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Résolution 2158 (2017)
La lutte contre les inégalités de revenus: un moyen de favoriser la cohésion sociale et le développement économique
1. Au cours des dernières décennies,
les inégalités de revenus n’ont cessé d’augmenter en Europe et dans le
monde, et l’écart entre les salaires les plus élevés et ceux au
bas de l’échelle se creuse inexorablement. Les 1 % les plus riches
ont maintenant accumulé plus de richesses que le reste du monde
dans son ensemble. En Europe, la reprise économique observée depuis
2010 n’a pas encore généré une croissance inclusive, pas plus qu’elle
n’a inversé la tendance à l’accroissement des inégalités de revenus,
qui demeure à son niveau le plus élevé depuis le milieu des années
1980.
2. L’Assemblée parlementaire est extrêmement préoccupée par le
niveau actuel des inégalités de revenus et ses répercussions, non
seulement sur la cohésion sociale, mais aussi sur la performance,
le développement et la durabilité économiques ainsi que sur le fonctionnement
des institutions et processus démocratiques. S’il a toujours été
communément admis au sein des sociétés européennes qu’un certain
niveau d’inégalité peut s’avérer nécessaire pour stimuler les ambitions
individuelles et la croissance sur un plan général, le niveau atteint
en Europe a désormais largement dépassé le niveau perçu comme une
concurrence saine. Ces préoccupations sont partagées par les organisations
économiques internationales, notamment l’Organisation de coopération
et de développement économiques (OCDE), le Fonds monétaire international
(FMI) et l’Organisation internationale du travail (OIT).
3. Il appartient aux États membres et aux acteurs économiques
à tous les niveaux de reconnaître que la hausse des inégalités de
revenus engendre d’autres formes d’inégalités et de défis dans ce
domaine, tels que des taux de chômage des jeunes et d’emplois précaires
élevés, l’apparition d’une nouvelle classe des «travailleurs pauvres»
et la persistance de disparités salariales importantes entre les
femmes et les hommes dans beaucoup de pays européens. Ces inégalités
sont, à long terme, nuisibles pour la démocratie. Les États membres
devraient s’employer à relever ces défis de toute urgence et intégrer
des objectifs pertinents dans les politiques socio-économiques à
tous les niveaux, depuis le nouveau socle européen des droits sociaux
au niveau de l’Union européenne jusqu’aux politiques sociales au
plan local. Ils devraient promouvoir un dialogue social inclusif
visant à établir un nouveau consensus social quant aux niveaux de
sécurité individuelle et de flexibilité de l’emploi à atteindre
dans chaque contexte national.
4. À la lumière de ce qui précède, l’Assemblée invite les États
membres:
4.1. à faire de la lutte
contre les inégalités de revenus une priorité politique et à développer
des stratégies nationales détaillées et efficaces, notamment en
fixant ou en promouvant des objectifs mesurables en termes de réduction
du niveau général des inégalités, de l’écart de rémunération entre les
femmes et les hommes, et du ratio entre les salaires les plus faibles
et les plus élevés;
4.2. concernant les politiques de l’emploi et de fixation des
salaires:
4.2.1. à encourager la réduction du nombre actuel
d’emplois précaires et à offrir aux salariés des perspectives professionnelles
plus stables et des postes conformes à leurs qualifications;
4.2.2. à investir dans les programmes de formation et la formation
continue de tous les travailleurs tout au long de la vie, pour améliorer
ainsi les compétences générales du personnel, y compris en termes
d’utilisation des technologies de l’information et de la communication;
4.2.3. à renforcer la participation des femmes au marché de l’emploi,
conformément à leurs qualifications, pour consolider les revenus
des ménages et faciliter l’égalité d’accès des familles aux soins
de santé, aux soins des enfants et à l’éducation;
4.2.4. à mettre en place un salaire minimal suffisamment élevé
(salaire de subsistance), à garantir des niveaux de rémunération
équitables à toutes les catégories de travailleurs, y compris aux
groupes vulnérables sur le marché du travail (les femmes, les jeunes,
