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Résolution 2098 (2016)
La corruption judiciaire: nécessité de mettre en œuvre d’urgence les propositions de l’Assemblée
1. L’Assemblée parlementaire considère
la corruption judiciaire comme une question extrêmement préoccupante.
Elle sape les fondements de l’Etat de droit et la possibilité même
de lutter contre la corruption dans les autres secteurs de la société.
2. La corruption judiciaire entrave gravement la protection des
droits de l’homme, notamment l’indépendance et l’impartialité de
la justice. Elle mine également la confiance des citoyens dans le
processus judiciaire et porte atteinte aux principes de légalité
et de sécurité juridique.
3. Tout en reconnaissant que la perception de la corruption judiciaire
ne peut être le seul indicateur de la véritable étendue de ce phénomène,
l’Assemblée s’inquiète de ce que la confiance du public dans l’intégrité des
magistrats reste extrêmement faible dans un certain nombre d’Etats
membres où la justice est perçue, selon le Baromètre mondial de
la corruption 2013 de Transparency International, comme une des
institutions les plus corrompues en Albanie, en Arménie, en Azerbaïdjan,
en Bulgarie, en Croatie, en Espagne, en Fédération de Russie, en
Géorgie, en Lituanie, au Portugal, en République de Moldova, en
République slovaque, en Roumanie, en Serbie, en Slovénie et en Ukraine.
Dans le cas de la Roumanie, cette perception peut s’expliquer en
partie par les initiatives considérables prises par le pays pour
renforcer la transparence. Il importe, toutefois, que l’existence
de la corruption judiciaire soit évaluée au regard du cadre légal
pertinent en vigueur dans un pays donné et, surtout, que les instruments
utilisés pour lutter contre la corruption soient efficaces.
4. La corruption judiciaire prend des formes complexes et concerne
à la fois les affaires dont les juges sont saisis et leur carrière
professionnelle. Les Etats membres du Conseil de l’Europe doivent
canaliser leurs efforts à l’égard de ces deux aspects et prévoir
des mécanismes efficaces, qui permettent d’identifier les cas de corruption
au sein du pouvoir judiciaire, d’ouvrir des enquêtes à leur sujet
et d’infliger des sanctions adéquates à leurs auteurs.
5. L’Assemblée déplore le fait que les Etats membres n’aient
toujours pas remédié aux aspects cruciaux de la lutte contre la
corruption judiciaire, principalement en ce qui concerne la mise
en œuvre d’une législation relative à la lutte contre la corruption
et l’accès aux données, recensés dans sa Résolution 1703 (2010) et sa Recommandation 1896 (2010) sur
la corruption judiciaire.
6. Afin de lutter contre la corruption judiciaire, l’Assemblée
invite les Etats membres, notamment:
6.1. à signer et à ratifier, lorsqu’ils ne l’ont pas encore
fait, les conventions pertinentes du Conseil de l’Europe, à savoir
la Convention civile sur la corruption (STE no 174)
et la Convention pénale sur la corruption (STE no 173)
et son Protocole additionnel (STE no 191);
6.2. à mettre pleinement en œuvre, en temps utile, toutes les
recommandations pertinentes des organes et des mécanismes de suivi
du Conseil de l’Europe, en particulier:
6.2.1. les résolutions
et recommandations de l’Assemblée, en premier lieu la Résolution 1703 (2010) et
la Recommandation 1896
(2010), et la Résolution
1943 (2013) et la Recommandation 2019
(2013) «La corruption: une menace à la prééminence du
droit»;
6.2.2. les recommandations adoptées par le Comité des Ministres,
notamment la Recommandation no R (2000)
10 sur les codes de conduite pour les agents publics et la Recommandation
CM/Rec(2010)12 sur les juges: indépendance, efficacité et responsabilités;
6.2.3. les recommandations adoptées par le Groupe d’Etats contre
la corruption (GRECO), en particulier celles qui émanent de son
quatrième cycle d’évaluation, consacré entre autres à la corruption
au sein de la justice;
6.2.4. les recommandations formulées dans les avis rendus par
la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise) sur la législation nationale;
