Imprimer
Autres documents liés

Avis de commission | Doc. 14022 | 18 avril 2016

Evaluation du partenariat pour la démocratie concernant le Conseil national palestinien

Commission sur l'égalité et la non-discrimination

Rapporteure : Mme Marit MAIJ, Pays-Bas, SOC

Origine - Renvoi en commission: Décision du Bureau du 31 janvier 2014, Renvoi 4025 du 31 janvier 2014. Commission chargée du rapport: Commission des questions politiques et de la démocratie, voir Doc. 14002. Avis approuvé par la commission le 18 avril 2016. 2016 - Deuxième partie de session

A. Conclusions de la commission

(open)
1. La commission sur l'égalité et la non-discrimination salue le rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie (rapporteur: M. Jordi Xuclà). Elle se réfère aux engagements pris par le Conseil national palestinien au titre de la Résolution 1830 (2011), à savoir «la promotion active de l’égalité des chances entre les femmes et les hommes dans la vie politique et la vie publique; la lutte contre toutes les formes de discrimination (en droit et en pratique) fondées sur le genre; la garantie de l’égalité effective entre les femmes et les hommes, y compris en ce qui concerne le mariage, le divorce, la polygamie et le droit successoral, et si nécessaire l’initiation d’un processus de révision de la législation; la lutte contre toutes les formes de violence sexiste».
2. La commission regrette que sur la question de la violence à l’égard des femmes comme dans les autres domaines susmentionnés, la situation n’ait guère évolué ces deux dernières années. En dépit du contexte difficile, la commission appelle le Conseil national palestinien à redoubler d’efforts pour respecter ses engagements volontaires et espère que la situation des femmes en Palestine se sera améliorée d’ici à la prochaine évaluation.

B. Proposition d’amendement

(open)

Amendement A (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 7.4, ajouter: «et appelle les autorités palestiniennes à agir de manière résolue contre ce fléau, en coopération avec la société civile et plus spécifiquement les organisations de femmes. L’autonomisation économique des femmes ainsi que leur participation dans les négociations de paix devraient également être encouragées;».

C. Exposé des motifs, par Mme Marit Maij, rapporteure pour avis

(open)

1. Observations générales

1. Tout d'abord, je tiens à féliciter M. Jordi Xuclà pour son rapport d’activité détaillé sur la mise en œuvre des engagements pris par le Conseil national palestinien dans sa demande de partenariat pour la démocratie auprès de l'Assemblée.
2. Je me félicite de la participation active de la délégation palestinienne partenaire pour la démocratie, et en particulier de celle de Mme Najat Al-Astal, membre dévoué de la commission sur l’égalité et la non-discrimination ainsi que du Réseau parlementaire pour le droit des femmes de vivre sans violence.
3. En 2014, dans son exposé des motifs, ma collègue Mme Gülsün Bilgehan a dressé une liste détaillée des domaines à améliorer au regard des engagements pris par le Conseil national palestinien dans la Résolution 1830 (2011). Sur la base des constatations de 2014, l’objectif du présent avis est de déterminer si les choses ont évolué ces deux dernières années. Je tiens à remercier Mme Suheir Azzouni, consultante sur les questions de genre et les droits de la personne en Palestine, pour son aide à la collecte des informations.

2. Promouvoir activement l’égalité des chances entre les femmes et les hommes dans la vie politique et la vie publique (engagement pris par le Conseil national palestinien, paragraphe 12.5 de la Résolution 1830 (2011))

