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Résolution 2108 (2016)
Les droits de l’homme des réfugiés et des migrants – la situation dans les Balkans occidentaux
1. En 2015, 856 000 personnes, soit
près de 20 fois plus qu’en 2014, ont traversé la mer Egée depuis
la Turquie pour gagner les îles grecques. Presque autant de personnes
sont arrivées au cours des deux premiers mois de 2016 que pendant
les sept premiers mois de 2015 et tout porte à croire que le nombre
d’arrivées sera supérieur à celui de l’an dernier. Dans leur écrasante
majorité – plus de 90 % – il s’agit de ressortissants des principaux
pays d’origine des réfugiés – Syrie, Afghanistan et Irak, en particulier.
Ceux qui arrivent en Grèce et qui transitent ensuite par les Balkans
occidentaux seraient majoritairement des réfugiés, mais ils ne souhaitent
pas demander l’asile dans l’un de ces pays.
2. L’afflux de réfugiés et de migrants qui empruntent la voie
des Balkans occidentaux pour entrer dans les pays de l’Union européenne
continentale contiguë n’est pas un phénomène nouveau; leur nombre
a commencé à augmenter de manière significative dès 2012. En août
2015, cependant, le rythme sans précédent des nouvelles arrivées
a conduit nombre de ces pays à revoir unilatéralement leurs politiques,
soit en tentant de bloquer les entrées irrégulières sur leur sol,
soit en facilitant le passage rapide à travers leur territoire.
En septembre, la situation était stabilisée avec un itinéraire au
départ de la Grèce vers l’Europe occidentale relativement sûr. Bien
que physiquement éprouvant et ne pouvant pas remplacer des voies humanitaires,
il avait au moins le mérite d’être raisonnablement efficace.
3. La peur contagieuse des conséquences de la fermeture des frontières
plus au nord a toutefois conduit les pays des Balkans occidentaux
à mettre en place des barrières de plus en plus restrictives à l’entrée
sur leur territoire: en instaurant d’abord une «sélection par nationalité»,
puis un système de quotas journaliers d’admission et, dans le cas
de l’Autriche, d’acceptation des demandes d’asile. La route des
Balkans occidentaux a été fermée à la fin du mois février 2016 et
le nombre des entrées limité à quelques centaines de réfugiés et
de migrants par semaine – alors que le flux des migrants en Grèce
ne montrait aucun signe de fléchissement. On assiste aujourd’hui
à une discrimination délibérée (sélection par nationalité), à un
déni délibéré du droit d’accès à la protection pour des raisons
administratives arbitraires (système de quotas journaliers d’admissions
et d’acceptation des demandes d’asile) et à un non-respect délibéré
des décisions juridictionnelles internationales contraignantes ou
des avis faisant autorité de ne pas renvoyer des demandeurs d’asile
vers les pays dont on sait qu’ils ne sont pas en mesure de leur
offrir une protection effective (retours en Serbie, dans «l’ex-République
yougoslave de Macédoine» et en Grèce).
4. Ainsi, la situation humanitaire des réfugiés et des migrants
s’est détériorée dans les Balkans occidentaux, où ils sont de plus
en plus exposés à l’exploitation et aux abus, notamment par les
trafiquants d’êtres humains et les passeurs. Depuis août 2015, des
rapports ont régulièrement dénoncé un usage excessif de la force
à l’encontre des réfugiés et des migrants par les forces de police
et de sécurité aux frontières de «l’ex-République yougoslave de
Macédoine», de la Croatie ou de la Hongrie. Quelque 100 000 réfugiés
et migrants devraient bientôt se retrouver piégés en Grèce, alors
que, on le sait, le pays n’est pas en mesure d’offrir une capacité
d’accueil et un abri à plus long terme, et que son système d’asile
est défaillant; cependant, malgré ces graves carences et leurs conséquences
pour les réfugiés et les demandeurs d’asile, d’autres Etats membres
de l’Union européenne ont effectivement échoué à mettre en place
l’accord sur la relocalisation des demandeurs d’asile en provenance
de Grèce et d’Italie.
5. L’Assemblée parlementaire est également préoccupée par la
situation en Hongrie. La Hongrie a érigé unilatéralement une clôture
de barbelés le long de sa frontière avec la Serbie et la Croatie,
afin de fermer l’accès à son territoire au flux de réfugiés et de
migrants le long de la route des Balkans occidentaux vers l’Autriche
et de les rediriger vers la Croatie et la Slovénie. La Hongrie a
également mis en place une législation très restrictive sur l’asile,
en l’absence de toutes les garanties procédurales essentielles.
Près de la moitié des demandeurs d’asile en Hongrie sont en détention,
parfois dans des conditions inadéquates. L’Assemblée considère que
les procédures d’asile et la politique de détention hongroises semblent
incompatibles avec ses obligations au titre de la Convention européenne
des droits de l’homme (STE no 5), du
droit de l’Union européenne et de la Convention de 1951 des Nations
Unies relative au statut des réfugiés, et que le discours public
anti-migrants du gouvernement et d’autres autorités publiques est
incompatible avec les valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe.
