à la CEDH
emportait violation du droit d’accès aux documents (article 42 de
la Charte)

.
3.2. Les mécanismes
mis en place par l’Union européenne pour contrôler le respect de
certains aspects de l’Etat de droit dans les Etats membres
19. S’il n’existe pas de mécanisme interne permettant
à l’UE de contrôler à titre permanent le respect des valeurs fondamentales
consacrées par l’article 2 du TUE, des outils ont été élaborés de
manière sporadique par les institutions communautaires pour dresser
le bilan de certains aspects de la situation en matière de droits
de l’homme et d’Etat de droit. Il s’agit du rapport anticorruption
de l’UE, du Tableau de bord de la justice dans l’UE, du Mécanisme
de coopération et de vérification et de certains rapports annuels
des institutions et agences de l’UE. Comme l’indiquent certains
auteurs, ces outils révèlent des degrés variables de «proximité» avec
le cadre juridique de l’UE établi par le Traité de Lisbonne

.
20. Le rapport anticorruption de l’UE a été élaboré par la Commission
européenne. Il analyse la corruption dans les Etats membres et les
mesures prises pour la prévenir et la combattre. Il s’agit d’un
nouvel outil, le premier rapport de la sorte ayant été publié le
3 février 2014

.
21. Le Tableau de bord de la justice dans l’UE est un autre outil
d’information novateur de la Commission européenne. Il fournit des
données sur la justice civile et commerciale dans les Etats membres
de l’UE. Sa première édition date de mars 2013

; la dernière,
de mars 2014

. Si ce tableau de
bord met l’accent sur le droit d’accès à la justice en tant que
droit fondamental et sur la nécessité de promouvoir l’efficacité
des systèmes de justice dans l’UE, il a été conçu dans le cadre
du «semestre européen», un cycle de coordination des politiques
économiques et budgétaires des Etats membres, et poursuit donc l’objectif
de contribuer à «favoriser la croissance économique au sein de l’UE».
Aussi, la justice pénale dans les Etats membres de l’UE est exclue
de son périmètre. Le tableau de bord est un bon exemple de coopération
entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe, car la plupart
des données sur lesquelles il se fonde proviennent de la Commission européenne
pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) du Conseil de l’Europe.
22. Depuis 2007, la Commission européenne évalue le respect de
l’Etat de droit – systèmes judiciaires et lutte contre la corruption
– en Bulgarie et en Roumanie par le biais du Mécanisme de coopération
et de vérification. Dans le cas de la Bulgarie, elle examine également
les progrès accomplis dans la lutte contre la criminalité organisée.
La Commission européenne établit des rapports semestriels dans ce
cadre

.
23. En outre, les institutions et agences de l’Union européenne
produisent des rapports à caractère non contraignant, notamment
le Rapport annuel de la Commission européenne sur l’application
de la Charte des droits fondamentaux

, le Rapport annuel du Parlement européen
sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne

,
le Rapport annuel de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union
européenne sur la situation des droits fondamentaux dans les Etats
membres

, le Rapport annuel du Médiateur européen

, axé sur les plaintes reçues par
cette institution, et le Rapport annuel de l’Office européen de
lutte antifraude de la Commission européenne (OLAF)

.
3.3. Le «mécanisme de
l’Etat de droit»
24. Ces dernières années, plusieurs «crises» ont éclaté
dans les Etats membres de l’UE (par exemple en Autriche en 2000,
en France à l’été 2010 avec le problème de l’expulsion des Roms,
en Roumanie en 2012 avec la crise constitutionnelle et en Hongrie
en 2011 avec les modifications constitutionnelles et législatives controversées)
qui montrent que l’UE a toujours du mal à faire respecter de manière
permanente les valeurs de la démocratie, des droits de l’homme et
de l’Etat de droit – valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe –
dans ses Etats membres. La persuasion politique et diplomatique
dont elle a tendance à user ne porte pas toujours ses fruits et
«l’option nucléaire» de l’article 7 du TUE, solution de dernier
ressort, n’a jamais été appliquée. Même si la Commission européenne
peut en théorie intenter des procédures en manquement contre tout
Etat membre qui ne respecte pas les Traités, dans la réalité, elle
est intervenue sur certains aspects seulement de l’Etat de droit

, quand elle ne s’est pas
totalement abstenue d’engager une quelconque procédure

.
25. Dans mon rapport précédent sur les «Programmes de l’Union
européenne et du Conseil de l'Europe en matière de droits de l'homme:
des synergies, pas des doubles emplois», examiné par l’Assemblée
en octobre 2013, j’ai décrit les premières initiatives prises par
certains responsables politiques et institutions de l’UE pour mettre
en place un mécanisme de contrôle du respect des valeurs visées
à l’article 2 du TUE dans les Etats membres, ainsi que l’origine
de cette idée. Une de ces initiatives avait été lancée par le Parlement
européen, par le biais de sa commission des libertés civiles, de
la justice et des affaires intérieures (LIBE), dont le rapporteur,
M. Louis Michel, avait élaboré un projet de résolution sur la situation
des droits fondamentaux dans l’Union européenne en 2012. Le 27 février
2014, le Parlement européen a adopté cette résolution

,
proposant d’établir un «mécanisme de Copenhague» pouvant être mis
en action sur la base d’une décision de la Commission européenne,
en collaboration avec la FRA, dont les pouvoirs et les compétences
devraient être accrus, et plaidant également en faveur d’une révision
de l’article 7 du TUE et de la création d’une «commission de Copenhague»
composée de spécialistes indépendants de haut niveau. Plus récemment,
le 12 mars 2014, le Parlement européen a adopté une résolution sur
«L’évaluation de la justice en relation avec le droit pénal et l’Etat
de droit»

, qui invite également la Commission européenne
à proposer un mécanisme de sauvegarde de l’Etat de droit et souligne
que ce mécanisme devrait viser «à compléter les travaux d'autres
institutions internationales, comme le Conseil de l'Europe, et notamment
sa commission de Venise».
26. Depuis le débat à l’Assemblée en octobre 2013, de nouveaux
développements sont intervenus

, qui ont abouti à l’adoption,
en mars 2014, d’une Communication de la Commission européenne sur
«Un nouveau cadre de l’UE pour renforcer l’Etat de droit»

.
27. Dans ce document, la Commission européenne réaffirme que l’Etat
de droit est la clé de voûte de toute démocratie constitutionnelle
moderne et une condition préalable à l’adhésion à l’UE. Elle souligne
que diverses instances lui ont demandé de mettre au point une méthode
permettant de faire face aux situations où une menace systématique
pèse contre l’Etat de droit. Le nouveau cadre doit donc permettre
de réagir à ce type de situation dans un Etat membre lorsque les
autres mécanismes de contrôle actuellement disponibles ne permettent
pas de le faire de manière appropriée.
28. Le processus comporte trois étapes – évaluation, recommandation
et suivi:
a. Evaluation: pour déterminer
si une menace systématique pèse sur l’Etat de droit. Le cadre s’appuiera sur
différentes sources, notamment le Conseil de l’Europe. S’il existe
effectivement une menace systématique, la Commission européenne
adressera un «avis sur l'état de droit», motivant ses préoccupations
et donnant à l’Etat membre concerné la possibilité de répondre.
Ce processus sera confidentiel et il sera attendu de l’Etat membre
qu’il coopère tout au long, conformément au principe de coopération
loyale prévu à l’article 4.3 du TUE.
b. Si le problème n'a pas trouvé de solution satisfaisante
entre-temps, la Commission européenne adressera à l'Etat membre
concerné une «recommandation sur l'état de droit», qui indiquera
clairement les motifs de ses inquiétudes et un délai pour résoudre
les problèmes recensés. Si nécessaire, la recommandation peut préconiser
des moyens et des mesures pour remédier à la situation. L’Etat membre
devra dans sa réponse indiquer les mesures prises. La Commission
européenne rendra publics le fait d'avoir envoyé une recommandation
et les principaux éléments de celle-ci.
c. Dans un troisième temps, la Commission européenne contrôlera
le suivi donné à sa recommandation par l'Etat membre concerné. Faute
de suite satisfaisante, elle envisagera de recourir à l'un des mécanismes
prévus à l'article 7 du TUE.
29. La Communication ne précise pas complètement la base légale
sur laquelle repose la création de ce cadre

et
ne définit pas non plus spécifiquement la portée d’un tel mécanisme
compte tenu des controverses entourant la définition de l’«Etat
de droit»

