Imprimer
Autres documents liés

Rapport | Doc. 13852 | 08 juillet 2015

Repenser la stratégie de lutte contre le dopage

Commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias

Rapporteur : M. André SCHNEIDER, France, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13534, Renvoi 4054 du 27 juin 2014. 2015 - Quatrième partie de session

Résumé

Le dopage mine l’éthique sportive et détruit l’image du sport et des sportifs. Malgré les efforts prodigués par différents acteurs, des cas de dopage avéré de sportifs de haut niveau continuent d’éclater. Pire encore, le phénomène du dopage investit massivement le sport amateur et la pratique du sport par des millions de jeunes. Le dopage n’est pas seulement une violation grave de l’éthique sportive, mais il engendre des risques majeurs pour la santé publique et contribue à enrichir les réseaux criminels.

Pour être plus efficaces dans la lutte contre ce fléau, diverses pistes d’action peuvent être explorées, y compris un rapprochement des législations nationales, une meilleure coordination entre divers services étatiques, le renforcement des moyens d'investigation à la disposition des forces de police chargées de la lutte contre le dopage et le développement de la coopération policière, la formation de magistrats spécialisés ainsi qu’un renforcement de la collaboration entre autorités publiques et organisations sportives et de l’échange d’informations.

L’action de prévention auprès des jeunes sportifs amateurs et semi-professionnels et la lutte contre le trafic de produits dopants devraient figurer parmi les priorités de la stratégie de lutte contre le dopage. Les Etats devraient se doter de programmes nationaux de prévention du dopage et, en particulier, développer dans le contexte de l’éducation nationale à tous les niveaux des actions d’information et de sensibilisation, en recherchant la collaboration avec les organisations sportives.

Les associations et fédérations sportives devraient développer des programmes et des actions d’information et de sensibilisation destinés en particulier aux jeunes et s’engager, au côté des autorités publiques, dans les écoles et les lycées pour sensibiliser les jeunes aux risques du dopage et les aider à développer une culture du sport fondée sur le respect des valeurs et de l’éthique sportive.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 25 juin
2015.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire souligne l’importance de sauvegarder les valeurs du sport et d’assurer que les standards les plus élevés de protection de ces valeurs soient mis en œuvre de manière effective. Le dopage constitue l’un des fléaux qui minent l’éthique sportive et détruisent l’image du sport et des sportifs. Le Conseil de l’Europe est depuis longtemps engagé dans le domaine de la lutte contre le dopage; l’Assemblée se réjouit du fait que l’Organisation ait influencé positivement le processus de révision du Code mondial antidopage et de son rôle actif au sein de l’Agence mondiale antidopage.
2. L’Assemblée salue les efforts prodigués par différents acteurs, aux niveaux national, européen et international, pour rendre les mécanismes de lutte contre le dopage plus efficaces: des progrès importants ont été faits en ce qui concerne la prise en compte des droits des athlètes; les avancées dans le domaine du dépistage de nouvelles substances et l’introduction du passeport biologique ont amélioré la pertinence et l’efficacité des contrôles sur les athlètes; les grandes organisations sportives multiplient les initiatives pour améliorer l’information sur les risques liés au dopage et les normes antidopage en vigueur; la coopération policière commence à s’organiser à l’échelle européenne et internationale.
3. Malheureusement, malgré ces efforts, les cas de dopage avéré de sportifs de haut niveau continuent d’éclater et ceux qui développent de nouvelles substances ou de nouveaux procédés dopants semblent garder une longueur d’avance sur ceux qui traquent ce type de fraude sportive. Pire encore, le phénomène du dopage investit massivement le sport amateur et la pratique du sport par des millions de jeunes.
4. L’Assemblée s’inquiète du danger que le dopage représente pour l’éthique sportive, mais elle est encore plus alarmée par les risques majeurs pour la santé publique et par le fait que le trafic de produits dopants contribue à enrichir la criminalité organisée. Elle estime que l’action de prévention auprès des jeunes sportifs amateurs et semi-professionnels et la lutte contre le trafic de produits dopants devraient figurer parmi les priorités de la stratégie de lutte contre le dopage.
5. L’Assemblée est convaincue que seuls des efforts conjoints de tous les partenaires peuvent aboutir à des résultats concrets. Diverses pistes d’action peuvent être explorées utilement à cet égard, y compris: un rapprochement des législations nationales – définition des infractions et niveau des sanctions; une meilleure coordination entre divers services étatiques et le développement de la coopération policière; mais aussi un renforcement de la collaboration entre autorités publiques et organisations sportives et de l’échange d’informations. A ce dernier égard, partager et croiser les renseignements détenus par les divers acteurs pourrait permettre des contrôles davantage ciblés et au bon moment.
6. Dès lors, l’Assemblée recommande aux Etats membres:
6.1. de revoir et harmoniser les législations nationales en tenant compte de la nécessité de réconcilier les impératifs de protection des droits des athlètes avec l’efficacité des mesures de contrôle, poursuite et sanction des infractions à la législation anti-dopage et, dans ce contexte:
6.1.1. assurer une meilleure adaptation des sanctions aux situations concrètes;
6.1.2. renforcer les moyens d'investigation à la disposition des forces de police chargées de la lutte contre le dopage, en autorisant le recours aux «techniques spéciales d'enquête» utilisées dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée;
6.1.3. donner aux organisations nationales chargées de la lutte anti-dopage l’habilitation nécessaire:
6.1.3.1. pour effectuer des contrôles inopinés sur les sportifs amateurs et semi-professionnels, selon des modalités similaires à celles applicables aux sportifs professionnels, lorsque des présomptions sérieuses de dopage existent;
6.1.3.2. pour enquêter non seulement sur les athlètes, mais aussi sur le personnel de support;
6.1.3.3. pour établir des numéros d’appel pour les donneurs d’alerte;
6.2. de renforcer la coordination et les échanges d’information entre les divers services de l’Etat impliqués dans la lutte contre le dopage et développer la coopération interétatique dans les domaines des contrôles et de l’investigation sur les infractions à la législation anti-dopage, ainsi que dans la lutte contre la production et le trafic de produits dopants et les réseaux criminels qui en tirent profit;
6.3. de former, dans chaque pays européen, des magistrats spécialisés qui pourraient s’occuper du dopage et d’autres questions liées au sport, par exemple des cas de corruption ou de manipulation des résultats sportifs, et d’étudier la possibilité de leur donner une compétence juridictionnelle à l’échelon national;
6.4. de se doter de programmes nationaux de prévention du dopage et, dans ce contexte:
6.4.1. d’introduire la sensibilisation au dopage (risques liés à l’utilisation de produits dopants, à l’automédication et à l’utilisation de compléments alimentaires) dans les programmes scolaires (par exemple par l’intermédiaire des professeurs d’éducation physique et sportive) et développer dans le contexte de l’éducation nationale à tous les niveaux des actions d’information et de sensibilisation, en recherchant la collaboration avec d’autres partenaires, et notamment les organisations et associations sportives, y compris pour promouvoir l’éthique et les valeurs sportives;
6.4.2. de mettre en place un observatoire des accidents liés au dopage, développer une politique de recherche épidémiologique (notamment sur les jeunes et amateurs) et améliorer les méthodes de profilage biologique;
6.4.3. de soutenir la formation des professionnels de santé agissant directement auprès des sportifs en matière de lutte contre le dopage;
6.4.4. d’établir des instances d’accompagnement sur le plan régional ou le plan local, avec un personnel formé en matière de lutte contre le dopage ayant pour mission d’encourager:
6.4.4.1. le développement d’actions de prévention par les clubs sportifs locaux et régionaux;
6.4.4.2. la sensibilisation et la formation des médecins, des pharmaciens et d’autres professionnels de santé directement en lien avec les activités physiques et sportives;
6.5. de ratifier sans attendre la Convention du Conseil de l'Europe sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique (STCE no 211).
7. L’Assemblée recommande aux associations et fédérations sportives, nationales et internationales:
7.1. de veiller à donner une information exhaustive sur les normes et les mécanismes en matière de lutte contre le dopage, et de développer des programmes et des actions d’information et de sensibilisation destinés en particulier aux jeunes, y compris sur les dangers liés à l’utilisation de compléments alimentaires, notamment si achetés hors du circuit officiel;
7.2. de développer des stratégies de ciblage «intelligent» des contrôles, y compris sur les sportifs qui ne gagnent pas et pas seulement les meilleurs, s’appuyant sur les connaissances acquises sur les pratiques de dopage et des renseignements plus spécifiques en amont;
7.3. de favoriser les échanges d’informations avec les autorités de police et les organismes nationaux anti-dopage;
7.4. d’établir des numéros d’appel pour les donneurs d’alerte;
7.5. d’étudier les calendriers sportifs en ayant égard au risque de surcharge pour les athlètes et les équipes; de réfléchir aussi à la possibilité de limiter le nombre des compétitions auxquelles les athlètes peuvent participer pour une période déterminée;
7.6. de promouvoir, en coopération avec les autorités publiques compétentes, la labellisation des salles de sports et la diffusion de codes de conduite excluant la commercialisation et toute forme d’incitation à la consommation de produits ayant des effets dopants dans le but d’améliorer la performance physique;
7.7. de s’engager, au côté des autorités publiques, dans les écoles et les lycées pour sensibiliser les jeunes aux risques du dopage et les aider à développer une culture du sport fondée sur le respect des valeurs et de l’éthique sportive et non sur l’idée de la réussite à tout prix.