4. Les femmes palestiniennes restent sous-représentées dans les organes décisionnels aux différents niveaux de la vie publique. En l’absence d’élections législatives depuis 2006, leur représentation au parlement n’a pas changé depuis l’évaluation de 2014. Le nombre de portefeuilles détenus par des femmes au gouvernement (Condition féminine, Tourisme et Economie nationale) n’a pas non plus augmenté. D’après le Bureau central palestinien des statistiques (PCBS), en 2014, 15,6 % des juges étaient des femmes, de même que 25 % des journalistes. En outre, les femmes ne représentent que 5,8 % des ambassadeurs et 3,4 % des forces de police.
5. En juillet 2015, deux femmes ont été habilitées à célébrer des mariages en Palestine. Si cette nouveauté pour les femmes constitue une évolution positive, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.
6. Les femmes ont un rôle primordial à jouer dans la société palestinienne. Or, leur présence est toujours marginale dans les postes à responsabilité. A cet égard, la ratification en juin 2015 par le Gouvernement palestinien du cadre national pour la mise en œuvre de la Résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité, qui vise à protéger les femmes lors des conflits armés, représente une évolution positive pour encourager la participation des femmes et leur rôle moteur dans les processus de règlement des conflits et de consolidation des Etats.

3. Lutter contre toutes les formes de discrimination (en droit et en pratique) fondées sur le genre; garantir l’égalité effective entre les femmes et les hommes, y compris en ce qui concerne le mariage, le divorce, la polygamie et le droit successoral, et si nécessaire initier un processus de révision de la législation (engagement pris par le Conseil national palestinien, paragraphe 12.5 de la Résolution 1830 (2011))

7. Comme cela a déjà été indiqué en 2014, les femmes palestiniennes sont victimes de discrimination sur les questions touchant au statut personnel, tout particulièrement le mariage, le divorce, la garde des enfants ou la liberté de mouvement. Cette situation est exacerbée par la fragmentation du système juridique palestinien, dans lequel les règles applicables varient selon que les femmes vivent en Cisjordanie ou à Gaza. Par exemple, le problème des femmes privées d’héritage dans la bande de Gaza est fréquent et s’amplifie, surtout dans les familles qui possèdent des terres. D’une manière générale, les Palestiniennes luttent pour avoir accès à la justice; elles tendent à se méfier du système juridique et à ne pas croire en sa capacité à répondre à leurs besoins ou à tenir compte de leurs difficultés 
			(1) 
			Pour une analyse plus
approfondie, voir ONU Femmes, Access Denied, Palestinian Women's
Access to justice in the West Bank of the occupied Palestinian territory,
mars 2014..
8. Sur le plan de l’éducation, les filles et les jeunes femmes palestiniennes bénéficient du même accès à l’instruction que les garçons et représentent même plus de la moitié des élèves. De plus, 9,2 % des hommes (15-29 ans) possèdent un diplôme supérieur ou universitaire, contre 13,1 % des femmes du même groupe d’âge 
			(2) 
			Palestinian Central
Bureau of Statistics (PCBS), communiqué de presse pour la Journée
internationale de la jeunesse, août 2014.. Pourtant, malgré la bonne scolarisation des femmes, qui a généralement une corrélation positive avec l’emploi des femmes, la part des femmes palestiniennes en activité reste faible et n’entraîne pas nécessairement une amélioration de leur statut social. De fait, environ la moitié des femmes scolarisées pendant 13 ans ou plus sont au chômage 
			(3) 
			Le taux de chômage
pour cette catégorie s'élève à 48% – avec une moyenne de 39,2 %
pour les femmes et 22,5 % pour les hommes en 2015. Voir PCBS, communiqué
de presse pour la Journée internationale de la femme, mars 2016.. En outre, il existe une discrimination salariale entre les hommes et les femmes: en 2014, le salaire moyen journalier était de 80,9 NIS pour les femmes, contre 105,8 NIS pour les hommes. Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), le salaire moyen journalier des femmes dans le secteur privé en Cisjordanie ne représentait que 76 % de celui de leurs collègues masculins 
			(4) 
			PCBS, communiqué de
presse pour la Journée internationale de la femme 2015, 5 mars 2015,
et BIT, La situation des travailleurs des territoires arabes occupés,
2014.. Il convient de prendre des mesures volontaristes pour promouvoir l’accès des femmes au marché du travail et garantir une rémunération égale pour un travail de valeur égale, dans le secteur privé comme dans la fonction publique.