. Le
nouveau mécanisme s’appliquera lorsque l’intégrité et le fonctionnement
des institutions nationales visant à assurer le respect de l’Etat
de droit seront, au vu de certaines allégations, jugés compromis.
La Commission européenne souligne que le cadre ne s’appliquera qu’en
cas de
menaces systématiques pour
l’Etat de droit et non de violations individuelles, ces dernières pouvant
être traitées par les systèmes judiciaires nationaux et la procédure
de la CEDH.
30. Selon la Commission européenne, «le cadre jouera un rôle complémentaire
par rapport à l’ensemble des mécanismes existants au niveau du Conseil
de l’Europe pour protéger l’Etat de droit»

.
La Commission insiste sur l’importance de la coopération entre diverses
institutions pour la mise en œuvre effective de ce cadre. En règle
générale, elle sollicitera l’avis de l’Agence européenne des droits
fondamentaux (FRA), du Conseil de l’Europe et de sa Commission de
Venise, et maintiendra la coordination avec eux sur les questions soumises
à leur examen et analyse. Elle est convaincue que le cadre proposé
repose sur ses compétences, telles que définies dans les traités,
et n’exclut aucune modification future de ces derniers.
31. Lors de ma visite à Bruxelles en juin 2014, j’ai discuté du
cadre proposé avec des représentants de la Commission européenne,
du Conseil de l’UE et du Parlement européen. On m’a informé que
le Conseil de l’UE se montrait critique à l’égard de la proposition
de la Commission européenne, considérant qu’elle n’était pas juridiquement
fondée dans les traités et que, celle‑ci ayant été émise assez tardivement
au cours du mandat tant de la Commission que du Parlement, le Parlement
européen n’avait pas eu suffisamment de temps pour l’examiner avant
les élections qui ont eu lieu en mai 2014.
32. Le cadre de la Commission européenne met l’accent sur les
«menaces systématiques» et la coopération avec la Commission de
Venise. Je reconnais avec Mme Lundgren
que, «en règle générale, les problèmes systémiques liés à l’Etat
de droit en Europe sont mis en évidence dans les arrêts de la Cour européenne
des droits de l’homme, les rapports analytiques par pays établis
par le Conseil de l’Europe, en particulier ceux de ses organes de
suivi compétents»

. Bien que
l’expertise de la Commission de Venise, qui a aidé de nombreux Etats
à élaborer une législation compatible avec les normes internationales
des droits de l’homme, soit d’une importance primordiale à cet égard,
il ne faut pas négliger d’autres sources d’information et d’expertise
telles que les arrêts de la Cour, les rapports des organes de suivi
du Conseil de l’Europe et le Commissaire aux droits de l’homme.
Pour déterminer s’il existe une «menace systématique», il est nécessaire avant
tout de consulter les arrêts de la Cour et, en particulier, ses
arrêts pilotes et les conclusions du Comité des Ministres, qui supervise
l’exécution des arrêts de la Cour.
33. Il est difficile de prévoir à ce stade les suites qui seront
données à la Communication du 19 mars 2014 de la Commission européenne.
Le nouveau Commissaire européen chargé de l’amélioration de la législation, des
relations interinstitutionnelles, de l’Etat de droit et de la Charte
des droits fondamentaux, M. Frans Timmermans, qui est également
vice‑président de la Commission européenne, a pris ses fonctions
le 1er novembre 2014. Le 12 novembre
2014, M. Timmermans a rencontré le Secrétaire Général du Conseil
de l’Europe, M. Thorbjørn Jagland, avec lequel il s’est entretenu
de l’état des droits de l’homme et de la démocratie en Europe, du
cadre de l’Etat de droit dans l’Union européenne et de l’adhésion
de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme.
La décision du président de la Commission européenne, M. Jean-Claude
Juncker, de confier au Commissaire Timmermans des responsabilités
spéciales eu égard à l’Etat de droit et à la Charte des droits fondamentaux
montre son engagement – et celui de la Commission européenne – à
résoudre les difficultés apparentes de l’UE à assurer le suivi des
actions de ses Etats membres de ce point de vue. Dans les conclusions
de la réunion du Conseil des affaires générales du 16 décembre 2014,
le Conseil de l’UE et les Etats membres de l’UE se sont engagés
à établir un dialogue annuel afin de «promouvoir et sauvegarder
l’Etat de droit dans le cadre des traités», qui seront développés
de façon «complémentaire avec les autres institutions de l’UE et
les organisations internationales, en évitant la duplication et
en prenant en compte les documents existants et l’expertise en ce
domaine»

.
34. La société civile appelle depuis longtemps l’UE à introduire
un «mécanisme de type Copenhague» pour surveiller le respect des
valeurs inscrites à l’article 2 du TUE. Pour le Centre d’études
politiques européennes (CEPS), par exemple, ce mécanisme devrait
être un mécanisme de suivi reposant sur l’évaluation régulière (ou
un «tableau de bord») de la conformité des Etats membres avec lesdites
valeurs et s’appuyant sur l’expertise d’universitaires, des Nations
Unies, du Conseil de l’Europe et d’autres organes extérieurs à l’UE.
Il pourrait être coordonné par la Commission européenne et ne nécessiterait
pas à court terme une modification des traités

.
35. Je voudrais aussi mentionner dans ce contexte la décision
récente de l’Assemblée de revoir sa procédure de suivi en invitant
sa commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres
du Conseil de l’Europe (commission de suivi) à «instaurer un examen
périodique de groupes de pays, conformément à ses méthodes de travail
internes» et à «lancer un suivi transnational thématique en étroite
coopération avec les commissions pertinentes de l’Assemblée»

