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Résolution 2088 (2016)
La Méditerranée: une porte d'entrée pour les migrations irrégulières
1. L’Assemblée parlementaire rappelle
sa Résolution 2050 (2015) «La
tragédie humaine en Méditerranée: une action immédiate est nécessaire»,
sa Résolution 2072 (2015) «Après
Dublin: le besoin urgent d‘un véritable système européen d‘asile»,
sa Résolution 2073 (2015) «Pays
de transit: relever les nouveaux défis de la migration et de l’asile»,
sa Résolution 2089 (2016) sur
le crime organisé et les migrants, ainsi que ses autres résolutions
sur le sujet.
2. La forte intensification des flux migratoires le long des
côtes de la Méditerranée orientale de la Turquie vers la Grèce depuis
le début de 2015, conjuguée aux flux constants traversant la Méditerranée
en son centre de la Libye à l’Italie, a provoqué en Europe une crise
des migrations et des réfugiés sans précédent. En 2015, on estime
à plus d’un million le nombre de personnes qui auraient atteint
les diverses rives européennes de la Méditerranée, contre 219 000
en 2014 et 60 000 en 2013.
3. Malheureusement, le nombre de décès en mer a affiché une augmentation
proportionnelle jusqu’en avril 2015. Le nombre de décès durant les
quatre premiers mois de 2015 a dépassé 2 500. Malgré les efforts conjoints
louables de la communauté internationale et les opérations de sauvetage
à grande échelle lancées par plusieurs pays en mai 2015, des personnes
périssent toujours en mer, même si leur nombre a fortement diminué.
Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR),
environ 70 % des migrants qui arrivent peuvent être considérés comme
des réfugiés selon les termes de la Convention de 1951 relative au
statut des réfugiés et peuvent prétendre à une protection internationale.
Il s’agit principalement de Syriens, mais également d’Irakiens,
d’Afghans, de Somaliens, d’Erythréens, de Nigérians, de Sénégalais
et de Gambiens.
4. La majorité de ceux qui arrivent en Grèce aujourd’hui sont
des personnes qui, à différents stades du conflit armé en Syrie,
ont fui vers la Turquie, le Liban ou d’autres pays voisins où ils
sont, dans bien des cas, restés plusieurs années. La Turquie a accueilli
2 millions de réfugiés syriens à elle seule. Après des années d’une
pression croissante et faute d’un soutien international suffisant,
les économies des pays d’accueil voisins sont à bout de souffle;
il est donc de plus en plus difficile pour les réfugiés de trouver
un toit ou du travail et d’avoir accès aux soins de santé et à l’éducation.
C’est ce qui décide certains d’entre eux à entreprendre un périlleux
voyage à travers la Méditerranée.
5. L’intensification des arrivées en Grèce et l’afflux continu
de migrants vers l’Italie ont mis à dure épreuve les capacités d’accueil
de ces deux pays. A l’évidence, ni l’un ni l’autre ne peuvent faire
face par eux-mêmes à ces flux migratoires.
6. L’Assemblée est convaincue que seule une réponse européenne
commune pourra remédier à l’actuelle crise des migrations et des
réfugiés. Un débat politique global, s’appuyant sur les principes
de solidarité et de responsabilité, et sur les normes les plus rigoureuses
en matière de droits de l’homme (telles qu’inscrites dans la Convention
européenne des droits de l’homme (STE no 5)),
devrait accompagner les politiques stratégiques de gestion des migrations
tant au niveau européen qu’au niveau national.
7. Dans ce contexte, l’Assemblée salue les efforts de l’Union
européenne pour élaborer une réponse européenne commune associant
les acteurs internes et externes, y compris les pays d’origine et
de transit ne faisant pas partie de l’Union européenne. En particulier,
elle s’attend à la mise en œuvre prochaine d’un plan d’action commun
avec la Turquie. Elle salue les mesures d’urgence mises en place
telles que la multiplication des opérations de recherche et de sauvetage,
l’accord sur la relocalisation de 220 000 personnes et la réinstallation
de 40 000 autres.
8. Par ailleurs, l’Assemblée regrette l’absence d’une vision
globale du phénomène des migrations dans le monde actuel, notamment
sur l’ensemble de ses implications et de ses conséquences pour la
société. Force est de constater que le défi dépasse largement les
mesures décidées jusqu’ici et que, pour l’instant, aucune perspective
de solution durable ne se dessine clairement.
9. L’Assemblée souligne que le débat ne peut pas se focaliser
sur les questions de quotas et leur caractère obligatoire ou volontaire.
Il faut répondre sans attendre à l’urgence humanitaire immédiate,
mais des mesures et des solutions à long terme devraient également
être trouvées et mises en œuvre dans les meilleurs délais.
10. L’idée d’identifier les personnes ayant besoin d’une protection
internationale et d’organiser le traitement extérieur des demandes
d’asile par le biais de «hotspots» situés hors d’Europe mérite d’être
soutenue pour autant que les droits de l’homme des réfugiés et des
migrants soient garantis. Elle contribuerait sans aucun doute à
sauver la vie de nombreux candidats au départ qui tenteraient sinon
de prendre la mer.