B. Exposé des motifs, par M. Schneider, rapporteur

(open)

1. Finalité du rapport

1. Malgré les avancées en matière de lutte contre le dopage, ce fléau n’a malheureusement pas été endigué. Régulièrement, des cas de dopage impliquant des athlètes de haut niveau sont «à la une» des nouvelles sportives. Néanmoins, le dopage n’est pas seulement un phénomène qui concerne la pratique sportive professionnelle: le dopage investit massivement – même si de manière plus sournoise, hors de la lumière des réflecteurs médiatiques – le sport amateur et la pratique du sport par des millions de jeunes. Cela nous a été confirmé par l’expert qui m’a assisté dans la rédaction de ce rapport 
			(2) 
			M. Mickaël
Heidmann, Docteur en sciences du sport de l’université de Strasbourg,
qui a consulté divers spécialistes de la lutte contre le dopage,
y compris M. Jean-Pierre Verdy, Directeur des contrôles de l’Agence
française de lutte contre le dopage (AFLD). ainsi que par les experts que nous avons entendus lors des auditions du 12 mars 2015 à La Haye 
			(3) 
			Le
12 mars 2015, la commission a tenu une audition avec: Mme Gabriella
Battaini-Dragoni, Secrétaire Générale adjointe du Conseil de l’Europe;
M. Anders Solheim, Président du Groupe de suivi de la Convention
Antidopage, Conseil de l’Europe; M. Michel Rieu, ancien conseiller
scientifique de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD); M. Herman
Ram, Directeur de l’Autorité néerlandaise anti-dopage; M. Chris
Vansteenkiste, Spécialiste principal, Service des Opérations, Europol. et du 2 juin 2015 à Paris 
			(4) 
			Le
2 juin 2015, la commission a tenu une audition avec: Mme Gabriella
Battaini-Dragoni; M. Martin Gibbs, Directeur Général de l’Union
Cycliste internationale (UCI); M. Olivier Niggli, Directeur juridique
de l'Agence mondiale antidopage (AMA); Dr Richard Budgett, Directeur
médical et scientifique du Comité international olympique (CIO);
Colonel Nicolas Duvinage, Adjoint au chef de l’Office Central de
Lutte contre les Atteintes à l'Environnement et à la Santé Publique (OCLAESP,
France)..
2. Je m’inquiète du fait que le dopage, en tant que violation extrêmement grave de l’éthique sportive, corrompe la beauté du sport par l’altération illicite des résultats. Mais je suis également alarmé par le fait que nous sommes confrontés à un risque majeur pour la santé publique, et par le fait que le trafic de produits dopants alimente des flux financiers qui contribuent à enrichir des groupes criminels.
3. Le sport moderne accorde beaucoup d’importance aux vainqueurs et aux records; c’est aussi une conséquence de la transformation du spectacle sportif en business. Mais le sport est beaucoup plus que la recherche de celui qui est «le meilleur». Le sport demande que tout athlète respecte un ensemble de règles: celles qui régissent les modalités de la compétition sportive mais aussi les règles qui correspondent à ce que nous appelons «l’esprit sportif».
4. Le sport ne s’épuise donc pas dans des compétitions régies par des règlements officiels: l’activité sportive est liée à des «valeurs», à un code d’honneur, une éthique sportive qui implique le fair-play, le respect de son adversaire, la solidarité entre les équipiers, ainsi que le respect de son corps et de sa santé. Devenir un champion en se dopant, donc en «trichant», c’est contrevenir à l’esprit et à l’éthique du sport. C’est aussi détruire le rôle de modèle que les sportifs professionnels – notamment ceux de haut niveau – représentent pour les jeunes sportifs et la jeunesse en général: les vrais champions doivent porter les valeurs sportives. Ceux qui trichent ne mettent pas en jeu seulement leur image et leur carrière, mais l’image du sport et sa fonction en tant que vecteur de valeurs sociaux.
5. La lutte contre le dopage a vocation à assurer un «sport propre». Cependant, cette lutte est aussi nécessaire pour protéger un sport «sain», voire la santé de millions de pratiquants européens et notamment des adolescents et des jeunes sportifs. En effet, la pratique du sport est majoritairement non professionnelle et de masse.
6. A cette pratique du sport, considéré comme loisir, est liée l’une des finalités prioritaires – peut-être la plus importante – de la promotion par les politiques publiques de l’activité sportive: une telle activité, exercée de manière régulière et sans excès, permet d’améliorer la condition physique (et aussi psychique) générale et aide à se maintenir en bonne santé. Pour les personnes ayant des problèmes d’obésité, hypertension artérielle, stress, dépression, etc., l’activité sportive permet de réduire la consommation de médicaments. Le cadre de vie plus sain qui s’établit grâce à cette pratique sportive y concourt aussi. Par exemple, le fait de s’inscrire dans un club, de travailler en équipe, de participer à des événements sportifs favorise le lien social et une meilleure relation avec les autres. Cela contribue aussi à une meilleure qualité de vie et donc à une meilleure condition psycho-physique.
7. Dès lors, il est paradoxal que tant de jeunes, dans l’illusion de devenir meilleurs dans le sport qu’ils pratiquent, se «gorgent» de produits – le plus souvent à la composition plus que douteuse et sans garantie quant aux conditions de fabrication – ou de médicaments détournées de leur usage normal. La prise de médicaments dans un but d’amélioration artificielle de la performance sportive contraste avec les finalités du sport tel que nous voulons qu’il soit en tant qu’élément qui contribue à structurer la vie sociale.
8. En somme, le dopage est une menace pour l’éthique sportive et pour la santé, pour le sport et pour la société. Le but de mon rapport est donc d’explorer de nouvelles lignes d’actions pour contrer efficacement cette menace et d’inciter le Conseil de l’Europe et ses Etats membres à les développer pour renforcer la lutte contre le dopage, tant au niveau européen qu’au niveau mondial. Le Conseil de l’Europe, qui a été à l’origine des travaux ayant mené à l’élaboration de la Convention internationale contre le dopage dans le sport de 2005 de l’UNESCO, devrait avoir un rôle entraînant dans ce domaine.
9. A cet égard, j’ai identifié quelques pistes de réflexion:
  • une meilleure compréhension du phénomène du dopage, de son ampleur et de son impact;
  • le renforcement des mécanismes de dépistage actuellement en place;
  • l’harmonisation des dispositions législatives et une collaboration plus efficace entre les parties prenantes;
  • la mise en place d’un contrôle du commerce des produits potentiellement dopants, dont il faudrait assurer la traçabilité;
  • l’amélioration de la prévention, notamment par l’information des sportifs et par l’éducation des jeunes.
10. Dans les sections qui suivent, je traite d’abord la question du dopage en tant qu’enjeu de santé publique; je donne ensuite quelques indications sur le cadre actuel de la lutte contre le dopage, pour mettre en évidence d’une part sa complexité et d’autre part quelques limites. Je donne enfin quelques exemples de mesures de prévention.

2. Le dopage et ses effets néfastes pour la santé publique 
			(5) 
			Cette section s’appuie
sur la contribution du professeur Rieu (qui figure dans le document <a href='http://assembly.coe.int/CommitteeDocs/2015/FACInf05-15.pdf'>AS/Cult/Inf
(2015) 05)</a> dont je reprends ici plusieurs explications et idées.

