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Résolution 2063 (2015)
Examen de l'annulation des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation de la Fédération de Russie (suivi du paragraphe 16 de la Résolution 2034 (2015))
1. L’Assemblée parlementaire rappelle
sa Résolution 2034 (2015) sur
la contestation, pour des raisons substantielles, des pouvoirs non
encore ratifiés de la délégation de la Fédération de Russie, adoptée
le 28 janvier 2015. Dans cette résolution, l’Assemblée condamnait
fermement les graves violations du droit international commises
par la Fédération de Russie dans le cadre du conflit dans l’est
de l’Ukraine, ainsi que l’annexion illégale de la Crimée. Soucieuse
d’exprimer clairement sa condamnation, l’Assemblée a décidé de priver
la délégation russe auprès de l’Assemblée de plusieurs de ses droits
pour la durée de la session de 2015. Cependant, dans le seul but
explicite de maintenir un dialogue ouvert et constructif avec la
délégation russe, notamment sur les actions de la Russie à l’égard
de l’Ukraine, l’Assemblée a décidé de ratifier les pouvoirs de la
délégation russe. Dans le même temps, au paragraphe 16 de la Résolution 2034 (2015),
elle décidait d’annuler les pouvoirs de la délégation russe lors
de sa partie de session de juin 2015 si aucun progrès n’était constaté
pour ce qui concerne la mise en œuvre du Protocole et du Mémorandum
de Minsk ainsi que les demandes et recommandations de l’Assemblée
qui figuraient dans la résolution susmentionnée, en particulier
celles relatives au retrait immédiat des troupes russes de l’est
de l’Ukraine.
2. L’Assemblée regrette profondément l’absence manifeste de progrès
en ce qui concerne la mise en œuvre des demandes formulées dans
la Résolution 2034 (2015).
Elle déplore également la décision de la délégation russe de suspendre
tout contact officiel avec elle jusqu’à la fin de 2015, y compris
toutes les visites au nom des organes de l’Assemblée. Cette décision
constitue à ses yeux un rejet clair de sa proposition de maintenir
un dialogue ouvert et constructif, notamment sur les actions de
la Russie en Ukraine, et la conduit à s’interroger sur l’engagement
de la délégation russe de coopérer et d’entretenir un dialogue positif
avec l’Assemblée, s’agissant notamment du respect de ses engagements
et obligations envers le Conseil de l’Europe.
3. L’Assemblée réaffirme sa position et réitère ses demandes
en ce qui concerne l’intervention russe ayant entraîné un conflit
militaire dans l’est de l’Ukraine, l’annexion illégale de la Crimée
et la dégradation continue de la situation des droits de l’homme
dans cette région, exprimées dans sa Résolution 1990 (2014) sur le réexamen,
pour des raisons substantielles, des pouvoirs déjà ratifiés de la
délégation russe, et sa Résolution 2034
(2015). Par ailleurs, elle se déclare vivement préoccupée,
notamment par:
3.1. le harcèlement
et la fermeture, en Crimée, de la plupart des organisations non
gouvernementales (ONG) et des médias critiques à l’égard de l’annexion
illégale de la région par la Russie, y compris la chaîne de télévision
tatare de Crimée ATR;
3.2. la détérioration constante de la situation des droits
de l’homme dans l’est de l’Ukraine et les signalements dignes de
foi de violations du droit international des droits de l’homme et
du droit international humanitaire par toutes les parties au conflit,
dont des enlèvements, des exécutions sommaires, des détentions arbitraires
et des actes de torture contre des civils persistants perpétrés
dans les zones contrôlées par les séparatistes prorusses et des
troupes russes, ainsi que des exécutions sommaires de soldats ukrainiens
capturés par des groupes armés illégaux prorusses;
3.3. le refus des autorités russes de libérer la membre de
l’Assemblée Nadiia Savchenko et leur décision de prolonger sa détention
provisoire en dépit, entre autres, de l’immunité dont elle jouit
au titre de l’Accord général sur les privilèges et immunités du
Conseil de l'Europe et de son Protocole additionnel (STE nos 2
et 10), auxquels la Fédération de Russie est partie;
3.4. les violations continues, de part et d’autre, du cessez-le-feu
convenu dans l’ensemble de mesures en vue de l’application des Accords
de Minsk, signé à Minsk le 12 février 2015, et le maintien d’une
artillerie lourde dans la zone d’exclusion, en violation de ces
accords, ainsi que par les offensives menées contre Debaltseve et
Maryinka, et le bombardement de Marioupol par des groupes armés illégaux
soutenus par les troupes régulières russes, causant un nombre considérable
de morts parmi les civils;
3.5. la présence permanente de troupes russes dans l’est de
l’Ukraine et l’afflux, en provenance de la Fédération de Russie,
d’armements sophistiqués et de «volontaires»;
3.6. le harcèlement et les persécutions en Russie de militants
politiques, d’ONG et de médias qui se montrent critiques à l’égard
du rôle de la Russie dans le conflit de l’est de l’Ukraine. Dans
ce contexte, l’adoption récente de la loi sur «les organisations
étrangères indésirables» soulève également de graves préoccupations.
