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Résolution 2180 (2017)
Le «Processus de Turin»: renforcer les droits sociaux en Europe
1. Les droits sociaux constituent
des droits fondamentaux de l’être humain. Seules la jouissance des
droits socio-économiques et l’inclusion sociale permettent aux citoyens
d’exercer pleinement leurs droits civils et politiques. En Europe,
de nombreux citoyens bénéficient de garanties de droits sociaux
à des niveaux décents et d’une protection par des instruments et
des mécanismes juridiques solides, mais une partie de la population encore
trop importante reste enfermée dans des cycles de l’inégalité et
de la pauvreté. En outre, on observe actuellement une tendance générale
à un recul des garanties de droits sociaux dans les États membres
du Conseil de l’Europe, et l’inégalité entre les pauvres et les
riches ne cesse de se creuser en termes de revenus et de richesse.
2. L’Assemblée parlementaire souligne qu’une démocratie saine
est indissolublement liée aux politiques économiques, éducatives
et sociales; ces dernières devraient répondre aux besoins des citoyens
et viser à réduire les inégalités sociales, qui engendrent la désaffection
politique, la méfiance et le ressentiment envers la classe dirigeante,
et qui conduisent au populisme et parfois à des réactions violentes.
3. Face à la nécessité évidente d’agir, l’Assemblée se préoccupe
de l’application actuelle des principales normes européennes relatives
aux droits sociaux, telles que la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163)
et ses protocoles. Elle considère que le potentiel de cet instrument
établissant des droits sociaux et de ses mécanismes n’est pas pleinement
exploité, notamment en raison des ratifications restant en attente de
plusieurs États membres.
4. L’Assemblée s’inquiète également du manque de cohérence entre
les systèmes juridiques et les jurisprudences associés à différentes
organisations européennes, en particulier le Conseil de l’Europe
et l’Union européenne, qui peut nuire à l’efficacité des instruments
respectifs. Ainsi, les décisions de la Cour de justice de l’Union
européenne ne prennent pas toujours pleinement en compte les normes
du Conseil de l’Europe. En outre, le mécanisme de réclamations collectives
lié au système de traités de la Charte sociale européenne nécessite
clairement d’être renforcé et d’obtenir plus largement l’appui des
États membres du Conseil de l’Europe, y compris celui des États
membres de l’Union européenne.
5. L’Assemblée a toujours promu la Charte sociale européenne
(révisée) en tant que norme des droits sociaux la plus complète
en Europe. Elle continuera à le faire en étroite coopération avec
d’autres organes du Conseil de l’Europe, en particulier le Comité
européen des Droits sociaux (CEDS). Elle s’engage également à intensifier
le dialogue et la coopération avec le Parlement européen ainsi qu’avec
d’autres organes européens, tels que la Conférence des organes parlementaires
spécialisés dans les affaires de l'Union des parlements de l'Union
européenne (COSAC). L’Assemblée a la ferme intention d’approfondir
le dialogue entre les délégations et les parlements nationaux engagé
dans le cadre du «Processus de Turin» pour la Charte sociale européenne,
qui a été lancé par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe
en octobre 2014 en tant que processus politique visant à renforcer
le système normatif de la Charte sociale européenne et à améliorer
la mise en œuvre des droits sociaux et économiques.
6. Au-delà du Processus de Turin au niveau du Conseil de l’Europe
et du socle européen des droits sociaux en tant qu’affirmation d’une
volonté politique au sein de l’Union européenne, les objectifs ambitieux d’une
future stratégie européenne des droits sociaux complète et durable
devraient être l’égalité des chances pour tous, la cohésion sociale
et moins d’inégalité de revenus, y compris pour les groupes les
plus vulnérables, en vue de préserver les démocraties européennes
et la paix globale que l’Europe connaît depuis plusieurs décennies.
