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Résolution 2086 (2016)
Demande de statut de partenaire pour la démocratie auprès de l'Assemblée parlementaire présentée par le Parlement de Jordanie
1. En adoptant la Résolution 1680 (2009) sur
la création d’un statut de «partenaire pour la démocratie» auprès
de l’Assemblée parlementaire, l’Assemblée a décidé de créer un nouveau
statut pour la coopération institutionnelle avec les parlements
des Etats non membres des régions voisines qui souhaitent bénéficier
de l’expérience de l’Assemblée en matière de renforcement de la
démocratie, de l’Etat de droit et des droits de l’homme, et participer
au débat politique sur les enjeux communs dépassant les frontières
européennes. L’article 62 du Règlement de l’Assemblée énonce les
conditions et les modalités d’octroi de ce statut, notamment les
engagements politiques que le parlement concerné doit officiellement
contracter.
2. Le 25 juillet 2013, les Présidents des deux chambres du Parlement
de Jordanie ont adressé au Président de l’Assemblée une demande
officielle de statut de partenaire pour la démocratie. Après les Parlements
du Maroc et de Palestine, celui de Jordanie est le troisième du
sud de la Méditerranée à faire une telle demande.
3. L’Assemblée prend note que, dans leur lettre, conformément
aux exigences stipulées par l’article 62.2 du Règlement, les Présidents
des deux chambres du Parlement de Jordanie réaffirment que le parlement
qu’ils représentent partage «les mêmes valeurs que nos collègues,
les membres du Conseil de l’Europe: une démocratie pluraliste fondée
sur la parité entre les hommes et les femmes, l’Etat de droit et
le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales»,
et s’engagent:
3.1. à maintenir
«le processus électoral en conformité avec les normes internationales
relatives aux élections législatives»;
3.2. à soutenir «la participation équilibrée des femmes et
des hommes à la vie publique et politique»;
3.3. à poursuivre les «initiatives visant à sensibiliser les
organes publics et la société civile à l’abolition de la peine de
mort et à la mise en place d’un moratoire sur les exécutions»;
3.4. à «encourager les autorités compétentes à adhérer aux
conventions et accords partiels pertinents du Conseil de l’Europe
qui sont ouverts à la signature et à la ratification d’Etats non
membres, en particulier ceux portant sur [une démocratie pluraliste
fondée sur la parité entre les hommes et les femmes, l’Etat de droit
et le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales]»;
3.5. à «tenir l’Assemblée régulièrement informée des progrès
accomplis dans la mise en œuvre des principes du Conseil de l'Europe»;
3.6. à «tirer profit de l’expérience de l’Assemblée et de l’expertise
de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise) dans [leurs] travaux institutionnels et législatifs».
4. L’Assemblée estime, par conséquent, que la demande du Parlement
de Jordanie satisfait aux critères formels énoncés dans son Règlement.
5. En outre, l’Assemblée constate que, sous l’impulsion du roi
Abdallah II, le Parlement et les blocs qui le constituent, les organisations
et mouvements politiques, les agents de l’Etat, les syndicats et
la société civile de Jordanie partagent les objectifs du partenariat
pour la démocratie, dont le but est de renforcer la démocratie, l’Etat
de droit et le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales
en Jordanie. L’obtention de ce statut est considérée comme une incitation
opportune et importante à poursuivre les réformes.
6. L’Assemblée se félicite de la détermination de la Jordanie
à mener prioritairement des réformes constitutionnelles, institutionnelles,
politiques et juridiques approfondies. Elle se félicite notamment
des changements apportés à 39 articles de la Constitution, de la
création d’une Cour constitutionnelle, de la proposition de loi
électorale, de la loi sur les partis politiques et des projets de
législation sur la décentralisation et les municipalités. Le statut
de partenaire pour la démocratie constitue pour le Parlement de
Jordanie un cadre propice à l’accompagnement du processus de réformes
en cours. Les autorités jordaniennes sont invitées à tirer profit
de l’expertise du Conseil de l’Europe et à s’inspirer de ses normes
dans la mise en œuvre des réformes.
7. Au moment où les peuples de nombreux pays arabes et méditerranéens
expriment clairement leur volonté de jouir des droits politiques
et sociaux fondamentaux, l’Assemblée juge important que les Jordaniens veuillent
moderniser et stabiliser leurs institutions politiques pour se positionner
fermement sur la voie démocratique, cela malgré l’instabilité dans
la région et aux frontières de leur pays.
8. La guerre en Syrie a provoqué un afflux sans précédent de
réfugiés en Jordanie. Ce petit pays fait un effort considérable
pour les accueillir dans des conditions convenables. L’Assemblée
félicite vivement la Jordanie pour ses efforts et son hospitalité
exemplaire. Elle appelle instamment la communauté internationale à
accroître son soutien aux autorités jordaniennes, soit directement,
soit par le biais des organisations internationales actives sur
le terrain.
