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Résolution 2066 (2015)

La responsabilité et la déontologie des médias dans un environnement médiatique changeant

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 24 juin 2015 (24e séance) (voir Doc. 13803, rapport de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias, rapporteur: M. Volodymyr Ariev). Texte adopté par l’Assemblée le 24 juin 2015 (24e séance).Voir également la Recommandation 2075 (2015).

1. L’Assemblée parlementaire rappelle que la liberté d’expression dans les médias constitue un préalable nécessaire dans toute société démocratique et une condition indispensable à ses progrès sociétaux et à l’épanouissement de tout être humain. La liberté d’expression s’applique globalement, sans conditions ni restrictions autres que celles prévues par la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5).
2. Etant donné que l’exercice de cette liberté comporte des devoirs et des responsabilités, l’Assemblée salue la Déclaration de principe sur la conduite des journalistes adoptée par la Fédération internationale des journalistes, ainsi que les codes de déontologie adoptés par des journalistes et des médias au niveau national dans tous les Etats membres. Ces codes sont une expression volontaire de la diligence professionnelle de journalistes et de médias soucieux de garantir la qualité de leur travail, de rectifier leurs erreurs et d’agir de manière responsable vis-à-vis du public.
3. Tout en saluant les initiatives concrètes des journalistes et de leurs organisations professionnelles pour promouvoir des normes éthiques rigoureuses, à l’image de l’Initiative pour un journalisme éthique de la Fédération internationale des journalistes, adoptée à l’occasion de son congrès mondial tenu à Moscou, en 2007, et soutenue par l’Union européenne et le Conseil de l’Europe, l’Assemblée rappelle sa Résolution 1003 (1993) relative à l’éthique du journalisme et note avec inquiétude que la mutation rapide de l’environnement médiatique met à mal l’éthique du journalisme et que tous les journalistes n’adhèrent pas rigoureusement aux codes de déontologie.
4. L’Assemblée s’alarme de la montée du discours haineux et raciste en Europe, et rappelle aux Etats membres qu’il est impératif de disposer d’une législation nationale pour lutter contre la propagande de guerre et contre tout appel à la haine nationale, raciste ou religieuse constituant une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence, en vertu de l’article 20 du Pacte international des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques, mais aussi contre la diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciales, et contre l’incitation à la discrimination raciale, en vertu de l’article 4 de la Convention internationale des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
5. Dans bien des régions d’Europe, les journalistes travaillent sans bénéficier de la sécurité juridique nécessaire et dans des conditions matérielles médiocres, souvent « à la pige », ce qui les rend plus vulnérables aux pressions exercées sur eux par des tiers. Beaucoup de médias ont des problèmes financiers en raison d’une diminution du nombre de lecteurs, auditeurs ou spectateurs, liée au développement des médias basés sur internet et à des modèles économiques souvent moins rentables, ce qui compromet l’indépendance éditoriale de ces médias. De plus, les journalistes et les médias sont menacés de plus en plus par la criminalité organisée, le terrorisme et les conflits armés, ce qui met en danger tout leur travail.
6. Rappelant sa Résolution 1577 (2007) «Vers une dépénalisation de la diffamation», l’Assemblée rappelle aux Etats membres que les déclarations ou allégations formulées dans les médias, même quand elles se révèlent inexactes, ne devraient pas être passibles de sanctions, pour autant que leur inexactitude ne fut pas connue, qu’elles ne traduisent pas une intention consciente de nuire et que leur véracité a été vérifiée avec la diligence requise. Les Etats membres devraient progresser sur la voie de la dépénalisation de la diffamation.
7. Rappelant sa Recommandation 1878 (2009) sur le financement de la radiodiffusion de service public, l’Assemblée réaffirme que les services publics audiovisuels doivent être une importante source d’informations impartiales et présenter une diversité d’opinions politiques. Leur activité doit être soumise à d’exigeantes normes éditoriales d’objectivité, d’équité et d’indépendance vis-à-vis de toute ingérence politique ou économique. En conséquence, l’Assemblée salue et soutient les principes éditoriaux et les principes directeurs de l’Union européenne des radiodiffuseurs, et appelle les Etats membres à assurer que leurs services publics audiovisuels les mettent pleinement en œuvre.
