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Résolution 2074 (2015)

Les activités de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2014-2015

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 30 septembre 2015 (32e séance) (voir Doc. 13865, rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie, rapporteur: M. Tuur Elzinga). Texte adopté par l’Assemblée le 30 septembre 2015 (32e séance).

1. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, élargie aux délégations des parlements nationaux des Etats membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) non membres du Conseil de l’Europe et à une délégation du Parlement européen, examine, à nouveau, les activités de l’OCDE.
2. L’an dernier, le débat de l’Assemblée élargie sur les activités de l’OCDE en 2013-2014 s’était tenu pour la première fois sur la base d’un rapport présenté par le Secrétaire général de l’OCDE, M. Angel Gurría. L’exercice a été considéré comme une réussite par tous les participants. L’Assemblée élargie félicite M. Gurría, dont le mandat à la tête de l’OCDE a été reconduit pour les cinq années à venir.
3. Pour le débat de cette année, l’Assemblée élargie a examiné les activités de l’OCDE en 2014-2015 sur la base d’un rapport biennal établi par la commission des questions politiques et de la démocratie, et d’une sélection de rapports de l’OCDE, en particulier le rapport de synthèse final sur l’initiative des nouvelles approches face aux défis économiques (NAEC), que le Secrétaire général de l’OCDE a décrit en 2013 comme «l’un des résultats les plus tangibles, les plus visibles et les plus féconds du dialogue entre le Conseil de l’Europe et l’OCDE». L’Assemblée élargie se réjouit de poursuivre ce dialogue.
4. L’Assemblée élargie prend acte du contexte économique mondial dans lequel les activités de l’OCDE se sont inscrites en 2014-2015. Les projections pour 2015 ont été revues à la baisse au vu des résultats du premier trimestre 2015, les plus faibles depuis 2009. Les prévisions pour 2016 sont légèrement meilleures, mais sont largement tributaires d’une accélération progressive de la croissance de l’investissement après des années de stagnation. Cette accélération restera cependant plus modérée que lors de précédents cycles de reprise, reflétant le faible gain de productivité, la persistance de l’incertitude et de capacités excédentaires dans de nombreux secteurs, ainsi que les freins à l’investissement engendrés par la baisse des prix du pétrole.
5. L’Assemblée élargie prend également note de certaines tendances à long terme, dites lourdes, telles qu’elles ressortent du rapport de synthèse NAEC, comme le ralentissement de la productivité globale des facteurs (PGF) et de la production économique, la hausse des inégalités et les modèles de développement non durables, qui font peser une «pression sur l’environnement».
6. L’Assemblée élargie note que les publications phares de l’OCDE, qui préconisent une croissance verte et inclusive, s’intéressent à ces tendances de fond et sont totalement en phase avec le but principal de l’OCDE tel qu’énoncé à l’article 1 de sa convention de 1960, «réaliser la plus forte expansion possible de l’économie et de l’emploi et une progression du niveau de vie dans les pays membres».
7. Tout comme le Conseil ministériel de l’OCDE, l’Assemblée élargie reconnaît le rôle important de l’OCDE dans le paysage politique international et notamment sa contribution aux travaux du Groupe des 7 (G7) et du Groupe des 20 (G20). L’Assemblée se félicite des efforts constants de l’OCDE pour étoffer ses cadres et méthodes analytiques, notamment ses outils d’analyse sur une longue durée. Elle salue aussi le rapport de synthèse final NAEC et reconnaît l’importance des indicateurs allant au-delà du produit intérieur brut (PIB) et des travaux de l’OCDE portant sur les indicateurs «Comment va la vie?» et «Croissance verte». L’Assemblée élargie invite l’OCDE à poursuivre la généralisation de ses analyses multidimensionnelles dans ses publications phares, notamment ses travaux sur la croissance inclusive et l’égalité hommes-femmes.
8. L’Assemblée élargie recommande l’insertion d’une dimension supplémentaire dans le cadre pluridimensionnel des NAEC, à savoir les effets des externalités transfrontalières et les arbitrages entre politiques nationales et développements internationaux.
