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Résolution 2101 (2016)
La collecte systématique de données relatives à la violence à l’égard des femmes
1. Les violences faites aux femmes
constituent un phénomène qui touche toutes les couches de la société et
aucun Etat membre du Conseil de l’Europe n’y échappe. De nombreux
cas de violence à l’égard des femmes ne sont cependant pas signalés
et les chiffres que l’on trouve dans les enquêtes de population
ne correspondent pas à ceux qui émanent de la police ou d’autres
sources officielles. Il faut impérativement intensifier les efforts
de sensibilisation pour encourager les victimes à déclarer ces faits
et restaurer leur confiance dans les autorités nationales chargées
de recevoir leurs déclarations.
2. L'Assemblée parlementaire est convaincue que l'on ne peut
efficacement lutter contre la violence à l’égard des femmes si l'on
ne dispose pas de données fiables. Il n'est pas possible de cibler
correctement les politiques de lutte contre cette forme de violence
lorsque l'on en ignore la fréquence et les manifestations. Des données
complètes relatives à la violence à l’égard des femmes sont extraites
des dossiers dans lesquels sont consignées toutes les infractions
de cette nature qui ont été signalées et des rapports établis par
les instances judiciaires, les autorités sanitaires et les services
sociaux, et combinées avec les enquêtes de population, ce qui donne
une idée de la prévalence de la violence. L'Assemblée souligne l'importance
que revêt la collecte systématique et globale de données en la matière,
en tant que condition préalable à une action efficace et rationnelle.
3. L’Assemblée est consciente de la détermination dont font preuve
les Etats membres du Conseil de l’Europe et des mesures qu’ils ont
déployées afin de prévenir et de combattre la violence à l’égard
des femmes et la violence domestique. L’entrée en vigueur de la
Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte
contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique
(STCE no 210, «Convention d’Istanbul»)
constitue une étape majeure dans l’action menée à l’échelle mondiale
contre ce fléau. Cette convention fait obligation aux Etats parties
de collecter des données, d’appuyer les travaux de recherche et d’effectuer
des enquêtes de population concernant les violences dont les femmes
sont victimes; elle leur demande également d’établir un organe de
coordination chargé de superviser sa mise en œuvre (articles 10 et
11).
4. L’Assemblée rappelle par ailleurs sa Résolution 2084 (2015) «Promouvoir
les meilleures pratiques dans la lutte contre la violence à l’égard
des femmes», qui appelle les Etats membres à mener des études et
des collectes de données dans plusieurs domaines ayant trait à la
lutte contre la violence à l’égard des femmes, notamment le signalement
par des professionnels, les procédures d’indemnisation et la délivrance
des permis de séjour.
5. A la lumière de ces considérations, l’Assemblée demande aux
Etats membres du Conseil de l’Europe:
5.1. s’agissant de la prévention et de la lutte contre la violence
à l’égard des femmes et la violence domestique:
5.1.1. de
signer et/ou de ratifier, s’ils ne l’ont pas déjà fait, la Convention
du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence
à l’égard des femmes et la violence domestique;
5.1.2. de veiller à ce que l’élaboration, la mise en œuvre et
le suivi des politiques et textes de loi adoptés en vue de lutter
contre les violences faites aux femmes reposent sur des données fiables
et exactes;
5.2. s’agissant de la collecte de données sur la violence à
l’égard des femmes:
5.2.1. de désigner ou d’établir un ou
plusieurs organes officiels responsables de la coordination de la
collecte de données et de la coordination, la mise en œuvre, le
suivi et l'évaluation des politiques et des mesures prises, afin
de prévenir et de combattre toutes les formes de violence couvertes
par la Convention d’Istanbul;
5.2.2. de collecter des données sur toutes les formes de violence
couvertes par la Convention d’Istanbul;
5.2.3. de collecter des données sur les causes de la violence
à l’égard des femmes, ses conséquences, sa prévalence et sa fréquence,
ainsi que sur l’efficacité des politiques et des textes de loi;
5.2.4. d’analyser les causes du faible nombre de signalement
des cas de violence à l’égard des femmes;
5.2.5. de faire en sorte que les données soient, au minimum,
ventilées par sexe, âge, type de violence et relation entre la victime
et l’auteur, localisation géographique, ainsi que d’autres facteurs
considérés comme pertinents, en tenant compte des textes de loi
relatifs à la protection des données et à la non-discrimination;
5.2.6. de s’assurer que la collecte de données est inscrite dans
tous les plans nationaux de lutte contre les violences faites aux
femmes et qu’elle bénéficie d’un financement suffisant;
5.2.7. d’exiger de leur police nationale ainsi que de chacune
de leurs instances judiciaires, sanitaires ou sociales qu’elles
recueillent des données et conçoivent à cet effet des formulaires normalisés
pour la police et lesdites instances permettant de procéder à des
comparaisons entre institutions similaires, et d’encourager la collecte
et le traitement électroniques de ces données;
5.2.8. de dispenser à tous les professionnels une formation spécialement
consacrée aux règles de base en matière de collecte de données;
5.2.9. d’effectuer à intervalles réguliers des enquêtes de population
concernant les violences dont les femmes sont victimes, en veillant
à poser la même série de questions, de façon à permettre un suivi
et des comparaisons au fil du temps;
5.2.10. de publier des statistiques sur le nombre de cas de violences
faites aux femmes et d’autres données pertinentes en organisant
parallèlement des débats publics afin de sensibiliser l’opinion
publique et de promouvoir les services d’aide et de prévention;
5.3. s’agissant de la protection des victimes et des données
recueillies:
5.3.1. de prendre des mesures pour assurer
la protection efficace des victimes contre les menaces et les risques
de vengeance;
5.3.2. d’encourager la déclaration des cas de violences et de
restaurer la confiance dans les autorités nationales en mettant
en place des moyens qui permettent d’éviter toute victimisation secondaire
– grâce, par exemple, à la présence dans les commissariats de police
d’une personne spécialisée dans les questions de violences faites
aux femmes et à l’organisation d’une formation spécialement destinée
aux professionnels confrontés à des faits de violence à l’égard des
femmes;
5.3.3. de s’assurer que la collecte et la conservation de données
sur la violence à l’égard des femmes respectent les normes en matière
de protection et de confidentialité des données, en particulier
celles inscrites dans la Convention pour la protection des personnes
à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel
(STE no 108).
6. L’Assemblée invite également les parlements nationaux à assurer
la pleine mise en œuvre de la Convention d’Istanbul et à organiser
et/ou à appuyer des auditions parlementaires et des débats publics
sur la prévalence de la violence à l’égard des femmes et sur la
nécessité de collecter des données de manière systématique pour
mettre en place des politiques ciblées;
7. L’Assemblée a conscience du rôle important que peut jouer
la société civile pour lutter contre les violences faites aux femmes
et en appelle à une action coordonnée et à un renforcement de la
coopération entre les instances publiques chargées de la collecte
de données et les organisations non gouvernementales (ONG) qui interviennent
auprès des femmes victimes de telles violences.