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Résolution 2069 (2015)
Reconnaître et prévenir le néoracisme
1. On observe une montée inquiétante
du racisme, de la xénophobie et de l’intolérance depuis quelques années
en Europe. Elle touche entre autres les migrants et les demandeurs
d’asile, les juifs, les musulmans et les Roms, et s’appuie sur une
prétendue incompatibilité entre groupes d’origines différentes pour
des raisons culturelles et religieuses. Au racisme traditionnel
s’ajoute un «racisme sans race» qui est tout aussi délétère puisqu’il
tend à justifier la discrimination envers certains groupes et individus.
2. L’Europe ne doit pas sous-estimer les dangers du racisme,
ni oublier les leçons du passé. La mémoire historique doit aider
à comprendre que le préjugé stigmatisant, l’exclusion sociale, la
privation des droits, l’humiliation et la ségrégation ne sont jamais
inoffensifs.
3. L’Assemblée parlementaire exhorte par conséquent les autorités
nationales et la société civile à maintenir un haut niveau de vigilance.
La prévention et la lutte contre le racisme, l’intolérance et la
xénophobie devraient être une priorité pour les Etats membres du
Conseil de l’Europe.
4. L’Assemblée s’inquiète également de la diffusion croissante
de discours de haine, notamment dans la sphère politique et sur
internet, et de l’émergence de partis politiques et de mouvements
populistes ouvertement anti-migrants dans plusieurs Etats membres.
Les responsables politiques devraient être conscients de l’impact
de leurs discours sur l’opinion publique et s’abstenir d’utiliser
tout langage discriminatoire, insultant ou agressif envers des groupes
ou catégories de personnes. Ils devraient également fonder leurs
déclarations en matière d’immigration et d’asile, ainsi que sur
les relations interculturelles, sur des faits objectifs.
5. Le racisme est un phénomène complexe; il est lié à plusieurs
facteurs et doit être combattu sur plusieurs fronts. En plus des
outils juridiques visant à interdire et à sanctionner toute expression
de racisme, y compris le discours de haine, l’intolérance doit être
combattue en utilisant des outils culturels et sociaux. L’éducation
et l’information doivent jouer un rôle crucial dans la formation
des citoyens au respect de la diversité ethnique, culturelle et
religieuse.
6. Compte tenu de ces considérations, l’Assemblée appelle les
Etats membres du Conseil de l’Europe:
6.1. en ce qui concerne la société civile et le dialogue entre
communautés:
6.1.1. à promouvoir le rôle de la société civile,
notamment les organisations représentant les groupes victimes de
racisme ou ciblés par le discours de haine, en tant qu’interlocuteurs
des pouvoirs publics ayant vocation à coopérer à la mise en œuvre
de politiques contre la discrimination, l’hostilité et les préjugés;
6.1.2. à encourager les échanges entre les groupes victimes de
racisme ou ciblés par le discours de haine, notamment sous la forme
de projets développés en commun visant à consolider les liens sociaux
et à promouvoir la solidarité intercommunautaire et la lutte contre
les discriminations;
6.2. en ce qui concerne le cadre juridique de la lutte contre
le racisme et l’intolérance, et sa mise en œuvre:
6.2.1. à
veiller à ce que le cadre juridique relatif au discours de haine
et aux infractions motivées par la haine englobe le plus grand nombre
possible de motifs de discrimination, notamment la «race», la couleur,
l’origine ethnique, la langue, la religion, le handicap, la situation d’immigré,
le sexe, l’orientation sexuelle et l’identité de genre;
6.2.2. à signer et/ou à ratifier, s’ils ne l’ont pas déjà fait,
le Protocole no 12 à la Convention européenne
des droits de l’homme (STE no 177) et
le Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité,
relatif à l’incrimination d’actes de nature raciste et xénophobe
commis par le biais de systèmes informatiques (STE no 189);
6.3. en ce qui concerne les propos racistes et le discours
