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Résolution 2050 (2015)

La tragédie humaine en Méditerranée: une action immédiate est nécessaire

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 23 avril 2015 (16e séance) (voir Doc. 13764, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, rapporteur: M. Thierry Mariani). Texte adopté par l’Assemblée le 23 avril 2015 (16e séance).

1. L’Assemblée parlementaire exprime sa très vive préoccupation face à la situation humanitaire que connaissent actuellement les migrants en situation irrégulière et les réfugiés en mer Méditerranée. La hausse dramatique des pertes en vies humaines ces dernières semaines est devenue un problème urgent qu’il convient de traiter sans plus attendre.
2. En 2014, plus de 210 000 migrants en situation irrégulière et réfugiés ont traversé la Méditerranée, parmi lesquels 170 000 sont arrivés en Italie. Dans le même temps, 3 500 personnes ont péri en mer. Au cours du premier trimestre de 2015, les chiffres s’élèvent à plus de 30 000 arrivées et 1 500 personnes ont trouvé la mort par noyade. Malheureusement, chaque jour apporte son lot de nouvelles tragiques.
3. L’absence de moyens légaux pour les réfugiés d’arriver en Europe les rend dépendants d’itinéraires dangereux et a déjà causé la perte de milliers de vies. Les passeurs exploitent la situation de vulnérabilité des réfugiés en mettant leurs vies en danger. Les bateaux utilisés sont souvent impropres à la navigation et, pour engranger un maximum de profits, ils sont toujours bondés; le matériel de sécurité de base est insuffisant ou fait totalement défaut; les passagers manquent d’eau et de nourriture en quantité suffisante; et, souvent, les passeurs eux-mêmes abandonnent les navires en haute mer avec à leur bord des migrants qui ont des connaissances minimales en matière de navigation, livrés à eux-mêmes et ne pouvant qu’espérer être secourus par les autorités publiques.
4. Force est de constater que l’augmentation actuelle du nombre de victimes découle en partie de l’interruption de l’opération italienne de recherche et de secours Mare Nostrum due au manque de solidarité des pays de l’Union européenne qui n’a pas été à la hauteur de ses responsabilités, et de son remplacement par la mission européenne Triton dotée d’un mandat plus restreint et de ressources humaines, budgétaires et logistiques moindres. D’un autre côté, nul ne peut ignorer les répercussions de l’opération Mare Nostrum qui, selon de nombreux observateurs, aurait contribué à l’intensification de l’afflux de migrants quittant l’Afrique du Nord par la mer.
5. La forte augmentation du nombre d’arrivées remet une nouvelle fois en question le Règlement de Dublin selon lequel la responsabilité de l’accueil et de la prise en charge des migrants en situation irrégulière et des demandeurs d’asile incombe intégralement à un nombre restreint de pays de destination, l’Italie en particulier, mais aussi Malte, l’Espagne et la Grèce. Cette forte augmentation donne également à réfléchir quant à la pertinence des procédures et de la législation en vigueur en matière d’asile.
6. La situation n’est pas prête de s’arranger dans un avenir proche. Les conflits armés et l’instabilité, les persécutions fondées sur des motifs religieux ou ethniques, ainsi que la pauvreté extrême qui règne en Afrique et au Moyen-Orient continueront de générer un nombre important de migrants, de réfugiés et de demandeurs d’asile. Selon les estimations, 70 000 personnes attendraient un bateau sur les côtes libyennes. A elle seule, la Turquie a accueilli quelque deux millions de personnes fuyant la guerre en Syrie et en Irak.
7. Les récentes déclarations des chefs de l’organisation terroriste connue sous le nom d’«Etat islamique» annonçant leur intention de mêler aux flux de réfugiés certains de leurs membres, chargés de commettre des attentats terroristes en Europe, suscitent des questions légitimes de sécurité.
8. L’incident tragique survenu à la suite d’une bagarre sur un bateau durant laquelle 9 migrants chrétiens auraient été jetés par-dessus bord par les passagers musulmans, conjugué aux récents rapports sur l’assassinat de 27 migrants chrétiens par ledit «Etat islamique» sur les côtes libyennes, suscite de très graves préoccupations.
9. L’Assemblée estime que le principal défi consiste à réduire le nombre de personnes qui entreprennent un périlleux voyage en mer. Il est essentiel d`identifier et de mettre en œuvre des solutions pour réduire les pressions migratoires qui pèsent sur les pays d’origine et de transit.
10. L’Assemblée appelle par conséquent les Etats membres de l’Union européenne à adopter une approche globale pour traiter les flux migratoires mixtes qui traversent la Méditerranée, en vue de mener d’urgence une action concertée, et en particulier:
10.1. à intensifier de toute urgence les opérations de recherche et de sauvetage en mer grâce aux contributions accrues de tous les Etats membres;
10.2. à adopter des mesures efficaces et à coordonner une approche commune au niveau européen en matière de lutte contre les trafiquants d’êtres humains et les passeurs;
10.3. à réexaminer le Règlement de Dublin en vue d’un partage des responsabilités et des coûts concernant l’accueil et la prise en charge des migrants en situation irrégulière et des demandeurs d’asile, avec des quotas pour leur répartition entre les Etats membres de l’Union européenne, déterminés en fonction de la population et des ressources économiques de chaque pays;
10.4. à renforcer les voies de migration légales alternatives, dont la réinstallation, l’accès facilité au regroupement familial et d’autres mécanismes d’entrée tenant compte des besoins de protection préconisés par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR);
10.5. à intensifier l’aide humanitaire et les projets de développement dans les pays de transit et d’origine en vue d’y améliorer les conditions de vie, et à favoriser le renforcement des capacités et les institutions des pays de transit et de premier asile afin d’atténuer les pressions migratoires;
10.6. à étendre la coopération, notamment la coopération administrative, judiciaire et en matière d’enquête avec les pays d’origine et de transit, en particulier ceux de la rive sud de la Méditerranée;
10.7. à garantir l’accès à l’asile aux personnes ayant besoin d’une protection internationale en introduisant la possibilité d’un traitement extérieur des demandes d’asile et, à cette fin, à réexaminer attentivement au besoin les politiques d’asile.
11. L’Assemblée se félicite du plan d’action en dix points sur les migrations du Conseil des Ministres de l’Union européenne, formulé le 20 avril 2015, qui introduit des mesures à court terme afin de relever certains des défis liés aux migrations irrégulières en Méditerranée, et de la décision de tenir aujourd’hui un sommet extraordinaire de l’Union européenne. Cependant, l’Assemblée juge totalement insuffisantes les mesures annoncées et escompte que le programme global de l’Union européenne en matière de migration, qui devrait être annoncé en mai, abordera les questions évoquées dans les paragraphes précédents.