6. L’Europe n’a jusqu’ici pas trouvé de solution convenable et
durable à la crise migratoire dans les Balkans occidentaux. Les
dispositions parmi les plus importantes des accords conclus à l’automne
2015, notamment l’accord sur la relocalisation des réfugiés en provenance
de Grèce et les accords conclus lors du sommet sur la route des
Balkans occidentaux en vue d’offrir une capacité d’accueil adapté
et un abri à plus long terme aux réfugiés et aux migrants le long
de la route, n’ont quasiment pas été mises en œuvre. La confiance
mutuelle a été ébranlée par des actions unilatérales et par l’exclusion
de la Grèce des consultations régionales sur les questions migratoires.
La tendance est plutôt de renforcer les contrôles aux frontières
et d’empêcher les réfugiés et les migrants de quitter la Turquie.
L’argent semble être la seule réponse à tous les autres problèmes et
le principe de la relocalisation semble oublié ou presque.
7. L’Assemblée rappelle que la stabilité politique est fragile
dans la région des Balkans occidentaux. Il est absolument indispensable
que les pays concernés soient pleinement soutenus dans leurs efforts
pour gérer la crise actuelle et que tous les pays s’abstiennent
de prendre des mesures unilatérales qui risquent d’ébranler la confiance
mutuelle et les espoirs d’une coopération effective.
8. L’Assemblée est convaincue qu’aucune réponse à long terme
ne pourra être trouvée à la situation actuelle si elle ne s’appuie
pas sur une véritable solidarité et sur une véritable reconnaissance
de la nécessité de mener une action commune et de partager équitablement
les responsabilités, dans le total respect des droits de l’homme
des réfugiés et des migrants, et des principes fondamentaux du droit
international et européen.
9. L’Assemblée appelle par conséquent les pays des Balkans occidentaux,
à savoir «l’ex-République yougoslave de Macédoine», la Serbie, la
Croatie et la Slovénie, ainsi que la Grèce et l’Autriche:
9.1. à veiller au respect du principe
de non-refoulement à la frontière des demandeurs d’asile réclamant
une protection internationale, en accord avec les normes de la Convention
européenne des droits de l’homme, telles qu’interprétées par la
Cour européenne des droits de l’homme;
9.2. à s’abstenir de mettre en œuvre, sur une base discriminatoire
liée à la nationalité ou pour des motifs arbitraires de commodité
administrative, des politiques qui interdisent l’accès à la protection;
9.3. à veiller à ce que les forces de police et de sécurité
mettent en place des contrôles aux frontières sans usage excessif
de la force, en respectant le droit fondamental des réfugiés et
des migrants à la dignité;
9.4. à veiller à ce que la capacité nationale d’accueillir
à court terme et d’offrir un abri à plus long terme soit suffisante
pour accueillir dans de bonnes conditions les demandeurs d’asile
en transit ou cherchant à obtenir protection;
9.5. à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir
le respect par les systèmes d’asile nationaux des normes de la Convention
de 1951 relative au statut des réfugiés, de la Convention européenne
des droits de l’homme et du droit de l’Union européenne, s’il y
a lieu;
9.6. à s’abstenir de renvoyer les demandeurs d’asile vers des
pays qui ne sont pas en mesure de garantir leur protection conformément
aux normes ci-dessus, le cas échéant;
9.7. à s’abstenir de mettre en œuvre des politiques de contrôle
aux frontières qui imposeraient abusivement une responsabilité disproportionnée
en matière de protection des réfugiés et des migrants à d’autres
pays plus exposés à leur arrivée;
9.8. à mettre pleinement en œuvre toutes les dispositions de
l’accord conclu lors du sommet sur la route des Balkans occidentaux;
9.9. à faire en sorte que les réponses à long terme à la crise
migratoire ne soient mises en œuvre qu’après concertation avec tous
les pays concernés.
10. L’Assemblée appelle également l’Union européenne:
10.1. à veiller à ce que les droits
de l’homme soient considérés comme prioritaires dans les politiques visant
à améliorer la situation dans les Balkans occidentaux, en particulier
le droit de chercher l’asile et d’en bénéficier, l’interdiction
des traitements inhumains et du refoulement, le droit à la liberté
et à la sécurité, le droit à un recours effectif et l’interdiction
de la discrimination;
10.2. à veiller à ce que tous les Etats membres appliquent pleinement
le droit de l’Union européenne pertinent, en particulier les directives
«accueil», «procédures» et «qualification»;
10.3. à veiller à la pleine mise en œuvre des décisions et accords
antérieurs, notamment sur la relocalisation des réfugiés en provenance
de Grèce et sur la capacité d’accueillir et d’offrir un abri à plus long
terme dans les Balkans occidentaux, sur la lutte contre le trafic
de migrants et la traite des êtres humains, sur l’information des
réfugiés et des migrants en ce qui concerne les règles applicables,
ainsi que leurs droits et obligations, l’enregistrement des arrivées
et l’échange de renseignements sur les flux de réfugiés et de migrants;
10.4. à apporter aux pays concernés toute l’aide financière
et technique nécessaire et d’un niveau suffisant pour résoudre les
problèmes auxquels ils sont confrontés, en évitant les exigences
de procédures onéreuses pouvant indûment retarder l’assistance dans
les situations d’urgence;
10.5. à réformer le système de Dublin en vue d’un partage des
responsabilités plus équitable, de façon à éviter de surcharger
davantage les Etats membres ayant un niveau de protection et des
capacités d’accueil insuffisants.