6.2.5. les lignes directrices et rapports adoptés par la Commission
européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) dans ses travaux
consacrés à l’évaluation des systèmes judiciaires;
6.2.6. les recommandations adressées par le Commissaire aux droits
de l’homme du Conseil de l’Europe au sujet de l’administration de
la justice, du fonctionnement des systèmes judiciaires et de la
prévention des pratiques de corruption au sein de la magistrature;
6.3. à rendre pleinement exécutoires les arrêts de la Cour
européenne des droits de l’homme, surtout ceux qui ont une incidence
sur la prévention et l’éradication de la corruption judiciaire;
6.4. à mettre leur législation et leur pratique nationales
en conformité avec les normes énoncées dans les instruments internationaux
et par les organes de suivi pertinents, surtout à l’égard de l’incrimination de
la corruption, de l’immunité des juges, de l’organisation des instances
disciplinaires, des conflits d’intérêts, des déclarations de patrimoine,
ainsi que des aspects en rapport avec la carrière professionnelle
des juges (recrutement, promotion, révocation des juges);
6.5. à renforcer la législation visant à sanctionner la corruption
et à prévoir tous les moyens et soutiens nécessaires à sa bonne
application, en menant des enquêtes en bonne et due forme sur les cas
de corruption au sein de la justice et en engageant des poursuites
à l’encontre de leurs auteurs;
6.6. à adapter la législation et la pratique, afin de permettre
l’évaluation adéquate des pratiques de corruption particulièrement
difficiles à déceler au sein de la justice, comme celles qui concernent
les avantages obtenus en échange de services, les pressions hiérarchiques
ou l’ingérence extérieure;
6.7. à améliorer le statut des professions judiciaires, ainsi
que la sélection et la formation des juges, afin de garantir le
comportement déontologique des juges; et à examiner de manière rigoureuse
toute pratique en rapport avec leur carrière professionnelle qui
présente un risque de corruption ou qui nuit à l’indépendance et
à l’impartialité des juges tout au long de leur carrière;
6.8. à mettre en place des procédures adéquates pour mettre
un terme à l’ingérence politique et à l’influence excessive dans
le processus judiciaire;
6.9. à conserver la trace et à assurer le suivi de la mise
en œuvre des mesures de lutte contre la corruption, en mettant à
disposition les données relatives au nombre et à la nature des cas
présumés et avérés de corruption judiciaire, de manière à effectuer
une bonne appréciation du phénomène;
6.10. lorsque le sentiment de corruption judiciaire généralisée
persiste, à prendre toutes les mesures qui s’imposent pour rétablir
la confiance du public dans le système judiciaire; à procéder au
suivi attentif et constant de l’évolution des indicateurs de perception
et à élaborer une stratégie viable pour remédier au manque de confiance
des citoyens à l’égard des magistrats;
6.11. à continuer à collaborer étroitement avec les organes
de suivi du Conseil de l’Europe, tout particulièrement le GRECO,
et à leur fournir toutes les informations dont ils ont besoin pour
mener leur action, ainsi qu’à se mobiliser pour remédier aux défaillances
recensées;
6.12. à garantir l’existence d’un environnement dans lequel
les cas de corruption judiciaire (allégués) peuvent être décelés,
afin de favoriser un climat propice à la suppression des causes
profondes de la corruption judiciaire.
7. L’Assemblée note que le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe
a examiné, dans ses deux rapports consacrés à la «Situation de la
démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit en Europe»
publiés à ce jour, la corruption qui existe dans les Etats membres,
et l’invite instamment à indiquer clairement, dans ses futurs rapports,
les Etats membres dans lesquels ont été recensés des problèmes de
corruption, notamment judiciaire.
8. L’Assemblée continuera à suivre attentivement les progrès
réalisés par les Etats membres dans la mise en œuvre de la résolution.