11. Lors de l’audition du 12 mars 2015 à La Haye, les experts ont souligné la différence entre le «dopage» au sens juridique du terme et une «conduite dopante»; celle-ci peut être définie comme «la consommation d’un produit pour affronter ou pour surmonter un obstacle réel ou ressenti par l’usager ou par son entourage dans un but de performance».
12. La définition du dopage dans le sport correspond à la violation des règles énoncées dans le Code mondial antidopage (voir paragraphe 35 ci-après) qui, outre l’usage ou tentative d’usage d’une substance ou méthode interdite, sanctionne également d’autres cas de figure, comme le trafic ou l’administration de substances interdites, le fait de se soustraire aux contrôles, ou la falsification d’un élément du contrôle et diverses hypothèses de complicité, y compris l’incitation à la consommation.
13. Pour comprendre la diffusion des conduites dopantes, il convient de rappeler que l’utilisation de produits ou méthodes dopantes permet, selon les cas, d’accroître les capacités mentales (éveil, résistance au stress, effacement des signaux de fatigue par exemple) 
			(6) 
			Les produits dopants
utilisés typiquement à cet effet sont les stimulants (notamment
les dérivés amphétaminiques), les narcotiques (morphiniques, cocaïne,
cannabis) et les glucocorticoïdes., les capacités aérobies (transport de l’oxygène par le sang et son utilisation par les fibres musculaires) 
			(7) 
			A
cet égard, outre la transfusion sanguine et notamment l’autotransfusion,
les produits suivants sont utilisés: l’érythropoïétine Rh, biosimilaires
et peptides mimétiques; l’hémoglobine réticulée; les modificateurs
allostériques de l’hémoglobine; les modulateurs métaboliques. ou la masse et donc la force musculaire 
			(8) 
			A cet effet, on utilise
en particulier les anabolisants stéroïdiens (A.S.), les béta2-agonistes
(clenbutérol) et l’hormone de croissance (GH).. Ces capacités physiques, physiologiques ou mentales sont à la base de la performance sportive.
14. L’influence du dopage sur les performances des sportifs diffère en fonction des disciplines; cela peut expliquer une plus grande fréquence des irrégularités constatées dans certains sports 
			(9) 
			En France, pour l’année
2010, les «taux d’infractions» (c’est-à-dire le nombre d’infractions
dans un sport donné rapporté au nombre de contrôles effectués dans
ce sport) constatés ont été les suivants: 11 % en athlétisme, 10 %
en haltérophilie et culturisme, 9 % en cyclisme, 8 % en rugby. En
2013, les sports les plus touchés auraient été ceux de l’haltérophilie
et du culturisme (14,8 %), suivi par le cyclisme (12,8 %), l’athlétisme
(10,7 %), le rugby (8,1 %) et le football (4,7 %).. Les sports d’endurance, de force et/ou de vitesse sont, statistiquement, les plus affectés par le dopage. Néanmoins, des sports plus techniques (tir à l’arc et tir sportif, par exemple) n’échappent pas à ce fléau.
15. Les avantages que le dopage donne en termes de performance peuvent être compris en se référant au cas du dopage forcé, systématique, organisé et financé par la République démocratique allemande (RDA) entre 1969 et 1989, qui fut à la base de la réussite sportive extraordinaire de ce pays 
			(10) 
			Spitzer
G. (1998), Doping in der DDR. Ein historischer Überblick zu einer
konspirativen Praxis, Sport und Buch Strauss
Köln, 3e édition 2004. En
langue française, voir Spitzer G., Treutlein G. et Pigeassou C.,
Approche historique du dopage en République démocratique allemande:
description et analyse d'un système de contraintes étatiques, publié dans
Staps, 2005/4 (no 70); on peut consulter
cet article sur le site: <a href='http://www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=STA_070_0049'>www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=STA_070_0049</a>.. Cependant, comme l’étude de Giselher Spitzer le dénonce, de telles pratiques eurent une incidence lourde sur la santé des athlètes. Cette étude, qui a l’avantage d’avoir le recul nécessaire pour affirmer un lien certain entre dopage et risques pour la santé, montre que sur environ 10 000 athlètes qui, entre 1972 et 1989, ont été soumis à un dopage systématique, 5 % furent atteints de troubles permanents et graves et 10 % à 15 % connurent des troubles moins graves ou des troubles non permanents.
16. Le public a peut-être une vague connaissance des risques de maladies cardiovasculaires (liés par exemple – mais pas seulement – à l’utilisation des anabolisants stéroïdiens); mais, malheureusement, les dangers identifiés dans de nombreux articles scientifiques sont bien plus nombreux: développement de cancers; troubles du système immunitaire, du système endocrinien et du métabolisme; maladies et infections sanguines; troubles mentaux et psychiatriques (par exemple, dépendances); modifications morphologiques; risques accrus de blessures musculaires, tendineuses et traumatiques (par exemple, fractures de fatigue); et d’autres encore.
17. La qualité, mais aussi l’espérance de vie, sont en jeu; une fréquence statistiquement anormale des cas de «mort subite non traumatique» de sportifs le confirme de manière tragique: le professeur Rieu a fait état, pour la France, d’environ 800 décès par an (soit 2,2 par jour) sur les terrains de sport, 95 % des victimes étant des hommes sans antécédents cardiovasculaires et dont la moyenne d’âge est de 46 ans. Il a également dénoncé l’absence d’investigations poussées et d’autopsie systématique, raison pour laquelle 78 % de ces accidents reste d’origine indéterminée.
18. Même si le grand public entend parler (et nous discutons) de dopage surtout à la suite de scandales médiatisés impliquant des vedettes du sport et liés à des événements sportifs majeurs, le dopage ne concerne pas seulement la petite population des sportifs de haut niveau. Pour s’en rendre compte, il suffit de rappeler que 58 % des citoyens de l’Union européenne pratiquent une activité physique ou sportive, et 41 % le font au moins une fois par semaine 
			(11) 
			Commission européenne,
Eurobaromètre sur le sport et l’activité physique, 2014.. En France, il y a 16 millions de pratiquants, dont 7 millions de mineurs. C’est en ayant égard à cette population que la lutte contre le dopage est un enjeu de santé publique majeure.
19. En ce qui concerne le dopage chez les adultes, la prévalence du dopage serait comprise entre 5 % et 15 %. Elle serait plus élevée chez les jeunes hommes (20-25 ans) pratiquant la compétition, notamment de haut niveau 
			(12) 
			Aeberhard
P. et Brechat P-E.: Activités
physiques et sportives, santé publique, prévention des conduites
dopantes: Chap. III: Epidémiologie, sport dopage conduites addictives
et santé, p. 71-98, Ed. UNSP
Rennes, 2003; Laure P., Epidemiologic
approach of doping in sport. A review, J.
Sports Med. Phys. Fitness, 1997; 37(3); p. 218-224.. Une autre étude 
			(13) 
			Reding
V., Dopingbekämpfung in Kommerziell geführten Fitnessstudios, rapport
de la Commission européenne «Sport ensemble», Bruxelles, 20 mars
2002. a montré que «dans les pays européens, dans la population pratiquant le culturisme, 22 % des hommes et 7 % des femmes ont recours à des produits destinés à “améliorer” les performances».
20. Je souhaite insister sur l’étendue du phénomène du dopage chez les mineurs: à cet égard, les résultats de la plupart des études 
			(14) 
			Voir, par exemple,
Le dopage chez les jeunes, Revue Toxibase,
no 10, juin 2003; Laure P., Lecerf T.,
Friser A., Binsinger C., Drugs, recreational drug use and attitudes
towards doping of high school athletes, Int.
J. Sports Med, 2004; 25(2):133-138; Laure P. et Binsinger
C., Doping prevalence among preadolescent athletes: a 4-year follow-up, Br J. Sports Med, 2007, 41, p. 660-663;
Levy J. et Thoer C., Usage des médicaments à des fins non médicales
chez les jeunes adolescents et les jeunes adultes: perspectives
empiriques, Drogues santé et société 2008,
vol. 7, no 1, p. 153-189. convergent: chez les filles, le pourcentage de celles qui utilisent ou ont utilisé des produits dopants est d’environ 1,5 % (0,6 % à 2,8 % selon les études); chez les garçons ce pourcentage est de 3,7 % (2,6 à 5,1). La consommation peut commencer très jeune (entre 9 et 13 ans) et s’élève avec l’âge. En milieu scolaire, 4 % des jeunes sportifs ont connu la tentation du dopage.
21. En France, selon une étude que l’université de Reims a mené en 2004 en milieu scolaire, sur la base des réponses données par 6 402 adolescents (moyenne d’âge 16 ans):
  • 4 % de ces jeunes avaient été confrontés au dopage;
  • 2 % étaient déjà utilisateurs d'un produit interdit;
  • les «incitateurs» étaient souvent parents, médecins et éducateurs;
  • pour 21 % des enfants, il était impossible de devenir sportif de haut niveau sans dopage.
22. Nous ne pouvons pas ignorer la gravité de la situation concernant les jeunes qui sont incités par des personnes adultes, proches d’eux et à qui ils font confiance, à adopter une conduite dopante et finissent pour acquérir la conviction qu’il n’est pas possible de bien réussir dans le sport sans une aide pharmaceutique.
23. Souvent les sportifs, avant d’en arriver à enfreindre la réglementation sur le dopage, suivent un cheminement qui passe d’abord par une conduite dopante. Le phénomène du dopage a aussi des fondements psychologiques. Le contexte d’automédication et l’utilisation de produits (compléments alimentaires 
			(15) 
			La
nutrition du sportif est une composante importante de la démarche
de recherche de la performance. L’utilisation de compléments alimentaires
(aussi appelés «suppléments nutritionnels») s’ajoute souvent au
régime alimentaire suivi tout au long de l'année; ils apportent
généralement des éléments nutritifs dont le corps a besoin en très
petite quantité (vitamines ou minéraux, par exemple), mais certains
contiennent des éléments nutritionnels essentiels comme le glucose ou
les protéines., boissons énergisantes ou autres) aux compositions parfois peu claires (et, dans quelques cas, hors du commerce officiel) favorise – de façon peut-être non consciente – la première prise de substances visant à améliorer artificiellement la performance sportive, et ce surtout s’il est facile d’acquérir ou de se procurer les médicaments ou substances en questions en pharmacie, sur internet, à la maison, par un ami ou par l’entraîneur 
			(16) 
			S. Borloz et autres,
Dopage chez les sportifs amateurs, Schweizerische
Zeitschrift für Sportmedizin und Sporttraumatologie 61
(1), 21-22, 2013..
24. A cet égard, plusieurs experts, dont le Professeur Michel Rieu et le Dr Richard Budgett, ont attiré notre attention sur la mauvaise utilisation des compléments alimentaires. De nombreux sportifs, professionnels ou amateurs, en sont devenus de gros consommateurs et les utilisent en particulier pour aider au développement de la masse musculaire. Ils peuvent y être incités aussi par une publicité qui exagère les effets bénéfiques de ces produits, qui sont en réalité très peu efficaces sur la performance 
			(17) 
			Par exemple, une correcte
hydratation peut à elle seule avoir plus d’impact sur la performance,
car si le corps est déshydraté, la contraction musculaire en souffre..
25. En août 2013, M. Michel Marle, président du comité de prévention du dopage à la Fédération française d'athlétisme, déclarait au Monde que «les compléments alimentaires s'apparentent à une démarche dopante sociétale». L’Agence mondiale antidopage (AMA) recommande une extrême prudence en matière d'utilisation de ces compléments; dans de nombreux pays, les règles de production et d’étiquetage ne sont pas strictes et, de ce fait, les sportifs qui en consomment courent le risque d’ingérer sans le savoir des substances non déclarées qui sont interdites par les règles antidopage, par exemple des amphétamines ou des anabolisants stéroïdiens. De fait, un nombre important de contrôles positifs ont été attribués au mauvais usage de ces compléments, car les sportifs ne pensent pas qu'il y ait le même risque qu'avec les médicaments et ne font pas attention.
26. La conviction que certains produits aident à passer à un niveau supérieur établit une situation de dépendance psychologique qui peut porter, avec le temps, d’une utilisation occasionnelle à une utilisation régulière, de produits plus légers à des produits plus lourds et à des pratiques clairement illicites: prise de médicaments avec un principe actif ayant des incidences cardiovasculaires, hormonales ou endocriniennes, voire même utilisation de techniques et de dispositifs médicaux particuliers (transfusions sanguines ou dopage génétique par exemple) sous le contrôle de spécialistes «complices» pour éviter la traçabilité.
27. Je me dois toutefois de préciser que je ne soutiens pas que toutes les jeunes promesses du sport qui utilisent des boissons énergisantes ou forcent sur les analgésiques pour continuer à s’entraîner, malgré des douleurs liées aux traumatismes sportifs dont ils sont victimes, seront un jour des sportifs dopés.
28. J’avance, néanmoins, que tous les sportifs dopés ont vraisemblablement commencé un jour avec autre chose qu’un produit dopant lourd et que l’incitation à l’utilisation de produits initialement plus anodins, couplée avec la glorification sur le plan médiatique des seuls vainqueurs, est un terreau qui favorise ensuite le recours à des substances plus «efficaces» du point de vue de la performance sportive immédiate et aussi plus dangereuses du point de vue des risques pour la santé; et c’est aussi le terreau qui est exploité par les réseaux organisés de dopage, pour la commercialisation illicite de produits, le plus souvent eux-mêmes interdits.