. Ces deux nouvelles procédures permettront
à la commission de suivi et à l’Assemblée de conduire un suivi plus
approfondi de tous les Etats membres du Conseil de l’Europe, y compris
les Etats membres de l’UE, puisque jusqu’ici la majorité des Etats
soumis au sens strict au suivi de l’Assemblée (suivi et dialogue
post‑suivi) étaient des Etats non‑membres de l’UE (à l’exception
de la Bulgarie). Une fois ces nouveaux mécanismes en place s’ouvriront
des possibilités supplémentaires de coopération entre l’Assemblée
et les institutions pertinentes de l’UE, y compris la Commission
européenne.
3.4. L’adhésion de l’Union
européenne à la Convention européenne des droits de l’homme: encore
un long chemin à parcourir?
36. Les répercussions de l’adhésion de l’UE à la Convention
européenne des droits de l’homme ont été rappelées au cours du débat
d’actualité en juin 2012. L’adhésion de l’Union européenne à la
Convention européenne des droits de l’homme est requise par l’article
6 du Traité de Lisbonne et prévue par l’article 59 de la Convention
européenne des droits de l’homme, modifié par le Protocole n° 14
(STCE no 194). Le 17 mars 2010, la Commission
européenne a proposé une série de directives de négociation en vue
de l'adhésion de l'Union à la Convention. Le 4 juin 2010, les ministres
de la Justice de l’UE ont donné mandat à la Commission européenne
de conduire les négociations en leur nom. Le 26 mai 2010, le Comité
des Ministres du Conseil de l’Europe a donné mandat ad hoc à son
Comité directeur pour les droits de l'homme (CDDH) d’élaborer, avec l’UE,
les instruments juridiques indispensables à l’adhésion de l’Union
européenne à la CEDH. Ce groupe de travail ad hoc a ensuite été
remplacé par le Groupe de négociation ad hoc du CDDH et la Commission européenne
en vue de l’adhésion de l’UE à la CEDH. Le 5 avril 2013, les négociations
ont abouti à un accord sur les projets d’instruments juridiques
nécessaires à l’adhésion et, le 4 juillet 2013, la Commission européenne
a sollicité l’avis de la Cour de justice de l’UE sur la compatibilité
du projet d’accord avec le droit de l’UE, conformément à l’article
218.11 du Traité sur le fonctionnement de l’UE (TFEU)

. Vingt‑quatre
Etats membres sont intervenus au cours de la procédure devant la
Cour de justice. Dans son avis du 13 juin 2014, l’avocat général
Kokott a considéré que le projet d’accord était conforme avec le
droit de l’UE.
37. Le 18 décembre 2014, la CJUE a rendu son avis sur le projet
d’accord en vue de l’adhésion de l’UE à la CEDH. Elle juge que celui‑ci
est incompatible avec le droit de l’UE en identifiant de nombreux
points d’achoppement dans le projet d’accord, la conséquence en
étant que l’adhésion de l’UE à la CEDH est devenue très difficile
et même, au dire de certains observateurs, impossible

. La Cour de justice
fait état de l’autonomie du droit de l’UE et mentionne ses caractères
spécifiques, en soulignant qu’en cas d’adhésion à la CEDH, ses arrêts
sur le droit de l’UE ne pourraient être remis en cause par la Cour
européenne des droits de l’homme. Elle constate à cet égard, premièrement,
que le projet d’accord ne contient aucune disposition visant à assurer
la coordination entre la CEDH et la Charte des droits fondamentaux
dans le cas où cette dernière prévoirait des normes de protection
plus élevées. Deuxièmement, la CEDH exigerait de chaque Etat membre qu’il
contrôle le respect des droits fondamentaux dans les autres Etats
membres, ce qui irait à l’encontre du principe de confiance mutuelle
entre les Etats membres découlant du droit de l’UE (principe extrêmement pertinent
dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice,
et surtout dans les cas d’application du mandat d’arrêt européen),
et le projet d’accord ne contient aucune disposition pour l’éviter.
Troisièmement, le mécanisme instauré par le Protocole n°16 à la
CEDH (STCE no 214)

(autorisant les tribunaux nationaux à saisir
la Cour européenne des droits de l’homme pour clarification de l’interprétation
et de l’application des droits et libertés inscrits dans la CEDH)
pourrait nuire à l’autonomie et à l’efficacité de la procédure préjudicielle prévue
à l’article 267 du TFUE et le projet d’accord est également muet
à ce sujet. La CJUE fait aussi valoir que le projet d’accord n’exclut
pas la possibilité que la Cour européenne des droits de l’homme
règle des litiges entre des Etats membres de l’UE, ce qui serait
contraire au droit de l’UE (article 344 du TFUE), et critique le «mécanisme
de co‑défendeur»

proposé
dans le projet d’accord, car l’octroi du statut de co‑défendeur exigerait
que la Cour européenne des droits de l’homme évalue les règles du
droit de l’UE régissant la répartition des pouvoirs entre l’UE et
ses Etats membres. En outre, la CJUE analyse la procédure relative
à son «implication préalable»

avant
une procédure devant la Cour européenne des droits de l’homme: elle considère
que le projet d’accord ne lui réserve pas le pouvoir exclusif de
décider si une question a déjà été traitée par la Cour de justice
(c’est‑à‑dire qu’il n’exclut pas la possibilité pour la Cour européenne
des droits de l’homme de se prononcer à ce sujet) et ne permet pas
à la Cour de justice de trancher sur l’interprétation mais seulement
sur la validité du droit de l’UE. Enfin, la CJUE, qui ne dispose
que d’une juridiction limitée sur les décisions prises dans le cadre
de la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC), déclare
que le projet d’accord néglige de prendre en compte les caractéristiques
spécifiques du droit de l’UE au regard du contrôle juridictionnel
des décisions en ce domaine. Cela tient au fait qu’aux termes du
projet d’accord, la Cour européenne des droits de l’homme se chargerait
elle‑même du contrôle du droit de l’UE dans le domaine de la PESC.
38. L’adhésion de l’UE à la CEDH est une priorité pour la plupart
des institutions européennes et, en particulier, pour la Commission
européenne, comme l’ont annoncé son nouveau président, M. Jean-Claude Juncker,
dans son allocution d’ouverture au Parlement européen

et le Commissaire Timmermans
dans sa déclaration à l’occasion du 5e anniversaire
de l’entrée en vigueur de la Charte des droits fondamentaux

. Toutefois, il est regrettable que
les Conclusions du Conseil européen sur certaines questions dans
le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice et d’autres
questions horizontales connexes n’en fassent pas mention. La liste
des points problématiques relevés par la CJUE dans le projet d’accord
est tellement longue que l’on peut s’interroger, à mon avis, sur
la volonté de la Cour du Luxembourg d’accepter l’idée même d’adhésion
de l’UE à la CEDH. Cela est particulièrement décevant aujourd’hui,
puisqu’ont encore été étendus les pouvoirs de l’UE dans le domaine
de la coopération en matière pénale où les droits de l’homme sont particulièrement
pertinents.
3.5. L’Agence européenne
des droits fondamentaux: un domaine de préoccupation particulière?
39. La création de l’Agence européenne des droits fondamentaux
de l’UE (FRA) en 2007 a suscité des préoccupations au sein du Conseil
de l’Europe et de l’Assemblée

au sujet des risques de chevauchement inutile
avec le travail du Conseil de l’Europe. En 2008, un accord a été
conclu entre la Communauté européenne et le Conseil de l’Europe
sur la coopération entre l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne
et le Conseil de l’Europe

. Depuis lors, la FRA et le Conseil
de l’Europe ont établi des formes de coopération appropriées et
se sont consultés mutuellement dans leur travail quotidien. Les
deux institutions travaillent parfois sur des questions identiques
ou similaires, mais elles se servent d’outils différents pour mener
à bien leurs activités respectives. La collecte de données de l’Agence
et ses analyses factuelles pourraient compléter les travaux entrepris
par les organes de suivi du Conseil de l’Europe.
40. L’Assemblée parlementaire a pris note de ce changement de
contexte dans sa
Résolution 1756 (2010) et sa
Recommandation
1935 (2010) sur la nécessité d’éviter la duplication des travaux
du Conseil de l’Europe par l’Agence européenne des droits fondamentaux,
sur la base du rapport de notre collègue au sein de la commission,
M. Boriss Cilevičs (Lettonie, SOC)