de haine:
6.3.1. à introduire dans les règlements intérieurs
des parlements nationaux, des organes des collectivités territoriales
et des partis politiques des normes qui interdisent les propos racistes
et le discours de haine, et qui prévoient des sanctions adéquates
en cas de violation de ces normes;
6.3.2. à encourager les fournisseurs de services internet et
les réseaux sociaux à assurer un suivi des plaintes et, pour empêcher
la diffusion de propos racistes et de discours de haine, à se doter
de lignes directrices établissant des critères clairs pour établir
quels contenus devraient être supprimés, et à renforcer la coopération
entre ces acteurs et les autorités chargées de l’application de
la loi afin d’identifier et de poursuivre les auteurs de propos
racistes et de discours de haine;
6.3.3. à encourager les citoyens à signaler les propos racistes
et les discours de haine aux organismes publics et aux organisations
non gouvernementales engagés dans la lutte contre le racisme et
les discriminations;
6.3.4. à promouvoir l’activité des modérateurs et des médiateurs
en ligne, qui s’emploient à identifier les contenus offensants et
à établir un dialogue avec leurs auteurs à des fins de prévention;
6.3.5. à encourager les médias à utiliser des formulations correctes
et précises, en leur fournissant des données et des statistiques
appropriées;
6.3.6. à promouvoir la recherche sur le caractère généralisé
du discours de haine, sur ses causes, ainsi que sur l’impact des
campagnes menées pour le combattre;
6.4. en ce qui concerne l’éducation et la formation:
6.4.1. à former les enseignants à l’éducation interculturelle,
en leur donnant des instruments pour comprendre l’évolution actuelle
du racisme sous ses différentes formes, telles que l’antisémitisme,
l’islamophobie, la xénophobie et l’antitsiganisme;
6.4.2. à réformer les programmes scolaires d’éducation à la citoyenneté
sur la base d’une approche interculturelle, conformément aux lignes
directrices du Livre blanc sur le dialogue interculturel – «Vivre
ensemble dans l’égale dignité» du Conseil de l’Europe;
6.4.3. à encourager les échanges et les expériences de vie et
d’études à l’étranger;
6.4.4. à promouvoir la conservation de la mémoire des manifestations
historiques de racisme et d’intolérance, notamment par l’enseignement
de l’histoire et des dynamiques qui mènent de la discrimination
à la violence institutionnalisée;
6.4.5. à promouvoir les activités de formation et de sensibilisation
des adultes à la citoyenneté démocratique et aux droits humains
sur la base d’une approche interculturelle, à travers des campagnes
et des initiatives éducatives;
6.5. en ce qui concerne la communication politique:
6.5.1. à améliorer la communication en matière de migrations
et d’asile afin de fournir aux citoyens et aux étrangers, y compris
les groupes victimes de discrimination et de discours de haine,
des informations correctes et impartiales sur les flux de migrants
et de demandeurs d’asile, ainsi que sur la législation applicable;
6.5.2. à établir des réseaux parlementaires contre le racisme
au sein des parlements nationaux afin d’assurer une réaction des
politiques aux manifestations de racisme et d’intolérance;
6.6. en ce qui concerne la justice pénale:
6.6.1. à
faire en sorte que les actes et propos discriminatoires, et les
crimes de haine soient plus systématiquement signalés, en élaborant
des mécanismes d’incitation visant à renforcer la confiance dans
les autorités et surtout dans la police;
6.6.2. à promouvoir une justice réparatrice, notamment sous forme
de médiation entre auteurs et victimes de discours de haine et d’autres
actes racistes, sur la base d’un choix libre des personnes concernées;
6.6.3. à promouvoir l’aspect éducatif des sanctions pénales,
en veillant à ce que les personnes condamnées pour des actes ou
des propos racistes aient accès à des activités de sensibilisation et
de formation, et à des informations pertinentes.