3. Le cadre complexe de la lutte contre le dopage

29. La lutte contre le dopage s’opère, à l’heure actuelle, par un ensemble de dispositifs normatifs, mécanismes et actions de prévention, de contrôle et de sanction, établis à différents échelons – local, national, continental et international – par les Etats (y compris les autorités de l’ordre judiciaire et les forces de police) et par les institutions sportives (et leurs structures disciplinaires). Le tableau en annexe en donne une image simplifiée.

3.1. La Convention contre le dopage du Conseil de l’Europe

30. A l’échelon européen, le dopage a été historiquement la première préoccupation du Conseil de l’Europe en matière de sport. La Convention contre le dopage (STE no 135), ouverte à la signature le 16 novembre 1989, est entrée en vigueur le 1er mars 1990. A ce jour, elle a été ratifiée par 52 Etats 
			(18) 
			Il
s’agit d’une convention ouverte aux Etats non membres du Conseil
de l’Europe. L’Australie, le Belarus, le Canada, le Maroc et la
Tunisie y ont adhéré. Pour plus d’informations, voir <a href='http://www.coe.int/t/dg4/sport/doping/default_FR.asp'>www.coe.int/t/dg4/sport/doping/default_FR.asp</a>..
31. Le but principal de la convention est de promouvoir une harmonisation nationale et internationale des mesures à prendre contre le dopage. Les Parties contractantes s’engagent:
  • à créer un organe de coordination national;
  • à réduire le trafic de substances dopantes et l’usage d’agents dopants interdits;
  • à renforcer les contrôles anti-dopage et améliorer les techniques de détection;
  • à soutenir des programmes d’éducation et de visibilité;
  • à garantir l’efficacité des sanctions prises contre les contrevenants;
  • à collaborer avec les organisations sportives à tous les niveaux, y compris au niveau international;
  • à recourir aux laboratoires antidopage accrédités.
32. Un Groupe de suivi a été établi pour suivre sa mise en œuvre et réexaminer périodiquement la liste des substances et méthodes interdites qui se trouve en annexe du texte principal. Un Protocole additionnel est entré en vigueur le 1er avril 2004; il a pour but d’assurer la reconnaissance mutuelle des contrôles anti-dopage et de renforcer la mise en œuvre de la convention par un système de contrôle obligatoire.