9. L’Assemblée élargie note que le fait de promouvoir une croissance durable n’a pas eu un impact suffisant sur la viabilité écologique du développement économique, puisque les espèces disparaissent à un rythme inégalé depuis l’époque des dinosaures. L’eau, les sols et nombre de ressources naturelles sont structurellement surexploités du fait de nos activités économiques. Nos émissions de carbone à l’échelle mondiale peuvent provoquer des changements climatiques catastrophiques.
10. Les Etats membres et non membres prennent aujourd’hui des mesures qui vont dans le sens d’une croissance verte, mais des efforts beaucoup plus importants devront être faits pour intégrer les priorités environnementales dans les agendas économiques afin de promouvoir une croissance et un bien-être durables. Le rapport de l’OCDE intitulé «Vers une croissance verte: suivre les progrès» vise, grâce à des conseils plus ciblés et plus cohérents sur l’action publique, à accélérer la mise en œuvre, par les pays, de politiques en matière de croissance verte. L’OCDE continue également d’intégrer la croissance verte dans ses travaux. Son rapport «Aligner les politiques pour une économie bas carbone» identifie les aspects des cadres d’action politique et réglementaire qui ne sont pas en phase avec les objectifs liés au changement climatique dans toute une série de domaines (investissements, fiscalité, innovation et compétences, commerce et adaptation) et d’activités au cœur de la politique relative au climat (électricité, mobilité urbaine et utilisation des sols en milieu rural). Des informations pertinentes relatives à la croissance verte sont désormais régulièrement incluses dans les études économiques, les examens environnementaux, les examens des politiques de l’investissement et les rapports villes et croissance verte publiés par l’OCDE. Cela étant, il est possible de faire beaucoup plus pour parvenir à une approche intégrée.
11. L’Assemblée élargie demande par conséquent à l’OCDE et à ses Etats membres:
11.1. de s’engager pour que la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP21) produise des résultats ambitieux;
11.2. de fixer des objectifs d’émissions de CO2 et de financement climatique visant à maintenir la hausse moyenne de la température du globe en dessous de 2°C;
11.3. de fixer des objectifs spécifiques tout aussi ambitieux pour limiter l’utilisation de l’eau, des sols et des autres ressources naturelles à des niveaux viables;
11.4. de protéger les espèces en danger et d’enrayer le processus de diminution de la biodiversité;
11.5. de soutenir une «transition juste» pour les travailleurs et les divers secteurs économiques.
12. L’Assemblée élargie reconnaît l’importance de la réduction des inégalités et de la valeur du dialogue social pour parvenir à une croissance plus inclusive et à des emplois de qualité. Les travaux menés sur la qualité des emplois dans le cadre de l’initiative NAEC fournissent déjà un cadre d’évaluation de cette qualité selon trois grands critères: la qualité de la rémunération, la sécurité de l’emploi et la qualité de l’environnement de travail. Ces travaux permettront de recenser les principaux leviers d’action susceptibles d’améliorer la qualité des emplois, dans l’optique de l’élaboration d’une nouvelle stratégie de l’OCDE pour l’emploi.
13. L’Assemblée élargie relève que la part du travail dans le revenu mondial a chuté de façon spectaculaire depuis 1980 et qu’elle a baissé dans la plupart des pays de l’OCDE, tandis que celle des revenus du capital a augmenté. Le stock des avoirs représentés par les investissements de portefeuille transfrontaliers a enregistré une croissance annuelle de plus de 20% en moyenne au cours des dix années qui ont précédé la crise. Dans le même temps, le produit des investissements a plus que triplé. Le total des actifs des multinationales (filiales étrangères) est passé de 18% du PIB mondial en 1990 à 130% en 2013.
14. L’Assemblée élargie constate que les inégalités de revenus sont à leur plus haut niveau dans les pays de l’OCDE depuis un demi-siècle. Dans les économies les plus avancées, les inégalités des revenus marchands se sont creusées autant entre 2007 et 2011 qu’au cours des douze années précédentes. Elle constate que les inégalités dans la répartition des richesses ont suivi la même évolution.
15. L’Assemblée élargie prend acte des récentes études qui associent la croissance excessive du secteur financier par rapport au PIB dans les économies avancées au ralentissement de la croissance économique et à l’accroissement des inégalités économiques, tandis que l’accroissement excessif du crédit a accru la vulnérabilité des économies aux crises.
