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Résolution 2065 (2015)

Accroître la transparence de la propriété des médias

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 24 juin 2015 (24e séance) (voir Doc. 13747, rapport de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias, rapporteure: Mme Gülsün Bilgehan). Texte adopté par l’Assemblée le 24 juin 2015 (24e séance).Voir également la Recommandation 2074 (2015).

1. L’Assemblée parlementaire, soulignant l’importance fondamentale de la liberté d’information par les médias dans une démocratie, rappelle que la transparence de la propriété des médias est nécessaire pour permettre au public de se forger une opinion sur la valeur des informations, des idées et des opinions diffusées par les médias.
2. A cet égard, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme exige le pluralisme et donc la transparence des médias, et oblige les Parties à la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) à adopter des mesures positives en ce sens.
3. L’Assemblée rappelle l’article 6.2 de la Convention européenne sur la télévision transfrontière (STE no 132), qui exige des Parties à cette convention que des informations concernant le radiodiffuseur soient données, sur demande, par l’autorité compétente de la Partie de transmission, y compris la composition du capital et la nature, l’objet et le mode de financement du service de programmes que le radiodiffuseur fournit ou s’apprête à fournir.
4. En outre, la Recommandation CM/Rec(2007)2 du Comité des Ministres sur le pluralisme des médias et la diversité du contenu des médias exige des Etats membres qu’ils assurent l’accès du public à des informations spécifiques sur la propriété, la gestion et les structures éditoriales des médias, ainsi que sur leur financement.
5. Or, l’Assemblée constate avec préoccupation qu’il est fréquent que la propriété et le contrôle des médias ne soient pas transparents, soit en raison de l’absence d’obligation de transparence en droit interne dans les Etats membres, soit en raison de montages juridiques non transparents avec une propriété indirecte ou cachée, souvent en lien avec des attaches politiques ou des intérêts économiques ou religieux, ou des intérêts de propagande politique étrangère du véritable propriétaire d’un média.
6. De plus, en raison des pressions économiques accrues et de la concurrence des médias numériques, le pluralisme des médias est particulièrement remis en question. Des médias sont rachetés par des entreprises de médias plus importantes ou par de riches particuliers, dont les intérêts sont moins axés sur le journalisme indépendant ou la rentabilité, mais plutôt sur la possibilité de diriger l’opinion d’un secteur du grand public. Grâce à la concentration des médias, ce leadership d’opinion a pu parvenir à dominer certains marchés régionaux ou nationaux.
7. Bien que certains Etats membres aient une législation qui assure la transparence de la propriété des médias conformément aux normes ci-dessus, un grand nombre d’Etats membres n’ont pas une telle législation et les lois de quelques Etats membres permettent la propriété indirecte ou cachée, attirant ainsi la délocalisation d’entreprises de médias vers leur territoire national.
8. En conséquence, l’Assemblée recommande aux parlements des Etats membres de réviser leur législation pour assurer une transparence adéquate de la propriété des médias (presse écrite, cinéma, radio, télévision et médias en ligne) ainsi que de l’influence sur les médias, y compris la divulgation de la propriété cachée. Conformément à l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, ces obligations d'information ne devraient pas être utilisées afin de discriminer la propriété étrangère des médias ou de restreindre la diffusion internationale des produits et des services multimédias. Le récent défi que représentent les médias appartenant au Gouvernement de la Fédération de Russie, qui sont utilisés à des fins de propagande politique étrangère dans plusieurs Etats membres du Conseil de l’Europe, est une question politique distincte qui nécessite davantage de réflexion des organes compétents du Conseil de l’Europe.
9. Les informations à communiquer concernant les médias devraient comprendre les points suivants:
9.1. leur raison sociale, leur siège social et leurs coordonnées, ainsi que le but lucratif ou non, ou leur appartenance à l’Etat;
9.2. le nom des personnes qui ont une responsabilité éditoriale ou des auteurs du contenu éditorial;
9.3. le nom des auteurs du contenu fourni par des tiers, sauf si la protection des sources journalistiques exige de garder leur nom secret ou si le droit à la liberté d’expression de l’auteur risque d’être menacé au-delà des limites de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme;
9.4. le nom et le domicile légal de leurs propriétaires; lorsque ces derniers sont des entreprises tierces ou d’autres personnes morales, leur raison sociale et leur siège social ainsi que le pourcentage de leur participation, sauf si cette propriété concerne une partie insignifiante du média;
9.5. l’existence de contrats de coopération avec d’autres entreprises ou la coopération quasi exclusive avec une seule agence de publicité;
9.6. les informations relatives au placement des publicités ou tout autre contrat avec des institutions de l’Etat ou des autorités locales, ainsi qu’avec des agences qui leur appartiennent.
10. Les informations ci-dessus et toute modification ultérieure pertinente à cet égard devraient être adressées par les médias concernés à une autorité nationale indépendante chargée des médias. Le public devrait avoir accès gratuitement à ces informations, présentées de manière cohérente, sous forme électronique, grâce aux sites internet des médias et/ou à une base de données centralisée en ligne publiée par l’autorité nationale chargée des médias. L’autorité nationale chargée des médias (ou tout autre organisme public compétent) devrait être habilitée à surveiller le respect des obligations d’information, et le non-respect de ces dernières devrait être dûment établi et sanctionné.
11. Eu égard à la complexité des paysages médiatiques en Europe et à la complexité des structures de propriété d’un grand nombre de médias, les Etats membres devraient assurer le respect des règles de transparence par l’intermédiaire de leurs instances de régulation ou d’autres autorités compétentes. Il devrait être possible de porter plainte auprès des autorités compétentes pour non-respect des règles de transparence.