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Résolution 2066 (2015)
La responsabilité et la déontologie des médias dans un environnement médiatique changeant
1. L’Assemblée parlementaire rappelle
que la liberté d’expression dans les médias constitue un préalable nécessaire
dans toute société démocratique et une condition indispensable à
ses progrès sociétaux et à l’épanouissement de tout être humain.
La liberté d’expression s’applique globalement, sans conditions
ni restrictions autres que celles prévues par la Convention européenne
des droits de l’homme (STE no 5).
2. Etant donné que l’exercice de cette liberté comporte des devoirs
et des responsabilités, l’Assemblée salue la Déclaration de principe
sur la conduite des journalistes adoptée par la Fédération internationale
des journalistes, ainsi que les codes de déontologie adoptés par
des journalistes et des médias au niveau national dans tous les
Etats membres. Ces codes sont une expression volontaire de la diligence
professionnelle de journalistes et de médias soucieux de garantir
la qualité de leur travail, de rectifier leurs erreurs et d’agir
de manière responsable vis-à-vis du public.
3. Tout en saluant les initiatives concrètes des journalistes
et de leurs organisations professionnelles pour promouvoir des normes
éthiques rigoureuses, à l’image de l’Initiative pour un journalisme
éthique de la Fédération internationale des journalistes, adoptée
à l’occasion de son congrès mondial tenu à Moscou, en 2007, et soutenue
par l’Union européenne et le Conseil de l’Europe, l’Assemblée rappelle
sa Résolution 1003 (1993) relative
à l’éthique du journalisme et note avec inquiétude que la mutation
rapide de l’environnement médiatique met à mal l’éthique du journalisme
et que tous les journalistes n’adhèrent pas rigoureusement aux codes
de déontologie.
4. L’Assemblée s’alarme de la montée du discours haineux et raciste
en Europe, et rappelle aux Etats membres qu’il est impératif de
disposer d’une législation nationale pour lutter contre la propagande
de guerre et contre tout appel à la haine nationale, raciste ou
religieuse constituant une incitation à la discrimination, à l’hostilité
ou à la violence, en vertu de l’article 20 du Pacte international
des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques, mais
aussi contre la diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou
la haine raciales, et contre l’incitation à la discrimination raciale,
en vertu de l’article 4 de la Convention internationale des Nations
Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
5. Dans bien des régions d’Europe, les journalistes travaillent
sans bénéficier de la sécurité juridique nécessaire et dans des
conditions matérielles médiocres, souvent « à la pige », ce qui
les rend plus vulnérables aux pressions exercées sur eux par des
tiers. Beaucoup de médias ont des problèmes financiers en raison
d’une diminution du nombre de lecteurs, auditeurs ou spectateurs,
liée au développement des médias basés sur internet et à des modèles
économiques souvent moins rentables, ce qui compromet l’indépendance
éditoriale de ces médias. De plus, les journalistes et les médias
sont menacés de plus en plus par la criminalité organisée, le terrorisme
et les conflits armés, ce qui met en danger tout leur travail.
6. Rappelant sa Résolution
1577 (2007) «Vers une dépénalisation de la diffamation»,
l’Assemblée rappelle aux Etats membres que les déclarations ou allégations
formulées dans les médias, même quand elles se révèlent inexactes,
ne devraient pas être passibles de sanctions, pour autant que leur
inexactitude ne fut pas connue, qu’elles ne traduisent pas une intention
consciente de nuire et que leur véracité a été vérifiée avec la diligence
requise. Les Etats membres devraient progresser sur la voie de la
dépénalisation de la diffamation.
7. Rappelant sa Recommandation
1878 (2009) sur le financement de la radiodiffusion de
service public, l’Assemblée réaffirme que les services publics audiovisuels
doivent être une importante source d’informations impartiales et
présenter une diversité d’opinions politiques. Leur activité doit
être soumise à d’exigeantes normes éditoriales d’objectivité, d’équité
et d’indépendance vis-à-vis de toute ingérence politique ou économique.
En conséquence, l’Assemblée salue et soutient les principes éditoriaux
et les principes directeurs de l’Union européenne des radiodiffuseurs,
et appelle les Etats membres à assurer que leurs services publics audiovisuels
les mettent pleinement en œuvre.