3.2. L’Agence mondiale antidopage, le Code mondial antidopage et la Convention internationale contre le dopage dans le sport

33. Sur le plan international, l’Agence mondiale antidopage, créée en 1999, constitue la plateforme de coordination et de supervision de cette lutte. Un Programme mondial antidopage 
			(19) 
			<a href='http://www.wada-ama.org/fr/Programme-mondial-antidopage/'>www.wada-ama.org/fr/Programme-mondial-antidopage/</a>. a été développé pour harmoniser les règles et les pratiques antidopage parmi les organisations sportives et les gouvernements, et le Code mondial antidopage 
			(20) 
			<a href='https://www.wada-ama.org/fr/ressources/le-code/code-mondial-antidopage'>https://www.wada-ama.org/fr/ressources/le-code/code-mondial-antidopage</a>. La dernière version révisée du Code est en vigueur
depuis janvier 2015. offre un cadre harmonisé aux pratiques, règles et règlements antidopage des autorités publiques et des organisations sportives.
34. Dans ce Code, le dopage est défini comme une ou plusieurs violations des règles antidopage qu’il énonce dans ces articles 2.1 à 2.10, à savoir:
  • présence d’une substance interdite, de ses métabolites ou de ses marqueurs dans un échantillon fourni par un sportif;
  • usage ou tentative d’usage par un sportif d’une substance interdite ou d’une méthode interdite;
  • se soustraire au prélèvement d’un échantillon, en refuser le prélèvement ou ne pas s’y soumettre;
  • manquements aux obligations en matière de localisation;
  • falsification ou tentative de falsification de tout élément du contrôle du dopage;
  • possession d’une substance ou méthode interdite (à moins que le sportif n’établisse que cette possession est conforme à une autorisation d’usage à des fins thérapeutiques – AUT);
  • trafic ou tentative de trafic d’une substance ou méthode interdite;
  • administration ou tentative d’administration à un sportif en compétition d’une substance interdite ou d’une méthode interdite
  • complicité (assistance, incitation, contribution, conspiration, dissimulation ou toute autre forme de complicité intentionnelle impliquant une violation ou une tentative de violation d’une règle antidopage);
  • association interdite.
35. Depuis 2004, l’AMA est responsable de la préparation et publication de la Liste des interdictions 
			(21) 
			Le
Code (article 4.3.1) dispose qu’une substance ou méthode sera susceptible
d’être incluse dans la Liste des interdictions si l’AMA, à sa discrétion,
détermine que la substance ou méthode remplit deux des trois critères
suivants: la preuve médicale ou scientifique, l’effet pharmacologique
ou l’expérience démontrant que la substance ou la méthode, seule
ou combinée à d’autres substances ou méthodes, a le potentiel d’améliorer
ou améliore effectivement la performance sportive; la preuve médicale
ou scientifique, l’effet pharmacologique ou l’expérience démontrant
que l’usage de la substance ou de la méthode présente un risque
avéré ou potentiel pour la santé du sportif; la détermination par l’AMA
que l’usage de la substance ou de la méthode est contraire à l’esprit
sportif tel que décrit dans l’introduction du Code. 
			(21) 
			Une
substance ou une méthode sera également incluse dans la Liste des
interdictions si l’AMA détermine que, selon une preuve médicale
ou scientifique, l’effet pharmacologique ou l’expérience, la substance
ou la méthode est susceptible de masquer l’usage d’autres substances
interdites ou méthodes interdites. (publiée pour la première fois en 1963 sous la direction du Comité international olympique). Le Code mondial antidopage fonctionne en conjonction avec cinq Standards Internationaux 
			(22) 
			<a href='https://www.wada-ama.org/fr/nos-activites/standards-internationaux'>https://www.wada-ama.org/fr/nos-activites/standards-internationaux#Testing</a>; ces Standards ont fait l'objet de vastes procédures
de consultation parmi les partenaires de l'AMA. – dont l’application est obligatoire pour les signataires du Code – visant une harmonisation dans les domaines suivants de la lutte contre le dopage:
  • Liste des interdictions;
  • contrôle;
  • laboratoires;
  • autorisations d'usage à des fins thérapeutiques (AUT);
  • protection des renseignements personnels.
36. La Convention internationale contre le dopage dans le sport (adoptée par l’UNESCO le 19 octobre 2005 et entrée en vigueur le 1er février 2007) contribue à assurer l’efficacité du Code mondial antidopage. Cette convention – basée sur la Convention contre le dopage du Conseil de l’Europe – donne une base en droit international aux travaux de l’AMA et établit un cadre juridique permettant aux gouvernements de traiter d’aspects spécifiques du problème du dopage qui ne relèvent pas du domaine du mouvement sportif. Ainsi comme l’UNESCO l’explique, «la Convention contribue à formaliser des règles, politiques et lignes directrices mondiales antidopage visant à offrir à tous les athlètes un environnement de jeu honnête et équitable» 
			(23) 
			Pour
plus d’information: <a href='http://www.unesco.org/new/fr/social-and-human-sciences/themes/anti-doping/international-convention-against-doping-in-sport/'>www.unesco.org/new/fr/social-and-human-sciences/themes/anti-doping/international-convention-against-doping-in-sport/</a>..
37. Il convient de noter que le Code mondial antidopage a été récemment révisé; le nouveau texte, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2015, comporte pour la première fois une reconnaissance internationale formelle de la pertinence des droits de l’homme dans la lutte contre le dopage. Le nouveau Code fait référence au principe de proportionnalité et met en avant le respect des droits de l’homme des sportifs, et en particulier: la présomption d’innocence, le droit à la défense, l’indépendance et l’impartialité des instances disciplinaires et des tribunaux, les voies de recours, les problématiques de la publicité, la prescription des sanctions, et le respect du domicile et de la vie privée et familiale.
38. Le nouveau Code requiert aussi une plus grande ouverture de la part des pouvoirs publics, qui devraient s’efforcer d’intensifier la coopération et le partage d’informations, en particulier avec les organisations nationales antidopage (ONAD) et les mouvements olympiques et sportifs. Les ONAD ont à présent l’obligation de renforcer leurs mécanismes d’enquête et de promouvoir l’utilisation des technologies modernes dans leur travail. Les gouvernements, avec l’AMA, devront peut-être examiner comment soutenir effectivement leurs ONAD et comment faciliter la circulation transfrontalière de connaissances, d’expériences et de bonnes pratiques.

3.3. Législations nationales et normes des organisations sportives

39. A l’arsenal normatif de droit international s’ajoutent les législations nationales. L’efficacité des contrôles des sportifs est également portée par l’existence de dispositions juridiques permettant de sanctionner les fraudeurs et toute personne qui ne respecterait pas la législation en vigueur. Cette législation est large puisqu’elle concerne la production et la vente de produits dopants, l’organisation d’un système de dopage à destination de sportifs, ou encore la prise de substances illicites par un sportif lui-même. A titre d’exemple, je me permettrai de citer ici celle de la France, qui a été l’un des tout premiers pays à légiférer dans ce domaine.
40. En effet, la première loi sur le dopage en France date du 1er juin 1965 
			(24) 
			Cette loi définissait
le dopage comme le fait d’administrer sciemment en vue ou au cours
d’une compétition sportive des substances destinées à accroître
artificiellement et passagèrement les possibilités physiques d’un
sportif et susceptibles de nuire à sa santé. Elle sanctionnait pénalement
l’utilisation intentionnelle par un sportif au cours ou en vue d’une
compétition de l’une des substances visées dans le décret d’application
du 10 juin 1966.. Une nouvelle loi est intervenue le 23 mars 1999. Dans cette loi, désormais codifiée dans le livre VI du code de la santé publique, le dopage est défini comme «l’utilisation de substances ou de procédés de nature à modifier artificiellement les capacités d’un sportif. Font également partie du dopage les utilisations de produits ou de procédés destinés à masquer l’emploi de produits dopants» (article L. 3631-1 du code de la santé publique).
41. Parmi les objectifs de cette loi:
  • la création de nouvelles structures de soins et de prise en charge des sportifs (les antennes médicales de lutte contre le dopage);
  • le renforcement des aspects répressifs de la lutte contre le dopage, avec des peines aggravées pour les trafics et les faits commis à l’encontre des mineurs;
  • la création d’un réseau cohérent de prise en charge, avec mise en place d’un numéro vert gratuit et anonyme.
  • la restructuration des mesures disciplinaires à l’encontre des sportifs ayant contrevenu au dispositif de la loi, avec une meilleure intégration des différentes fédérations dans la lutte antidopage;
  • la coordination de la recherche en matière de médecine du sport et de lutte contre le dopage;
  • la création du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage, une autorité administrative indépendante chargée de veiller à l’efficacité de la lutte contre le dopage (qui a été depuis remplacée par l’Agence française de lutte contre le dopage – AFLD).
42. Les organisations sportives ont, elles aussi, adopté des normes pour lutter contre le dopage ainsi que des mécanismes de contrôle et de sanction. La quasi-totalité des fédérations sportives internationales disposent soit d’une commission médicale en charge de la lutte contre le dopage, soit d’une commission antidopage et d’une commission médicale. La FIFA et l’IAAF ont par exemple un règlement antidopage qui leur est propre. La Fédération internationale de tennis (FIT), l’Union Cycliste Internationale (UCI), la Fédération Internationale de Volleyball (FIVB), par exemple, ont élaboré chacune leur propre programme de lutte contre le dopage.