9. Dans ce contexte, l’Assemblée considère que la série de mesures
engagées en 2010, et à nouveau entre 2013 et 2015, telles qu’exposées
dans le rapport, est essentielle pour renforcer la démocratie, l’Etat
de droit et le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales
dans le cadre d’une monarchie constitutionnelle parlementaire. Elle
appelle le Parlement de Jordanie:
9.1. à
poursuivre la réforme constitutionnelle, en particulier en consolidant
la séparation des pouvoirs et en renforçant le rôle du parlement;
9.2. à poursuivre la réforme sur la décentralisation en vue
de consolider la démocratie locale et régionale;
9.3. à adopter la loi électorale et à organiser des élections
libres et équitables conformément aux normes internationales; à
mieux sensibiliser et à associer la population aux processus démocratique
et électoral; à assurer un plus fort taux de participation et à
renforcer le contrôle public des élections par des observateurs
indépendants;
9.4. à garantir constitutionnellement l’égalité entre les femmes
et les hommes en révisant l’article 6.1 de la Constitution qui établit
une discrimination: «les Jordaniens sont égaux devant la loi sans discrimination
entre eux en ce qui concerne les droits et les devoirs même s’ils
diffèrent par la race, la langue ou la religion»;
9.5. à lutter contre toutes les formes de discrimination (en
droit et en fait) fondées sur le genre, en particulier dans le domaine
du droit de la famille; à abolir toute législation discriminant
les femmes; et à promouvoir activement l’égalité des chances pour
tous;
9.6. à combattre toutes les formes de violence fondées sur
le genre; à réaliser des recherches et à collecter des données fiables
et comparables sur la violence fondée sur le genre; à prévoir un financement
suffisant des mesures de prévention et des services d’assistance
et de protection des victimes;
9.7. à appliquer de manière constante le moratoire sur les
exécutions instauré en 2006 et à aller au-delà en abolissant la
peine de mort inscrite dans le Code pénal;
9.8. à mettre en œuvre la réforme de la justice afin de garantir
l’indépendance et l’impartialité des juges et, en particulier, à
revoir la loi de 1954 sur la prévention de la criminalité, en vue
de faire un premier pas vers l’abolition de la pratique de la détention
administrative;
9.9. à améliorer la formation des juges, du personnel pénitentiaire
et des forces de l’ordre au regard du respect des normes internationales
en matière de droits de l’homme;
9.10. à limiter la pratique de la détention provisoire et à
améliorer les conditions de détention, conformément aux normes et
standards des Nations Unies relatifs aux établissements pénitentiaires;
9.11. à interdire la torture et les traitements inhumains ou
dégradants à l’encontre des personnes privées de liberté, à lutter
contre l’impunité des auteurs d’actes de torture et de sévices,
et à appliquer des sanctions conformes aux normes internationales;
9.12. à adhérer aux instruments internationaux pertinents en
matière de droits de l’homme et à garantir leur application effective,
notamment à coopérer pleinement avec les mécanismes spéciaux des
Nations Unies et à mettre en œuvre les recommandations découlant
de l’examen périodique universel des Nations Unies;
9.13. à garantir le plein respect de la liberté de conscience,
de religion et de croyance, y compris le droit de changer de religion;
9.14. à garantir et à promouvoir la liberté d’expression ainsi
que l’indépendance et la pluralité des médias;
9.15. à garantir et à promouvoir la liberté d’association et
de réunion pacifique, en conformité avec les normes internationales;
9.16. à combattre le racisme, la xénophobie et toutes les formes
de discrimination;
9.17. à lutter énergiquement contre la corruption.
10. L’Assemblée attend de la Jordanie qu’elle adhère en temps
voulu aux conventions et accords partiels pertinents du Conseil
de l’Europe, en particulier à ceux traitant des droits de l’homme,
de l’Etat de droit et de la démocratie, conformément à l’engagement
exprimé dans la lettre conjointe des Présidents des deux chambres
du parlement du 25 juillet 2013.
11. L’Assemblée encourage le Conseil de l’Europe et la Jordanie
à intégrer ces priorités dans leurs discussions en cours relatives
à un programme bilatéral de coopération.
12. En outre, l’Assemblée décide de faire, au plus tard deux ans
après l’adoption de la présente résolution, le bilan des progrès
réalisés dans la mise en œuvre des engagements politiques contractés
par le Parlement de Jordanie et des réformes dans les domaines mentionnés
au paragraphe 9 ci‑dessus.
13. L’Assemblée souligne l’importance d’élections libres et équitables
en tant que pierre angulaire d’une démocratie véritable. Elle espère,
par conséquent, être invitée à observer les élections en Jordanie
à partir des prochaines élections générales.
14. Prenant note que le Parlement de Jordanie a réaffirmé sa détermination
à assurer la pleine mise en œuvre des engagements politiques énoncés
à l’article 62.2 du Règlement et contractés par les Présidents de ses
deux chambres, comme l’atteste leur lettre conjointe du 25 juillet
2013, l’Assemblée décide:
14.1. d’octroyer
le statut de partenaire pour la démocratie au Parlement de Jordanie
à compter de l’adoption de la présente résolution;
14.2. d’inviter le Parlement de Jordanie à nommer, parmi ses
membres démocratiquement élus, une délégation «partenaire pour la
démocratie» constituée de trois représentants et de trois suppléants, selon
les modalités définies à l’article 62.4 du Règlement de l’Assemblée.