. Cependant, l’Assemblée a rappelé
que la FRA devra utiliser comme référence principale dans ses travaux
l’acquis du Conseil de l’Europe dans le domaine de la protection des
droits de l’homme. Elle a également appelé les Etats membres et
les institutions de l’UE «à examiner une nouvelle fois l’allocation
de ressources financières et autres aux divers mécanismes européens
de protection des droits de l’homme, afin de répartir celles-ci
le plus efficacement possible» et regretté que le niveau du financement
des activités principales du Conseil de l’Europe portant sur les
droits de l’homme soit bien inférieur à celui de la FRA

.
41. Dans sa réponse à la
Recommandation
2027 (2013) de l’Assemblée «Programmes de l’Union européenne
et du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme: des synergies,
pas des doubles emplois», le Comité des Ministres a rappelé l’«excellente
coopération» développée entre le Conseil de l'Europe et la FRA «dans
divers domaines sur la base de leurs mandats, forces et savoir-faire
respectifs» et que les deux parties ont convenu que «l’Accord de
2008 entre la Communauté européenne et le Conseil de l’Europe conserve
sa validité en tant que base pour la coopération entre la FRA et
le Conseil de l’Europe»

. Le Directeur de la FRA, M. Morten
Kjaerum, a également souligné le caractère positif de cette coopération
lors de l’audition devant notre commission en mars 2014. Il a indiqué
que la FRA a entretenu un dialogue étroit avec les agents du Conseil
de l’Europe et que les deux institutions sont complémentaires. Le
Conseil de l’Europe est représenté par un membre indépendant au
conseil d’administration et au bureau exécutif de l’Agence et cette
dernière le consulte sur son programme d’activité annuel. L’Agence
et la Cour européenne des droits de l’homme ont publié conjointement
des manuels consacrés à la non-discrimination, au droit d’asile et
à la protection des données; une publication sur les droits de l’enfant
sera bientôt prête. La FRA s’est, elle aussi, penchée récemment
sur les crimes de haine, auxquels elle a consacré une conférence
en 2013; elle a élaboré avec l’ECRI (Commission européenne contre
le racisme et l’intolérance) les recommandations de politique générale
de cette dernière, réalisé des enquêtes sur la discrimination des
minorités et rendu un rapport sur l’antisémitisme. La FRA a aussi
tenu un échange de vues avec la BCE sur certains aspects relatifs aux
droits de l’homme, mais son mandat est trop restreint pour lui permettre
d’examiner en détail l’impact des décisions de la Troïka (la Commission
européenne, la BCE et le Fonds monétaire international) sur les
droits sociaux et économiques.
4. Les droits de l’homme
dans l’action extérieure de l’Union européenne
42. Aux termes de l’article 21.1 du TUE, «l'action de
l'Union sur la scène internationale repose sur les principes qui
ont présidé à sa création, à son développement et à son élargissement
et qu'elle vise à promouvoir dans le reste du monde: la démocratie,
l'Etat de droit, l'universalité et l'indivisibilité des droits de l'homme
et des libertés fondamentales, le respect de la dignité humaine,
les principes d'égalité et de solidarité et le respect des principes
de la Charte des Nations Unies et du droit international».
43. Le Groupe de travail «Droits de l’homme» (COHOM) du Conseil
de l’UE, qui comprend des experts des Etats membres et de la Commission
européenne, examine les questions qui touchent aux droits de l’homme dans
les relations extérieures de l’UE. Il se réunit régulièrement et
examine les questions d’actualité préoccupantes en ce domaine et
favorise l’inscription des problèmes relatifs aux droits de l’homme
sur l’agenda d’autres réunions d’experts avec des pays tiers.
44. En 2012, l’UE a adopté le «Cadre stratégique sur les droits
de l’homme et la démocratie», qui vise à promouvoir de façon cohérente
les droits de l’homme dans les relations extérieures de l’UE, notamment
dans des domaines tels que les échanges, l’investissement, le développement
et la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC), ainsi
qu’au regard des dimensions extérieures des politiques de la justice,
des politiques intérieures, des politiques de l’emploi et des politiques
sociales

.
Pour mettre en œuvre ce cadre, elle a également adopté un Plan d’action,
qui est venu à terme le 31 décembre 2014. En 2013, l’UE a adopté dans
ce cadre près de 150 stratégies des droits de l’homme par pays et
tenu des consultations sur les droits de l’homme avec 30 pays partenaires
et groupements régionaux. Le Conseil de l’UE adopte chaque année
un Rapport annuel sur les droits de l’homme et la démocratie dans
le monde

.
45. En juillet 2012, le Conseil de l’UE a nommé M. Stavros Lambrinidis
Représentant spécial de l’Union européenne pour les droits de l’homme.
La Décision 2012/440/CFSP du Conseil, du 25 juillet 2012, portant nomination
du Représentant spécial de l’Union européenne pour les droits de
l’homme a affecté un budget de € 712 500 au financement de ses activités
jusqu’à la fin du premier semestre 2013 et lui a donné mandat:
a. de contribuer à la mise en œuvre
de la politique en matière de droits de l’homme de l’Union européenne, notamment
le Cadre stratégique sur les droits de l'homme et la démocratie
et le Plan d’action sur les droits de l’homme et la démocratie de
l’Union européenne, y compris en formulant des recommandations à
cet égard;
b. de contribuer à la mise en œuvre des lignes directrices,
boîtes à outils et plans d’action relatifs aux droits de l’homme
et au droit international humanitaire de l’Union;
c. d’intensifier le dialogue avec les gouvernements des pays
tiers et les organisations internationales et régionales sur les
droits de l’homme, ainsi qu’avec les organisations et les autres
acteurs pertinents de la société civile pour assurer l’efficacité
et la visibilité de la politique de l’Union en matière de droits
de l’homme;
d. de contribuer à améliorer la cohérence et l’homogénéité
de la politique et des actions de l’Union dans le domaine de la
protection et de la promotion des droits de l’homme, notamment en
faisant part de ses observations pour la formulation des politiques
pertinentes de l’Union.
46. Comme indiqué dans le Rapport annuel 2013 sur les droits de
l’homme et la démocratie

, M. Lambrinidis
a concentré ses efforts sur le renforcement de l’engagement de l’UE
en matière de droits de l’homme avec ses partenaires stratégiques,
la résolution des défis concernant les droits de l’homme dans les pays
en transition situés dans des régions pivots du monde, l’accroissement
de la visibilité de l’UE et de son engagement avec les mécanismes
multilatéraux et régionaux des droits de l’homme (Nations Unies,
Conseil de l’Europe, Organisation pour la sécurité et la coopération
en Europe (OSCE), Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN),
Union africaine, Organisation de la coopération islamique), et sur
l’intensification de la coopération de l’UE avec la société civile
et de l’autonomisation de cette dernière dans le monde. Sur le plan
thématique, il a continué à travailler à la protection des ONG et
des défenseurs des droits de l’homme et à l’extension de leur sphère
d’activité, à promouvoir l’universalité des droits de l’homme, à
renforcer l’efficacité des dialogues de l’UE sur les droits de l’homme
et à promouvoir les priorités thématiques essentielles de l’UE, notamment
celles qui figurent dans les lignes directrices sur les droits de
l’homme adoptées récemment. Il travaille sous l’autorité du Haut
Représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique
de sécurité/Vice-Présidente de la Commission européenne et sous
la direction des ambassadeurs du Comité politique et de sécurité
de l’UE, en coordination avec le Service européen pour l’action
extérieur (SEAE), la Commission européenne et le Parlement européen.
47. Lors de ma visite à Bruxelles, le président du COHOM, M. Bert
Theuermann, m’a expliqué que la principale valeur ajoutée du Représentant
spécial est sa visibilité, car M. Lambrinidis est perçu comme un acteur
clé de la politique des droits de l’homme de l’UE. En outre, il
incite fréquemment d’autres institutions de l’UE à examiner de plus
près certaines questions qui touchent aux droits de l’homme, par
exemple dans le domaine des migrations, de l’énergie et des activités
des entreprises, et il a identifié comme acteurs stratégiques un
certain nombre de pays tiers. Il m’a assuré qu’il n’existe aucun
risque de duplication du travail du Conseil de l’Europe, car le
travail du Représentant spécial est axé sur les relations extérieures
de l’UE et que celui‑ci mentionne fréquemment le savoir-faire du
Conseil de l’Europe et, en particulier, de la Commission de Venise.
48. D’autre part, l’UE a adopté un certain nombre de lignes directrices
afin de promouvoir sa politique extérieure dans le domaine des droits
de l’homme

