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Résolution 2120 (2016)
Les femmes dans les forces armées: promouvoir l’égalité, mettre fin aux violences fondées sur le genre
1. Les missions
confiées aux forces armées sont aujourd’hui de plus en plus diversifiées,
allant au-delà de la défense du territoire national pour inclure
la participation à des opérations extérieures de maintien de la
paix, voire à des opérations intérieures dans le cadre de la lutte
contre le terrorisme. En parallèle, la professionnalisation des
armées ainsi qu’une concurrence accrue avec d’autres employeurs
font que les forces armées ont de plus en plus intérêt à capitaliser
sur une diversité d’expériences professionnelles et de compétences
interpersonnelles.
2. Recruter et conserver parmi leur personnel un plus grand nombre
de femmes est ainsi devenu un enjeu important pour les forces armées.
Or, bien que les différentes armées en Europe ouvrent progressivement leurs
portes au recrutement des femmes depuis quelques décennies, celles-ci
demeurent très minoritaires parmi le personnel militaire, notamment
aux échelons supérieurs.
3. Les femmes qui s’engagent dans les forces armées se voient
confrontées à un environnement conçu par et pour des hommes. Elles
font face à de nombreuses discriminations et sont confrontées à
des plans de carrière rigides et à des mentalités encore ancrées
dans une vision purement masculine des forces armées.
4. L’Assemblée parlementaire déplore que les agressions et harcèlements
sexuels à l’encontre des femmes soient encore courants au sein des
forces armées. Le fait de se conformer à la culture interne préexistante
est souvent considéré comme un facteur de cohésion, alors que les
armées devraient reconnaître que la diversité renforce les capacités
opérationnelles. Il est crucial de changer les mentalités, de renforcer
les efforts pour prévenir ces violences et de mettre en place des
mécanismes permettant de traiter les plaintes de manière efficace.
5. Se référant à sa Recommandation
1742 (2006) et à la Recommandation CM/Rec(2010)4 du Comité des Ministres
sur les droits de l’homme des membres des forces armées, l'Assemblée
rappelle que l’on ne peut attendre des membres des forces armées
qu’ils respectent les droits humains dans leurs opérations si le respect
de ces droits n’est pas assuré au sein même de l’armée. L’Assemblée
souligne également que la Convention du Conseil de l’Europe sur
la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes
et la violence domestique (STCE no 210)
couvre toutes les formes de violence et s’applique aussi bien en
temps de paix qu’en situation de conflit armé.
6. A la lumière de ces considérations, l'Assemblée invite les
Etats membres du Conseil de l'Europe:
6.1. en ce qui concerne le recrutement et la gestion des carrières
des membres des forces armées:
6.1.1. à
adapter les campagnes de recrutement afin d’éliminer les stéréotypes
et d’attirer davantage de femmes vers les forces armées, y compris
vers des fonctions militaires;
6.1.2. à mettre l’accent dans les politiques de recrutement et
de gestion des carrières sur la recherche des compétences nécessaires
à la réalisation des missions aujourd’hui confiées aux forces armées;
6.1.3. à ouvrir l’ensemble des postes de tous les corps d’armée
aux femmes;
6.1.4. à mettre en place des politiques proactives de recrutement
et d’accueil des femmes dans les professions dont elles ont précédemment
été exclues; à examiner les critères physiques appliqués lors du
recrutement à ces professions ainsi que l’opportunité de lancer
des projets pilotes pour favoriser le recrutement de femmes dans
ces professions;
6.1.5. à œuvrer activement pour favoriser le déploiement de femmes,
y compris dans des fonctions militaires, lors d’opérations extérieures;
à intégrer des conseillers sur la dimension de genre lors de chaque
opération extérieure d’une force armée, à tous les stades de préparation
et de déploiement;
6.1.6. à développer des trajectoires de carrière plus souples
afin de multiplier les parcours donnant accès aux rangs les plus
élevés;
6.1.7. à mettre en place un ensemble de mesures cohérentes et
complètes afin de faciliter la conciliation entre la vie privée
et familiale et la vie professionnelle pour tous les membres des forces
armées;
6.1.8. à intégrer systématiquement la dimension de genre dans
toute réflexion sur l’introduction, le maintien ou la suppression
