Imprimer
Autres documents liés
Résolution 2065 (2015)
Accroître la transparence de la propriété des médias
1. L’Assemblée parlementaire, soulignant l’importance
fondamentale de la liberté d’information par les médias dans une
démocratie, rappelle que la transparence de la propriété des médias
est nécessaire pour permettre au public de se forger une opinion
sur la valeur des informations, des idées et des opinions diffusées par
les médias.
2. A cet égard, la jurisprudence de la Cour européenne des droits
de l’homme exige le pluralisme et donc la transparence des médias,
et oblige les Parties à la Convention européenne des droits de l’homme
(STE no 5) à adopter des mesures positives
en ce sens.
3. L’Assemblée rappelle l’article 6.2 de la Convention européenne
sur la télévision transfrontière (STE no 132),
qui exige des Parties à cette convention que des informations concernant
le radiodiffuseur soient données, sur demande, par l’autorité compétente
de la Partie de transmission, y compris la composition du capital
et la nature, l’objet et le mode de financement du service de programmes
que le radiodiffuseur fournit ou s’apprête à fournir.
4. En outre, la Recommandation CM/Rec(2007)2 du Comité des Ministres
sur le pluralisme des médias et la diversité du contenu des médias
exige des Etats membres qu’ils assurent l’accès du public à des informations
spécifiques sur la propriété, la gestion et les structures éditoriales
des médias, ainsi que sur leur financement.
5. Or, l’Assemblée constate avec préoccupation qu’il est fréquent
que la propriété et le contrôle des médias ne soient pas transparents,
soit en raison de l’absence d’obligation de transparence en droit
interne dans les Etats membres, soit en raison de montages juridiques
non transparents avec une propriété indirecte ou cachée, souvent
en lien avec des attaches politiques ou des intérêts économiques
ou religieux, ou des intérêts de propagande politique étrangère
du véritable propriétaire d’un média.
6. De plus, en raison des pressions économiques accrues et de
la concurrence des médias numériques, le pluralisme des médias est
particulièrement remis en question. Des médias sont rachetés par
des entreprises de médias plus importantes ou par de riches particuliers,
dont les intérêts sont moins axés sur le journalisme indépendant
ou la rentabilité, mais plutôt sur la possibilité de diriger l’opinion
d’un secteur du grand public. Grâce à la concentration des médias,
ce leadership d’opinion a pu parvenir à dominer certains marchés régionaux
ou nationaux.
7. Bien que certains Etats membres aient une législation qui
assure la transparence de la propriété des médias conformément aux
normes ci-dessus, un grand nombre d’Etats membres n’ont pas une
telle législation et les lois de quelques Etats membres permettent
la propriété indirecte ou cachée, attirant ainsi la délocalisation
d’entreprises de médias vers leur territoire national.
8. En conséquence, l’Assemblée recommande aux parlements des
Etats membres de réviser leur législation pour assurer une transparence
adéquate de la propriété des médias (presse écrite, cinéma, radio, télévision
et médias en ligne) ainsi que de l’influence sur les médias, y compris
la divulgation de la propriété cachée. Conformément à l'article
10 de la Convention européenne des droits de l'homme, ces obligations d'information
ne devraient pas être utilisées afin de discriminer la propriété
étrangère des médias ou de restreindre la diffusion internationale
des produits et des services multimédias. Le récent défi que représentent les
médias appartenant au Gouvernement de la Fédération de Russie, qui
sont utilisés à des fins de propagande politique étrangère dans
plusieurs Etats membres du Conseil de l’Europe, est une question politique
distincte qui nécessite davantage de réflexion des organes compétents
du Conseil de l’Europe.
9. Les informations à communiquer concernant les médias devraient
comprendre les points suivants:
9.1. leur
raison sociale, leur siège social et leurs coordonnées, ainsi que
le but lucratif ou non, ou leur appartenance à l’Etat;
9.2. le nom des personnes qui ont une responsabilité éditoriale
ou des auteurs du contenu éditorial;
9.3. le nom des auteurs du contenu fourni par des tiers, sauf
si la protection des sources journalistiques exige de garder leur
nom secret ou si le droit à la liberté d’expression de l’auteur
risque d’être menacé au-delà des limites de l’article 10 de la Convention
européenne des droits de l’homme;
9.4. le nom et le domicile légal de leurs propriétaires; lorsque
ces derniers sont des entreprises tierces ou d’autres personnes
morales, leur raison sociale et leur siège social ainsi que le pourcentage
de leur participation, sauf si cette propriété concerne une partie
insignifiante du média;
9.5. l’existence de contrats de coopération avec d’autres entreprises
ou la coopération quasi exclusive avec une seule agence de publicité;
9.6. les informations relatives au placement des publicités
ou tout autre contrat avec des institutions de l’Etat ou des autorités
locales, ainsi qu’avec des agences qui leur appartiennent.
10. Les informations ci-dessus et toute modification ultérieure
pertinente à cet égard devraient être adressées par les médias concernés
à une autorité nationale indépendante chargée des médias. Le public devrait
avoir accès gratuitement à ces informations, présentées de manière
cohérente, sous forme électronique, grâce aux sites internet des
médias et/ou à une base de données centralisée en ligne publiée par
l’autorité nationale chargée des médias. L’autorité nationale chargée
des médias (ou tout autre organisme public compétent) devrait être
habilitée à surveiller le respect des obligations d’information,
et le non-respect de ces dernières devrait être dûment établi et
sanctionné.
11. Eu égard à la complexité des paysages médiatiques en Europe
et à la complexité des structures de propriété d’un grand nombre
de médias, les Etats membres devraient assurer le respect des règles
de transparence par l’intermédiaire de leurs instances de régulation
ou d’autres autorités compétentes. Il devrait être possible de porter
plainte auprès des autorités compétentes pour non-respect des règles
de transparence.