Avis de commission | Doc. 14255 | 25 janvier 2017
La compatibilité avec les droits de l’homme de l’arbitrage investisseur-Etat dans les accords internationaux de protection des investissements
Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable
A. Conclusions de la commission
(open)La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable s’est penchée sur le rapport élaboré par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme et émet un certain nombre de réserves concernant l’utilité du Système juridictionnel des investissements (SJI) proposé, censé remplacer progressivement les clauses de règlement des différends entre investisseurs et Etats (RDIE) dans la «nouvelle génération» d’accords commerciaux auxquels les pays européens sont parties et, à terme, dans les traités de commerce et d’investissement plus anciens. De l’avis de la commission des questions sociales, le SJI proposé ne règle pas la plupart des problèmes majeurs posés par le système de RDIE.
La commission estime que le principal danger des systèmes d’arbitrage investisseur-Etat par le biais de RDIE et SJI réside dans le fait que le droit des investisseurs à «réaliser un bénéfice» tend à l’emporter sur les politiques publiques visant à protéger les droits humains, notamment les droits sociaux tels que les droits des travailleurs, et sur la protection de la santé publique et de l’environnement. A l’inverse des dispositions de protection de l’investissement proposées pour inclusion dans la «nouvelle génération» d’accords commerciaux, qui prévoient un mécanisme d’application à travers le SJI proposé, les politiques publiques visant à protéger l’intérêt public ne sont assorties d’aucun mécanisme équivalent et pourraient donc être éclipsées par le SJI proposé, qui succède au RDIE.
La commission considère que tant les clauses de RDIE qu’un SJI permanent et multilatéral, sont inutiles dans les pays développés tels que les Etats-Unis, le Canada et les Etats membres de l’Union européenne car les investisseurs étrangers y sont déjà protégés par le droit public et le droit des contrats existants. Elle propose par conséquent une série d’amendements visant à refléter ses conclusions dans le projet de résolution présenté par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme.
B. Amendements proposés
(open)Amendement A (au projet de résolution)
A la fin du paragraphe 3, ajouter la phrase suivante:
«Or, les investisseurs étrangers dans l’Union européenne sont déjà protégés de trois manières: par la Cour européenne des droits de l’homme, par le droit européen et par le droit interne.»
Amendement B (au projet de résolution)
A la fin du paragraphe 4, ajouter la phrase suivante:
«Cela étant, la Cour européenne des droits de l’homme et le droit européen protègent aussi les investissements étrangers en Europe et aucune affaire ne s’est produite où la Cour et le droit européen, ainsi que le droit des contrats et le droit public internes, auraient favorisé des pratiques discriminatoires à l’encontre des investisseurs étrangers.»
Amendement C (au projet de résolution)
A la fin du paragraphe 5.1, ajouter la phrase suivante:
«, même si, dans la grande majorité des cas, l’investisseur principal est l’Union européenne, dans des pays tiers plus petits où la triple protection des investisseurs offerte par la Cour européenne des droits de l’homme, le droit européen et le droit des contrats et le droit public internes n’existe pas;»
Amendement D (au projet de résolution)
A la fin du paragraphe 5.2, ajouter la phrase suivante:
«les parties ne disposent généralement pas du droit de recours et les tribunaux peuvent adopter des décisions incohérentes et ne pas appliquer la règle du précédent;»
Amendement E (au projet de résolution)
A la fin du paragraphe 5.3, ajouter la phrase suivante:
«. Toutefois, il existe plusieurs systèmes d’arbitrage concurrents qui n’ont pas l’avantage d’avoir suivi une évolution itérative transparente telle que la bonne administration de la justice en droit public dans les démocraties matures;»
Amendement F (au projet de résolution)
A la fin du paragraphe 5.4, ajouter la phrase suivante:
«. Toutefois, le commerce international entre l’Union européenne, le Canada et les Etats-Unis est bien établi et les protections nécessaires sont en place;»
Amendement G (au projet de résolution)
Au paragraphe 6.1, après la première phrase, insérer la phrase suivante:
«Cela étant, les investisseurs étrangers en Europe sont déjà protégés par le triple système de la Cour européenne des droits de l’homme, du droit européen et du droit interne. Le SJI proposé»
Amendement H (au projet de résolution)
A la fin du paragraphe 6.1, ajouter la phrase suivante:
«Une fois appliquées, ces dispositions demeureraient en vigueur pendant vingt ans sans pouvoir faire l’objet de modifications ni d’améliorations par le Parlement européen ou les Etats membres, indépendamment du fait que les décisions et les sanctions financières puissent être contraires aux impératifs de la santé publique, de la protection de l’environnement et des droits liés au travail;»
Amendement I (au projet de résolution)
A la fin du paragraphe 7, ajouter la phrase suivante:
«Toutefois, l’Assemblée considère que dans les pays développés tels que les Etats-Unis, le Canada et les Etats membres de l’Union européenne, les clauses de RDIE et un SJI permanent et multilatéral ne sont pas nécessaires pour protéger les investisseurs étrangers.»
Amendement J (au projet de résolution)
Au paragraphe 8, à la fin de la troisième phrase, ajouter les mots suivants:
«, qui devrait être raisonnablement limitée dans le temps.»
Amendement K (au projet de résolution)
Reformuler le paragraphe 9 comme suit:
«L’Assemblée appelle par conséquent l’Union européenne à ne pas poursuivre, dans ses négociations actuelles et futures des accords internationaux d’investissement avec les pays développés, notamment le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI), la création d’un SJI qui remplacera progressivement les mécanismes classiques de RDIE. Elle regrette l’intégration du SJI dans l’Accord économique et commercial global (AECG) récemment signé avec le Canada. L’AECG et le PTCI doivent être signés seulement s’ils sont conformes aux droits humains et à l’Etat de droit, et doivent en particulier:»
Amendement L (au projet de résolution)
Au début du paragraphe 9.1, insérer les mots suivants:
«veiller à ce que les procédures judiciaires en matière d’investissement continuent de»
Amendement M (au projet de résolution)
Au paragraphe 9.2, remplacer les mots «des droits de l’homme tels que» par les mots:
«les droits humains, notamment les droits sociaux,»
Amendement N (au projet de résolution)
Reformuler le paragraphe 10.1 comme suit:
«à veiller, dans le cadre de la création d’un SJI, à ce que les considérations susmentionnées en matière de droits humains et d’Etat de droit soient pleinement prises en compte et à ce que les décisions de justice définitives du système de droit public et commercial en vigueur prises conformément à la Cour européenne des droits de l’homme et au droit européen soient rapidement et pleinement mises en œuvre à l’échelon national;»
Amendement O (au projet de résolution)
Reformuler le paragraphe 10.5 comme suit:
«à déterminer si des clauses éventuelles de RDIE dans les accords internationaux d’investissement qu’ils ont conclus sont susceptibles d’être modifiées et dans l’affirmative, à évaluer l’adéquation de ces clauses et à les mettre en conformité avec les bonnes pratiques prévues pour le futur SJI.»