du service militaire;
6.1.9. à mener des recherches sur les causes des difficultés
rencontrées pour recruter davantage de femmes à des fonctions militaires,
sur les raisons pour lesquelles les carrières militaires des femmes
sont souvent plus courtes que celles de leurs homologues masculins
et sur les raisons amenant les femmes et les hommes à quitter les
forces armées avant l’âge de la retraite ou la fin de leur contrat;
6.2. en ce qui concerne la création d’un climat plus favorable
à l’égalité de genre au sein des forces armées:
6.2.1. à s’engager activement, à tous
les niveaux de la chaîne de commandement, pour changer les mentalités
et la culture interne au sein des armées, afin que toutes les différences soient
acceptées positivement et valorisées;
6.2.2. à intégrer l’enseignement de la dimension de genre à tous
les stades de la formation militaire et à veiller à ce que l’enseignement
dans les écoles militaires soit dispensé aussi bien par des femmes
que par des hommes;
6.2.3. à intégrer des conseillers sur la dimension de genre au
sein de toutes les structures, afin que la dimension de genre soit
prise en compte de façon systématique et comme partie intégrante
du travail quotidien;
6.2.4. à mettre en place et soutenir le fonctionnement de réseaux
de femmes militaires;
6.2.5. à s’assurer que l’équipement et les uniformes sont adaptés
à la morphologie des femmes, et que les lieux de vie sont adaptés
à la mixité des forces armées;
6.3. en ce qui concerne la lutte contre les violences fondées
sur le genre dans les forces armées:
6.3.1. à veiller à ce que le cadre législatif applicable aux
membres des forces armées, y compris au niveau pénal le cas échéant,
interdise explicitement toutes les formes de violence fondées sur
le genre, qu’il soit complet et mis en œuvre de manière effective;
à veiller également à ce que les codes de conduite internes contiennent
des dispositions fermes à cet égard, et que celles-ci soient connues
et appliquées à tous les niveaux;
6.3.2. à adopter et à veiller à l’application systématique d’une
politique de tolérance zéro à l’égard des violences fondées sur
le genre, et à transmettre un message à l’ensemble des militaires
selon lequel de tels comportements ne sont pas acceptés au sein
des forces armées;
6.3.3. à sensibiliser tous les niveaux de la chaîne de commandement
à la nécessité d’une telle politique;
6.3.4. à mettre en place des mécanismes, par exemple un numéro
d’appel gratuit, permettant aux victimes de formuler, de manière
confidentielle et anonyme, une plainte informelle et de bénéficier
de conseils impartiaux quant à leur situation;
6.3.5. à faciliter l’accès des victimes à des mécanismes de plaintes
formels et à mettre en place des procédures de signalement indépendantes
de la chaîne de commandement au sein de laquelle travaillent les
victimes;
6.3.6. à accompagner les victimes lorsqu’elles signalent un abus;
6.3.7. à définir et appliquer des sanctions efficaces aux auteurs
de ces violences, la simple mutation de la victime d’une agression
sexuelle n’étant pas une réponse adéquate;
6.3.8. à signer et/ou à ratifier, s’ils ne l’ont pas déjà fait,
la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte
contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.
7. Considérant le rôle important que peuvent jouer les parlements
en tant que contrôle démocratique des forces armées, l’Assemblée
invite les parlements nationaux des Etats membres:
7.1. à rechercher activement un équilibre
de genre dans les structures parlementaires ayant trait aux forces
armées;
7.2. à suivre activement, par le biais de débats, questions
et rapports parlementaires, la mise en œuvre par leur pays de la
Résolution 1325 (2000) et des autres résolutions des Nations Unies
sur le thème «femmes, paix et sécurité», notamment en ce qui concerne
la situation des femmes au sein des forces armées, et à prendre
des initiatives législatives visant à concrétiser ces objectifs;
7.3. à mener des enquêtes parlementaires sur la situation des
femmes au sein des forces armées de leur pays, notamment sur le
traitement par les forces armées de plaintes de harcèlement et autres violences
fondées sur le genre;
7.4. à encourager les organes indépendants comme les commissaires
parlementaires, les ombudsmans ou les commissions pour l’égalité,
qui ont les compétences nécessaires vis-à-vis des forces armées,
à mener des enquêtes à ces sujets.