4. L’Assemblée est extrêmement préoccupée par l’intensification
du harcèlement et de la répression dont sont victimes les militants
et les organisations de défense des droits de l’homme, et par les
manœuvres d’intimidation à l’encontre des voix dissidentes en Russie.
A travers la mise en place et l’application d’un cadre légal répressif,
les autorités russes ont imposé des restrictions à des mouvements
d’opposition, aux médias indépendants et à la société civile, entravant
les libertés d’expression et de réunion. Afin d’évaluer la conformité
de ces récentes évolutions avec les normes du Conseil de l’Europe,
l’Assemblée invite le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe
à préparer un rapport sur la situation des droits de l’homme et
de la démocratie dans la Fédération de Russie.
5. L’annexion illégale de la Crimée par la Russie et son intervention
militaire dans l’est de l’Ukraine démontrent clairement son manque
de volonté d’honorer les engagements contractés lors de son adhésion s’agissant
de ses relations avec les Etats voisins. L’Assemblée appelle donc
les autorités russes à renoncer à revendiquer une sphère d’intérêts
spéciaux dans les Etats voisins et à satisfaire rapidement aux demandes
de l’Assemblée formulées au paragraphe 12 de la Résolution 2034 (2015).
6. L’Assemblée reste convaincue de l’importance d’un dialogue
ouvert, de bonne foi, entre l’Assemblée et la délégation russe,
pour trouver une solution durable, fondée sur le droit et les principes
internationaux, au conflit dans l’est de l’Ukraine et à l’annexion
illégale de la Crimée. Il est désormais essentiel que le Parlement russe
et sa délégation auprès de l’Assemblée expriment leur engagement
clair d’entamer avec cette dernière un dialogue sans conditions
préalables sur le respect par la Russie de ses obligations et engagements
à l’égard du Conseil de l’Europe, notamment en ce qui concerne sa
politique vis-à-vis de ses voisins. L’Assemblée souligne que l’acceptation
d’un tel dialogue est un principe fondamental de l’appartenance
à l’Assemblée parlementaire, qui incombe à toutes les délégations.
Elle appelle par conséquent la délégation russe à renouer sans plus
attendre le dialogue avec elle concernant en particulier la mise
en œuvre des demandes formulées dans sa Résolution 1990 (2014) et sa Résolution 2034 (2015) ainsi
que dans la présente résolution. A cet égard, la délégation russe
devrait dans un premier temps reprendre ses activités au sein de la
commission pour le respect des obligations et engagements des Etats
membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi) et permettre
aux rapporteurs de la commission pour la Fédération de Russie de
se rendre dans le pays dans le cadre de leurs travaux. Par ailleurs,
les autorités russes, en tant que puissance occupante, devraient
faciliter une visite conjointe en Crimée des corapporteurs pour
l’Ukraine et des corapporteurs pour la Fédération de Russie, pour
évaluer la situation des droits de l’homme dans cette région.
7. L’Assemblée déplore la décision des autorités russes d’empêcher
89 personnalités européennes d’entrer sur le territoire de la Fédération
de Russie en les inscrivant sur une liste noire. L’Assemblée réprouve le
fait que cette liste contienne les noms d’un ancien membre et d’un
membre actuel de l’Assemblée parlementaire qui y figurent uniquement
en raison des positions qu’ils ont prises au sein de l’Assemblée concernant
l’annexion illégale de la Crimée par la Russie et ses interventions
militaires dans l’est de l’Ukraine. Cela est absolument inadmissible.
8. Par ailleurs, l’Assemblée appelle les autorités russes:
8.1. à mettre pleinement en œuvre
les Accords de Minsk et l’ensemble de mesures en vue de l’application
des Accords de Minsk, auxquels la Fédération de Russie est partie,
et à user de leur influence auprès des groupes armés illégaux prorusses
pour les amener à faire de même;
8.2. à revenir immédiatement sur l’annexion illégale de la
Crimée;
8.3. à retirer toutes leurs troupes du territoire ukrainien;
8.4. à remettre immédiatement en liberté Nadiia Savchenko et
à l’autoriser à rentrer en Ukraine;
8.5. à remettre en liberté tous les détenus, en particulier
les civils et y compris les détenus qui sont retenus en Fédération
de Russie, et à user de leur influence auprès des groupes armés
illégaux prorusses pour les amener à faire de même;
8.6. à cesser les harcèlements et les persécutions à l’encontre
de citoyens, de militants, d’ONG et de médias en Fédération de Russie
qui sont critiques à l’égard du rôle de la Fédération de Russie
en Ukraine;
8.7. à rendre la loi sur les agents étrangers pleinement conforme
aux normes et aux principes européens;
8.8. à communiquer au grand public des informations exactes
sur la participation des forces de l’armée régulière russe dans
le conflit militaire en Ukraine;
8.9. à respecter pleinement les droits à la liberté de réunion
et d’expression, y compris dans le cas des personnes qui se montrent
critiques envers la politique des autorités;
8.10. à communiquer aux familles des soldats russes portés disparus
des informations sur le sort de leurs proches disparus.
9. Afin d’exprimer son engagement pour un dialogue ouvert et
constructif avec la délégation russe, l’Assemblée, tout en prenant
acte des sanctions actuellement en place, décide de ne pas annuler,
à ce stade, les pouvoirs déjà ratifiés de la délégation russe.