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Résolution 2061 (2015)

Evaluation du partenariat pour la démocratie concernant le Parlement du Maroc

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 23 juin 2015 (22e séance) (voir Doc. 13807, rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie, rapporteur: M. Bogdan Klich; Doc. 13826, avis de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: M. Jordi Xuclà, et Doc. 13825, avis de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, rapporteure: Mme Sahiba Gafarova). Texte adopté par l’Assemblée le 23 juin 2015 (22e séance).

1. Le 21 juin 2011, le Parlement du Maroc est devenu le premier partenaire pour la démocratie de l’Assemblée parlementaire en vertu de la Résolution 1818 (2011) sur la demande de statut de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire présentée par le Parlement du Maroc. L’Assemblée rappelle ce qui suit :
1.1. en adressant sa demande officielle pour obtenir ce statut, le Parlement du Maroc a déclaré qu’il partageait les mêmes valeurs que celles défendues par le Conseil de l’Europe et il a pris une série d’engagements politiques conformément à l’article 62.2 du Règlement de l’Assemblée;
1.2. en accordant le statut, elle a pris note de ces engagements et énoncé un certain nombre de mesures concrètes essentielles pour renforcer la démocratie, l’Etat de droit et le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales au Maroc;
1.3. elle a également insisté sur le fait que l’avancement des réformes est le but principal du partenariat pour la démocratie et qu’il doit constituer le critère d’évaluation de son efficacité. Elle a donc décidé de faire le bilan des progrès réalisés dans la mise en œuvre des engagements politiques et des réformes jugées essentielles;
1.4. dans sa Résolution 1942 (2013) sur l’évaluation du partenariat pour la démocratie concernant le Parlement du Maroc, adoptée le 25 juin 2013, elle a fait le point sur l’évolution politique au Maroc et décidé de continuer à passer en revue la mise en œuvre des réformes politiques dans le pays et de faire une nouvelle évaluation dans un délai de deux ans;
1.5. en outre, dans sa Résolution 2004 (2014) sur la contribution parlementaire à la résolution du conflit du Sahara occidental, elle a estimé que «les avancées réalisées par le Maroc en matière de droits de l’homme au Sahara occidental, ainsi que la mise en œuvre de la présente résolution, devraient désormais être prises en compte dans le prochain rapport d’évaluation du partenariat pour la démocratie concernant le Parlement du Maroc, prévu en 2015».
2. Après quatre années de mise en œuvre du partenariat avec le Parlement du Maroc, l’Assemblée fait une évaluation globalement positive de ses résultats. Elle se félicite du fait que le partenariat continue de recueillir un large soutien aux niveaux du parlement et du gouvernement, mais aussi dans les milieux politiques et la société civile. Il a en effet joué un rôle important dans le lancement et l’application de réformes cruciales dans plusieurs domaines clés, et le développement d’une coopération multiforme entre le Conseil de l’Europe et les institutions marocaines.
3. En même temps, le partenariat est, et doit rester, un outil important visant à s’étendre à l’ensemble du programme de réformes et à le rationaliser, ainsi qu’à accroître le rôle et la responsabilité du parlement dans ce processus.
4. Dans ce contexte, l’Assemblée constate que le Maroc a accompli des progrès dans le renforcement de la gouvernance démocratique, mais que le rythme des réformes législatives et institutionnelles doit être accéléré afin de réaliser pleinement les ambitions de la Constitution de 2011.
5. En ce qui concerne les engagements politiques contractés par le Parlement du Maroc lors de sa demande de statut de partenaire pour la démocratie, l’Assemblée:
5.1. regrette qu’aucun progrès tangible n’ait été réalisé en ce qui concerne la peine de mort. Certes, un moratoire de fait sur les exécutions est en place depuis 1993, mais les tribunaux marocains continuent de prononcer des condamnations à la peine capitale. L’Assemblée appelle de nouveau le Parlement marocain à abolir la peine de mort dans le droit et, entre-temps, à déclarer un moratoire de droit sur les exécutions;
5.2. note que la délégation marocaine partenaire pour la démocratie a organisé et participé à plusieurs activités visant à mettre l’expérience de l’Assemblée et les compétences de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) à la disposition des membres du Parlement marocain afin de les aider dans leur travail législatif. L’Assemblée invite également le parlement à recourir plus largement et régulièrement à cette possibilité, et à inviter un plus grand nombre de ses membres à participer à des activités communes;
5.3. invite les autorités marocaines compétentes à prendre des mesures, en coopération étroite avec la Commission de Venise, visant à améliorer la législation électorale et, plus généralement, le processus électoral dans son ensemble, avant les prochaines élections législatives prévues en 2016. L’Assemblée espère en outre être invitée à observer ces élections ainsi que celles qui se tiendront dans le futur;
5.4. note que, dans le cadre de la mise en œuvre du Plan gouvernemental marocain pour l’égalité 2012-2016, le Conseil de l’Europe a apporté son expertise et une assistance pour élaborer le projet de loi instituant l’Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination (APALD) prévue par la Constitution de 2011. Elle demande aux autorités marocaines d’accorder une priorité accrue aux mesures visant à lutter contre toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et permettant aux femmes d’être dûment représentées à tous les niveaux du pouvoir et de la société;
5.5. appelle de nouveau les autorités marocaines à lancer un débat public sur l’abolition de la polygamie et la réforme de la législation relative aux droits de succession en vue de garantir des droits égaux aux femmes et aux hommes:
5.6. se félicite que le Maroc ait adhéré à, ou signé, neuf conventions du Conseil de l’Europe et qu’il participe à sept accords partiels, contribuant ainsi à la création d’un espace juridique commun entre l’Europe et lui-même. L’Assemblée demande de nouveau aux autorités marocaines d’envisager d’adhérer à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (STE no 126) ainsi qu’à la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197) et à la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210);
5.7. se félicite de l’abrogation de l’article 475 du Code pénal et invite les autorités marocaines à adopter et à mettre en œuvre une législation complète pour prévenir la violence à l’égard des femmes, protéger les victimes et poursuivre les auteurs en justice;
5.8. se félicite une fois de plus de la participation active de la délégation parlementaire marocaine aux travaux de l’Assemblée et de ses commissions, qui permet à l’Assemblée d’être tenue informée de l’évolution politique du pays à la lumière des valeurs défendues par le Conseil de l’Europe;
5.9. encourage le parlement à jouer pleinement son rôle de pierre angulaire de la démocratie en intensifiant le travail législatif sur le programme de réformes, notamment dans les domaines évoqués dans la Résolution 1818 (2011). Elle salue les efforts déployés par le parlement pour associer plus activement le Conseil national des droits de l’homme, les communautés d’experts et les organisations non gouvernementales au processus législatif, et préconise d’étendre cette pratique afin que leurs voix puissent mieux se faire entendre. Elle appelle de nouveau le parlement à garantir pleinement et efficacement le respect du droit d’association et de la liberté d’expression des organisations de la société civile;
5.10. encourage les autorités marocaines à respecter la liberté de religion, conformément au paragraphe 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui stipule que «[t]oute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites»;
5.11. invite les autorités marocaines à prendre les mesures nécessaires pour supprimer la criminalisation de l’adultère et de l’homosexualité du Code pénal;
5.12. reste préoccupée par l’insuffisance de progrès relatifs aux sujets d’inquiétude évoqués au paragraphe 9 de la Résolution 1942 (2013) tels que le recours à la torture, les traitements inhumains ou dégradants, les mauvaises conditions de détention, les violations de la liberté d’expression, de l’indépendance des médias, et des libertés d’association et de réunion pacifique;
5.13. rappelle au parlement qu’il a exprimé son attachement général aux valeurs fondamentales de l’Etat de droit et du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui découlent du partenariat, et l’invite instamment à redoubler d’efforts pour s’atteler aux problèmes qui existent dans ces domaines, ainsi qu’aux autres sujets de préoccupation signalés par les Nations Unies, la société civile et les médias.
6. L’Assemblée réaffirme son ferme soutien à l’action menée par le Secrétaire général des Nations Unies pour aider les parties concernées à parvenir à une solution politique juste, durable et acceptable par les deux parties au Sahara occidental. Elle reprend à son compte la Résolution 2218 (2015) du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui souligne qu’il importe d’améliorer la situation des droits de l’homme au Sahara occidental et dans les camps de Tindouf, et encourage les parties à collaborer avec la communauté internationale pour mettre au point et appliquer des mesures indépendantes et crédibles qui garantissent le plein respect des droits de l’homme, en gardant à l’esprit leurs obligations découlant du droit international.
7. A cet égard, l’Assemblée se félicite, comme le fait la Résolution 2218 (2015), des récentes mesures et des initiatives prises par le Maroc pour renforcer les commissions du Conseil national des droits de l’homme à Dakhla et Laâyoune, et du dialogue que le Maroc entretient au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.
8. Cependant, elle prend note des graves préoccupations exprimées par certains fonctionnaires internationaux et organisations de défense des droits de l’homme concernant des allégations de violations des droits fondamentaux au Sahara occidental, notamment la torture, les traitements inhumains ou dégradants, les violations du droit à un procès équitable et les violations des libertés d’expression, de réunion et d’association. Rappelant le paragraphe 5 de la Résolution 2004 (2014), elle invite instamment le Parlement marocain à garantir que les préoccupations qui n’ont pas encore été traitées sont dûment prises en compte par les autorités marocaines, conformément à leurs obligations internationales et dans l’esprit de respect des valeurs fondamentales défendues par le Conseil de l’Europe.
9. L’Assemblée prend note avec satisfaction des résultats obtenus pour le Maroc grâce à la mise en œuvre du programme conjoint Union européenne/Conseil de l’Europe «Renforcer la réforme démocratique dans les pays du voisinage méridional» (Programme Sud I) durant la période 2012-2014, et se félicite de l’extension de ce programme sous le titre «Vers une gouvernance démocratique renforcée dans le sud de la Méditerranée» (Programme Sud II) sur la période 2015-2017.
10. Elle salue également l’accord conclu entre le Conseil de l’Europe et les autorités marocaines concernant un nouveau plan d’action intitulé «Partenariat de voisinage avec le Maroc 2015-2017», qui vise à consolider les résultats de la coopération menée depuis 2012 au titre des «Priorités 2012-2014 pour le Maroc dans le cadre de la coopération avec le voisinage» et à prolonger l’assistance apportée pour la mise en œuvre du processus de réformes démocratiques. L’Assemblée décide de suivre la mise en application du plan d’action et est prête à contribuer pleinement à sa dimension parlementaire.
11. L’Assemblée décide de continuer à passer en revue la mise en œuvre des réformes politiques au Maroc et à offrir son assistance au Parlement marocain, et d’effectuer une nouvelle évaluation du partenariat au moment opportun.