11. Le traitement des causes profondes de la crise des réfugiés
et des migrations en Méditerranée est une mesure essentielle à long
terme et inévitable. Il implique une coopération adéquate et renforcée
en matière de développement entre l’Europe et les pays d’origine
et de transit, qui comprend non seulement un soutien financier considérablement
accru, mais aussi – ce qui est encore plus important – la mise en
place de projets économiques viables qui contribueront à un développement
durable. Le règlement pacifique des hostilités en Syrie, en Irak
et en Afghanistan est essentiel si l’on veut mettre un terme à l’exode
humain et permettre le retour des réfugiés dans ces pays.
12. L’Assemblée appelle les Etats membres:
12.1. concernant le sauvetage en mer et les pertes de vies humaines:
12.1.1. à poursuivre les opérations de recherche et de sauvetage
en Méditerranée à une échelle au moins aussi importante qu’actuellement;
12.1.2. à créer un registre centralisé et à instaurer des procédures
unifiées d’enregistrement et d’identification des personnes décédées
afin de faciliter la recherche des personnes disparues dans tous
les pays européens;
12.1.3. à intensifier les enquêtes et à agir pour démanteler les
réseaux de passeurs et à poursuivre ces derniers;
12.2. concernant les conditions d’accueil:
12.2.1. à
augmenter substantiellement l’aide financière destinée spécifiquement
à la création immédiate de vastes infrastructures d’urgence en Grèce
et en Italie;
12.2.2. à fournir une aide d’urgence à la Serbie et à «l’ex-République
yougoslave de Macédoine»;
12.2.3. à soutenir, financièrement et institutionnellement, la
création de «hotspots» pour accueillir, aider et enregistrer les
arrivants, et étudier leur situation afin d’identifier ceux qui
ont besoin d’une protection internationale;
12.2.4. à mettre en œuvre les accords sur la relocalisation des
réfugiés de Grèce et d’Italie dans d’autres pays d’Europe, et à
mettre sur pied un dispositif permanent de relocalisation;
12.2.5. à faire preuve de solidarité et à respecter les droits
de l’homme conformément à la Convention européenne des droits de
l’homme et à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés,
en vue de parvenir à un accord dans le débat européen sur le partage
des responsabilités concernant les flux migratoires;
12.3. concernant les voies d’entrée légales:
12.3.1. à
renforcer l’accès aux voies d’immigration légale vers l’Europe,
y compris en augmentant le nombre de réinstallations et d’admissions
pour motifs humanitaires, de mesures de regroupement familial pour
les bénéficiaires de la protection subsidiaire et de visas d’étudiant pour
les réfugiés des pays voisins de la Syrie;
12.3.2. à envisager la création de «hotspots» et le traitement
des demandes d’asile hors d’Europe en vue d’identifier les personnes
ayant besoin d’une protection avant qu’elles entreprennent un voyage
au péril de leur vie;
12.3.3. à mener des actions de sensibilisation à la situation
des réfugiés et à faire le nécessaire pour éliminer toute forme
de discrimination, d’intolérance et de xénophobie à leur égard;
12.3.4. à mener une réflexion sur les nouveaux enjeux à prendre
en compte dans les politiques d’intégration face à l’arrivée d’un
nombre de migrants sans précédent;
12.3.5. à soutenir les initiatives locales en matière d’intégration
et d’éducation;
12.4. concernant les mesures visant à décourager la migration
irrégulière:
12.4.1. à harmoniser les pratiques en matière
de retour et à les mettre en œuvre lorsqu’il y a lieu;
12.4.2. à étendre le mandat de Frontex de façon à ce que l’agence
puisse accroître son soutien aux Etats membres afin, notamment,
de faciliter, d’organiser et de financer des opérations de retour;
12.4.3. à mettre en place un système européen de gardes-frontières;
12.4.4. à établir un partenariat plus étroit avec les pays de
départ en vue de prévenir les traversées irrégulières;
12.5. concernant le traitement des causes profondes:
12.5.1. à accroître la coopération en matière de développement
entre l’Europe et les pays d’origine, y compris en ce qui concerne
non seulement le soutien financier mais aussi les projets économiques
contribuant à un développement durable;
12.5.2. à engager un dialogue constructif et approfondi avec les
pays africains et asiatiques d’origine et de transit, afin de mettre
en place une gestion conjointe des flux de migrants et de demandeurs
d’asile dans un esprit de responsabilité partagée;
12.5.3. à tirer pleinement parti du Fonds d’affectation spéciale
d’urgence pour la stabilité et la lutte contre les causes profondes
de la migration irrégulière et du phénomène des personnes déplacées
en Afrique;
12.5.4. à établir, en coopération avec le HCR et l’Organisation
internationale pour les migrations, des centres polyvalents analogues
à celui mis sur pied au Niger.