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Résolution 2172 (2017)

La situation au Bélarus

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 27 juin 2017 (22e séance) (voir Doc. 14333, rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie, rapporteur: M. Andrea Rigoni). Texte adopté par l’Assemblée le 27 juin 2017 (22e séance).Voir également la Recommandation 2107 (2017).

1. Ces cinq dernières années, depuis l’adoption de la Résolution 1857 (2012) et de la Recommandation 1992 (2012) de l’Assemblée parlementaire sur la situation au Bélarus, les autorités du Bélarus se sont engagées sur la voie d’une plus grande ouverture et d’un dialogue renforcé sur la scène internationale, notamment avec le Conseil de l’Europe, l’Union européenne, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et les Nations Unies. C’est ainsi, par exemple, que notre Assemblée a pu observer les dernières élections présidentielle et législatives, respectivement en octobre 2015 et en septembre 2016.
2. L’Assemblée regrette vivement que cet élan positif ait été compromis par l’escalade récente de violence et de harcèlement généralisés à l’encontre de manifestants pacifiques, en février et en mars 2017. Elle déplore en particulier le recours à la détention administrative et au harcèlement visant à intimider les opposants politiques, les journalistes, les défenseurs des droits de l’homme, ainsi que les citoyens ordinaires, exerçant leur droit de manifester pacifiquement, et encourage vivement les autorités du Bélarus:
2.1. à libérer immédiatement les militants de l’opposition toujours détenus et à enquêter sur les allégations de mauvais traitements et d’intimidation à leur encontre;
2.2. à poursuivre le dialogue avec la communauté internationale et à s’orienter vers une plus grande coopération avec les organisations de la société civile indépendante et l’opposition politique.
3. Prenant note du rapport final du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE à propos des élections présidentielle de 2015 et législatives de 2016, l’Assemblée accueille favorablement certains progrès spécifiques et l’amélioration du climat entourant les deux scrutins; elle déplore toutefois que persistent un certain nombre de lacunes déjà anciennes, notamment les restrictions pesant sur les droits politiques et les libertés fondamentales ainsi que les irrégularités procédurales et le manque de transparence.
4. L’Assemblée, qui salue diverses avancées positives, dont la libération de tous les prisonniers politiques et la présence, au sein du parlement, de deux membres indépendants, ainsi que l’adoption par le gouvernement en décembre 2016 du premier plan d’action national des droits de l’homme au Bélarus pour la période 2016-2020 et l’enregistrement du mouvement de la société civile bélarusse «Tell the Truth», exhorte les autorités à réhabiliter les anciens prisonniers politiques, à rétablir entièrement leurs droits civils et politiques, y compris l'effacement de tout casier judiciaire et les limitations à leur participation à la vie politique et aux élections, et à veiller à ce que rien ne vienne faire obstacle au règlement de cette question cruciale.
5. L’Assemblée regrette néanmoins que le pays n’ait pas la volonté politique de prendre en considération ses recommandations répétées et celles des nombreux mécanismes internationaux et régionaux de protection des droits de l’homme pour aligner sa législation sur les normes internationales en matière de démocratie, d’État de droit et de droits de l’homme. Elle exhorte par conséquent le Gouvernement du Bélarus:
5.1. à veiller au respect de la liberté d’association et de réunion pacifique, en particulier:
5.1.1. en garantissant effectivement les droits de réunion pacifique et d’expression des citoyens ainsi qu’en s’abstenant de recourir à la violence et à l’intimidation à l’encontre des manifestants et des défenseurs des droits de l’homme;
5.1.2. en modifiant l’article 193.1 du Code pénal, qui érige actuellement en infraction pénale la participation à des associations et à des événements publics non autorisés, pour mettre en place un système d’enregistrement avec notification;
5.1.3. en supprimant les obstacles pratiques et juridiques excessifs à l’enregistrement des partis politiques et des organisations de la société civile indépendante et de protection des droits de l’homme, et en les autorisant à installer leur siège dans des immeubles résidentiels;
5.2. à veiller au respect de la liberté d’expression et des médias, en particulier:
5.2.1. en mettant fin à la pratique du harcèlement et des poursuites administratives visant les médias indépendants, notamment la presse en ligne et les journalistes indépendants qui travaillent pour des médias étrangers;
5.2.2. en favorisant la liberté de la presse, notamment le droit des journalistes à obtenir et à transmettre des informations sans aucune ingérence, et en enquêtant sur toute atteinte aux droits des journalistes qui restreigne illégalement la liberté des médias;
5.2.3. en réformant le cadre juridique pour éviter toutes les formes de discrimination à l’encontre de la presse non contrôlée par l’État, notamment des journalistes indépendants et en ligne;
5.3. à veiller à un véritable pluralisme politique et à des élections libres et équitables, en particulier:
5.3.1. en reprenant le travail sur une réforme électorale de fond et en mettant en œuvre rapidement, et à temps pour les élections municipales de février 2018, les recommandations faites par la mission d’observation électorale de l’OSCE, également en coopération avec la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), dont le Bélarus est un membre observateur,;
