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Résolution 2101 (2016)

La collecte systématique de données relatives à la violence à l’égard des femmes

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 4 mars 2016 (voir Doc. 13988, rapport de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, rapporteure: Mme Maria Edera Spadoni).

1. Les violences faites aux femmes constituent un phénomène qui touche toutes les couches de la société et aucun Etat membre du Conseil de l’Europe n’y échappe. De nombreux cas de violence à l’égard des femmes ne sont cependant pas signalés et les chiffres que l’on trouve dans les enquêtes de population ne correspondent pas à ceux qui émanent de la police ou d’autres sources officielles. Il faut impérativement intensifier les efforts de sensibilisation pour encourager les victimes à déclarer ces faits et restaurer leur confiance dans les autorités nationales chargées de recevoir leurs déclarations.
2. L'Assemblée parlementaire est convaincue que l'on ne peut efficacement lutter contre la violence à l’égard des femmes si l'on ne dispose pas de données fiables. Il n'est pas possible de cibler correctement les politiques de lutte contre cette forme de violence lorsque l'on en ignore la fréquence et les manifestations. Des données complètes relatives à la violence à l’égard des femmes sont extraites des dossiers dans lesquels sont consignées toutes les infractions de cette nature qui ont été signalées et des rapports établis par les instances judiciaires, les autorités sanitaires et les services sociaux, et combinées avec les enquêtes de population, ce qui donne une idée de la prévalence de la violence. L'Assemblée souligne l'importance que revêt la collecte systématique et globale de données en la matière, en tant que condition préalable à une action efficace et rationnelle.
3. L’Assemblée est consciente de la détermination dont font preuve les Etats membres du Conseil de l’Europe et des mesures qu’ils ont déployées afin de prévenir et de combattre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. L’entrée en vigueur de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, «Convention d’Istanbul») constitue une étape majeure dans l’action menée à l’échelle mondiale contre ce fléau. Cette convention fait obligation aux Etats parties de collecter des données, d’appuyer les travaux de recherche et d’effectuer des enquêtes de population concernant les violences dont les femmes sont victimes; elle leur demande également d’établir un organe de coordination chargé de superviser sa mise en œuvre (articles 10 et 11).
4. L’Assemblée rappelle par ailleurs sa Résolution 2084 (2015) «Promouvoir les meilleures pratiques dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes», qui appelle les Etats membres à mener des études et des collectes de données dans plusieurs domaines ayant trait à la lutte contre la violence à l’égard des femmes, notamment le signalement par des professionnels, les procédures d’indemnisation et la délivrance des permis de séjour.
5. A la lumière de ces considérations, l’Assemblée demande aux Etats membres du Conseil de l’Europe:
5.1. s’agissant de la prévention et de la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique:
5.1.1. de signer et/ou de ratifier, s’ils ne l’ont pas déjà fait, la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique;
5.1.2. de veiller à ce que l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi des politiques et textes de loi adoptés en vue de lutter contre les violences faites aux femmes reposent sur des données fiables et exactes;
5.2. s’agissant de la collecte de données sur la violence à l’égard des femmes:
5.2.1. de désigner ou d’établir un ou plusieurs organes officiels responsables de la coordination de la collecte de données et de la coordination, la mise en œuvre, le suivi et l'évaluation des politiques et des mesures prises, afin de prévenir et de combattre toutes les formes de violence couvertes par la Convention d’Istanbul;
5.2.2. de collecter des données sur toutes les formes de violence couvertes par la Convention d’Istanbul;
5.2.3. de collecter des données sur les causes de la violence à l’égard des femmes, ses conséquences, sa prévalence et sa fréquence, ainsi que sur l’efficacité des politiques et des textes de loi;
5.2.4. d’analyser les causes du faible nombre de signalement des cas de violence à l’égard des femmes;
5.2.5. de faire en sorte que les données soient, au minimum, ventilées par sexe, âge, type de violence et relation entre la victime et l’auteur, localisation géographique, ainsi que d’autres facteurs considérés comme pertinents, en tenant compte des textes de loi relatifs à la protection des données et à la non-discrimination;
5.2.6. de s’assurer que la collecte de données est inscrite dans tous les plans nationaux de lutte contre les violences faites aux femmes et qu’elle bénéficie d’un financement suffisant;
5.2.7. d’exiger de leur police nationale ainsi que de chacune de leurs instances judiciaires, sanitaires ou sociales qu’elles recueillent des données et conçoivent à cet effet des formulaires normalisés pour la police et lesdites instances permettant de procéder à des comparaisons entre institutions similaires, et d’encourager la collecte et le traitement électroniques de ces données;
5.2.8. de dispenser à tous les professionnels une formation spécialement consacrée aux règles de base en matière de collecte de données;
5.2.9. d’effectuer à intervalles réguliers des enquêtes de population concernant les violences dont les femmes sont victimes, en veillant à poser la même série de questions, de façon à permettre un suivi et des comparaisons au fil du temps;
5.2.10. de publier des statistiques sur le nombre de cas de violences faites aux femmes et d’autres données pertinentes en organisant parallèlement des débats publics afin de sensibiliser l’opinion publique et de promouvoir les services d’aide et de prévention;
5.3. s’agissant de la protection des victimes et des données recueillies:
5.3.1. de prendre des mesures pour assurer la protection efficace des victimes contre les menaces et les risques de vengeance;
5.3.2. d’encourager la déclaration des cas de violences et de restaurer la confiance dans les autorités nationales en mettant en place des moyens qui permettent d’éviter toute victimisation secondaire – grâce, par exemple, à la présence dans les commissariats de police d’une personne spécialisée dans les questions de violences faites aux femmes et à l’organisation d’une formation spécialement destinée aux professionnels confrontés à des faits de violence à l’égard des femmes;
5.3.3. de s’assurer que la collecte et la conservation de données sur la violence à l’égard des femmes respectent les normes en matière de protection et de confidentialité des données, en particulier celles inscrites dans la Convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel (STE no 108).
6. L’Assemblée invite également les parlements nationaux à assurer la pleine mise en œuvre de la Convention d’Istanbul et à organiser et/ou à appuyer des auditions parlementaires et des débats publics sur la prévalence de la violence à l’égard des femmes et sur la nécessité de collecter des données de manière systématique pour mettre en place des politiques ciblées;
7. L’Assemblée a conscience du rôle important que peut jouer la société civile pour lutter contre les violences faites aux femmes et en appelle à une action coordonnée et à un renforcement de la coopération entre les instances publiques chargées de la collecte de données et les organisations non gouvernementales (ONG) qui interviennent auprès des femmes victimes de telles violences.