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Résolution 2120 (2016)

Les femmes dans les forces armées: promouvoir l’égalité, mettre fin aux violences fondées sur le genre

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 21 juin 2016 (22e séance) (voir Doc. 14073, rapport de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, rapporteure: Mme Maryvonne Blondin). Texte adopté par l’Assemblée le 21 juin 2016 (22e séance).

1. Les missions confiées aux forces armées sont aujourd’hui de plus en plus diversifiées, allant au-delà de la défense du territoire national pour inclure la participation à des opérations extérieures de maintien de la paix, voire à des opérations intérieures dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. En parallèle, la professionnalisation des armées ainsi qu’une concurrence accrue avec d’autres employeurs font que les forces armées ont de plus en plus intérêt à capitaliser sur une diversité d’expériences professionnelles et de compétences interpersonnelles.
2. Recruter et conserver parmi leur personnel un plus grand nombre de femmes est ainsi devenu un enjeu important pour les forces armées. Or, bien que les différentes armées en Europe ouvrent progressivement leurs portes au recrutement des femmes depuis quelques décennies, celles-ci demeurent très minoritaires parmi le personnel militaire, notamment aux échelons supérieurs.
3. Les femmes qui s’engagent dans les forces armées se voient confrontées à un environnement conçu par et pour des hommes. Elles font face à de nombreuses discriminations et sont confrontées à des plans de carrière rigides et à des mentalités encore ancrées dans une vision purement masculine des forces armées.
4. L’Assemblée parlementaire déplore que les agressions et harcèlements sexuels à l’encontre des femmes soient encore courants au sein des forces armées. Le fait de se conformer à la culture interne préexistante est souvent considéré comme un facteur de cohésion, alors que les armées devraient reconnaître que la diversité renforce les capacités opérationnelles. Il est crucial de changer les mentalités, de renforcer les efforts pour prévenir ces violences et de mettre en place des mécanismes permettant de traiter les plaintes de manière efficace.
5. Se référant à sa Recommandation 1742 (2006) et à la Recommandation CM/Rec(2010)4 du Comité des Ministres sur les droits de l’homme des membres des forces armées, l'Assemblée rappelle que l’on ne peut attendre des membres des forces armées qu’ils respectent les droits humains dans leurs opérations si le respect de ces droits n’est pas assuré au sein même de l’armée. L’Assemblée souligne également que la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210) couvre toutes les formes de violence et s’applique aussi bien en temps de paix qu’en situation de conflit armé.
6. A la lumière de ces considérations, l'Assemblée invite les Etats membres du Conseil de l'Europe:
6.1. en ce qui concerne le recrutement et la gestion des carrières des membres des forces armées:
6.1.1. à adapter les campagnes de recrutement afin d’éliminer les stéréotypes et d’attirer davantage de femmes vers les forces armées, y compris vers des fonctions militaires;
6.1.2. à mettre l’accent dans les politiques de recrutement et de gestion des carrières sur la recherche des compétences nécessaires à la réalisation des missions aujourd’hui confiées aux forces armées;
6.1.3. à ouvrir l’ensemble des postes de tous les corps d’armée aux femmes;
6.1.4. à mettre en place des politiques proactives de recrutement et d’accueil des femmes dans les professions dont elles ont précédemment été exclues; à examiner les critères physiques appliqués lors du recrutement à ces professions ainsi que l’opportunité de lancer des projets pilotes pour favoriser le recrutement de femmes dans ces professions;
6.1.5. à œuvrer activement pour favoriser le déploiement de femmes, y compris dans des fonctions militaires, lors d’opérations extérieures; à intégrer des conseillers sur la dimension de genre lors de chaque opération extérieure d’une force armée, à tous les stades de préparation et de déploiement;
6.1.6. à développer des trajectoires de carrière plus souples afin de multiplier les parcours donnant accès aux rangs les plus élevés;
6.1.7. à mettre en place un ensemble de mesures cohérentes et complètes afin de faciliter la conciliation entre la vie privée et familiale et la vie professionnelle pour tous les membres des forces armées;
