Avis de commission | Doc. 13760 | 21 avril 2015
Services sociaux en Europe: législation et pratiques de retrait d’enfants de leurs familles dans les Etats membres du Conseil de l’Europe
Commission des questions juridiques et des droits de l'homme
A. Conclusions de la commission
(open)B. Amendements proposés
(open)Amendement A (au projet de résolution)
Après le paragraphe 8.6, ajouter le paragraphe suivant:
«de signer et/ou ratifier, s’ils ne l’ont pas encore fait, les conventions pertinentes du Conseil de l’Europe relatives aux droits de l’enfant, à commencer par la Convention européenne en matière d’adoption des enfants (révisée) (STCE no 202) et la Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants (STE no 160), et de mettre en œuvre toutes les recommandations pertinentes qui émanent du Comité des Ministres;».
Amendement B (au projet de résolution)
Au début du paragraphe 8.1, remplacer les mots «de mettre en place des lois, des règlements et des procédures» par les mots «de revoir les lois, règlements et procédures en vigueur (ou, si besoin est, d’en mettre en place de nouveaux);».
Amendement C (au projet de résolution)
Après le paragraphe 8.1, insérer le paragraphe suivant:
«de poursuivre et renforcer les initiatives prises pour veiller à ce que toute procédure pertinente soit menée de manière attentive aux besoins de l’enfant et que le point de vue des enfants concernés soit pris en compte en fonction de leur âge et de leur degré de maturité;»
Amendement D (au projet de résolution)
A la fin du paragraphe 8.3, ajouter les mots suivants:
«, conformément à leurs obligations nées de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, «la Convention»), selon l’interprétation retenue par la Cour européenne des droits de l’homme, et de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, selon l’interprétation retenue par le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies;»
Amendement E (au projet de résolution)
Après le paragraphe 8.3, insérer le paragraphe suivant:
«de veiller à ce que tout placement (temporaire) d’un enfant, lorsqu’il devient nécessaire en dernier ressort, s’accompagne de mesures visant à réintégrer ultérieurement l’enfant dans sa famille, notamment en facilitant les contacts adéquats entre l’enfant et sa famille, et fasse l’objet d’un contrôle périodique;»
Amendement F (au projet de résolution)
Au paragraphe 8.4, après les mots «sauf circonstances exceptionnelles», insérer les mots «prévues par la loi et soumises à un contrôle juridictionnel (approfondi et en temps utile) effectif».
Amendement G (au projet de résolution)
A la fin du paragraphe 8.6, ajouter les mots suivants:
«, tout en veillant à la protection efficace des données à caractère personnel;».
C. Exposé des motifs, par Mme Sotnyk, rapporteure pour avis
(open)1. Amendement A (au projet de résolution)
Note explicative:
On pourrait dire que la proposition d’amendement A s’explique d’elle-même. Les instruments qu’elle mentionne fixent des normes minimales pour le respect et la protection des droits des enfants; il importe que l’Assemblée invite instamment les Etats membres qui ne l’ont pas encore fait à affirmer leur engagement en faveur des droits de tous les enfants qui relèvent de leur compétence, en signant et/ou en ratifiant les conventions pertinentes élaborées sous les auspices du Conseil de l’Europe et en prenant toutes les mesures qui s’imposent pour garantir leur mise en œuvre effective.
2. Amendement B (au projet de résolution)
Note explicative:
Cette proposition d’amendement vise simplement à rendre le projet de résolution plus précis, en précisant que les Etats membres devraient à la fois revoir leurs lois, règlements et procédures en vigueur, les réviser s’ils s’avèrent incompatibles avec les normes internationales et, si besoin est, en adopter de nouveaux, afin de garantir que l’intérêt supérieur de l’enfant soit pris en compte de manière déterminante dans toute procédure de retrait, de placement et de retour dans sa famille.
3. Amendement C (au projet de résolution)
Note explicative:
Cette proposition d’amendement permettrait de mentionner expressément dans le projet de résolution le droit des enfants à participer aux décisions qui les concernent. Compte tenu de l’incidence considérable de la séparation, du placement et du retour des enfants sur leur existence, ils devraient être entendus à toutes les étapes de ces processus (c’est-à-dire avant la prise de décision initiale, pendant sa mise en œuvre et après sa levée), en fonction de leur âge et de leur degré de maturité.
Le droit de l’enfant à prendre part aux procédures qui les concernent transparaît dans les Lignes directrices sur une justice adaptée aux enfants du Comité des Ministres de novembre 2010. La Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant précise, dans son article 12, que l’enfant capable de discernement a le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question qui le concerne. Comme l’a souligné le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies, «le très bas âge de l’enfant ou sa situation de vulnérabilité (…) ne le prive pas du droit d’exprimer ses vues ni ne réduit le poids à leur attribuer lors de la détermination de son intérêt supérieur» . Cela suppose que la procédure soit à la fois accessible et adaptée aux enfants et que les informations pertinentes leur soient fournies d’une manière qui se soucie d’eux.
Afin de garantir la mise en œuvre effective de ces principes généralement admis, il est indispensable selon moi de promouvoir une modification des comportements. Nous ne devons plus considérer les enfants comme le simple objet de décisions prises par les autorités compétentes. Ils sont titulaires de droits, non seulement d’un droit à la protection, mais également d’un droit de participation. J’aimerais ajouter que, en évitant les procédures excessivement rigides et légalistes et en facilitant au contraire la participation des enfants à ces processus, les Etats membres offrent la garantie solide de donner véritablement effet à la notion assez vague et souple de «l’intérêt supérieur de l’enfant», dont la teneur particulière doit être déterminée au cas par cas, en évaluant et en recherchant un juste équilibre entre tous les éléments indispensables pour tenir compte de la situation particulière de chaque enfant.