4. Lutter contre toutes les formes de violence sexiste (engagement pris par le Conseil national palestinien, paragraphe 12.5 de la Résolution 1830 (2011))

9. Le système patriarcal en vigueur dans la société palestinienne expose les femmes à un continuum de violence dans tous les domaines. Les mariages forcés d’adolescentes palestiniennes restent fréquents dans la bande de Gaza. Les chiffres indiquent que 28,6 % des femmes de 20 à 49 ans se sont mariées avant l’âge de 18 ans 
			(5) 
			En Cisjordanie,
l'âge minimum pour se marier est de 15 ans pour les filles et 16
ans pour les garçons; à Gaza, il est de 17 ans pour les filles et
18 ans pour les garçons. Voir Freedom House, Women’s Rights in the
Middle East and North Africa 2010, et PCBS, communiqué de presse,
8 mars 2015.. Il n’existe actuellement aucune réglementation pour dissuader un parent de contraindre sa fille à se marier avant l’âge légal. Parallèlement, depuis la dernière évaluation, les crimes d’honneur ont continué de faire l’actualité. En mai 2014, le président Mahmoud Abbas a promulgué un décret-loi modifiant l’article 98 du Code pénal, qui permettait de tenir compte de circonstances atténuantes dans la condamnation des auteurs de crimes d’«honneur». Mais ce décret-loi n’a pas modifié l’article 99, qui accorde un large pouvoir discrétionnaire aux juges pour décider des circonstances atténuantes. Une intervention législative est nécessaire pour limiter cette marge de manœuvre afin d’éviter tout sentiment d’impunité chez les responsables.
10. Les travaux menés actuellement pour ratifier la loi sur la protection de la famille, qui doit mieux protéger les femmes et les enfants contre la violence domestique, constituent un signal positif de la part du gouvernement dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes.
11. Je saisis cette occasion pour féliciter le Conseil national palestinien d’avoir organisé en décembre 2015, à l’initiative de ma collègue Mme Al-Astal, un atelier sur la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (STE no 210, «Convention d’Istanbul»), auquel ont participé des membres du Conseil national palestinien, le chef de la Commission indépendante des droits de l’homme et des représentants du ministère de la Condition féminine et des organisations de la société civile. Cet événement a permis d’encourager le gouvernement à ratifier la Convention et de plaider pour des activités supplémentaires sur les questions touchant aux femmes et aux enfants. Le fait est que la Convention d’Istanbul pourrait inciter à améliorer l’ordre juridique palestinien et les pratiques liées au problème de la violence à l’égard des femmes.

5. Lutter contre le racisme, la xénophobie et toutes les formes de discrimination (engagement pris par le Conseil national palestinien, paragraphe 12.14 de la Résolution 1830 (2011))

12. Je n’ai été informée d’aucune avancée particulière concernant la situation des personnes handicapées depuis la dernière évaluation. J’encourage de nouveau vivement les autorités palestiniennes à utiliser la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées comme cadre de référence pour harmoniser leur législation et leur pratique avec les normes internationales et lutter contre la perception généralement négative du handicap en Palestine.

6. Conclusions

13. Améliorer le statut et la situation des femmes dans la société palestinienne exige de se doter d’une législation qui supprime toutes les manifestations de discrimination fondée sur le genre. Des initiatives de sensibilisation et de mobilisation par rapport aux lois et pratiques discriminatoires à l’égard des femmes sont également indispensables au progrès social et économique, mais leur mise en œuvre reste limitée et la situation n’a guère évolué depuis la dernière évaluation.
14. Je suis bien consciente qu’il est difficile d’obtenir des avancées rapides dans la situation politique et juridique actuelle. C’est pourquoi je souscris à la recommandation de M. Xuclà de maintenir le partenariat pour la démocratie avec le Conseil national palestinien et de réévaluer ce partenariat au moment opportun.