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Résolution 2176 (2017)
L’intégration des réfugiés en période de fortes pressions: enseignements à tirer de l’expérience récente et exemples de bonnes pratiques
1. Au cours de l’année 2015, l’arrivée
massive de réfugiés en Europe occidentale via la Turquie, la Grèce et
les Balkans occidentaux, conjuguée à l’afflux continu par l’Italie,
a porté à son paroxysme l’augmentation du nombre de réfugiés et
de migrants. Cette crise a provoqué au sein de l’opinion publique
des réactions diverses, notamment de rejet et de peur, d’où une
réticence généralisée à l’idée d’accueillir de nouveaux réfugiés, soumettant
à une pression croissante les pays accueillant les plus gros effectifs
de demandeurs d’asile et de réfugiés.
2. Certains États qui sont parvenus à accueillir un nombre particulièrement
élevé de réfugiés (comme l’Allemagne et la Suède) ont acquis une
précieuse expérience en matière d’intégration de nouveaux arrivants. Cette
expérience, ainsi que celle d’autres pays accueillant moins de réfugiés,
pourrait être partagée avec d’autres pays, de façon à inciter à
une plus grande solidarité et à un partage plus équitable des responsabilités. L’Assemblée
parlementaire estime que la solidarité et le partage de responsabilités
doivent être une préoccupation commune au-delà des frontières de
l'Union européenne, et appelle pour ce faire l'ensemble des États
membres à faire preuve de courage politique pour trouver des solutions
durables à l'intégration des réfugiés dans leur société.
3. L’intégration des réfugiés est un processus long et complexe,
qui suppose une détermination durable de la part des réfugiés eux-mêmes
et des autorités, et un engagement constant de la société civile.
Dès lors que les politiques n’encouragent plus l’intégration et
que la population affiche une attitude de méfiance et d’hostilité
à l’égard des réfugiés, ces derniers sont en proie à l’isolement,
de plus en plus marginalisés et exposés au risque de radicalisation.
4. Une intégration réussie repose sur le respect des valeurs
fondamentales de la société d’accueil, notamment de ses principes
constitutionnels et de ses pratiques culturelles. Elle associe les
réfugiés à la vie économique, sociale et culturelle quotidienne
de la communauté hôte, et reflète la compréhension et le respect de
la situation et des origines culturelles des réfugiés. Il s’agit
d’un processus continu, et non d’une fin en soi, fondé sur une coopération
tripartite constructive entre les autorités, la communauté d’accueil
(en particulier la société civile) et les réfugiés.
5. L’Assemblée reconnaît que, tout en exigeant le respect des
valeurs fondamentales de la société d’accueil, l’intégration des
migrants n’est pas synonyme d’assimilation, selon laquelle les nouveaux
arrivants adoptent la culture, les valeurs et les traditions du
pays hôte en lieu et place des leurs. Elle ne s’apparente pas non
plus au multiculturalisme, avec des communautés autochtones et de
réfugiés ou de migrants menant des existences à part, en accord
avec leur culture, leurs valeurs et leurs traditions d’origine.
6. Rappelant sa Résolution
2137 (2016) sur l’incidence de la dynamique démographique
européenne sur les politiques migratoires, et se référant à sa Résolution 2175 (2017) sur
les migrations, une chance à saisir pour le développement européen,
s’agissant en particulier de l’emploi de migrants, l’Assemblée encourage
les États membres et observateurs du Conseil de l’Europe, et les
États dont le parlement bénéficie du statut d’observateur ou de
partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire,
à veiller à la bonne intégration des réfugiés, et pour ce faire:
6.1. à reconnaître que les seuils
de migration en augmentation sont une caractéristique permanente de
l’Europe d’aujourd’hui et que, bien gérée, l’intégration des réfugiés
est un moyen de contribuer au renouvellement démographique, à l’acquisition
de nouvelles compétences, ainsi qu’à la diversité et à l’enrichissement
culturels des sociétés d’accueil;
6.2. à exhorter les responsables politiques à reconnaître que
les réfugiés sont protégés au titre du droit international et de
l’Union européenne, et que, par conséquent, leur intégration effective
dans la société est dans l’intérêt du pays d’accueil;
6.3. à condamner et à sanctionner fermement toute forme de
discrimination, de racisme, de xénophobie et de violence à l’encontre
des migrants;
6.4. à encourager l’intégration des réfugiés en tant que bien
public dans lequel il vaut la peine d’investir;
6.5. à renforcer l’efficacité et à réduire la durée du traitement
des demandes d’asile, et à optimiser la répartition territoriale
des demandeurs d’asile pour favoriser l’instauration de la confiance
de la population et la présence sur le territoire de réfugiés productifs
et bien intégrés, et à éviter ainsi leur marginalisation ou radicalisation
et le mécontentement politique dans le pays;
6.6. à s’assurer que les mineurs non accompagnés bénéficient
de l’aide juridique et de l’assistance sociale dont ils ont besoin
pour soumettre leur demande d’asile, et que les demandes d’asile
de mineurs qui résident dans le pays hôte depuis longtemps sont
finalisées avant qu’ils atteignent l’âge de la majorité;
6.7. s’agissant des politiques nationales:
6.7.1. à
revoir la législation nationale et sa mise en œuvre en vue de faciliter
le processus d’intégration et d’éliminer les obstacles bureaucratiques;
6.7.2. à désigner un point de contact central pour les réfugiés,
ayant la couverture géographique nécessaire, et où pourraient être
coordonnés et canalisés tous les services et informations clés liés
à l'intégration;
6.7.3. à s’assurer de la coordination et de la coopération efficaces
