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Résolution 2067 (2015)
Les personnes portées disparues pendant le conflit en Ukraine
1. L’Assemblée parlementaire est extrêmement
préoccupée par le nombre croissant de personnes portées disparues
signalées dans les zones d’opérations militaires de certaines parties
des régions ukrainiennes de Donetsk et Lougansk, ainsi que dans
la Crimée occupée.
2. Depuis l’amorce de l’agression russe en Ukraine, début 2014,
plus de 1 300 personnes ont été portées disparues. Ce chiffre, qui
tient uniquement compte des données recueillies par les autorités
ukrainiennes, est sans aucun doute plus élevé dans la réalité. Parmi
ces personnes portées disparues figurent non seulement des soldats,
mais aussi des civils, y compris des bénévoles venus porter secours
aux victimes du conflit. On ignore leur sort et le lieu où elles
se trouvent, et il est difficile de le déterminer, car ce lieu se
situe très probablement sur le territoire qui reste sous le contrôle
des groupes séparatistes.
3. L’Assemblée salue les initiatives prises par les autorités
ukrainiennes pour déterminer le sort et l’endroit où se trouvent
des personnes portées disparues. Elle se félicite, en particulier,
de la création d’un centre interministériel d’aide à la libération
des captifs et des otages, et de recherche des personnes portées disparues,
placé sous la tutelle du Service de sûreté de l’Etat, et de la mise
en place d’un registre unique des enquêtes menées dans le cadre
d’une instruction judiciaire (y compris une base de données des
échantillons d’ADN prélevés sur les corps non identifiés et sur
les parents des personnes portées disparues) au sein du ministère
de l’Intérieur, qui ont considérablement facilité la procédure d’identification
de personnes portées disparues.
4. L’Assemblée déplore la décision du Président de la Fédération
de Russie de classifier les informations sur les pertes humaines
au sein des forces armées de la Fédération de Russie lors d’opérations
spéciales en temps de paix.
5. En parallèle, l’Assemblée estime que la question des personnes
portées disparues devrait être abordée de manière plus approfondie
par le gouvernement et qu’elle devrait notamment inclure la coordination
de l’action menée par diverses organisations de défense des droits
de l’homme et de bénévoles pour localiser les personnes portées
disparues et recueillir des informations à leur sujet. En outre,
l’aide médicale, sociale et financière proposée aux familles des
personnes portées disparues est largement insuffisante.
6. L’Assemblée souligne que le problème des personnes portées
disparues ne peut être résolu que par une action conjointe de toutes
les parties au conflit. C’est pourquoi l’Assemblée invite instamment
l’Ukraine, la Fédération de Russie et les groupes séparatistes qui
contrôlent les territoires occupés des régions de Donetsk et Lougansk:
6.1. à prendre des mesures efficaces
en matière d’enquête et d’aide aux familles à l’égard de tous les cas
signalés de personnes portées disparues, conformément au droit international
humanitaire;
6.2. à mettre en commun les informations dont ils disposent
sur le sort et le lieu où se trouvent des personnes portées disparues,
et sur la restitution, le cas échéant, des corps non identifiés
aux parties respectives au conflit;
6.3. à mettre en place un mécanisme conjoint (groupe de travail)
en charge de la question des personnes portées disparues et à veiller
à son bon fonctionnement, en vue:
6.3.1. de collecter et
traiter les informations relatives aux personnes portées disparues;
6.3.2. d’établir une liste récapitulative des personnes portées
disparues;
6.3.3. de prendre des mesures efficaces permettant de localiser,
de retrouver et d’identifier les restes humains;
6.3.4. d’assurer l’accès aux lieux d’inhumation;
6.3.5. de communiquer aux membres des familles des personnes
portées disparues des informations complètes sur l’état d’avancement
de leur dossier;
6.3.6. d’associer et de coordonner l’action des organisations
non gouvernementales et des bénévoles qui se chargent de localiser
les personnes portées disparues;
6.4. à recueillir de manière systématique les données post mortem provenant des corps
non identifiés, ainsi que les échantillons d’ADN prélevés sur les
familles des personnes portées disparues;
6.5. à accélérer le processus d’identification des corps exhumés,
en recourant à tous les moyens disponibles, y compris l’appariement
des empreintes génétiques, le rapprochement des données ante et post
mortem, et l’identification visuelle, en fonction de
l’appréciation des experts médico-légaux;
6.6. à dispenser une aide financière, médicale et sociale aux
familles des personnes portées disparues;
6.7. à faciliter l’accès et l’activité des organisations de
la société civile et des organisations humanitaires internationales
qui localisent les personnes portées disparues;
6.8. à encourager les médias de masse à attirer l’attention
de l’opinion publique sur le problème des personnes portées disparues.