5.3.2. en mettant en place d’importantes garanties procédurales en faveur de l’intégrité et de la transparence à tous les stades du processus électoral, et en veillant à ce que la composition des commissions électorales soit politiquement équilibrée;
5.3.3. en instaurant un système politique qui soit véritablement compétitif et en autorisant sans condition les activités politiques et l’enregistrement des partis politiques, tout particulièrement en cours de campagne électorale;
5.3.4. en envisageant la possibilité d’inviter le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe à observer les prochaines élections municipales;
5.4. à afficher une volonté politique sincère concernant la peine de mort et l’administration de la justice, en particulier:
5.4.1. en n’exécutant pas la condamnation à mort récemment prononcée contre Kiryl Kazachok;
5.4.2. en adoptant rapidement un moratoire de droit sur la peine de mort et les exécutions, en vue de leur abolition;
5.4.3. en encourageant un dialogue public dans la société sur la peine de mort à travers des campagnes publiques, des débats télévisés et des auditions parlementaires, en coopération avec le Conseil de l’Europe;
5.4.4. en associant des représentants de l’opposition, de la société civile indépendante et des défenseurs des droits de l’homme aux activités du groupe de travail parlementaire sur la peine de mort, et en définissant un calendrier de réunions clair;
5.4.5. en réformant le système judiciaire pour en garantir l’indépendance totale et en garantissant le droit à un procès équitable, la présomption d’innocence et des mécanismes de protection visant à empêcher que des aveux soient obtenus sous la torture;
5.4.6. en exprimant son intérêt à adhérer à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (STE no 126);
5.4.7. conformément à la Résolution 1371 (2004) sur les personnes disparues au Bélarus, en traduisant en justice les auteurs ainsi que les instigateurs et les organisateurs des disparitions de Yuri Zakharenko, Victor Gonchar, Anatoly Krasovski et Dmitri Zavadski;
5.5. à appliquer les recommandations formulées par les organismes des Nations Unies;
5.6. à suspendre la construction de la centrale nucléaire d’Astravets en raison des nombreuses violations, de l’absence de respect des normes internationales de sécurité nucléaire, ainsi que des graves violations en matière de sécurité et des importants incidents survenus au cours de la construction de la centrale. La pire violation commise lors de la conception de cette centrale a été le choix d’un site non durable pour sa construction. La construction de la centrale d’Astravets aurait un effet dévastateur sur la santé et la sécurité de la plupart des pays d’Europe et de leur population. Toutes les organisations internationales compétentes, notamment l’Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), les organes de la Convention sur la sûreté nucléaire, de la Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement (Convention d'Espoo), de la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (Convention d’Aarhus) et la Convention sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux (Convention d’Helsinki), les organisations de l’Union européenne et les organisations européennes de sûreté nucléaire (telles que l'Association des autorités de sûreté nucléaire des pays d’Europe de l’Ouest, WENRA, et le Groupement européen des autorités de sûreté nucléaire, ENSREG), les Nations Unies et les autres organisations, ont fait part de ces préoccupations depuis 2009.
6. L’Assemblée invite en outre l’Union européenne:
6.1. à tenir compte des recommandations susmentionnées dans le cadre du dialogue Union européenne-Bélarus sur les droits de l’homme;
6.2. à subordonner le soutien au Bélarus à des réformes politiques en matière de démocratie, de droits de l’homme et d’État de droit;
6.3. à renforcer le soutien aux organisations de la société civile et aux médias indépendants;
6.4. à intensifier la coopération dans le cadre du groupe de coordination Union européenne-Bélarus en impliquant des experts et des organisations non gouvernementales;
6.5. en fonction de l’évolution du dialogue entre le Bélarus et l’Union européenne sur le respect des valeurs démocratiques, à envisager la possibilité de lever l’ensemble des sanctions encore en vigueur contre le Bélarus, à aller de l’avant dans la libéralisation des visas et à promouvoir des relations plus fortes avec l’Organisation mondiale du commerce, y compris en envisageant une adhésion du Bélarus à celle-ci.
7. Pour sa part, l’Assemblée est déterminée:
7.1. à dialoguer à la fois avec les autorités et avec la société civile indépendante du Bélarus pour promouvoir des relations plus étroites avec la société bélarusse dans son ensemble, en s’appuyant sur les valeurs et les normes démocratiques que défend le Conseil de l’Europe;
7.2. à continuer de mener des activités et d’entretenir des contacts à haut niveau avec les autorités du Bélarus;
7.3. à inviter la commission des questions politiques et de la démocratie à réfléchir à la possibilité d’intensifier le dialogue avec le Parlement et la société civile indépendante du Bélarus en conviant des membres du parlement, de la majorité et de l’opposition, ainsi que des représentants de la société civile indépendante et des forces politiques d’opposition non représentées au parlement, aux réunions qu’elle tiendra lors des parties de session de l’Assemblée des deux prochaines années.
8. L’Assemblée regrette, en l’absence d’un moratoire sur la peine de mort et de progrès substantiels, tangibles et vérifiables en termes de respect des valeurs et des principes démocratiques défendus par le Conseil de l’Europe, de ne pouvoir demander à son Bureau de rétablir le statut d’invité spécial du Parlement du Bélarus.