entre les divers organes de l’État, les autorités régionales et
locales et les organisations non gouvernementales impliqués dans
les projets d’intégration;
6.7.4. à prévoir l’établissement d’une responsabilité juridique
et politique effective pour les processus d’intégration aux niveaux
national et local;
6.7.5. à envisager l’introduction d’une carte d’identité spéciale
délivrée, si ce n’est déjà fait, au moment de l’enregistrement afin
de donner aux autorités l’accès à toutes les informations relatives
à l’intéressé qui s’avèrent utiles pour le processus d’intégration;
6.7.6. à mettre en place divers éléments, dont une approche sensible
au genre, visant à faciliter l’intégration aux premiers stades de
la procédure de détermination du droit d’asile, y compris un soutien
concernant les traumatismes psychologiques et la mise à disposition
de femmes agents responsables des demandes d’asile et interprètes;
6.7.7. à veiller à ce que les dépenses et programmes en faveur
des migrants n’engendrent pas une réduction réelle ou perçue des
investissements et services pour les populations locales, et plus
particulièrement pour les autres groupes défavorisés du pays;
6.7.8. à créer un environnement et des conditions propices aux
activités des organisations non gouvernementales et aux initiatives
civiques visant à améliorer l’intégration des réfugiés et des migrants,
et à encourager la participation de la population locale;
6.7.9. à prendre en compte le fait que la consultation et la
participation, à la fois des migrants et de la société civile, à
la prise de décision et à la mise en œuvre des programmes d’intégration dans
le pays d’accueil permettent une meilleure adaptation des politiques
à la situation spécifique qui prévaut aux plans national, régional
et local, et favorisent un sentiment de responsabilité partagée;
6.7.10. à veiller à l’organisation de campagnes de communication
et d’information multimédias, ciblant tant la population locale
que les migrants, dans le but de fournir des directives claires
et informatives, et d’instaurer un environnement général positif
pour tous;
6.8. s’agissant de l’installation des migrants dans le pays
d’accueil:
6.8.1. à veiller à ce que la relocalisation de
migrants soit mise en œuvre en fonction des capacités et opportunités
des lieux d’installation, notamment des possibilités éducatives
ou des perspectives sur le marché de l’emploi, ainsi qu’en fonction
des besoins sociaux et communautaires des réfugiés concernés, de
la possibilité de vivre selon leur religion et leur culture, ainsi
que selon leur situation familiale;
6.8.2. à assurer aux migrants adultes les formations linguistiques
et professionnelles requises ainsi qu’un certain niveau d’éducation
civique qui fournisse des directives utiles pour la vie quotidienne
dans le pays;
6.8.3. à créer des conditions et des mesures permettant la reconnaissance
et la validation des diplômes, de l’expérience et des qualifications
professionnelles pour les réfugiés ne pouvant pas fournir de justificatif
de leurs diplômes;
6.8.4. à fournir aux enfants un accès immédiat à une éducation
ou à des services de garderie appropriés, si possible en les accueillant
dans les établissements scolaires ordinaires, à condition de faire
en sorte que les obstacles langagiers et culturels soient minimisés,
et à donner la possibilité aux enfants réfugiés de poursuivre leurs
études, même lorsque des familles relocalisées décident de se réinstaller
dans un lieu autre que celui initialement prévu;
6.8.5. à renforcer la capacité des enseignants à intégrer sans
aucune restriction les enfants réfugiés dans la vie de l'école,
et à inclure les sujets relatifs aux droits de l'homme, à la lutte contre
la discrimination et aux migrations dans le programme de formation
des enseignants;
6.8.6. à fournir aux jeunes migrants non accompagnés un soutien
pour leur intégration, par une implication sociale et un accès à
l’éducation, et à les accompagner en même temps dans leur passage
à l’âge adulte au-delà de 18 ans;
6.8.7. à reconnaître pleinement le rôle clé des femmes dans une
intégration réussie des familles migrantes et à veiller à ce que
les besoins particuliers des femmes migrantes soient dûment pris
en compte en termes d’accès à la santé sexuelle et reproductive,
de formations professionnelle et linguistique, et d’accès indépendant
à l’éducation, tout en fournissant les ressources et le personnel
pédagogique nécessaires;
6.8.8. à comprendre que le regroupement familial est une partie
intégrante d’une intégration réussie et que de ce fait il ne doit
pas faire l’objet d’obstacles supplémentaires, de suspensions ou
d’autres mesures susceptibles d’entraîner des retards dans le regroupement;
6.8.9. à accorder un statut juridique individuel aux femmes migrantes
qui rejoignent leur conjoint au titre du regroupement familial,
si possible dans l’année qui suit leur arrivée;
6.8.10. à protéger et à aider les groupes particulièrement vulnérables,
comme les femmes, les filles et les mineurs non accompagnés, notamment
en attribuant à ces derniers un tuteur personnel et en leur assurant
un suivi jusqu’au passage à l’âge adulte;
6.8.11. à garantir l’allocation de ressources adéquates aux services
sociaux et de santé pour les migrants, et à faire bon usage des
initiatives pour la jeunesse, la culture et le sport déjà en place
qui promeuvent l’inclusion;
6.8.12. à recourir aux plateformes de dialogue et de coopération
internationaux pour procéder à des échanges d’informations et d’expériences,
comme le réseau parlementaire européen sur les politiques relatives
aux diasporas, la plateforme de l'intégration des migrants par le
sport du Conseil de l'Europe et le programme des Cités interculturelles
du Conseil de l’Europe, en vue de tirer parti des bonnes pratiques
et modèles.