4. Les points faibles du système

43. Sans prétention d’exhaustivité, je souhaite mettre en évidence ici quelques difficultés et limites du système actuel.

4.1. La difficulté dans la détection

44. Le développement continu de nouveaux procédés et produits potentiellement dopants que les techniques utilisées ne permettent pas de détecter reste un problème d’actualité. Les contrôleurs des organisations nationales anti-dopage (ONAD) ont dans certains cas la quasi-certitude qu’il y eu dopage, mais ne sont pas en mesure d’en faire la preuve, car les résultats des contrôles restent dans la norme. Avec l’usage de micro-doses de produits dopants les sportifs savent «lisser» leurs profils biologiques et ainsi éviter un changement suffisamment significatif qui constituerait une preuve du dopage.
45. A ce même égard, les avancées dans le domaine de la santé pouvant porter à ce qu’on appelle «l’amélioration humaine» demandent une adaptation de la stratégie de lutte contre le dopage. La lutte contre le dopage doit se mesurer à l’explosion de la biotechnologie et du génie génétique (modulation de l’expression des gènes; évolution de la thérapie génique; développement des nanobiotechnologies; progrès de la biologie de synthèse).

4.2. Le phénomène non appréhendé du dopage dans le sport de loisir amateur et semi-professionnel

46. Sur la base des résultats des études citées dans la Section 3 et de ce qu’avancent plusieurs institutions et enquêteurs de police, il semble bien que le nombre d’actes de dopage soit quantitativement plus élevé dans le sport de loisir, amateur et semi-professionnel 
			(25) 
			Le sportif semi-professionnel
est un sportif rémunéré pour sa pratique, qui a une licence d’une
fédération reconnue. Un sportif amateur a une licence et est inscrit
dans un club, mais il n’est pas rémunéré. Le sportif de loisir peut
pratiquer régulièrement une activité physique, mais il n’est rattaché
à aucune fédération et pratique son sport de manière informelle. Cela
peut par exemple être le cas dans la course à pied, dans les salles
de fitness, ou pour certains sports de combat. que dans le monde du sport professionnel. Ainsi, la récente étude de la Commission européenne sur la prévention du dopage, de décembre 2014, conclut que «l’abus de substances dopantes dans les sports de loisirs est devenu un problème sociétal et de santé publique qu’il convient de résoudre». Néanmoins, il est quasiment impossible d’objectiver cette donnée.
47. L’AMA elle-même reconnaît le dopage dans les salles de sport comme étant un problème épineux. Bien entendu, il ne s’agit pas ici de prise, comme pour les sportifs de haut niveau d’EPO (érythropoïétine) ou d’utilisation d’autres procédés ou produits sophistiqués, souvent sous une véritable surveillance médicale, mais principalement de l’utilisation de stéroïdes anabolisants, de cannabis et d’amphétamines.
48. Néanmoins, les contrôles et les enquêtes policières sont effectués, de fait, de manière quasi exclusive dans le cadre des activités sportives professionnelles. Les sportifs amateurs n’en font que très rarement l’objet. Par exemple, il n’est pas possible, à l’heure actuelle, d’effectuer des perquisitions au domicile d’un sportif non licencié, ou qui pratique un sport peu organisé tel que le fitness, le culturisme, le combat libre (mixed martial arts – MMA) ou la course à pied, même si l’on a les informations sur le lieu, le moment et les produits avec lesquels il se dope. Les procureurs ne s’intéressent pas au dopage «isolé», mais uniquement au dopage organisé, de grande ampleur, ou ayant lieu dans un cadre formel (notamment celui des fédérations sportives agréées ou reconnues).
49. Il me semble un vrai problème que le système de lutte contre le dopage ne soit pas aujourd’hui en mesure de contrer le développement de ce phénomène parmi les sportifs semi-professionnels (ceux qui sont salariés) et les sportifs amateurs. Par ailleurs, non seulement il n’y a pas (ou presque) de contrôles 
			(26) 
			Cela pourrait tenir
aussi à une base normative insuffisante, par exemple, pour assurer
des perquisitions et des contrôles à leur domicile.; il n’y a pas, non plus, de capacité à mesurer l’impact sur la santé publique. Lorsqu’un jeune qui, aussi par ignorance, abuse de produits dopants et en subit les effets consulte un médecin, celui-ci ne fera pas nécessairement le lien avec la prise de produits dopants, sauf s’il en est averti par les parents 
			(27) 
			Il y a eu des cas avérés
dans plusieurs pays européens; par exemple un contrôleur de l’AFLD
a été contacté par les parents d’un jeune sportif qui avait fait
usage de produits dopants et avait eu de graves problèmes de santé
par la suite. Ce sont les parents qui ont fait le lien avec l’usage
de produits dopants, et non le jeune lui-même..

4.3. La difficulté d’agencer correctement l’action des diverses parties prenantes

50. La complexité du système qui résulte de la superposition et imbrication des divers mécanismes aux divers niveaux pose la question de savoir comment mieux les articuler. Je crois qu’on pourrait assurer une meilleure coopération entre les services policiers, les ONAD, les fédérations sportives et les gouvernements/ministères des sports quand il y en a. Par exemple, il n’est pas certain que les informations circulent de façon adéquate, alors que des échanges d’information entre les différentes parties prenantes permettraient sans doute un meilleur contrôle.
51. A l’audition du 12 mars 2015, M. Ram a fait référence aux nombreuses difficultés concernant la coopération et les échanges d’information que l’Autorité néerlandaise anti-dopage rencontre au quotidien et a affirmé que les échanges internationaux et l’alignement entre les agences chargées de faire respecter la loi sont également problématiques. Mme Battaini-Dragoni a souligné la nécessité d’examiner comment faciliter le transfert transfrontalier de connaissances, expériences et bonnes pratiques, et d’identifier les domaines où les synergies entre les acteurs pertinents peuvent être développées.

4.4. Conflits d’intérêt et exposition à des pressions externes

52. Il semblerait que, dans certains cas, les agences nationales antidopage soient trop exposées d’une part au risque de corruption, d’autre part, au risque de pressions politiques indues visant à éviter l’éclatement de scandales pouvant ternir à l’image des sportifs de haut niveau et à celle de leur pays aussi. Cela pose la question de leur autonomie, mais aussi, je crois, d’une inégalité de traitement des sportifs en fonction du pays où ils pratiquent leur activité.
53. Un cas qui me semble témoigner des dérives graves qui peuvent avoir lieu est celui de l’athlétisme en Russie. En décembre 2014, la télévision publique allemande ARD a diffusé un documentaire apportant des preuves accablantes de l'existence d'un système de dopage organisé au sein de l'athlétisme russe. Il me semble peu probable qu’un tel système soit mis en place et puisse durer sans une certaine complaisance – sinon la complicité – de la fédération nationale concernée et peut-être aussi de l’autorité nationale préposée aux contrôles anti-dopage. Le réalisateur, Hans-Joachim Seppelt, un spécialiste du dopage, interviewé par Le Monde 
			(28) 
			Pour lire l’article
du Monde, publié en ligne
le 30 mars 2015, suive le lien ci-après: <a href='http://www.lemonde.fr/sport/article/2015/03/30/le-premier-objectif-des-federations-n-est-pas-de-purifier-leur-sport-mais-de-proteger-sa-reputation_4602362_3242.html'>Le
premier objectif des fédérations n’est pas de purifier leur sport
mais de protéger sa réputation</a>., a dénoncé l'attitude de l’Association Internationale des Fédérations d’Athlétisme (IAAF) depuis ses révélations et a fait état de la difficulté d'enquêter sur ces pratiques. Il n’a pas hésité à dire que, pour lui, la plupart des personnes responsables de la lutte antidopage font de leur mieux, à l'IAAF et ailleurs, mais qu’elles n'ont pas d'argent, subissent beaucoup de pressions politiques et doivent protéger leur travail et leur famille; donc elles ne parlent pas.
54. Des différences existent aussi entre diverses disciplines sportives. Je porte ici le cas spécifique du football, qui est reconnu comme un milieu dans lequel il est difficile de pénétrer pour effectuer des contrôles. Certains ONAD n’ont même pas la possibilité d’effectuer des contrôles sur les footballeurs! Cela ne signifie pas que les joueurs ne sont pas contrôlés, mais la lutte antidopage dans le football est faite exclusivement ou presque par les instances du football: les fédérations nationales, continentales et internationales. Le risque que les intérêts en jeu – économiques mais aussi d’image – aboutissent à des contrôles inefficaces (trop prévisibles ou incomplets, par exemple) me semble trop élevé. On aime dire que le football est un sport propre et nous aimerions tous le croire sans réserves; mais je n’en suis pas aussi certain.
55. Une Fédération internationale qui a fait l’objet d’âpres critiques, mais semble vouloir remédier aux erreurs commises, est l’UCI. Suite aux révélations de l'Agence antidopage américaine (Usada) sur les pratiques des équipes de Lance Armstrong et sur la protection dont il aurait bénéficié au sein même de l’UCI, Brian Cookson, actuel président de la fédération, a commandité un rapport à la Commission indépendante de réforme du cyclisme (CIRC) qui a été mise en place en janvier 2014. Dans ce rapport (publié le 9 mars 2015), on peut lire que, pour la CIRC, sous Hein Verbruggen, la lutte de la fédération contre le dopage n’était qu’une façade, avec une stratégie de contrôles inefficace. La CIRC considère aussi qu'il y a toujours une culture du dopage dans le cyclisme. Elle note à cet égard que les programmes de dopage deviennent plus sophistiqués pour échapper aux contrôles, que les médecins jouent un rôle clé et que certains médicaments ou traitements non interdits par l'AMA ou légitimés par des autorisations d’usage à des fins thérapeutiques sont détournés afin d'améliorer les performances.