7. Par ailleurs, l’Assemblée invite instamment les autorités
ukrainiennes:
7.1. à créer un mécanisme
gouvernemental spécifique, en charge de la coordination de l’action
de tous les organes gouvernementaux et non gouvernementaux qui traitent
de la question des personnes portées disparues, et notamment:
7.1.1. à veiller à ce que ce mécanisme dispose de moyens budgétaires
suffisants pour assurer son bon fonctionnement;
7.1.2. à mettre en place et à conserver un registre unique de
données relatives aux personnes portées disparues pendant le conflit
en Ukraine;
7.1.3. à affecter un financement suffisant aux opérations de
localisation;
7.1.4. à élaborer un mécanisme d’indemnisation et d’aide de l’Etat
aux familles des personnes portées disparues, et à veiller à ce
que les familles concernées soient informées de l’existence de ce
mécanisme;
7.1.5. à associer à son action les organisations non gouvernementales,
les associations de bénévoles et les représentants des familles
de personnes portées disparues;
7.2. à insérer dans la législation une disposition qui garantisse
le droit des familles à savoir ce qui est arrivé à leurs proches
encore introuvables à l’occasion des conflits armés et des violences
internes, conformément aux dispositions pertinentes du droit international
humanitaire;
7.3. à renforcer les mesures légales qui visent à remédier
au problème des personnes portées disparues, et notamment à envisager
l’adoption d’une loi spécifique relative aux personnes portées disparues
qui mettrait en place un statut juridique de «disparu» et de «victime
de guerre», ce qui permettrait aux familles concernées de bénéficier
d’une aide financière, sociale et juridictionnelle incluant un mécanisme
de compensation de l’Etat;
7.4. à satisfaire aux besoins des chefs de familles monoparentales
de personnes portées disparues, en tenant compte des besoins particuliers
des femmes et des enfants;
7.5. à renforcer les capacités nationales spécialisées d’expertise
médico-légale et de localisation, et à encourager ceux qui les exercent
à assimiler l’expérience acquise par le Comité international de
la Croix-Rouge (CICR) à cet égard;
7.6. à mettre en place un programme adéquat de formation juridique
et de sensibilisation de tous les fonctionnaires concernés par la
mise en œuvre des dispositions légales et des procédures administratives
ayant trait aux droits des familles des personnes portées disparues.
8. L’Assemblée invite instamment les groupes séparatistes qui
contrôlent les territoires occupés des régions de Donetsk et Lougansk:
8.1. à libérer tous les prisonniers
et les otages;
8.2. à s’engager effectivement dans les travaux des sous-groupes
de travail appropriés du groupe de contact tripartite, conformément
aux Accords de Minsk, en vue de traiter les questions des personnes capturées
et portées disparues, et du recensement des éventuels sites d’inhumation;
8.3. à permettre aux missions humanitaires internationales
d’accéder aux lieux de détention de prisonniers.
9. L’Assemblée invite par ailleurs instamment les autorités de
la Fédération de Russie:
9.1. à
libérer tous les prisonniers capturés illégalement sur le territoire
ukrainien;
9.2. à mener une enquête en bonne et due forme, et à engager
des poursuites à l’encontre des auteurs d’actes d’enlèvement, de
disparition forcée, de torture et d’assassinat à caractère politique
dont ont été victimes les militants ukrainiens et les membres de
la communauté tatare de Crimée;
9.3. à exercer des pressions sur les groupes séparatistes qui
contrôlent les territoires occupés des régions de Donetsk et Lougansk pour
qu’ils libèrent immédiatement tous les civils détenus sur le territoire
dont ils ont le contrôle et qu’ils procèdent à l’échange des prisonniers;
9.4. à créer un mécanisme national pour gérer les questions
des personnes capturées et portées disparues pendant le conflit
en Ukraine ;
9.5. à communiquer aux familles des soldats russes portés disparus
des informations exactes sur le sort et le lieu de leurs proches
disparus;
9.6. à accorder immédiatement aux missions internationales
de contrôle du respect des droits de l’homme un accès au territoire
de la Crimée occupée.
10. L’Assemblée appelle également les Etats membres à fournir:
10.1. une aide financière et technique
aux autorités ukrainiennes chargées de l’exhumation et de l’identification
des corps;
10.2. l’assistance nécessaire au traitement des effets psychologiques
subis par les familles des personnes portées disparues;
10.3. une aide financière aux associations des familles des
personnes portées disparues et aux organisations non gouvernementales
qui localisent les personnes portées disparues.
11. L’Assemblée encourage le Comité international de la Croix-Rouge
(CICR) à mettre son savoir-faire à la disposition des institutions
ukrainiennes, notamment:
11.1. en
formant des spécialistes nationaux à l’enregistrement des personnes
portées disparues, à la consolidation des listes, à l’évaluation
des besoins des familles et au moyen d’y répondre;
11.2. en fournissant une assistance technique, notamment en
mettant en place un laboratoire ADN à Dnipropetrovsk, et en fournissant
les réactifs pour les tests ADN;
11.3. en informant la population ukrainienne des principaux
aspects du droit international humanitaire.
12. L’Assemblée invite le Commissaire aux droits de l’homme du
Conseil de l’Europe à suivre la question des personnes portées disparues
pendant le conflit en Ukraine.