, en particulier tout récemment les
Lignes
directrices sur la promotion et la protection de la liberté de religion
et de conviction, les
Lignes
directrices sur la peine de mort, les Lignes directrices en faveur des droits des LGBTI
en 2013 et les Lignes directrices sur la liberté d’expression en
ligne et hors ligne en 2014. Ces lignes directrices ont été adoptées
au niveau ministériel et, bien qu’elles ne soient pas juridiquement
contraignantes, témoignent de la vigueur de l’engagement politique de
l’UE pour promouvoir les droits en question.
49. Via l’Instrument européen pour la démocratie et les droits
de l’homme (IEDDH), l’UE soutient notamment les ONG qui travaillent
à promouvoir les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit.
Les aides financières qui seront accordées entre 2014 et 2020 atteindront
€ 1,3 milliard.
50. En ce qui concerne les Etats membres du Conseil de l’Europe
qui sont candidats à l’adhésion à l’UE, la Commission européenne
consulte régulièrement les instances et organes pertinents du Conseil
de l’Europe. S’agissant de la dimension des droits de l’homme dans
les accords commerciaux de l’UE, la Commission européenne réalise
une «évaluation d’impact» prenant en compte cette problématique
avant d’engager le processus de négociation

. Dans ses accords avec des pays tiers,
l’UE inclut régulièrement des «clauses sur les droits de l’homme,
la démocratie et l’Etat de droit» afin de promouvoir ses valeurs
et principes politiques. En cas de non-respect de telles clauses,
qui sont considérées comme des éléments essentiels de ces accords, l’UE
peut prendre des mesures restrictives, y compris en dernier ressort
la suspension en totalité ou en partie d’un accord

.
51. Les sanctions – ou mesures restrictives – à l’encontre de
pays tiers, d’individus ou d’entités constituent en outre un outil
essentiel de la politique étrangère de l’UE et sont appliquées conformément
aux principes de la Politique étrangère et de sécurité commune.
Elles sont adoptées sous la forme de «Positions communes» du Conseil
de l’UE. Leur mise en œuvre est assurée par la Commission européenne
et les Etats membres. Elles ne font l’objet d’aucun contrôle juridictionnel,
ou seulement d’un contrôle très limité

.
52. Le Parlement européen suit régulièrement la situation des
droits de l’homme dans des pays tiers grâce aux travaux de sa sous‑commission
des droits de l’homme (DROI), qui prépare le Rapport annuel du Parlement
européen sur les droits de l’homme et invite fréquemment des représentants
de la société civile et des défenseurs des droits de l’homme à participer
à ses réunions

. Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne
et l’extension des pouvoirs reconnus au Parlement européen aux fins
de la conclusion d’accords internationaux, sa Commission des affaires
étrangères (AFET) et sa Commission du commerce international (INTA)
remplissent également un rôle important dans ce domaine. Le Parlement
européen décerne aussi chaque année le prix Sakharov pour la liberté
d’expression.
5. L’Union européenne,
la crise économique et les droits fondamentaux
53. L’impact de la crise sur les droits de l’homme a
déjà été examiné par l’Assemblée

,
en particulier dans sa
Résolution
1884 (2012) «Mesures d'austérité: un danger pour la démocratie et
les droits sociaux»

, et par d’autres instances du Conseil
de l’Europe

.
Pendant la partie de session de janvier 2015, l’Assemblée discutera,
entre autres, du rapport de la commission sur l’égalité et la non‑discrimination
portant sur «L’égalité et la crise»

.
Je ne chercherai donc pas à dupliquer le travail de mes collègues.
54. Bien que la Cour européenne des droits de l’homme soit demeurée
assez silencieuse sur cette question (puisque, en principe, la CEDH
ne garantit pas les droits sociaux et économiques), le Comité européen
des Droits sociaux (CEDS) – suite à plusieurs réclamations collectives
– a constaté dans plusieurs pays un certain nombre de violations
de la Charte sociale européenne (révisée) en relation avec des mesures
d’austérité

. Par exemple, en Grèce, la législation
autorisant le licenciement sans préavis ni indemnisation de salariés employés
sur la base d’un contrat à durée indéterminée pendant une période
d’essai de douze mois a été jugée contraire à l’article 4.4 de la
Charte sociale européenne (qui reconnaît le droit de tous les travailleurs
à un délai de préavis raisonnable en cas de cessation d’emploi),
bien que constituant l’une des conditions de l’accord de prêt entre
la Grèce et les institutions de l’UE et le Fonds monétaire international
(FMI)

.
Les réductions des retraites de vieillesse, introduites également
aux termes d’un accord avec la Troïka, ont aussi été jugées contraires
à son article 12.3, qui prévoit l’obligation de porter progressivement
le régime de sécurité sociale à un niveau plus haut

. Une comparaison entre la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l’homme et du CEDS en relation
avec la crise économique montre qu’elles reposent sur des approches différentes:
alors que la Cour européenne des droits de l’homme accorde aux Etats
membres une certaine marge d’appréciation lorsqu’ils adoptent des
mesures d’austérité, le CEDS a pris clairement position en faveur de
la protection des droits essentiels couverts par la CSE

