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Résolution 2158 (2017)

La lutte contre les inégalités de revenus: un moyen de favoriser la cohésion sociale et le développement économique

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 25 avril 2017 (13e séance) (voir Doc. 14287, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteur: M. Andrej Hunko). Texte adopté par l’Assemblée le 25 avril 2017 (13e séance).

1. Au cours des dernières décennies, les inégalités de revenus n’ont cessé d’augmenter en Europe et dans le monde, et l’écart entre les salaires les plus élevés et ceux au bas de l’échelle se creuse inexorablement. Les 1 % les plus riches ont maintenant accumulé plus de richesses que le reste du monde dans son ensemble. En Europe, la reprise économique observée depuis 2010 n’a pas encore généré une croissance inclusive, pas plus qu’elle n’a inversé la tendance à l’accroissement des inégalités de revenus, qui demeure à son niveau le plus élevé depuis le milieu des années 1980.
2. L’Assemblée parlementaire est extrêmement préoccupée par le niveau actuel des inégalités de revenus et ses répercussions, non seulement sur la cohésion sociale, mais aussi sur la performance, le développement et la durabilité économiques ainsi que sur le fonctionnement des institutions et processus démocratiques. S’il a toujours été communément admis au sein des sociétés européennes qu’un certain niveau d’inégalité peut s’avérer nécessaire pour stimuler les ambitions individuelles et la croissance sur un plan général, le niveau atteint en Europe a désormais largement dépassé le niveau perçu comme une concurrence saine. Ces préoccupations sont partagées par les organisations économiques internationales, notamment l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Fonds monétaire international (FMI) et l’Organisation internationale du travail (OIT).
3. Il appartient aux États membres et aux acteurs économiques à tous les niveaux de reconnaître que la hausse des inégalités de revenus engendre d’autres formes d’inégalités et de défis dans ce domaine, tels que des taux de chômage des jeunes et d’emplois précaires élevés, l’apparition d’une nouvelle classe des «travailleurs pauvres» et la persistance de disparités salariales importantes entre les femmes et les hommes dans beaucoup de pays européens. Ces inégalités sont, à long terme, nuisibles pour la démocratie. Les États membres devraient s’employer à relever ces défis de toute urgence et intégrer des objectifs pertinents dans les politiques socio-économiques à tous les niveaux, depuis le nouveau socle européen des droits sociaux au niveau de l’Union européenne jusqu’aux politiques sociales au plan local. Ils devraient promouvoir un dialogue social inclusif visant à établir un nouveau consensus social quant aux niveaux de sécurité individuelle et de flexibilité de l’emploi à atteindre dans chaque contexte national.
4. À la lumière de ce qui précède, l’Assemblée invite les États membres:
4.1. à faire de la lutte contre les inégalités de revenus une priorité politique et à développer des stratégies nationales détaillées et efficaces, notamment en fixant ou en promouvant des objectifs mesurables en termes de réduction du niveau général des inégalités, de l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, et du ratio entre les salaires les plus faibles et les plus élevés;
4.2. concernant les politiques de l’emploi et de fixation des salaires:
4.2.1. à encourager la réduction du nombre actuel d’emplois précaires et à offrir aux salariés des perspectives professionnelles plus stables et des postes conformes à leurs qualifications;
4.2.2. à investir dans les programmes de formation et la formation continue de tous les travailleurs tout au long de la vie, pour améliorer ainsi les compétences générales du personnel, y compris en termes d’utilisation des technologies de l’information et de la communication;
4.2.3. à renforcer la participation des femmes au marché de l’emploi, conformément à leurs qualifications, pour consolider les revenus des ménages et faciliter l’égalité d’accès des familles aux soins de santé, aux soins des enfants et à l’éducation;
4.2.4. à mettre en place un salaire minimal suffisamment élevé (salaire de subsistance), à garantir des niveaux de rémunération équitables à toutes les catégories de travailleurs, y compris aux groupes vulnérables sur le marché du travail (les femmes, les jeunes, les migrants, etc.), et à consolider les systèmes d’aide au revenu;
