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Résolution 2172 (2017)
La situation au Bélarus
1. Ces cinq dernières années, depuis
l’adoption de la Résolution
1857 (2012) et de la Recommandation 1992 (2012) de l’Assemblée
parlementaire sur la situation au Bélarus, les autorités du Bélarus
se sont engagées sur la voie d’une plus grande ouverture et d’un
dialogue renforcé sur la scène internationale, notamment avec le
Conseil de l’Europe, l’Union européenne, l’Organisation pour la
sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et les Nations Unies.
C’est ainsi, par exemple, que notre Assemblée a pu observer les dernières
élections présidentielle et législatives, respectivement en octobre 2015
et en septembre 2016.
2. L’Assemblée regrette vivement que cet élan positif ait été
compromis par l’escalade récente de violence et de harcèlement généralisés
à l’encontre de manifestants pacifiques, en février et en mars 2017.
Elle déplore en particulier le recours à la détention administrative
et au harcèlement visant à intimider les opposants politiques, les
journalistes, les défenseurs des droits de l’homme, ainsi que les
citoyens ordinaires, exerçant leur droit de manifester pacifiquement,
et encourage vivement les autorités du Bélarus:
2.1. à libérer immédiatement les
militants de l’opposition toujours détenus et à enquêter sur les allégations
de mauvais traitements et d’intimidation à leur encontre;
2.2. à poursuivre le dialogue avec la communauté internationale
et à s’orienter vers une plus grande coopération avec les organisations
de la société civile indépendante et l’opposition politique.
3. Prenant note du rapport final du Bureau des institutions démocratiques
et des droits de l’homme de l’OSCE à propos des élections présidentielle
de 2015 et législatives de 2016, l’Assemblée accueille favorablement
certains progrès spécifiques et l’amélioration du climat entourant
les deux scrutins; elle déplore toutefois que persistent un certain
nombre de lacunes déjà anciennes, notamment les restrictions pesant
sur les droits politiques et les libertés fondamentales ainsi que
les irrégularités procédurales et le manque de transparence.
4. L’Assemblée, qui salue diverses avancées positives, dont la
libération de tous les prisonniers politiques et la présence, au
sein du parlement, de deux membres indépendants, ainsi que l’adoption
par le gouvernement en décembre 2016 du premier plan d’action national
des droits de l’homme au Bélarus pour la période 2016-2020 et l’enregistrement
du mouvement de la société civile bélarusse «Tell the Truth», exhorte les
autorités à réhabiliter les anciens prisonniers politiques, à rétablir
entièrement leurs droits civils et politiques, y compris l'effacement
de tout casier judiciaire et les limitations à leur participation
à la vie politique et aux élections, et à veiller à ce que rien
ne vienne faire obstacle au règlement de cette question cruciale.
5. L’Assemblée regrette néanmoins que le pays n’ait pas la volonté
politique de prendre en considération ses recommandations répétées
et celles des nombreux mécanismes internationaux et régionaux de
protection des droits de l’homme pour aligner sa législation sur
les normes internationales en matière de démocratie, d’État de droit
et de droits de l’homme. Elle exhorte par conséquent le Gouvernement
du Bélarus:
5.1. à veiller au respect
de la liberté d’association et de réunion pacifique, en particulier:
5.1.1. en garantissant effectivement les droits de réunion pacifique
et d’expression des citoyens ainsi qu’en s’abstenant de recourir
à la violence et à l’intimidation à l’encontre des manifestants
et des défenseurs des droits de l’homme;
5.1.2. en modifiant l’article 193.1 du Code pénal, qui érige
actuellement en infraction pénale la participation à des associations
et à des événements publics non autorisés, pour mettre en place un
système d’enregistrement avec notification;
5.1.3. en supprimant les obstacles pratiques et juridiques excessifs
à l’enregistrement des partis politiques et des organisations de
la société civile indépendante et de protection des droits de l’homme,
et en les autorisant à installer leur siège dans des immeubles résidentiels;
5.2. à veiller au respect de la liberté d’expression et des
médias, en particulier:
5.2.1. en mettant fin à la pratique
du harcèlement et des poursuites administratives visant les médias
indépendants, notamment la presse en ligne et les journalistes indépendants
qui travaillent pour des médias étrangers;
5.2.2. en favorisant la liberté de la presse, notamment le droit
des journalistes à obtenir et à transmettre des informations sans
aucune ingérence, et en enquêtant sur toute atteinte aux droits des
journalistes qui restreigne illégalement la liberté des médias;
5.2.3. en réformant le cadre juridique pour éviter toutes les
formes de discrimination à l’encontre de la presse non contrôlée
par l’État, notamment des journalistes indépendants et en ligne;
5.3. à veiller à un véritable pluralisme politique et à des
élections libres et équitables, en particulier:
5.3.1. en
reprenant le travail sur une réforme électorale de fond et en mettant
en œuvre rapidement, et à temps pour les élections municipales de
février 2018, les recommandations faites par la mission d’observation
électorale de l’OSCE, également en coopération avec la Commission
européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise),
dont le Bélarus est un membre observateur,;
5.3.2. en mettant en place d’importantes garanties procédurales
en faveur de l’intégrité et de la transparence à tous les stades
du processus électoral, et en veillant à ce que la composition des
commissions électorales soit politiquement équilibrée;