4. Amendement D (au projet de résolution)
Note explicative:
Selon moi, la question de l’assistance à fournir aux familles en vue de les aider à prendre convenablement soin de leurs enfants revêt une importance capitale et mérite par conséquent d’être accentuée dans le projet de résolution, par la mention des instruments internationaux qui imposent aux Etats les obligations en la matière. Le Comité des droits de l’enfant a recommandé
«aux Etats parties de développer, d’adopter et d’appliquer ... une politique nationale globale de la famille et de l’enfance qui appuie et renforce les familles. Cette politique nationale ne devrait pas seulement se concentrer sur les subventions d’Etat et l’aide matérielle aux familles dans le besoin mais encore fournir aux familles un appui sous la forme de ce que l’on appelle des plans de service, notamment par l’accès aux services sociaux et sanitaires, aux services d’orientation sociopsychologique familiale soucieux des besoins de l’enfant, à l’éducation et à un logement décent» .
De même, l’Assemblée a précisé dans sa Résolution 1908 (2012), «Droits de l’homme et tribunaux des affaires familiales» (qui repose sur un rapport établi par mon collègue M. Christopher Chope (Royaume-Uni, CE) ), que, «[a]vant de confier un enfant à des tiers ou à une institution, il faudrait apporter à sa famille toute l’aide nécessaire pour faire face à ses difficultés» . Dans le même esprit, la Cour européenne des droits de l’homme a souligné que les Etats Parties à la Convention avaient l’obligation positive d’aider les parents à assumer leurs responsabilités et, lorsqu’une séparation temporaire devenait indispensable, de faciliter le retour de l’enfant dans sa famille . Elle considère également qu’avant de décider de retirer un enfant à ses parents, les autorités doivent vérifier si les parents se trouvent dans l’incapacité permanente de prendre convenablement soin de leur enfant ou s’il pourrait être remédié à leur défaillance en leur dispensant une aide financière et sociale et des conseils utiles .
5. Amendement E (au projet de résolution)
Note explicative:
Bien que j’aie déjà fait part de ma conviction que le fait de prévenir la séparation de la famille et de préserver l’unité familiale était un élément important du système de protection de l’enfant, je crois important de souligner que le maintien de l’unité familiale ne devrait pas être un but en soi. Les services sociaux doivent parvenir à un juste équilibre entre la nécessité d’assurer l’intégrité physique, psychologique, morale et spirituelle globale de l’enfant et son intérêt à ce que sa famille naturelle prenne soin de lui.
La proposition d’amendement E reconnaît que l’exigence première d’agir dans l’intérêt supérieur de l’enfant suppose parfois que les services sociaux soient contraints de placer un enfant pour assurer sa protection. Cela ne met pas pour autant un terme aux relations familiales. Lorsque cette mesure est mise en œuvre, «le placement ne doit pas durer plus longtemps que nécessaire et doit faire l’objet d’évaluations périodiques au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant qui doit primer sur les autres considérations lors de son placement; toute aide possible doit être apportée aux parents afin de permettre un retour harmonieux de l’enfant dans sa famille et dans la société», comme l’a souligné le Comité des Ministres . La Cour européenne des droits de l’homme partage l’idée que la prise en charge de l’enfant devrait en principe être une mesure temporaire, à laquelle il convient de mettre un terme dès que les circonstances permettent de réunir l’enfant et ses parents naturels ; à cette fin, les services sociaux doivent prendre les mesures qui conviennent pour permettre à l’enfant d’entretenir des contacts réguliers avec ses parents .
6. Amendement F (au projet de résolution)
Note explicative:
Le fait d’éviter la rupture complète des liens familiaux, que préconise la rapporteure au paragraphe 8.4 du projet de résolution, est en corrélation directe avec les obligations positives faites aux Etats Parties par l’article 8 de la Convention de faciliter le retour dans leur famille des enfants placés à titre provisoire, comme le souligne la note explicative de la proposition d’amendement E. Le recours à cette mesure draconienne se justifie d’ailleurs uniquement dans des circonstances très exceptionnelles.
Je suis d’avis qu’il serait profitable au projet de résolution de mentionner expressément la nécessité de garantir que toute décision qui entraînerait la rupture permanente des liens familiaux entre un enfant et ses parents (y compris, notamment, le placement d’un enfant pour adoption contre la volonté de ses parents) doit être prévue par la loi et être soumise à des garanties légales rigoureuses et à un contrôle juridictionnel (approfondi et en temps utile) effectif. Compte tenu des conséquences profondes et éventuellement irréversibles d’une telle décision, tant pour l’enfant concerné que pour ses parents, ce contrôle devrait être exercé sous la forme de l’examen le plus rigoureux, afin d’éviter toute conséquence préjudiciable irréparable pour la vie familiale des parties.
7. Amendement G (au projet de résolution)
Note explicative:
Comme je l’ai indiqué plus haut dans mes observations générales, je partage l’avis de la rapporteure sur le fait que la collecte de données ventilées revêt une importance cruciale. Je considère cependant que le projet de résolution pourrait être renforcé par la modification du paragraphe 8.6 que je propose, en soulignant ainsi que les Etats membres doivent garantir la protection de la vie privée et des données à caractère personnel de l’enfant en question, consacrée par l’article 8 de la Convention (qui garantit le droit au respect de la vie privée et de la correspondance), à tous les stades de la procédure qui le concerne. La protection technique et juridique des données à caractère personnel collectées est indispensable pour prévenir l’utilisation abusive de ces informations, qui pourrait entraîner une nouvelle victimisation de l’enfant.