4.2.5. à prendre des mesures concrètes pour promouvoir l’emploi des jeunes et la formation professionnelle;
4.2.6. à promouvoir la lutte contre les disparités salariales entre les deux sexes et à garantir l’égalité de rémunération pour un travail d’égale valeur à l’ensemble des femmes et des hommes, notamment au moyen d’une législation pertinente et de mécanismes de recours;
4.2.7. à améliorer les services sociaux, pour permettre aux familles, y compris aux parents seuls, de parvenir à un équilibre acceptable entre vie professionnelle et vie privée, entre un emploi décent et les responsabilités liés aux soins domestiques apportés aux enfants ou aux personnes âgées;
4.2.8. à encourager la limitation des rémunérations et primes excessives versées à ceux qui touchent les plus hauts salaires, en assurant la transparence de leurs revenus et en encourageant la fixation d’un écart maximal entre les plus élevés et les plus bas des salaires au sein de branches spécifiques ou des entreprises (par exemple en mettant en place un contrôle par les parties prenantes, des règles d’appel d’offres, en particulier par l’intermédiaire de politiques de marchés publics);
4.2.9. à encourager un meilleur accès des petites et moyennes entreprises aux marchés publics;
4.3. concernant les politiques fiscales et les systèmes d’imposition:
4.3.1. à accroître la progressivité des systèmes d’imposition, en particulier en augmentant le taux d’imposition des revenus les plus élevés tout en baissant significativement la pression qui pèse sur les groupes «exposés au risque de pauvreté», dont les familles nombreuses ou les parents seuls (par exemple une baisse des taux d’imposition des revenus, des allègements fiscaux et des crédits d’impôts, et en abandonnant progressivement les taxes sur la consommation de produits de base et de première nécessité);
4.3.2. à revoir l’imposition sur les richesses, les produits du capital et les successions, en vue de réduire les avantages fiscaux et de renforcer la transparence à l’égard des avantages fiscaux;
4.3.3. à intensifier la coopération internationale et à concevoir des mesures efficaces de lutte contre les paradis fiscaux et l’évasion fiscale, comme énoncé dans la Résolution 1881 (2012) de l’Assemblée «Promouvoir une politique appropriée en matière de paradis fiscaux», et la Résolution 2130 (2016) «Enseignements à tirer de l’affaire des "Panama Papers" pour assurer la justice sociale et fiscale», et à promouvoir la coopération afin d’éviter la concurrence fiscale entre pays, qui conduit à la délocalisation des entreprises et des personnes;
4.4. concernant les institutions du marché de l’emploi:
4.4.1. à inverser les tendances négatives qui ont affaibli dans le passé la couverture et les institutions de négociation collective;
4.4.2. à renforcer le dialogue social en tant que moyen de lutter contre les inégalités de revenus et de concevoir des politiques du marché du travail modernes, conformément à la Résolution 2146 (2017) de l’Assemblée «Renforcer le dialogue social en tant qu’instrument de stabilité et de réduction des inégalités sociales et économiques»;
4.4.3. à mettre en place des systèmes de «bonne gouvernance» et des processus décisionnels transparents en établissant des registres de lobbyistes accessibles au public et des règles plus strictes sur les conflits d’intérêts, en vue de limiter, si ce n’est d’éliminer, l’influence des groupes d’intérêts dans tous les domaines politiques pertinents (y compris l’emploi, les salaires et les impôts).
5. L’Assemblée appelle également les États membres:
5.1. à contribuer au développement d’un nouveau paradigme de justice sociale au bénéfice de leurs sociétés, où les inégalités de revenus seraient considérées comme un défi majeur pour des économies et sociétés entières;
5.2. à respecter les engagements auxquels ils ont souscrit au titre des Objectifs de développement durable universels, adoptés en septembre 2015 par les Nations Unies, et à protéger efficacement les droits sociaux tels que garantis par le système de traités de la Charte sociale européenne du Conseil de l’Europe, en ratifiant notamment, s’ils ne l’ont pas déjà fait, la Charte sociale européenne révisée (STE no 163).