.
55. Je souhaite aussi examiner si les décisions prises par certaines
institutions de l’UE en relation avec la crise économique et financière
de la zone euro ont été conformes aux principes démocratiques et
au respect des droits de l’homme. Premièrement, la Troïka qui, dans
ses accords d’aide financière avec Chypre, la Grèce, l’Irlande et
le Portugal, a imposé un certain nombre de conditions telles que
des augmentations d’impôts, des réductions de dépenses et des mesures
structurelles visant à libéraliser le marché de l’emploi et certains secteurs
protégés ne semble guère soumise, ou même pas du tout, à l’obligation
de rendre des comptes. D’autre part, dans son arrêt sur l’affaire
Pringle 
, la Cour de justice
de l’UE a statué que, lorsque les Etats membres ont décidé de créer
le Mécanisme européen de stabilité (dans lequel, comme indiqué,
la Commission européenne et la BCE jouent un rôle majeur) comme
une organisation internationale séparée devant servir de mécanisme
permanent de résolution de la crise dans la zone euro, ils n’ont
pas agi dans le cadre du droit de l’UE, car rien dans les Traités
ne confère à l’UE des compétences spécifiques en ce sens. Par conséquent,
la Charte des droits fondamentaux ne s’applique pas à la création
du MES par les Etats membres au sens de l’article 51 de la Charte.
Le Mécanisme européen de stabilité a été créé par la Décision 2011/199
du Conseil européen modifiant l’article 136 du TFUE.
56. Comme je souhaitais examiner si les décisions prises par la
BCE étaient conformes aux principes démocratiques et au respect
des droits de l’homme, j’ai invité M. Jean-Claude Trichet, ancien
président de la BCE, à une audition devant la commission des questions
juridiques le 3 mars 2014. Je suis très reconnaissant à M. Trichet
d’avoir accepté l’invitation de la commission. Dans un exposé très
intéressant, l’ancien président de la BCE nous a présenté son point
de vue sur les mesures prises par l’UE, et en particulier la BCE,
pour combattre la crise économique et financière.
57. M. Trichet a souligné que toutes les décisions de la BCE ont
été prises conformément aux traités européens. Selon les services
juridiques de la Commission européenne, du Conseil de l’UE et de
la BCE, c’est à la Cour de justice de l’UE qu’il revenait d’évaluer
leur compatibilité avec le droit de l’UE. La crise financière et
économique qui a commencé en 2007 est la plus grave que les pays
développés aient eue à subir depuis la seconde guerre mondiale.
Les Etats de l’UE se trouvant dans une situation de déséquilibre
économique et financier n’auraient pas été dans une telle situation
s’ils avaient respecté le Traité de Maastricht et le Pacte de stabilité
et de croissance; ils auraient dû aussi accorder une plus grande
attention à leur compétitivité. M. Trichet a néanmoins reconnu que
certains Etats, notamment l’Irlande qui avait respecté les critères
de Maastricht mais avait négligé de tenir compte des craintes suscitées
par la bulle du marché de l’immobilier, sont atteints par une crise
similaire. Les investisseurs et les organismes de financement ont
perdu confiance en eux, comme le montre le prix des contrats d’échange
de défaut de crédit. Pendant la dernière phase de la crise, a-t-il
indiqué, seules deux solutions étaient envisageables: soit l’aide
d’un généreux philanthrope prêt à continuer à financer les déficits
actuels et à remplacer les investisseurs effrayés par l’ampleur
des déficits, soit la prise de mesures d’ajustement par les Etats
concernés pour ramener les déficits à un niveau jugé viable par les
investisseurs. En l’absence d’un philanthrope, le Fonds monétaire
international et/ou d’autres institutions et les gouvernements européens
se sont montrés prêts à aider les pays concernés à réaliser leur
ajustement inévitable. Il a souligné qu’aucun Etat n’a été contraint
à accepter un programme d’aide; les Etats pouvaient refuser l’aide
et effectuer eux‑mêmes les ajustements nécessaires. Il a ensuite
déclaré que la rapidité des ajustements économiques ne devrait pas
être aujourd’hui remise en cause, mais que l’on devrait plutôt s’interroger
sur leur équité ou non‑équité, et que les mesures prises devraient
être évaluées sous cet angle via les processus démocratiques des
Etats concernés. Les revenus des citoyens devraient diminuer de
façon proportionnée car, à son avis, c’est le seul moyen de protéger
l’emploi. Il a admis, cependant, que le «pouvoir de négociation»
des personnes qui ont un emploi ou qui occupent de manière générale
des postes plus élevés au sein de la société est plus important
que celui des chômeurs ou des autres personnes défavorisées dont les
avantages non seulement pourraient mais devront être réduits de
façon très importante. Tout en reconnaissant que cela pourrait conduire
à ce que les processus démocratiques dans les pays concernés aboutissent
à des résultats déséquilibrés ou inéquitables en matière de partage
du coût des mesures d’ajustement, il a rejeté l’idée que la BCE
devrait tenir compte de la Charte des droits fondamentaux en formulant
ses propositions. Sachant que des déficits budgétaires excessifs
finissent toujours par rattraper les pays concernés et mener à la
catastrophe, il convient d’insister sur l’impératif de bonne gestion,
de mettre en œuvre les procédures de surveillance de l’équilibre
macro‑économique, de finaliser les travaux sur l’union bancaire
et de disposer d’instruments comme le Fonds de stabilité européen.
Le préjudice causé aux droits économiques et sociaux n’est pas l’œuvre
du FMI ou de la Troïka: en absence d’un philanthrope mondial, les déficits
devaient être diminués.
58. M. Trichet a déclaré que le Parlement européen devrait avoir
un pouvoir de contrôle plus important sur les décisions prises par
les institutions de l’UE à propos du fonctionnement de la zone euro.
Le processus de prise de décision en vue de résoudre la crise a,
en effet, été long mais cela a tenu au fait que les Etats opéraient dans
le cadre de l’UE et devaient respecter les procédures démocratiques.
59. Bien que la BCE ait été créée comme une institution de l’Union
européenne dans le TUE, M. Trichet ne voit guère la pertinence de
la Charte des droits fondamentaux ou de l’Agence des droits fondamentaux
au regard de son activité et ne voit non plus aucun avantage à ce
que la FRA examine les effets de ses politiques. Il a également
rejeté l’idée que le droit de travailler, inscrit dans la Charte,
devait être pris en compte dans l’établissement de la politique
monétaire de la BCE, dont l’objectif premier, tel que défini à l’article
2 des statuts de la BCE, est de maintenir la stabilité des prix
dans la zone euro.
60. L’exposé de M. Trichet reflétait évidemment les opinions d’un
économiste et d’un ancien président de banque centrale. En ce qui
concerne la responsabilité de la Troïka à l’égard des mesures d’austérité,
il a clairement souligné que la responsabilité politique première
de l’acceptation de ces mesures incombe aux Etats qui ont accepté
l’aide financière de l’Union européenne et du FMI. Le rapporteur
de la commission sur l’égalité et la non‑discrimination, M. Villumsen,
a recueilli des propos similaires lors de ses entretiens avec des représentants
de la Troïka à Lisbonne et a ensuite parlé de «responsabilité partagée»

. Au sein de l’UE, l’absence de responsabilité
de la Troïka, l’absence de transparence des accords conclus avec
elle et l’absence globale de contrôle démocratique à cet égard ont
été critiquées par le Parlement européen dans deux résolutions adoptées
le 13 mars 2014

. Le Parlement
européen a exprimé des doutes sur la question de savoir si la Commission
européenne n’avait pas abusé de ses pouvoirs en tant que «gardienne
des traités» et contesté le rôle de la BCE. Le rapporteur du Parlement
européen, M. Alejandro Cercas, a même jugé que les mesures proposées
par la Troïka étaient contraires à l’article 9 du TUE, qui stipule
que l’UE «respecte le principe de l'égalité de ses citoyens, qui
bénéficient d'une égale attention de ses institutions, organes et organismes»
dans toutes les activités de l’UE.
61. M. Trichet a refusé tout commentaire spécifique sur la légalité
des transactions monétaires directes. Je noterai aussi à cet égard
qu’une affaire concernant la légalité de la décision du 6 septembre
2012 de la BCE introduisant un programme de rachat des obligations
d’Etat émises par les Etats de la zone euro – il s’agit du programme
OMT (Outright Monetary Transactions/transactions monétaires directes)
– est en instance d’examen devant la Cour de justice de l’UE, suite
à une demande de décision préjudicielle de la Cour constitutionnelle
fédérale allemande (
Bundesverfassungsgericht)