16. L’Assemblée élargie appelle l’OCDE à prodiguer à ses Etats membres des conseils politiques adaptés:
16.1. pour freiner les activités financières improductives et réformer le secteur financier afin qu’il soit au service d’une croissance durable et inclusive de l’économie réelle;
16.2. pour accroître la part des revenus du travail dans le PIB;
16.3. pour stopper les inégalités croissantes et promouvoir une croissance durable et inclusive et une répartition plus équitable des revenus, des richesses et du bien-être.
17. L’Assemblée élargie note que l’initiative sur la croissance inclusive sera la pierre angulaire des analyses et des conseils horizontaux de l’OCDE sur le bien-être, et permettra de relever les enjeux ayant trait aux inégalités. Elle invite l’OCDE à intégrer le cadre politique relatif à la croissance inclusive dans ses travaux. Elle appelle aussi les Etats membres de l’OCDE:
17.1. à prendre des mesures pour revaloriser les revenus faibles et intermédiaires afin de stimuler la demande et le pouvoir d’achat des ménages;
17.2. à renforcer la négociation collective et les salaires (minimaux), au rythme des gains de productivité;
17.3. à enrayer la progression du travail précaire, informel ou illégal.
18. L’Assemblée élargie appelle l’OCDE à profiter de la prochaine réunion ministérielle (janvier 2016) du Comité de l’emploi, du travail et des affaires sociales pour inclure ces points dans la révision de la stratégie de l’OCDE pour l’emploi de 1994.
19. L’Assemblée élargie reconnaît les chances que peut offrir une nouvelle révolution de la production, mais aussi les problèmes qu’elle peut entraîner en termes d’inclusion, d’emploi et de répartition économique. L’Organisation internationale du travail (OIT) ayant déjà indiqué que le chômage et la précarité de l’emploi dans le secteur formel vont continuer de progresser et que l’économie informelle va se développer, l’Assemblée élargie appelle l’OCDE à coopérer étroitement avec cette organisation, où une commission de haut niveau sur l’avenir du travail sera chargée de préparer un rapport pour la conférence du centenaire de l’OIT, en 2019.
20. Au plan mondial, l’investissement public et privé n’est pas encore revenu aux niveaux d’avant la crise. L’Assemblée élargie reconnaît le rôle essentiel des investissements productifs pour promouvoir une croissance durable et inclusive, stimuler la création d’emplois et soutenir la transition vers une économie sobre en carbone et résiliente. Elle insiste sur la nécessité de débloquer l’investissement. Des investissements publics ciblés portant sur la création d’emplois verts et décents sont nécessaires pour renforcer la confiance. Elle reconnaît que l’innovation est déterminante pour accroître la productivité et créer des emplois, et que les investissements, en particulier dans la recherche et le développement, contribuent à la croissance de la productivité globale des facteurs.
21. L’Assemblée élargie note les débats et controverses politiques que suscite une nouvelle génération de traités de libre-échange et d’investissement. Reconnaissant les bénéfices passés dus aux avantages comparatifs de l’ouverture au commerce international, elle souligne aussi qu’un système de commerce multilatéral ouvert, fondé sur des règles, est un élément clé pour le développement du secteur privé, une croissance économique durable et la création d’emplois. Par ailleurs, certaines études indiquent que la poursuite de la libéralisation des échanges commerciaux entraînera une nouvelle diminution de la part du travail et accroîtra les inégalités. L’Assemblée élargie appelle l’OCDE à analyser en profondeur les compromis entre les différents enjeux en présence qu’entraînera la poursuite de l’intégration économique mondiale, ainsi que les risques, coûts et avantages potentiels d’une élimination plus poussée des barrières non tarifaires, en particulier dans les secteurs des services et de l’investissement.
22. L’Assemblée élargie appelle les Etats membres de l’OCDE à ne pas se précipiter vers des accords de commerce et d’investissement qui ne sont pas susceptibles de générer des bénéfices concrets et substantiels pour nos économies en général et d’étudier en premier lieu les effets des arbitrages opérés entre la croissance, la stabilité, la durabilité, l’inclusion et l’équité. Elle appelle aussi l’OCDE à proposer des ensembles de mesures pour les politiques commerciales et d’investissement qui portent sur ces arbitrages et qui assurent un bien-être maximal dans les pays membres, ainsi que dans les pays qui sont des partenaires commerciaux et d’investissement.