8. Rappelant sa Résolution
1438 (2005) sur la liberté de la presse et les conditions
de travail des journalistes dans les zones de conflit, l’Assemblée
attire l’attention des Etats membres sur le fait que les journalistes
doivent être considérés comme des civils, en vertu de l’article
79 du Protocole I aux Conventions de Genève de 1949, à condition
qu’ils n’entreprennent aucune action portant atteinte à leur statut
de personnes civiles. Elle invite l’ensemble des médias à indiquer
clairement au public les reportages qui ont été réalisés par des
correspondants de guerre intégrés dans les forces armées ou de sécurité.
9. Rappelant sa Résolution
2001 (2014) sur la violence véhiculée dans et par les
médias, l’Assemblée est favorable aux mécanismes d’autorégulation
des médias audiovisuels, de l’industrie cinématographique et du secteur
des jeux visant à protéger les mineurs contre la violence par une
classification volontaire de leurs contenus médiatiques. La responsabilité
éditoriale – d’éviter que les contenus à caractère violent heurtent
la dignité de la personne humaine ou nuisent au développement physique,
psychique ou moral des enfants et des adolescents – incombe aux
médias.
10. Au vu de la croissance exponentielle des médias basés sur
internet et des changements connexes dans la structure interne des
médias, l’Assemblée estime que les médias devraient occuper une
place prépondérante dans la définition et la défense des normes
professionnelles applicables à leur personnel et aux personnes qui
alimentent le contenu médiatique. Dans ce contexte, les médias devraient
se doter de codes de déontologie et de médiateurs internes ainsi
que de mécanismes permettant aux lecteurs, auditeurs ou spectateurs
de faire part de leurs réclamations ou de leurs remarques concernant
le respect de ces codes.
11. L’Assemblée voit dans l’autorégulation des médias un moyen
de réduire l’influence de l’Etat et d’autres secteurs de la société
sur leurs contenus. De plus, les mécanismes d’autorégulation peuvent
faciliter le règlement extrajudiciaire des litiges relatifs à ces
contenus. Cela étant, l’Assemblée rappelle aux Etats membres que
les restrictions imposées par les pouvoirs publics à la liberté
d’expression et d’information par le biais des médias doivent être
prévues par la loi, poursuivre un objectif légitime et être nécessaires
dans une société démocratique. L’autorégulation des médias doit
être volontaire et éthique plutôt que contrainte juridiquement.
12. Les systèmes d’autorégulation des médias se sont développés
différemment selon les Etats membres, en fonction des traditions
politiques, culturelles et juridiques de chacun. Dans plusieurs
pays, les systèmes de corégulation mis en place s’inscrivent dans
un cadre législatif applicable à une déontologie des médias fondée sur
l’autorégulation. Lorsque ces systèmes prévoient la possibilité
d’imposer des amendes et d’autres sanctions, la Convention européenne
des droits de l’homme, en particulier son article 10, s’applique
et doit être respectée.
13. En conséquence, l’Assemblée invite les médias, leur personnel
et leurs organisations à adhérer volontairement en plus grand nombre
à leurs codes déontologiques et à leurs mécanismes d’analyse des violations
de ces codes en vue de proposer une réparation adéquate aux personnes
affectées par de telles violations. A cette fin, l’Assemblée invite
l’Alliance des conseils de presse indépendants d’Europe à renforcer la
coordination entre ses membres, afin d’élever le niveau d’exigence
des normes éthiques dans toute l’Europe, de faciliter les procédures
de plainte entre différents pays et de sensibiliser le public des
médias européens.
14. L’Assemblée invite l’Union européenne à coopérer avec le Conseil
de l’Europe pour promouvoir l’autorégulation des médias, par exemple
en étendant les principes énoncés dans la Directive sur les services des
médias au-delà de l’Union européenne, sur le modèle de la tentative
faite avec la Convention européenne sur la télévision transfrontière
(STE no 132), mais aussi en organisant
des activités de coopération concrètes avec des associations nationales
de médias et de journalistes.