7. L’Assemblée appelle donc les États membres du Conseil de l’Europe
à encourager, par l’intermédiaire de leur gouvernement et de leur
parlement, les débats et la coopération lancés au titre du Processus
de Turin en procédant comme suit:
7.1. contribuer
à renforcer la Charte sociale européenne en tant que système normatif,
c’est-à-dire:
7.1.1. réaffirmer les principes de l’indivisibilité
et de l’interdépendance des droits humains dans le discours public
ainsi que dans les textes législatifs et les documents d’orientation politique;
7.1.2. dans le cas des 13 États membres qui ne l’ont pas encore
fait, ratifier la Charte sociale européenne (révisée) pour améliorer
les niveaux de conformité à cette norme majeure des droits sociaux;
7.1.3. dans le cas des quatre pays qui ne l’ont pas encore fait
(le Danemark, l’Allemagne, le Luxembourg et le Royaume-Uni), ratifier
le Protocole portant amendement à la Charte sociale européenne (STE no 142,
«Protocole de Turin») qui prévoit l’élection des membres du CEDS
par l’Assemblée, comme cette dernière l’a déjà demandé dans sa Recommandation 1976 (2011) sur le
rôle des parlements dans la consolidation et le développement des
droits sociaux en Europe;
7.1.4. dans le cas des États membres qui ne l’ont pas encore
fait, ratifier le Protocole additionnel à la Charte sociale européenne
prévoyant un système de réclamations collectives (STE no 158)
afin d’assurer un suivi plus efficace du respect des droits sociaux;
7.1.5. participer activement aux activités parlementaires visant
à promouvoir le système des traités de la Charte sociale européenne
et à améliorer sa mise en œuvre, qui sont régulièrement organisées
par l’Assemblée en coopération avec d’autres organes du Conseil
de l’Europe, notamment le CEDS, et, à cette fin, apporter des contributions
volontaires;
7.2. renforcer le dialogue paneuropéen sur les droits sociaux
et la coordination de l’action juridique et politique avec d’autres
institutions européennes, en particulier l’Union européenne et ses
organes:
7.2.1. en stimulant des échanges réguliers entre
des comités spécifiques de l’Assemblée parlementaire et le Parlement
européen, et en y participant activement;
7.2.2. en promouvant l’introduction formelle des dispositions
de la Charte sociale européenne (révisée) dans le socle européen
des droits sociaux comme point de référence commun, et la prise
en compte des droits garantis par la Charte dans le prochain processus
de mise en œuvre par les États membres de l’Union européenne;
7.2.3. en promouvant et en encourageant un dialogue parlementaire
paneuropéen sur les droits sociaux pour fédérer les organes parlementaires
européens et les parlements nationaux autour de débats réguliers
avec d’autres partenaires (y compris les gouvernements et la société civile),
et en organisant éventuellement une conférence de haut niveau sur
les droits sociaux en Europe;
7.2.4. sur la base des systèmes normatifs européens existants,
tels que la Charte sociale européenne (révisée) et la Charte des
droits fondamentaux de l’Union européenne, en encourageant l’élaboration
d’une stratégie européenne des droits sociaux et d’indicateurs connexes;
7.3. améliorer la conformité avec les normes les plus rigoureuses
en matière de droits sociaux au niveau national:
7.3.1. en
contrôlant régulièrement la conformité des politiques nationales
avec les priorités identifiées par les processus politiques au niveau
européen, y compris le Processus de Turin, le socle européen des
droits sociaux et les résolutions pertinentes de l’Assemblée;
7.3.2. sur la base de diverses normes et recommandations européennes,
en élaborant des stratégies nationales ciblées pour relever des
défis socio-économiques spécifiques mais complexes, tels que l’égalité
des chances pour tous (y compris en améliorant les taux d’emploi des
jeunes et la participation des femmes au marché de l’emploi), la
cohésion sociale et plus d’égalité de revenus (en vue de briser
les cycles de l’inégalité et de réduire la pauvreté des enfants),
y compris pour les groupes les plus vulnérables.