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Résolution 2126 (2016)
La nature du mandat des membres de l'Assemblée parlementaire
1. Le Statut du Conseil de l’Europe
(STE no 1) et le Règlement de l’Assemblée
parlementaire, qui a pour objet d’établir et de régir les compétences
des organes de l’Assemblée et les procédures parlementaires, ne mentionnent
rien quant au statut des membres de l’Assemblée et à la nature de
leur mandat, se limitant à spécifier que les membres de l’Assemblée
sont élus au sein du parlement national ou fédéral ou désignés parmi
leurs membres (article 25 du Statut du Conseil de l'Europe et article
6 du Règlement de l’Assemblée).
2. Les organisations internationales étant des instruments de
la coopération entre les Etats, il est constant que leurs statuts
régissent les relations entre l’organisation et les Etats qui en
sont membres. Dès lors, il est clair que, en raison de la nature
juridique même de l’instrument qui fonde le Conseil de l'Europe,
les membres de l’Assemblée sont considérés non comme des «sujets
de droit» individuels, mais à travers leur appartenance à l’un des
deux organes statutaires de l’Organisation: en tant que «représentants à
l’Assemblée», ils bénéficient de la protection d’un régime d’immunités
statutaire et conventionnel européen spécifique.
3. De même, le Règlement, complété par des textes pararéglementaires,
comporte plusieurs dispositions relatives aux garanties et aux droits,
mais aussi aux obligations qui conditionnement l’exercice de leur
mandat européen.
4. Les membres de l’Assemblée y siègent en tant que membres d’une
délégation nationale, mais également, pour la grande majorité d’entre
eux, au titre d’un groupe politique auquel ils ont déclaré leur affiliation.
En tant qu’élu national, le parlementaire reçoit mandat de ses électeurs
d’agir au nom de l’intérêt général, mais dans le respect des valeurs
politiques prônées par son parti politique. En tant que membre de l’Assemblée,
il s’engage à adhérer aux objectifs et aux principes fondamentaux
du Conseil de l'Europe (article 6.2 du Règlement) et, pour autant
qu’il soit affilié à l’un des cinq groupes politiques de l’Assemblée,
à promouvoir les objectifs, les valeurs et les principes du groupe.
5. Conformément au principe de la démocratie représentative,
en Europe, les parlementaires nationaux exercent un mandat représentatif,
qui a pour caractéristiques d’être général, libre et non révocable,
et pour corollaire la liberté d’action, d’opinion et d’expression,
et un droit de vote personnel. Les dispositions constitutionnelles
ou législatives régissant le fonctionnement du système parlementaire
dans les Etats membres du Conseil de l'Europe mettent en évidence
le caractère non impératif ou conditionnel du mandat, c'est-à-dire
que l'élu jouit juridiquement d'une indépendance absolue à l'égard
de ses électeurs comme de son parti. Les parlementaires sont réputés
pouvoir se déterminer librement dans l'exercice de leur mandat:
ils ne sont pas liés par des engagements qu'ils auraient pu prendre
avant leur élection, ni par des consignes qu'ils pourraient recevoir
en cours de mandat; ils ne sont liés par aucun ordre ou aucune injonction
de leurs électeurs, et ne sont pas tenus de suivre les instructions
de leur parti.
6. En théorie, les parlementaires sont libres de leurs décisions,
qui s’incarnent dans leurs votes, et ne sont pas obligés de soutenir
la position de leur parti ou groupe politique au sein du parlement,
d’honorer leurs engagements à son égard ou de se plier à la discipline
de vote de leur groupe parlementaire. Dans la pratique parlementaire,
le principe de l’indépendance du mandat et de son irrévocabilité
s’efface clairement devant la discipline partisane et le respect
des consignes de vote, réalité incontournable du mode de fonctionnement actuel
de l’institution parlementaire. Le poids du système des partis repose,
d’une part, en amont, sur le processus de nomination des candidats
à l’élection, et, d’autre part, en aval, sur la liberté d’un parti
ou d’un groupe d’exclure un membre dont le comportement n’est pas
loyal ou lui cause préjudice.
7. C’est donc une certaine forme de «mandat impératif» qui prospère
actuellement dans les institutions parlementaires, à travers la
menace de suspension ou d’expulsion du groupe ou parti politique
– les pressions s’exerçant sur les élus aboutissant à leur démission
ou à des sanctions.
8. L’Assemblée rappelle que, nonobstant les dispositions de l’article
6 de son Règlement garantissant le respect des principes de représentation
politique équitable et d’égalité des sexes, la composition des délégations
nationales et la nomination ou le remplacement de leurs membres
relèvent des parlements nationaux, suivant leurs procédures internes.
Il en est de même de la participation des membres aux sessions de
l’Assemblée ou aux réunions de ses commissions.
9. L’Assemblée constate que, ces dernières années, des dérives
se sont produites au sein de délégations à l’Assemblée mettant souvent
en évidence des lacunes et des manquements dans les réglementations internes
des parlements nationaux concernés. En particulier:
9.1. la réglementation interne des
parlements nationaux a parfois été mise en cause, en ce qu’elle pourrait
servir de paravent légal à des mesures de sanction déguisée, fondées
sur une motivation politique, s’agissant tout particulièrement du
remplacement de membres dans les délégations, sous couvert de démission
individuelle ou de recomposition générale à l’issue d’élections;
9.2. la réglementation interne des parlements nationaux aurait
également été détournée afin de restreindre le déplacement ou d’empêcher
la participation d’un membre d’une délégation à une partie de session
ou à une réunion de commission de l’Assemblée.