. La
Bundesverfassungsgericht pose
la question de savoir si ladite décision de la BCE est compatible
avec l’article 119 et les articles 127.1 et 127.2 du TFUE (il s’agit
de déterminer si les OMT constituent une mesure de politique économique,
et non une mesure de politique monétaire) et l’article 123.1 du
TFUE (sur l’interdiction du crédit monétaire). Dans un avis très
récent du 14 janvier 2015, l’avocat général Cruz Villalón propose
que la Cour de justice réponde que les OMT, si elles sont introduites,
ne sont compatibles avec les Traités que sous certaines conditions.
Elles sont compatibles avec l’article 119 et les articles 127.1
et 127.2 du TFUE à condition que «la BCE s’abstienne de toute participation
directe aux programmes d’aide financière auxquels est lié le programme
des OMT (…)», et avec l’article 123.1 du TFUE à condition que «le
calendrier de sa mise en œuvre soit tel qu’il permette la formation
effective d’un prix du marché eu égard aux obligations d’Etat»

.
62. Pendant ma visite à Bruxelles, j’ai discuté avec des représentants
de la Commission européenne des conséquences sociales des décisions
prises par cette dernière en relation avec la crise économique.
Mes interlocuteurs de la Commission européenne (DG Emploi) m’ont
déclaré qu’en effet, une meilleure évaluation de leur impact social
est nécessaire. Cependant, la Commission européenne a pris certaines
mesures pour renforcer la dimension sociale et d’emploi de l’union
économique et monétaire. Dans sa Communication «Renforcer la dimension
sociale de l’union économique et monétaire»

, la Commission européenne a inclus plusieurs
indicateurs clés en matière sociale et d’emploi (comme le chômage
et le risque de pauvreté) afin d’être mieux en mesure – et à un
stade plus précoce – d’identifier les problèmes sociaux et d’emploi
majeurs

. Elle a aussi appelé à une
meilleure coordination et à un meilleur suivi des politiques sociales
et de l’emploi dans le cadre du «semestre européen» et à renforcer
le rôle du dialogue social. En outre, des considérations sociales
et d’emploi figurent dans les deux Règlements 472/2013 (UE)

et 473/2013 (UE)

sur la surveillance budgétaire du
21 mai 2013. Le premier stipule que les Etats membres, lors de l’établissement
de leurs projets de programmes d’ajustement macroéconomique, doivent
solliciter l’avis des partenaires sociaux et des organisations pertinentes
de la société civile. Le second les oblige à fournir des informations
générales sur les dépenses et l’éducation, la santé et l’emploi.
63. Mes interlocuteurs de la Commission européenne ont aussi affirmé
qu’il n’existe aucun risque de duplication du travail dans le domaine
des droits sociaux et économiques entre l’UE et le Conseil de l’Europe, les
normes de ce dernier (la Charte sociale européenne) ayant été adoptées
il y a longtemps. La Cour de justice de l’UE a évidemment un rôle
à jouer à cet égard, puisqu’elle a juridiction à interpréter les
droits inscrits dans la Charte. Néanmoins, il existe un risque de
divergences entre les normes de l’UE (CJUE) et celles du Conseil
de l’Europe (principalement le Comité européen des Droits sociaux),
comme le montre l’affaire
Confédération
générale du travail de Suède (LO) et Confédération générale des
cadres, fonctionnaires et employés (TCO) c. Suède concernant
le droit de négociation collective et le droit de grève

.
64. A l’occasion de la conférence de haut niveau à Turin les 17
et 18 octobre 2014, à laquelle j’ai participé, la sous‑commission
sur la Charte sociale européenne de la commission des questions
sociales, de la santé et du développement durable a adopté une déclaration
dans laquelle elle déplore le fait que «de nombreux programmes d’austérité
et de consolidation fiscale ont été mis en œuvre sans consultation
préalable avec les partenaires sociaux et ne sont pas en conformité
avec la Charte sociale européenne, ni avec la Charte des droits
fondamentaux de l’Union européenne». La sous‑commission appelle
les gouvernements et parlements européens à renforcer la protection
des droits sociaux et les mécanismes qui s’y rapportent en «évaluant
les conséquences des mesures d’austérité sur les droits sociaux
et démocratiques dans le passé, et en encourageant l’adoption de
programmes pour la restauration des droits et des institutions pour
un dialogue social le cas échéant» et en «assurant que les objectifs
fiscaux et les réformes structurelles ne portent pas atteinte au
travail décent et à l’emploi pour tous, et en promouvant une distribution
équitable des revenus». Elle a également appelé à renforcer le rôle
pivot de la Charte sociale européenne et à maintenir la cohérence entre
les normes de l’UE et du Conseil de l’Europe. J’approuve pleinement
ces déclarations.
6. Conclusions
65. Tous les Etats membres de l’UE sont membres du Conseil
de l’Europe et sont Parties à la Convention européenne des droits
de l’homme. L’UE est elle‑même basée sur des valeurs fondamentales
identiques: démocratie, Etat de droit et droits de l’homme. Dans
certains domaines, elle s’efforce même d’assurer une plus forte
protection, comme le montre le champ d’application concret de la
Charte des droits fondamentaux de l’UE, qui constitue un instrument
moderne dans le domaine des droits de l’homme. Dans ses relations extérieures
avec des pays tiers, l’UE promeut les droits de l’homme en insérant
des «clauses des droits de l’homme» dans les accords de partenariat
économique ou en imposant des sanctions ciblées. Néanmoins, deux
problèmes essentiels n’ont toujours pas été résolus: l’UE, qui est
une puissante organisation dotée d’une administration énorme, n’a
pas encore adhéré à la CEDH (alors que tous ses Etats membres ont
dû le faire avant d’adhérer à l’UE) et elle a des difficultés à
discipliner ses Etats membres en cas de risque de violations graves
et systémiques des valeurs inscrites à l’article 2 du TUE. De plus,
la réponse des institutions de l’UE à la crise économique est extrêmement
controversée, en raison de l’absence de transparence – et d’obligation de
rendre des comptes – de la part des décideurs.
66. Au cours de ma visite à Bruxelles, des représentants de la
société civile se sont plaints également des aspects suivants: le
manque d’accès à certaines procédures et documents; l’absence d’une
procédure formalisée pour les interventions de tierces parties devant
la CJUE; la passivité de la Commission européenne en cas de violations
graves des droits de l’homme (notamment l’absence de procédures
en manquement dans les cas de violation des droits des Roms ou des
demandeurs d’asile); le découplage des questions d’immigration de
celles des droits de l’homme; le rôle insuffisant du FREMP (Groupe
«Droits fondamentaux, droits des citoyens et libre circulation des
personnes») du Conseil de l’UE; et le fait que le Parlement européen n’ait
pas sollicité l’avis de la FRA au sujet de tous les projets législatifs
et des projets d’amendements concernant des propositions auxquelles
l’Agence avait contribué par des orientations ou des conseils. Ces remarques
devraient, bien entendu, être adressées directement aux dirigeants
et aux institutions de l’UE mais elles ne sont pas sans pertinence
pour nos collègues parlementaires des Etats membres de l’UE.
67. La Convention européenne des droits de l'homme demeure la
pierre angulaire du système de protection des droits de l'homme
en Europe et l'UE devrait adhérer à la CEDH. L’adhésion de l’UE
à la CEDH permettrait de résoudre de nombreux problèmes résultant
de la coexistence des ordres juridiques distincts de l’UE et du Conseil
de l’Europe; elle devrait constituer une priorité politique pour
les décideurs de l’UE. L’
Avis
2/13 de la CJUE, qui a mis en veilleuse pour longtemps
l’ensemble du processus, semble montrer la profonde réticence de
la Cour de Luxembourg vis‑à‑vis de tout contrôle extérieur des actions
de l’UE. La renégociation du projet d’accord de manière à prendre
en compte les préoccupations exprimées par la CJUE demandera de
nombreux mois, peut‑être même des années, et la bonne volonté des
institutions de l’UE, des Etats membres de l’UE et des 19 Etats
membres du Conseil de l’Europe qui ne sont pas membres de l’UE.
L’adhésion de l’UE à la CEDH – prévue à l’article 6 du TUE – constitue
une obligation légale pour l’UE et ses Etats membres. J’appelle
les gouvernements de tous les Etats membres de l’UE, et l’UE elle‑même
(Conseil, Commission et Parlement européen), à prendre des mesures
appropriées pour accélérer le processus d’adhésion de l’UE à la
CEDH. Ce processus devrait aussi être plus transparent qu’il ne
l’a été jusqu’ici (voir aussi l’arrêt
Besselink précité
de la CJUE)