4.5. Un monitorage insuffisant des flux commerciaux de produits dopants

56. Comme cela a été confirmé par M. Vansteenkiste, la lutte contre le dopage, et en particulier le dopage dans le sport dit «de masse», est en corrélation avec la lutte contre les réseaux de trafiquants de produits dopants, qui est aussi en lien avec le trafic de stupéfiants. Il s’agit clairement d’un problème qui n’est pas simplement national ou même européen, mais international. Il est essentiel d’identifier les réseaux criminels qui sont derrière le phénomène et de combattre les organisations responsables de la production (laboratoires clandestins qui fabriquent des médicaments et des substances illicites), de la distribution et du trafic des produits dopants illicites.
57. Dans le cadre européen, il faut renforcer les moyens policiers pour mieux repérer, enquêter, puis condamner les personnes qui créent et gèrent des laboratoires clandestins, destinés à la fabrication de produits dopants (y compris des nouvelle substances, comme les molécules de synthèse dont les effets sur la santé peuvent être extrêmement nuisibles).
58. Le secteur des produits pharmaceutiques est déjà réglementé. Mais ici il n’est pas suffisant de s’intéresser aux laboratoires pharmaceutiques «classiques» et déjà bien connus: ce sont les réseaux clandestins qui sont en cause. Plusieurs méthodes innovantes 
			(29) 
			Par exemple: biopuces;
pilules ou implants «intelligents»; biocapteurs; neuropuces; transgènes;
nanolaboratoires; manipulation de l’ADN. sont maîtrisées dans le monde par de nombreux petits laboratoires de biotechnologie qu’il est difficile de répertorier et de contrôler, contrairement à la grande industrie pharmaceutique avec laquelle il est possible d’adopter une démarche contractuelle afin d’être informés des nouvelles molécules ayant une potentialité dopante et en attente de mise sur le marché. Il faut sur ce sujet travailler de concert avec des organismes tels qu’INTERPOL et EUROPOL.

4.6. Une harmonisation des législations à poursuivre

59. La collaboration policière et judiciaire entre les pays peut être plus ou moins facile selon les cas. En particulier, les différences législatives peuvent jouer aussi contre une coopération efficace. A cet égard, il me semble que la Convention du Conseil de l’Europe sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique (STCE no 211, «Convention MEDICRIME») offre un cadre commun qui permettrait le niveau d’harmonisation nécessaire.
60. Cette convention, qui n’est pas encore en vigueur, ne vise pas seulement la fabrication intentionnelle de produits médicaux, substances actives, excipients, éléments, matériaux et accessoires contrefaits; elle concerne aussi des infractions similaires menaçant la santé publique (article 8), y compris la fabrication, le stockage pour fourniture, l’importation, l’exportation, la fourniture, l’offre de fourniture ou la mise sur le marché soit de médicaments sans autorisation, soit de dispositifs médicaux ne remplissant pas les exigences de conformité.
61. La convention prône l’introduction de sanctions pénales adéquates, ainsi que de mesures de prévention et de protection des victimes. Ouverte aux pays du monde entier, elle offre également un cadre de coopération internationale et prévoit des mesures destinées à améliorer la coordination au niveau national. Dès lors, je considère que sa ratification et mise en œuvre renforcerait considérablement le cadre légal de la lutte contre le dopage.

5. Moyens et actions de prévention du dopage

62. Il me semble nécessaire de faire front plus efficacement au dopage en agissant plus en amont par la prévention. Autorités sportives et autorités publiques ont leurs rôles – et responsabilités – respectifs à cet égard. Il convient donc de distinguer entre, d’une part, les moyens du mouvement sportif et les actions mises en place dans ce contexte et, d’autre part, les moyens et actions de prévention du ressort des autorités publiques, y compris les organisations nationales antidopage. Les paragraphes suivants reprennent quelques idées, de manière synthétique.

5.1. Mouvement sportif

63. Dans quelques pays (par exemple l’Allemagne, la Bulgarie, l’Espagne, la Grèce et la Pologne), des organisations sportives ont élaboré des manuels ayant pour but de promouvoir la connaissance de la réglementation anti-dopage et de sensibiliser les sportifs aux risques pour la santé. Ces manuels sont adaptés en trois niveaux, destinés à des publics différents: jeunes sportifs, sportifs amateurs réguliers et sportifs de haut-niveau et professionnels.
64. On retrouve souvent sur les sites internet des organisations sportives des messages sur la nécessité de pratiquer son sport sainement pour l’éthique et sa propre santé, ainsi que des informations (juridiques ou médicales) à jour concernant la réglementation en vigueur (particulièrement celle de l’AMA), les AUT, les contrôles antidopage, la prévention des blessures et l’automédication.
65. Certaines fédérations sportives organisent des sessions de formation à destination des jeunes sportifs, y compris de manière vidéo-ludique, sous forme de quizz et de jeu de rôles. Par exemple, l’UEFA a un programme de sensibilisation visant spécialement les jeunes joueurs. Des sessions d'instruction sur la lutte contre le dopage sont menées lors des phases finales de toutes des compétitions juniors de l'UEFA. Des supports pédagogiques sont distribués aux joueurs pour les sensibiliser sur ce sujet, les informer des règles et procédures antidopage de l'UEFA et leur éviter toute erreur de procédure.
66. Par ailleurs, dans le cadre de son programme de formation pour les médecins sportifs, l’UEFA offre depuis 2015 un module concernant la lutte contre le dopage; les médecins formés (un par fédération nationale) reçoivent tous les matériels nécessaires pour former à leur tour d’autres médecins au niveau national pour produire ainsi des effets positifs en cascade. Un module spécifique de formation concerne aussi les compléments alimentaires; le message donné est sans équivoques: seulement 2 à 3 compléments peuvent être utiles dans certaines circonstances, mais en général, si le produit fonctionne il est probablement interdit; s’il n’est pas interdit c’est que probablement il est inefficace; dans tous les cas, le risque de contamination du sportif est relativement élevé.
67. Une mention spécifique doit être faite du «passeport biologique de l’athlète» (BPA), basé sur le suivi dans le temps de certaines variables biologiques sélectionnées – les marqueurs individuels – dont les variations peuvent révéler indirectement les effets du dopage. Le cyclisme a été, en janvier 2008, l’un des premiers sports à utiliser le passeport biologique, en créant un dossier électronique individuel propre à chaque coureur, dans lequel sont réunis les résultats des contrôles urinaires et sanguins individuels le concernant.
68. En suivant les paramètres biologiques sélectionnés de façon constante tout au long de la carrière d'un athlète, il est possible d'établir son profil hématologique/stéroïdien afin de déterminer ses valeurs «normales» et de mieux faire apparaître d'éventuelles variations. En 2009, l’AMA a pris en charge le développement du concept du passeport biologique. Initialement, l’AMA a établi une méthode normalisée de profilage des variables hématologiques des athlètes (module hématologique, ou module sanguin) auquel plus récemment s’est ajouté le module stéroïdien.
69. L’AMA a également lancé en 2005 son Système d’administration et de gestion antidopage (ADAMS), un instrument de gestion en ligne où sont réunies diverses données liées à l’antidopage, en particulier les résultats des laboratoires, les informations sur les autorisations d’usage à des fins thérapeutiques et sur les violations de règles antidopage. Il permet le partage d'informations entre les organisations concernées et autorisées. Ce système s’est rapidement développé.
70. Dans le domaine du football, le programme anti-dopage de l'UEFA pour la saison 2015/16 vise à créer des profils de passeport biologique pour les joueurs participant aux compétitions européennes qui seront également utiles au niveau national. L'objectif de l'UEFA est de partager ces données et renseignements avec les agences nationales antidopage dans le but de coordonner les contrôles et, si nécessaire, de cibler certains joueurs selon les résultats de leurs profils. L'UEFA a déjà signé avec l'AMA l'accord pour utiliser ADAMS et s'attelle maintenant à finaliser un accord de collaboration qu'elle va proposer aux agences nationales.