10. Elle exprime en outre sa vive préoccupation face aux atteintes
graves portée à l’indépendance et à la liberté d’expression de certains
de ses membres, ou désormais anciens membres, qui ont fait l’objet
de sanctions déguisées soit de la part du parlement, soit de la
part de leur parti politique national.
11. A cet égard, l’Assemblée rappelle fermement que la Cour européenne
des droits de l'homme (la Cour) accorde la plus haute importance
à la liberté d’expression dans le contexte du débat politique, qui
fait l’objet d’une protection renforcée, en consacrant, par sa jurisprudence,
le principe de la libre expression des parlementaires comme condition sine qua non de leur indépendance
dans l’exercice de leur mandat. Pour la Cour, il est fondamental,
dans une société démocratique, «de défendre le libre jeu du débat
politique, qui se trouve au cœur même de la notion de société démocratique».
12. Par ailleurs, l’Assemblée considère que, même si, au niveau
national, la discipline des partis conditionne la stabilité des
partis et des coalitions partisanes et l’efficacité de leur politique,
de telles considérations sont moins pertinentes lorsqu’il s’agit
de promouvoir, au sein de l’Assemblée parlementaire, les objectifs
et principes fondamentaux du Conseil de l'Europe et de «collaborer
sincèrement et activement» à la promotion «des idéaux et principes
qui sont le patrimoine commun» des Européens.
13. L’Assemblée considère que ses membres doivent bénéficier d’un
statut comportant la reconnaissance de garanties minimales dans
l’exercice de leur mandat européen, et qu’il y a lieu de promouvoir
un certain nombre de principes fondés sur un juste équilibre entre
la liberté d’opinion et de vote des parlementaires, et le respect
des engagements politiques dont découle leur affiliation à un parti
ou à un groupe politique. Elle invite les parlements nationaux,
ainsi que leurs délégations auprès de l’Assemblée, à reconnaître
et à prendre dûment en considération les principes généraux suivants,
qui doivent réguler les conditions d’exercice du mandat à l’Assemblée:
13.1. s’agissant des garanties et
droits des membres de l’Assemblée:
13.1.1. les membres de
l’Assemblée exercent leur mandat de façon libre et indépendante;
ils ne peuvent être liés par aucune instruction de leur délégation,
de leur parti politique national ou de leur groupe politique à l’Assemblée;
13.1.2. les membres de l’Assemblée expriment librement leur opinion,
que ce soit par leurs déclarations, leurs discours ou leur vote,
dans toutes leurs activités à l’Assemblée et dans ses organes, dans
le respect de l’article 22 du Règlement et des règles de conduite
à l’Assemblée;
13.2. s’agissant des devoirs des membres de l’Assemblée:
13.2.1. les membres de l’Assemblée agissent dans le respect du
Règlement de l’Assemblée et des règles de déontologie; ils participent
aux activités de l’Assemblée de manière responsable et constructive;
13.2.2. les membres de l’Assemblée ont un devoir de responsabilité
envers leur délégation, leur parti politique national et leur groupe
politique à l’Assemblée; ils agissent dans le respect des principes
de transparence, d’honnêteté, d’intégrité et de confiance.
14. Rappelant sa Résolution
1640 (2008) sur l’utilisation par les membres de l’Assemblée
de leur double rôle parlementaire national et européen, l’Assemblée
demande instamment aux parlements nationaux d’évaluer leur réglementation
interne et leur pratique relatives à la participation des délégations
aux sessions de l’Assemblée et aux réunions des commissions et des
autres organes de l’Assemblée, et les invite à procéder à la révision
des dispositions qui feraient obstacle à la participation effective
des membres aux travaux de l’Assemblée, notamment à celle des suppléants
lorsque ceux-ci sont chargés de fonctions spécifiques au sein de
l’Assemblée et de ses commissions.
15. A cet égard, l’Assemblée rappelle que, aux termes des dispositions
tant statutaires (article 25 du Statut du Conseil de l’Europe) que
réglementaires (article 11 de son propre Règlement), à la suite
d’élections législatives, les membres de l’Assemblée en restent
membres de plein exercice tant que le parlement concerné n’a pas
procédé à de nouvelles désignations. En conséquence, les parlements
sont tenus d’autoriser leur participation aux activités de l’Assemblée
jusqu’à ce qu’ils aient pourvu à leur remplacement effectif. L’Assemblée
invite les parlements nationaux concernés à modifier toute réglementation
prohibant la participation des membres d’une délégation lorsque
le parlement est dissous ou, à l’issue des élections et dans l’attente
de la désignation d’une nouvelle délégation, la participation des
membres qui ne se représentaient pas ou n’ont pas été réélus.
16. Enfin, l’Assemblée invite le Congrès des pouvoirs locaux et
régionaux du Conseil de l'Europe à examiner le statut des élus régionaux
et locaux en Europe, en particulier la question de la révocation
de leur mandat.