6.1.8. à intégrer systématiquement la dimension de genre dans toute réflexion sur l’introduction, le maintien ou la suppression du service militaire;
6.1.9. à mener des recherches sur les causes des difficultés rencontrées pour recruter davantage de femmes à des fonctions militaires, sur les raisons pour lesquelles les carrières militaires des femmes sont souvent plus courtes que celles de leurs homologues masculins et sur les raisons amenant les femmes et les hommes à quitter les forces armées avant l’âge de la retraite ou la fin de leur contrat;
6.2. en ce qui concerne la création d’un climat plus favorable à l’égalité de genre au sein des forces armées:
6.2.1. à s’engager activement, à tous les niveaux de la chaîne de commandement, pour changer les mentalités et la culture interne au sein des armées, afin que toutes les différences soient acceptées positivement et valorisées;
6.2.2. à intégrer l’enseignement de la dimension de genre à tous les stades de la formation militaire et à veiller à ce que l’enseignement dans les écoles militaires soit dispensé aussi bien par des femmes que par des hommes;
6.2.3. à intégrer des conseillers sur la dimension de genre au sein de toutes les structures, afin que la dimension de genre soit prise en compte de façon systématique et comme partie intégrante du travail quotidien;
6.2.4. à mettre en place et soutenir le fonctionnement de réseaux de femmes militaires;
6.2.5. à s’assurer que l’équipement et les uniformes sont adaptés à la morphologie des femmes, et que les lieux de vie sont adaptés à la mixité des forces armées;
6.3. en ce qui concerne la lutte contre les violences fondées sur le genre dans les forces armées:
6.3.1. à veiller à ce que le cadre législatif applicable aux membres des forces armées, y compris au niveau pénal le cas échéant, interdise explicitement toutes les formes de violence fondées sur le genre, qu’il soit complet et mis en œuvre de manière effective; à veiller également à ce que les codes de conduite internes contiennent des dispositions fermes à cet égard, et que celles-ci soient connues et appliquées à tous les niveaux;
6.3.2. à adopter et à veiller à l’application systématique d’une politique de tolérance zéro à l’égard des violences fondées sur le genre, et à transmettre un message à l’ensemble des militaires selon lequel de tels comportements ne sont pas acceptés au sein des forces armées;
6.3.3. à sensibiliser tous les niveaux de la chaîne de commandement à la nécessité d’une telle politique;
6.3.4. à mettre en place des mécanismes, par exemple un numéro d’appel gratuit, permettant aux victimes de formuler, de manière confidentielle et anonyme, une plainte informelle et de bénéficier de conseils impartiaux quant à leur situation;
6.3.5. à faciliter l’accès des victimes à des mécanismes de plaintes formels et à mettre en place des procédures de signalement indépendantes de la chaîne de commandement au sein de laquelle travaillent les victimes;
6.3.6. à accompagner les victimes lorsqu’elles signalent un abus;
6.3.7. à définir et appliquer des sanctions efficaces aux auteurs de ces violences, la simple mutation de la victime d’une agression sexuelle n’étant pas une réponse adéquate;
6.3.8. à signer et/ou à ratifier, s’ils ne l’ont pas déjà fait, la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.
7. Considérant le rôle important que peuvent jouer les parlements en tant que contrôle démocratique des forces armées, l’Assemblée invite les parlements nationaux des Etats membres:
7.1. à rechercher activement un équilibre de genre dans les structures parlementaires ayant trait aux forces armées;
7.2. à suivre activement, par le biais de débats, questions et rapports parlementaires, la mise en œuvre par leur pays de la Résolution 1325 (2000) et des autres résolutions des Nations Unies sur le thème «femmes, paix et sécurité», notamment en ce qui concerne la situation des femmes au sein des forces armées, et à prendre des initiatives législatives visant à concrétiser ces objectifs;
7.3. à mener des enquêtes parlementaires sur la situation des femmes au sein des forces armées de leur pays, notamment sur le traitement par les forces armées de plaintes de harcèlement et autres violences fondées sur le genre;
7.4. à encourager les organes indépendants comme les commissaires parlementaires, les ombudsmans ou les commissions pour l’égalité, qui ont les compétences nécessaires vis-à-vis des forces armées, à mener des enquêtes à ces sujets.