8. Rappelant sa Résolution 1438 (2005) sur la liberté de la presse et les conditions de travail des journalistes dans les zones de conflit, l’Assemblée attire l’attention des Etats membres sur le fait que les journalistes doivent être considérés comme des civils, en vertu de l’article 79 du Protocole I aux Conventions de Genève de 1949, à condition qu’ils n’entreprennent aucune action portant atteinte à leur statut de personnes civiles. Elle invite l’ensemble des médias à indiquer clairement au public les reportages qui ont été réalisés par des correspondants de guerre intégrés dans les forces armées ou de sécurité.
9. Rappelant sa Résolution 2001 (2014) sur la violence véhiculée dans et par les médias, l’Assemblée est favorable aux mécanismes d’autorégulation des médias audiovisuels, de l’industrie cinématographique et du secteur des jeux visant à protéger les mineurs contre la violence par une classification volontaire de leurs contenus médiatiques. La responsabilité éditoriale – d’éviter que les contenus à caractère violent heurtent la dignité de la personne humaine ou nuisent au développement physique, psychique ou moral des enfants et des adolescents – incombe aux médias.
10. Au vu de la croissance exponentielle des médias basés sur internet et des changements connexes dans la structure interne des médias, l’Assemblée estime que les médias devraient occuper une place prépondérante dans la définition et la défense des normes professionnelles applicables à leur personnel et aux personnes qui alimentent le contenu médiatique. Dans ce contexte, les médias devraient se doter de codes de déontologie et de médiateurs internes ainsi que de mécanismes permettant aux lecteurs, auditeurs ou spectateurs de faire part de leurs réclamations ou de leurs remarques concernant le respect de ces codes.
11. L’Assemblée voit dans l’autorégulation des médias un moyen de réduire l’influence de l’Etat et d’autres secteurs de la société sur leurs contenus. De plus, les mécanismes d’autorégulation peuvent faciliter le règlement extrajudiciaire des litiges relatifs à ces contenus. Cela étant, l’Assemblée rappelle aux Etats membres que les restrictions imposées par les pouvoirs publics à la liberté d’expression et d’information par le biais des médias doivent être prévues par la loi, poursuivre un objectif légitime et être nécessaires dans une société démocratique. L’autorégulation des médias doit être volontaire et éthique plutôt que contrainte juridiquement.
12. Les systèmes d’autorégulation des médias se sont développés différemment selon les Etats membres, en fonction des traditions politiques, culturelles et juridiques de chacun. Dans plusieurs pays, les systèmes de corégulation mis en place s’inscrivent dans un cadre législatif applicable à une déontologie des médias fondée sur l’autorégulation. Lorsque ces systèmes prévoient la possibilité d’imposer des amendes et d’autres sanctions, la Convention européenne des droits de l’homme, en particulier son article 10, s’applique et doit être respectée.
13. En conséquence, l’Assemblée invite les médias, leur personnel et leurs organisations à adhérer volontairement en plus grand nombre à leurs codes déontologiques et à leurs mécanismes d’analyse des violations de ces codes en vue de proposer une réparation adéquate aux personnes affectées par de telles violations. A cette fin, l’Assemblée invite l’Alliance des conseils de presse indépendants d’Europe à renforcer la coordination entre ses membres, afin d’élever le niveau d’exigence des normes éthiques dans toute l’Europe, de faciliter les procédures de plainte entre différents pays et de sensibiliser le public des médias européens.
14. L’Assemblée invite l’Union européenne à coopérer avec le Conseil de l’Europe pour promouvoir l’autorégulation des médias, par exemple en étendant les principes énoncés dans la Directive sur les services des médias au-delà de l’Union européenne, sur le modèle de la tentative faite avec la Convention européenne sur la télévision transfrontière (STE no 132), mais aussi en organisant des activités de coopération concrètes avec des associations nationales de médias et de journalistes.