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Résolution 2064 (2015)
Situation en Hongrie à la suite de l’adoption de la Résolution 1941 (2013) de l’Assemblée
1. En juin 2013, l’Assemblée parlementaire
a adopté la Résolution
1941 (2013) sur une demande d’ouverture d’une procédure
de suivi pour la Hongrie. Se déclarant profondément inquiète de
«l’érosion de l’équilibre démocratique entre les différents pouvoirs
qui résulte du nouveau cadre constitutionnel en Hongrie», l’Assemblée
a souligné que «[l]es analyses de la Constitution et de plusieurs
lois cardinales effectuées par des experts de la Commission de Venise
et du Conseil de l’Europe soulèvent un certain nombre de questions
quant à la compatibilité de certaines dispositions avec les normes
et standards européens, y compris avec la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l’homme». Plus précisément, l’Assemblée:
1.1. a appelé les autorités hongroises
à poursuivre leur dialogue ouvert et constructif avec la Commission
européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise)
et toutes les autres institutions européennes, et à prendre un ensemble
de mesures particulières concernant la loi sur la liberté de religion
et le statut des Eglises, la loi sur l’élection des membres du parlement,
la loi sur la Cour constitutionnelle, les lois relatives au système
judiciaire et la législation applicable aux médias;
1.2. a noté que le nouveau Parlement hongrois avait, pour la
première fois dans l’histoire de la Hongrie libre et démocratique,
amendé son ancienne Constitution – héritée du système de parti unique –,
pour en faire une nouvelle loi fondamentale moderne, à l’issue d’une
procédure démocratique et d’intenses débats au parlement, et avec
des contributions de la société civile hongroise;
1.3. tout en soulignant que, pris séparément, chacun des sujets
de préoccupation mentionnés était, en soi, grave, a mis en garde
contre «l’accumulation de réformes visant à établir un contrôle
politique sur la plupart des institutions essentielles tout en affaiblissant
le système d’équilibre des pouvoirs»;
1.4. a décidé, en conclusion, de ne pas ouvrir de procédure
de suivi à l’égard de la Hongrie, mais «de suivre de près l’évolution
de la situation en Hongrie et de dresser le bilan des progrès accomplis
dans la mise en œuvre de la présente résolution».
2. Deux ans plus tard, l’Assemblée fait le point sur ces progrès
et note en particulier ce qui suit:
2.1. s’agissant de la nouvelle loi hongroise sur les Eglises,
il apparaît clairement que la liberté de religion est importante
dans la société hongroise. Toutefois, concernant l’enregistrement
des Eglises, la Cour européenne des droits de l’homme a constaté,
dans son arrêt du 8 avril 2014, une violation de l’article 11 (liberté
de réunion et d’association) interprété à la lumière de l’article
9 (liberté de pensée, de conscience et de religion) de la Convention
européenne des droits de l’homme (STE no 5),
puisque cette loi bafouait les droits des groupes religieux en les
privant de leur statut d’Eglise. Le 15 mai 2015, les autorités hongroises
ont informé le Conseil de l’Europe que six Eglises étaient sur le
point de signer un accord, et quatre autres un accord partiel, mais
cela ne garantit pas la conformité avec l’arrêt de la Cour européenne
des droits de l’homme;
2.2. le droit de reconnaître à un groupe confessionnel le statut
d’Eglise fait toujours partie des compétences du parlement, et non
d’une autorité indépendante comme l’a demandé l’Assemblée. Il n’existe
toujours pas de possibilité de faire appel d’une décision d’accepter
ou de rejeter une demande de reconnaissance en tant qu’Eglise;
2.3. se référant au rapport sur la Hongrie publié par le Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe le 16 décembre 2014,
l’Assemblée note avec préoccupation que celui-ci constate la présence
d’un très grand nombre d’organisations et de mouvements racistes
et extrémistes dans le pays, ainsi qu’un extrémisme rampant dans
l’arène politique. Des conclusions comparables sont formulées dans
le rapport de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance
(ECRI) du 19 mars 2015. L’Assemblée exhorte par conséquent la Hongrie
à mettre en œuvre les recommandations du Commissaire aux droits
de l’homme et de l’ECRI;
2.4. comme l’exigeait la Cour constitutionnelle, les circonscriptions
électorales ont été redécoupées dans un souci d’équité, un changement
positif reconnu par la Commission de Venise et le Bureau des institutions
démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation pour la
sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH). Cependant, les
partis d’opposition estiment que la situation n’est toujours pas
juste. Bien que les recommandations de l’Assemblée – qui concordent
avec celles de la Commission de Venise et de l’OSCE/BIDDH – concernant
la nécessité qu’un organe indépendant soit chargé du découpage des
circonscriptions électorales n’aient pas été suivies, le principal
problème ne semble pas être la loi sur l’élection des membres du
parlement mais la loi relative aux procédures électorales, qui n’a
pas, à ce jour, été examinée par la Commission de Venise;
2.5. en ce qui concerne la Cour constitutionnelle:
2.5.1. aucun changement n’a été apporté dans la loi concernant
la limitation de ses compétences en matière économique, ce que la
Commission de Venise a clairement critiqué;
2.5.2. bien qu’aucun changement n’ait été apporté dans la loi
à la suite de l’avis formulé par la Commission de Venise sur la
possibilité pour la Cour constitutionnelle de se référer à sa jurisprudence
antérieure, la Cour constitutionnelle hongroise, dans une décision
adoptée en 2013, a déclaré qu’il était possible de se référer à
la substance de sa jurisprudence créée sous l’ancienne Constitution
et qu’elle l’avait effectivement fait dans un certain nombre de
ses décisions récentes;
2.5.3. la nomination près la Cour constitutionnelle de personnes
ayant déjà exercé la fonction de juge n’est pas une obligation légale.
Comme l’a recommandé l’Assemblée dans sa Résolution 1941 (2013), une période
de pause obligatoire devrait être introduite pour les membres du parlement
à l’issue de leur mandat politique avant qu’ils soient éligibles
en tant que juges à la Cour constitutionnelle;
2.6. s’agissant du système judiciaire, la question du transfert
d’affaires entre juges a été réglée grâce à des amendements législatifs,
dans le cadre du dialogue avec le Secrétaire Général du Conseil
de l’Europe. De façon générale, des changements ont été apportés
à la fonction de président de l’Office national de la justice, qui
est une institution unique en Europe, et ses pouvoirs sont maintenant
limités;
2.7. concernant les questions liées aux médias, le Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, dans son rapport sur
la Hongrie publié en décembre 2014, a souligné que les médias en Hongrie
restaient soumis à un cadre juridique inadapté et à des pressions
politiques. Pour sa part, dans sa Résolution 2035 (2015) sur la protection
de la sécurité des journalistes et de la liberté des médias en Europe,
l’Assemblée a exhorté le Parlement hongrois à engager de nouvelles
réformes de sa législation en vue d’améliorer l’indépendance des
instances de régulation des médias, de l’agence de presse officielle
et des radiodiffuseurs de service public, d’accroître la transparence
et le pluralisme des médias privés, et de lutter contre les discours
racistes à l’égard des minorités ethniques. L’Assemblée appelle la
Hongrie à mettre en œuvre les recommandations formulées par la Commission
de Venise dans son Avis 798/2015 sur la législation hongroise relative
aux médias. L’Assemblée restera saisie de la situation des médias
en Hongrie dans le cadre de ses futurs rapports sur les attaques
contre des journalistes et la liberté des médias en Europe, et sur
les nouvelles méthodes de pression politique sur le journalisme indépendant.
La situation du racisme et de l’intolérance appelle en outre une
attention spéciale;
2.8. concernant le récent débat sur la réintroduction de la
peine de mort en Hongrie, l’Assemblée souligne fermement encore
une fois que l’interdiction de la peine de mort fait partie intégrante
des valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe et se félicite
du retrait de toute proposition à cet égard;
2.9. l’Assemblée rappelle que certains problèmes ayant trait
à la Constitution et à la démocratie, comme le vaste champ d’application
des «lois cardinales» et la nécessité d’obtenir la majorité qualifiée pour
procéder à des modifications, qui ont été mis en évidence par la
Commission de Venise, doivent encore être traités.
3. En conclusion, l’Assemblée se félicite des mesures prises
par les autorités hongroises et de leur coopération constante avec
le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, et les encourage à
maintenir le dialogue ouvert et constructif avec les différents
interlocuteurs du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales.
Elle décide par conséquent de demander aux autorités hongroises
de s’employer à régler les problèmes en suspens, mais convient qu’il
faudrait à présent mettre un terme à l’examen spécial de ces questions.