5.2. Autorités publiques

71. Un exemple classique de moyen de prévention est celui des campagnes nationales d’information (par exemple affiches, télévision et radio, guides de bonnes pratiques, etc.). Néanmoins, ce type d’action ne saurait atteindre à lui seul les résultats escomptés.
72. Des pays comme la France et l’Allemagne disposent de programmes nationaux de prévention du dopage. La France organise sa prévention au niveau ministériel et de ses différentes directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS); dans le cas de l’Allemagne, c’est l’Agence nationale anti-dopage qui s’en charge.
73. En France, un numéro de téléphone «écoute dopage» a été ouvert, que les sportifs amateurs, les parents, les coéquipiers, les amis… peuvent utiliser pour signaler ou simplement en parler. Certes, la Cour des comptes française a exprimé des réserves sur les résultats obtenus, par rapport au coût du service. Néanmoins, il me semble important que des opérateurs bien formés puissent être contactés et soient à l’écoute. Nous savons que le besoin est là.
74. On a des exemples de programmes de prévention plus ciblés, comme celui sur la mauvaise utilisation de stéroïdes anabolisants chez les adolescents suédois, qui a concerné 451 adolescents 
			(30) 
			S. Nilsson et al., Evaluation of a health promotion
programme to prevent the misuse of androgenic anabolic steroids among
Swedish adolescents, Health Promotion
International, vol. 19, no 1,
Oxford University Press, 2004, p. 61-67..
75. La création d’instances d’accompagnement participe aussi à la prévention des conduites dopantes. A titre d’exemple, la France dispose au sein de ses DRJSCS d’un personnel en charge des questions de dopage, formé pour encourager des actions de prévention auprès des clubs sportifs locaux et régionaux. Ils pourraient avoir comme mission complémentaire la sensibilisation et la formation des médecins et d’autres professionnels de santé directement en lien avec les activités physiques et sportives (ostéopathes, masseurs, kinésithérapeutes, préparateurs mentaux/physiques, sophrologues, etc.).
76. La formation des médecins et professionnels de santé est fondamentale, car ces personnes ont un rôle clé à jouer dans la prévention du dopage, les sportifs étant souvent plus proches d’eux que de leur entraîneur. Par exemple, de nombreux médecins n’ont pas une connaissance adéquate des réglementations de l’AMA et notamment de la liste des produits interdits. Ainsi, ils pourraient prescrire, sans le savoir, des médicaments contenant des substances interdites en compétition ou à l’entraînement.
77. En France, le ministère des Sports et l'ordre des pharmaciens ont signé, le 24 février 2015, une convention de «prévention du dopage lié à l'usage des compléments alimentaires par les sportifs» 
			(31) 
			Dans le cadre de la
mise en œuvre de cette convention, des brochures élaborées par le
comité d'éducation sanitaire et sociale seront distribuées et mises
à la disposition des pharmaciens. L’idée est de sensibiliser les
pharmaciens à la problématique du dopage, via la question des compléments;
par exemple, on pourrait organiser localement des réunions avec
les clubs sportifs.. C’est une bonne démarche; néanmoins, en sachant que la plupart des achats se fait par internet, elle ne semble pas suffisante pour contrer la diffusion de ces produits, notamment dans le milieu du sport amateur et semi-professionnel. Il faudrait probablement insister davantage dans les programmes d’information et les projets de sensibilisation réalisés par les organisations sportives à la fois sur les risques cachés et sur l’inutilité de la démarche.

6. Conclusions

78. Il faut se réjouir de la volonté affichée par les acteurs aux niveaux national et international de lutter contre le phénomène du dopage. Néanmoins, j’estime que la stratégie de lutte contre le dopage devrait prendre davantage en compte la nécessité de développer des actions de prévention auprès des jeunes sportifs amateurs et semi-professionnels et d’intensifier la lutte contre le trafic de produits dopants qui, par ailleurs, enrichit des groupes criminels. En effet, celles-ci devraient être deux priorités de cette stratégie.
79. Comme nous l’avons aussi affirmé à l’égard de la question de la manipulation des résultats sportifs, lorsqu’il s’agit de protéger le sport et ses valeurs en même temps que la légalité, et de lutter contre la fraude sportive en même temps que contre la criminalité organisée, il est indispensable d’assurer une coordination maximale entre divers services de l’Etat et une collaboration forte entre les différents partenaires. A ce dernier égard, je songe autant au renforcement de la coopération policière qu’au développement de plus de synergies entre le monde du sport et les autorités publiques.
80. Tous les experts que nous avons auditionnés ont été d’accord sur la nécessité de travailler ensemble pour gagner en efficacité. Cela ne s’applique pas seulement au système de contrôle, détection, poursuite et sanction des violations aux normes contre le dopage, mais aussi au domaine de la prévention. Il faut renforcer la collaboration avec les associations de terrain et les éducateurs sportifs. A cet égard, je propose de développer la labellisation des salles de sports et la diffusion de codes de conduite excluant la commercialisation (et toute forme d’incitation à la consommation) de produits ayant des effets dopants (même si licitement en commerce) dans le but d’améliorer la performance physique.
81. Je suis également convaincu que le système de l’éducation nationale devrait être impliqué dans les actions d’information et de prévention dans ce domaine et travailler en collaboration avec le mouvement sportif. En effet, j’attache une importance toute particulière au rôle que l’école peut jouer dans ce domaine non seulement pour sensibiliser les jeunes sur les risques liés aux conduites dopantes et au dopage, mais aussi, en positif, pour promouvoir l’éthique et les valeurs sportives. C’est en agissant en amont que nous pouvons obtenir les meilleurs résultats.

Annexe – Le cadre complexe de la lutte contre le dopage

(open)

Echelon

Institutions

Base juridique

Contrôles / domaine policier

Système d’harmonisation / coordination

Pourcentage de sportifs concernés (estimation)

International

Agence mondiale antidopage

(AMA-WADA)

Code mondial antidopage

Compétitions internationales, continentales, nationales, régionales et locales

Système d’administration et de gestion antidopage (ADAMS)

Compétitions sportives internationales reconnues ou non (coupe du monde, championnat du monde): [1 % à 5 %]

UNESCO

Convention internationale contre le dopage (2005)

INTERPOL

 

CIO / Fédérations internationales sportives reconnues et non reconnues

 

Compétitions internationales et continentales

 

Continental

Conseil de l’Europe

Convention contre le dopage (1989) + protocole additionnel (2002) / Charte européenne du sport (1984)

EUROPOL

Comité ad hoc européen pour l’AMA (CAHAMA)

Compétitions sportives continentales reconnues ou non (coupe d’Europe, championnat d’Europe): [1 % à 5 %]

Union européenne

Résolutions contre le dopage (1992, 1998, 2005)

Fédérations sportives continentales / Association des comités olympiques nationaux / ORAD

 

Accord Sport

National

Gouvernements

Loi générale sur le sport / Loi spécifique antidopage

Polices nationales spécialisées (type OCLAESP) / Services spécialisés des douanes

 

Compétitions sportives nationales reconnues ou non (Championnat national): [5 % à 15 %]

Organisations nationales antidopage (ONAD)

 

Compétitions nationales et régionales

 

Fédérations sportives nationales / Comités nationaux olympiques (CNO)

   

Régional/

local

Ligues sportives régionales

     

Compétitions sportives régionales et locales reconnues ou non, sport loisir [75 % à 99 %]

Clubs sportifs

     

Pratiquants sportifs (licenciés ou non)