5.3.3. en instaurant un système politique qui soit véritablement
compétitif et en autorisant sans condition les activités politiques
et l’enregistrement des partis politiques, tout particulièrement
en cours de campagne électorale;
5.3.4. en envisageant la possibilité d’inviter le Congrès des
pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe à observer les
prochaines élections municipales;
5.4. à afficher une volonté politique sincère concernant la
peine de mort et l’administration de la justice, en particulier:
5.4.1. en n’exécutant pas la condamnation à mort récemment prononcée
contre Kiryl Kazachok;
5.4.2. en adoptant rapidement un moratoire de droit sur la peine
de mort et les exécutions, en vue de leur abolition;
5.4.3. en encourageant un dialogue public dans la société sur
la peine de mort à travers des campagnes publiques, des débats télévisés
et des auditions parlementaires, en coopération avec le Conseil
de l’Europe;
5.4.4. en associant des représentants de l’opposition, de la
société civile indépendante et des défenseurs des droits de l’homme
aux activités du groupe de travail parlementaire sur la peine de
mort, et en définissant un calendrier de réunions clair;
5.4.5. en réformant le système judiciaire pour en garantir l’indépendance
totale et en garantissant le droit à un procès équitable, la présomption
d’innocence et des mécanismes de protection visant à empêcher que
des aveux soient obtenus sous la torture;
5.4.6. en exprimant son intérêt à adhérer à la Convention européenne
pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains
ou dégradants (STE no 126);
5.4.7. conformément à la Résolution
1371 (2004) sur les personnes disparues au Bélarus, en traduisant
en justice les auteurs ainsi que les instigateurs et les organisateurs
des disparitions de Yuri Zakharenko, Victor Gonchar, Anatoly Krasovski
et Dmitri Zavadski;
5.5. à appliquer les recommandations formulées par les organismes
des Nations Unies;
5.6. à suspendre la construction de la centrale nucléaire d’Astravets
en raison des nombreuses violations, de l’absence de respect des
normes internationales de sécurité nucléaire, ainsi que des graves
violations en matière de sécurité et des importants incidents survenus
au cours de la construction de la centrale. La pire violation commise
lors de la conception de cette centrale a été le choix d’un site non
durable pour sa construction. La construction de la centrale d’Astravets
aurait un effet dévastateur sur la santé et la sécurité de la plupart
des pays d’Europe et de leur population. Toutes les organisations internationales
compétentes, notamment l’Agence internationale de l'énergie atomique
(AIEA), les organes de la Convention sur la sûreté nucléaire, de
la Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement (Convention
d'Espoo), de la Convention sur l’accès à l’information, la participation
du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière
d’environnement (Convention d’Aarhus) et la Convention sur la protection
et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux
(Convention d’Helsinki), les organisations de l’Union européenne
et les organisations européennes de sûreté nucléaire (telles que
l'Association des autorités de sûreté nucléaire des pays d’Europe
de l’Ouest, WENRA, et le Groupement européen des autorités de sûreté
nucléaire, ENSREG), les Nations Unies et les autres organisations,
ont fait part de ces préoccupations depuis 2009.
6. L’Assemblée invite en outre l’Union européenne:
6.1. à tenir compte des recommandations
susmentionnées dans le cadre du dialogue Union européenne-Bélarus
sur les droits de l’homme;
6.2. à subordonner le soutien au Bélarus à des réformes politiques
en matière de démocratie, de droits de l’homme et d’État de droit;
6.3. à renforcer le soutien aux organisations de la société
civile et aux médias indépendants;
6.4. à intensifier la coopération dans le cadre du groupe de
coordination Union européenne-Bélarus en impliquant des experts
et des organisations non gouvernementales;
6.5. en fonction de l’évolution du dialogue entre le Bélarus
et l’Union européenne sur le respect des valeurs démocratiques,
à envisager la possibilité de lever l’ensemble des sanctions encore
en vigueur contre le Bélarus, à aller de l’avant dans la libéralisation
des visas et à promouvoir des relations plus fortes avec l’Organisation
mondiale du commerce, y compris en envisageant une adhésion du Bélarus à
celle-ci.
7. Pour sa part, l’Assemblée est déterminée:
7.1. à dialoguer à la fois avec les
autorités et avec la société civile indépendante du Bélarus pour promouvoir
des relations plus étroites avec la société bélarusse dans son ensemble,
en s’appuyant sur les valeurs et les normes démocratiques que défend
le Conseil de l’Europe;
7.2. à continuer de mener des activités et d’entretenir des
contacts à haut niveau avec les autorités du Bélarus;
7.3. à inviter la commission des questions politiques et de
la démocratie à réfléchir à la possibilité d’intensifier le dialogue
avec le Parlement et la société civile indépendante du Bélarus en
conviant des membres du parlement, de la majorité et de l’opposition,
ainsi que des représentants de la société civile indépendante et
des forces politiques d’opposition non représentées au parlement,
aux réunions qu’elle tiendra lors des parties de session de l’Assemblée
des deux prochaines années.
8. L’Assemblée regrette, en l’absence d’un moratoire sur la peine
de mort et de progrès substantiels, tangibles et vérifiables en
termes de respect des valeurs et des principes démocratiques défendus
par le Conseil de l’Europe, de ne pouvoir demander à son Bureau
de rétablir le statut d’invité spécial du Parlement du Bélarus.