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Résolution 2096 (2016)

Comment prévenir la restriction inappropriée des activités des ONG en Europe?

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 28 janvier 2016 (8e séance) (voir Doc. 13940, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: M. Yves Cruchten). Texte adopté par l’Assemblée le 28 janvier 2016 (8e séance).Voir Recommandation 2086 (2016).

1. L’Assemblée parlementaire rappelle l’importance du rôle joué par une société civile dynamique dans le bon fonctionnement de la démocratie et rend hommage à l’ensemble des organisations non gouvernementales (ONG), dont l’action a renforcé les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit dans leurs Etats.
2. L’Assemblée souligne que tous les Etats parties à la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) sont convenus de veiller au respect de la liberté de réunion et d’association, ainsi qu’au respect de la liberté d’expression et d’information, et par conséquent de créer un environnement propice à l’exercice de ces libertés, selon la voie tracée par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la Recommandation CM/Rec(2007)14 du Comité des Ministres sur le statut juridique des organisations non gouvernementales en Europe et les Lignes directrices conjointes sur la liberté d’association adoptées en décembre 2014 par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) et le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe.
3. L’Assemblée réaffirme ses précédentes Résolutions 1660 (2009) et 1891 (2012) sur la situation des défenseurs des droits de l’homme dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, ainsi que sa Résolution 2060 (2015), sa Recommandation 2073 (2015), sa Résolution 1729 (2010) et sa Recommandation 1916 (2010) sur la protection des «donneurs d’alerte».
4. L’Assemblée observe que, dans certains Etats membres du Conseil de l’Europe, la situation de la société civile s’est profondément détériorée ces dernières années, notamment à la suite de l’adoption d’une législation et d’une réglementation restrictives, dont certaines ont été vivement critiquées par la Commission de Venise, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et la Conférence des organisations internationales non gouvernementales. Dans certains Etats membres, les ONG se heurtent à diverses entraves à leur enregistrement, leur fonctionnement et leur financement. Dans d’autres Etats membres, malgré un cadre juridique adéquat, certaines ONG sont stigmatisées, comme les défenseurs des droits de l’homme et les organisations sentinelles. L’Assemblée s’inquiète tout particulièrement des restrictions qui affectent la société civile en Azerbaïdjan et en Fédération de Russie, ainsi que de la situation de la Crimée annexée et des autres territoires qui échappent au contrôle des autorités nationales.
5. Pour ce qui est de la situation de la société civile en Azerbaïdjan, l’Assemblée rappelle sa Résolution 2062 (2015) sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Azerbaïdjan et condamne une fois encore la détérioration des conditions de travail des ONG et des militants des droits de l’homme à la suite de la modification de la législation relative aux ONG, qui impose des restrictions inappropriées à leurs activités. L’Assemblée appelle l’Azerbaïdjan à modifier sa législation relative aux ONG conformément aux recommandations de la Commission de Venise (Avis nos 636/2011 et 787/2014) et à exécuter pleinement et rapidement les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, notamment ceux qui concluent à la violation des libertés d’association, de réunion et d’expression. L'Assemblée est vivement préoccupée par la dégradation constante de la situation des droits de l'homme en Azerbaïdjan et demande que les Etats membres du Conseil de l'Europe accordent une importance particulière aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales dans le contexte de la coopération bilatérale.
6. L’Assemblée est par ailleurs vivement préoccupée par la loi relative aux agents étrangers, qui modifie la législation russe applicable aux organisations à but non lucratif en obligeant les ONG bénéficiaires d’un financement étranger à s’enregistrer en qualité d’agents étrangers. Elle observe que des dizaines d’ONG ont été enregistrées de manière unilatérale en qualité d’agents étrangers par le ministre de la Justice et que le lauréat du prix des droits de l’homme de l’Assemblée 2011, le Comité contre la torture de Nijni Novgorod, a lui-même été contraint récemment de cesser ses activités pour cette raison. L’Assemblée s’inquiète également de l’adoption, en mai 2015, de la loi relative aux organisations indésirables, dont la mise en œuvre peut entraîner la fermeture des principales ONG internationales et étrangères qui travaillent en Fédération de Russie. L’Assemblée appelle la Russie à modifier la législation relative aux ONG, conformément aux Avis nos 716/2013 et 717/2013 de la Commission de Venise, et appelle les autorités à mettre en œuvre les autres dispositions de cette législation conformément aux normes internationales applicables au droit à la liberté d’association et aux autres droits de l’homme pertinents.
7. L’Assemblée appelle par conséquent les Etats membres:
7.1. à mettre pleinement en œuvre la Recommandation CM/Rec(2007)14 du Comité des Ministres;
7.2. à revoir la législation en vigueur, en vue de la mettre en conformité avec les instruments internationaux en matière de droits de l’homme sur le plan des droits à la liberté d’association, de réunion et d’expression, en recourant à l’expertise du Conseil de l’Europe, et en particulier à celle de la Commission de Venise;
7.3. à s’abstenir d’adopter toute nouvelle législation qui aurait pour conséquence d’imposer des restrictions inappropriées aux ONG;
7.4. à veiller à ce que les ONG participent effectivement au processus de consultation à propos d’une nouvelle législation qui les concerne et des autres questions qui revêtent une importance particulière pour la société;
7.5. à garantir l’existence d’un environnement propice aux ONG, notamment en s’abstenant de se livrer à tout harcèlement (judiciaire, administratif ou fiscal) et à toute campagne de dénigrement;
7.6. à signer et/ou ratifier la Convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales (STE no 124), si tel n’est pas encore le cas.
8. Consciente de la situation précaire de la société civile sur le territoire du Conseil de l'Europe, l’Assemblée décide de rester saisie de la question et de continuer de lui donner la priorité, étant donné l’urgence de surveiller le respect de la liberté d'association, de réunion et d’expression.