23. Pour accroître les ressources nécessaires au financement des investissements publics et assurer la viabilité et l’ «inclusivité» de leurs politiques, les gouvernements, y compris ceux des pays émergents, doivent aussi s’attaquer au problème de la fraude et de l’évasion fiscales. C’est pourquoi l’Assemblée élargie:
23.1. salue les avancées du projet OCDE/G20 de lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS), et les progrès de l’échange automatique de renseignements;
23.2. demande à tous les Etats et juridictions d’adhérer à la Convention multilatérale de l’OCDE et du Conseil de l’Europe concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale (STE no 127) et de l’appliquer afin d’améliorer la disponibilité, la qualité et l’exactitude des renseignements sur les bénéficiaires effectifs;
23.3. appelle tous les pays à adopter les dispositions législatives nécessaires pour concrétiser leur engagement d’appliquer la norme d’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers d’ici à 2017 ou 2018.
24. Toutes les mesures liées au projet BEPS seront parachevées en 2015. Pour garantir que cette initiative emblématique aura bien l’impact souhaité, les travaux futurs devront mettre l’accent sur le soutien à apporter aux pays pour une mise en œuvre efficace et cohérente des résultats du plan d’action BEPS, grâce à l’élaboration d’une législation type et d’orientations techniques ainsi qu’au suivi de l’impact des mesures BEPS sur la résolution des questions de double imposition comme de double exonération.
25. L’Assemblée élargie encourage l’OCDE à poursuivre ses travaux sur la conduite responsable des entreprises en continuant d’y associer toutes les parties prenantes concernées et à s’appuyer pour cela sur ses principes directeurs à l’intention des entreprises multinationales; elle l’appelle aussi à renforcer la performance des points de contact nationaux prévus par les principes directeurs et à améliorer ces derniers en révisant les lignes directrices de procédure, en approuvant des crédits budgétaires, en accélérant le programme d’examen par les pairs et en renforçant la cohérence des politiques.
26. La corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales reste un phénomène répandu, qui soulève de graves problèmes moraux et politiques, nuit à la bonne gouvernance et au développement économique, et entraîne une distorsion de la concurrence internationale. L’Assemblée élargie reconnaît le rôle déterminant de l’OCDE et de sa Convention sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales (Convention anti-corruption) dans la lutte contre la corruption d’agents étrangers, notamment grâce à son mécanisme rigoureux de suivi par les pairs. L’Assemblée élargie encourage la mise en œuvre intégrale et l’application rigoureuse de la Convention anti-corruption par toutes ses Parties. Elle appelle aussi les membres du G20 qui ne sont pas parties à cette convention (Chine, Inde, Indonésie et Arabie saoudite) à participer au groupe de travail de l’OCDE sur la corruption et à envisager la possibilité d’y adhérer, conformément au plan d’action anti-corruption du G20.
27. L’Assemblée élargie note que la crise internationale actuelle en matière de migrations est d’une ampleur et d’une complexité sans précédent. Elle reconnaît la contribution potentielle des migrations internationales à la croissance, en particulier lorsque l’admission est bien gérée et l’intégration réussie. Elle invite l’OCDE à poursuivre ses travaux en fournissant des faits et des analyses sur les flux migratoires et l’intégration, et sur les politiques menées dans ces domaines, et à conseiller les pays pour trouver une réponse à la crise actuelle.
28. L’Assemblée élargie appelle de ses vœux un programme de développement ambitieux pour l’après-2015, l’intégration du «travail décent», de la conduite responsable des entreprises et du dialogue social à la stratégie de développement de l’OCDE, ainsi qu’une action visant à soutenir la mobilisation des ressources nationales par le partage des connaissances et le renforcement des capacités.
29. Enfin, l’Assemblée élargie invite l’OCDE à informer sous une forme adaptée les participants au débat élargi des suites données aux questions soulevées dans la présente résolution, avant ou lors du prochain débat élargi.