les migrants, etc.), et à consolider les systèmes d’aide au revenu;
4.2.5. à prendre des mesures concrètes pour promouvoir l’emploi
des jeunes et la formation professionnelle;
4.2.6. à promouvoir la lutte contre les disparités salariales
entre les deux sexes et à garantir l’égalité de rémunération pour
un travail d’égale valeur à l’ensemble des femmes et des hommes, notamment
au moyen d’une législation pertinente et de mécanismes de recours;
4.2.7. à améliorer les services sociaux, pour permettre aux familles,
y compris aux parents seuls, de parvenir à un équilibre acceptable
entre vie professionnelle et vie privée, entre un emploi décent
et les responsabilités liés aux soins domestiques apportés aux enfants
ou aux personnes âgées;
4.2.8. à encourager la limitation des rémunérations et primes
excessives versées à ceux qui touchent les plus hauts salaires,
en assurant la transparence de leurs revenus et en encourageant
la fixation d’un écart maximal entre les plus élevés et les plus
bas des salaires au sein de branches spécifiques ou des entreprises
(par exemple en mettant en place un contrôle par les parties prenantes,
des règles d’appel d’offres, en particulier par l’intermédiaire
de politiques de marchés publics);
4.2.9. à encourager un meilleur accès des petites et moyennes
entreprises aux marchés publics;
4.3. concernant les politiques fiscales et les systèmes d’imposition:
4.3.1. à accroître la progressivité des systèmes d’imposition,
en particulier en augmentant le taux d’imposition des revenus les
plus élevés tout en baissant significativement la pression qui pèse
sur les groupes «exposés au risque de pauvreté», dont les familles
nombreuses ou les parents seuls (par exemple une baisse des taux
d’imposition des revenus, des allègements fiscaux et des crédits
d’impôts, et en abandonnant progressivement les taxes sur la consommation
de produits de base et de première nécessité);
4.3.2. à revoir l’imposition sur les richesses, les produits
du capital et les successions, en vue de réduire les avantages fiscaux
et de renforcer la transparence à l’égard des avantages fiscaux;
4.3.3. à intensifier la coopération internationale et à concevoir
des mesures efficaces de lutte contre les paradis fiscaux et l’évasion
fiscale, comme énoncé dans la Résolution
1881 (2012) de l’Assemblée «Promouvoir une politique
appropriée en matière de paradis fiscaux», et la Résolution 2130 (2016) «Enseignements
à tirer de l’affaire des "Panama Papers" pour assurer la justice
sociale et fiscale», et à promouvoir la coopération afin d’éviter
la concurrence fiscale entre pays, qui conduit à la délocalisation
des entreprises et des personnes;
4.4. concernant les institutions du marché de l’emploi:
4.4.1. à inverser les tendances négatives qui ont affaibli dans
le passé la couverture et les institutions de négociation collective;
4.4.2. à renforcer le dialogue social en tant que moyen de lutter
contre les inégalités de revenus et de concevoir des politiques
du marché du travail modernes, conformément à la Résolution 2146 (2017) de
l’Assemblée «Renforcer le dialogue social en tant qu’instrument
de stabilité et de réduction des inégalités sociales et économiques»;
4.4.3. à mettre en place des systèmes de «bonne gouvernance»
et des processus décisionnels transparents en établissant des registres
de lobbyistes accessibles au public et des règles plus strictes
sur les conflits d’intérêts, en vue de limiter, si ce n’est d’éliminer,
l’influence des groupes d’intérêts dans tous les domaines politiques
pertinents (y compris l’emploi, les salaires et les impôts).
5. L’Assemblée appelle également les États membres:
5.1. à contribuer au développement
d’un nouveau paradigme de justice sociale au bénéfice de leurs sociétés,
où les inégalités de revenus seraient considérées comme un défi
majeur pour des économies et sociétés entières;
5.2. à respecter les engagements auxquels ils ont souscrit
au titre des Objectifs de développement durable universels, adoptés
en septembre 2015 par les Nations Unies, et à protéger efficacement
les droits sociaux tels que garantis par le système de traités de
la Charte sociale européenne du Conseil de l’Europe, en ratifiant
notamment, s’ils ne l’ont pas déjà fait, la Charte sociale européenne
révisée (STE no 163).