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Résolution 2116 (2016)

Empêcher de toute urgence les violations des droits de l’homme lors des manifestations pacifiques

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 27 mai 2016 (voir Doc. 14060, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteure: Mme Ermira Mehmeti Devaja).

1. L’Assemblée parlementaire souligne l’intérêt des manifestations pacifiques en tant qu’expression de l’espace civique et que moyen pour les simples citoyens de faire entendre leur voix. Les gigantesques rassemblements pacifiques qui ont eu lieu à Paris et ailleurs après les attentats terroristes de janvier 2015 montrent à quel point les manifestations pacifiques permettent à la population de s’unir face à l’adversité. Les citoyens ont souvent recours en dernier ressort aux mouvements de protestation pour se faire entendre; la restriction de ce droit et l’usage de la violence contre des manifestants pacifiques nuisent l’un comme l’autre à la démocratie.
2. L’Assemblée réaffirme que «la liberté de réunion et d’association, y compris lors de manifestations non organisées et non autorisées, est un droit essentiel dans une démocratie, garanti par l’article 11 de la (STE no 5), et évoqué de manière constante par la Cour européenne des droits de l’homme dans sa jurisprudence» (Résolution 1947 (2013) sur les manifestations et menaces pour la liberté de réunion, la liberté des médias et la liberté d’expression).
3. En vertu de la Convention européenne des droits de l’homme (la Convention), toute restriction imposée au droit à la liberté de réunion pacifique doit être prévue par la loi et nécessaire, dans une société démocratique, à la poursuite des buts légitimes énoncés à l’article 11.2.
4. L’Assemblée encourage les Etats membres à faire usage des instruments internationaux existants établis pour protéger et promouvoir la liberté de réunion, ainsi qu’à réglementer le recours à la force des services de maintien de l’ordre, notamment au moyen des Lignes directrices sur la liberté de réunion pacifique, élaborées conjointement par la Commission européenne pour la démocratie par le droit («Commission de Venise») et le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (BIDDH/OSCE), qui se sont inspirés d’exemples concrets de la législation nationale et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme pour illustrer les diverses options législatives disponibles.
5. L’Assemblée observe qu’il existe, dans certains Etats membres du Conseil de l’Europe, de graves entraves au plein exercice de la liberté de réunion. Elle s’inquiète en particulier du fréquent recours à une force excessive contre des manifestants pacifiques, et notamment de l’utilisation systématique et impropre de gaz lacrymogène et d’autres armes «moins létales».
6. L’Assemblée constate également avec préoccupation les récentes restrictions légales imposées au droit à la liberté de réunion dans différents Etats membres: en Turquie, avec l’adoption en mars 2015 d’une loi sécuritaire qui étend les pouvoirs de la police et lui permet de faire usage d’armes à feu; en Espagne, avec l’adoption en mars 2015 d’une loi relative à la sécurité des citoyens, qui prévoit de lourdes amendes pour les organisateurs de manifestations spontanées; et, en Fédération de Russie, avec la modification de la loi relative aux rassemblements publics qui autorise le placement en détention de toute personne participant à une réunion publique non autorisée. L’Assemblée s’inquiète également de l’absence de législation relative à la liberté de réunion dans certains pays (par exemple en Ukraine, où il n’existe aucune législation relative à la procédure applicable à la tenue de manifestations).
7. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée appelle les Etats membres:
7.1. à sauvegarder le droit à la liberté de réunion pacifique consacré à l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme, ainsi que d’autres droits de l’homme, notamment dans le cadre des manifestations «spontanées» qui n’ont pas été préalablement notifiées;
7.2. à revoir la législation en vigueur, en vue de la mettre en conformité avec les instruments internationaux en matière de droits de l’homme qui concernent le droit à la liberté de réunion pacifique, en faisant appel à la compétence de la Commission de Venise, si besoin est;
7.3. à réglementer l’utilisation de gaz lacrymogène et d’autres armes «moins létales» de façon plus rigoureuse, afin d’intégrer des garanties plus adaptées et plus efficaces pour minimiser les risques de décès et de blessures découlant de leur utilisation normale et abusive, et d’accidents qui peuvent être évités;
7.4. à exécuter pleinement les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme relatifs à la liberté de réunion;
7.5. à adopter et à mettre en œuvre une conception du maintien de l’ordre au cours des manifestations qui soit respectueuse des droits de l’homme, notamment en organisant une formation aux droits de l’homme à l’intention des membres des forces de l’ordre;
7.6. à s’abstenir d’interdire les manifestations, sauf pour les motifs légitimes énumérés à l’article 11.2 de la Convention;
7.7. à s’abstenir de placer des personnes en détention administrative pour les empêcher de participer à des manifestations pacifiques;
7.8. à améliorer le système d’identification des agents des forces de l’ordre, surtout de la police antiémeute, afin de les rendre comptables de leurs actes;
7.9. à mener des enquêtes effectives et à infliger des sanctions adéquates dans tous les cas de mauvais traitements commis par les agents des forces de l’ordre, afin de lutter contre leur impunité et d’y mettre un terme, y compris pour ce qui est de la responsabilité des agents chargés du commandement, du contrôle et de la supervision de l’opération policière concernée;
7.10. à veiller à ce que les informations relatives à la législation et à la réglementation qui régissent l’action de la police à l’égard de manifestations pacifiques soient accessibles au public;
7.11. à respecter pleinement le droit à la liberté d’expression des journalistes qui assurent la couverture des manifestations et à protéger le personnel médical qui dispense une assistance aux manifestants.