.
68. Bien que le respect des «critères de Copenhague» fasse l’objet
d’un contrôle strict avant l’adhésion d’un pays candidat à l’UE,
les outils existants ne permettent pas le suivi complet et cohérent
de la poursuite de leur application dans les Etats membres de l’UE.
En dépit de l’existence de normes élevées de l’UE en ce domaine –
à savoir les normes découlant de l’article 2 du TUE et de la Charte
des droits fondamentaux, et du fait que tous les Etats membres de
l’UE sont Parties à la CEDH –, la situation est loin d’être parfaite.
Certains Etats membres sont toujours confrontés à des risques graves
de violation du principe de l’Etat de droit en raison d’interférences
dans le système constitutionnel d’équilibre entre les pouvoirs (par
exemple en Hongrie et en Roumanie), de problèmes systémiques dans
le fonctionnement du système judiciaire (par exemple sous la forme
de scandales de corruption, comme en Bulgarie et en Roumanie, ou
de la durée excessive des procédures, comme en Italie) et de l’absence
d’investigation adéquate de nombreuses violations graves et/ou répandues
(comme les centres de détention de la CIA, l’utilisation de l’espace
aérien ou des aéroports des Etats membres pour des «vols de restitution»
ou la participation de certains Etats occidentaux aux activités
de surveillance massive menées par l’Agence nationale de la sécurité
(NSA) des Etats-Unis).
69. Comme l’a souligné Amnesty International, la violence à l’égard
des femmes, des migrants, des Roms et des personnes LGBTI reste
très répandue à l’intérieur de l’UE, et les mesures de contrôle
des frontières mettent en danger les réfugiés et les demandeurs
d’asile, dont beaucoup perdent la vie en cherchant à atteindre l’UE.
Amnesty International a souligné que l’UE devrait «développer des
politiques et des pratiques de protection dans le domaine de l’immigration,
en respectant les droits fondamentaux des migrants, des réfugiés
et des demandeurs d’asile, et prévenir de nouveaux accidents mortels
en mer»

. L’organisation appelle aussi les
dirigeants de l’UE à «assurer que les droits de l’homme forment
le socle des politiques et pratiques intérieures (et extérieures)
de l’UE»

.
70. Des problèmes en matière de droits de l’homme persistent à
l’intérieur des Etats membres de l’UE et il faut accueillir positivement
toute mesure visant à améliorer le suivi interne de l’UE à cet égard.
Cependant, toute initiative en ce sens, comme la proposition de
la Commission européenne sur «un nouveau cadre pour renforcer l’Etat
de droit», doit être soigneusement examinée et le Conseil de l’Europe
devrait se montrer vigilant afin d’éviter tout chevauchement inutile
des tâches des deux organisations et le gaspillage de ressources
déjà peu nombreuses. Il est regrettable que, malgré les critiques
exprimées par l’Assemblée, d’autres organes du Conseil de l’Europe
restent assez silencieux à ce sujet, mais cela s’explique peut‑être
par le fait que la majeure partie (près de 86 %) des activités d’aide
technique et de coopération de cette institution visant à promouvoir
le respect des droits de l’homme et l’Etat de droit sont financées
par l’UE via les «programmes conjoints»

.
71. Dans sa réponse de février 2014 à la
Recommandation 2027 (2013) de l’Assemblée, le Comité des Ministres a soutenu sans
réserve le Secrétaire Général qui a indiqué à ses interlocuteurs
de l’UE qu’«un éventuel futur cadre de l’UE devrait tenir compte
des instruments et de l’expertise du Conseil de l’Europe et coopérer
étroitement avec celui-ci»

. Le Comité des Ministres
a également estimé qu’en l’absence d’informations détaillées (à
cette date, c’est‑à‑dire avant la publication de la Communication
de la Commission européenne en mars 2014), il était prématuré de
percevoir cette initiative comme «amoindrissant le rôle du Conseil
de l’Europe ou du système de la Convention»

. Il n’a pas paru aussi préoccupé
des risques de duplication du travail et de gaspillage inutile de
ressources et s’est abstenu d’évoquer la manière dont le Conseil
de l’Europe pourrait prendre part au processus d'élaboration de
ladite initiative et faire en sorte que l'UE tienne compte de son
savoir-faire. Je suis pleinement convaincu que le Comité des Ministres
devrait revoir sa position, attirer plus fortement l’attention sur
les initiatives récentes à l’intérieur de l’UE concernant le «nouveau
cadre pour renforcer l’Etat de droit» et prendre des mesures supplémentaires
pour promouvoir le savoir-faire de notre Organisation et établir/poursuivre
la coopération entre les deux organisations, comme spécifié dans
le Mémorandum d’accord de 2007.
72. Lors de ma visite à Bruxelles, nombre de mes interlocuteurs
au sein des institutions de l’UE ont appelé au développement d’une
coopération mieux structurée avec le Conseil de l’Europe et je suis
pleinement d’accord avec eux. De nombreux collègues à l’intérieur
de notre Organisation entretiennent des relations de travail plus
ou moins régulières avec leurs homologues de l’UE; cependant, cette
coopération, de nature souvent thématique, a fréquemment un caractère
fragmentaire et dispersé. Cette remarque vaut également pour notre
Assemblée, qui devrait essayer d’établir des contacts de travail
plus réguliers et mieux structurés avec les commissions pertinentes
du Parlement européen (la Commission LIBE principalement pour ce
qui concerne notre commission).
73. Beaucoup de choses restent à élucider en ce qui concerne le
rôle de l’UE dans l’imposition de mesures d’austérité à certains
Etats menacés par la crise économique et financière dans la zone
euro. Ces mesures, qui portent fréquemment atteinte aux droits sociaux,
affectent tout particulièrement les groupes les plus vulnérables
(jeunes, personnes âgées, migrants, femmes et handicapés) et peuvent
favoriser la montée des extrémismes, du racisme, des crimes haineux
et de l’intolérance. Les interventions de la Troïka ou de la seule Commission
européenne sont souvent présentées comme le seul moyen de sortir
de la crise; telle est notamment l’opinion de M. Trichet, ancien
président de la BCE. Sans vouloir nécessairement «juger» de l’opportunité
ou du caractère approprié des décisions politiques prises par les
gouvernements en acceptant l’aide financière internationale et/ou
de l’UE, j’aimerais souligner que les circonstances dans lesquelles
ces décisions ont été prises ont souvent manqué de transparence,
et que celles‑ci n’ont fait l’objet d’aucun contrôle juridictionnel.
Les décideurs de l’UE devraient réfléchir aux moyens d’améliorer
la transparence et le caractère démocratique de ces processus. L’UE
et/ou le Conseil de l’Europe pourraient‑ils, par exemple, élaborer
une liste des «critères de conformité pour l’imposition de mesures
d’austérité», comme l’a fait le Haut‑Commissariat des Nations Unies
aux droits de l’homme

?