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Recommandation 2114 (2017)

Défendre l’acquis du Conseil de l'Europe: préserver le succès de 65 ans de coopération intergouvernementale

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 11 octobre 2017 (33e séance) (voir Doc. 14406, rapport de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles, rapporteur: M. Tiny Kox). Texte adopté par l’Assemblée le 11 octobre 2017 (33e séance).

1. La raison d’être du Conseil de l’Europe est «de réaliser une union plus étroite entre ses membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun et de favoriser leur progrès économique et social» (article 1er du Statut du Conseil de l’Europe de 1949, STE no 1), en mettant l’accent sur les trois piliers majeurs que sont les droits de l’homme, l’État de droit et la démocratie.
2. Pour atteindre ce but, le Statut instaure le principe d’une coopération intergouvernementale, qui est depuis au cœur du fonctionnement du Conseil de l’Europe. Cette coopération entre les États membres est centrée sur l’élaboration de normes communes par le biais des conventions et leur mise en œuvre effective au sein des États membres, afin de garantir la continuité dans la réalisation de l’objectif statutaire.
3. Depuis près de soixante-dix ans, le système conventionnel a fortement contribué à améliorer le fonctionnement des institutions démocratiques en Europe, à développer l’État de droit dans toute l’Europe, et à protéger et promouvoir les droits de tous les citoyens et habitants européens. Ces conventions constituent la principale source de l’acquis du Conseil de l’Europe. Elles ont un impact direct sur la vie des citoyens européens et le cadre juridique des États membres.
4. Ce patrimoine commun unique doit être reconnu, affirmé, défendu et, au besoin, développé encore, dans l’intérêt de tous les citoyens et habitants de l’Europe – et des autres personnes à qui ces conventions s’appliquent ou pourraient s’appliquer.
5. Toute initiative en vue de l’élaboration d’un nouveau traité doit être approuvée formellement par le Comité des Ministres, l’organe exécutif du Conseil de l’Europe. Le Comité des Ministres peut solliciter l’avis de l’Assemblée parlementaire sur tout projet de traité (article 23.a, Statut). Depuis 1998, il la consulte effectivement sur tous les projets de traités. L’article 15.a du Statut dispose que le Comité des Ministres examine, sur recommandation de l’Assemblée ou de sa propre initiative, la conclusion de conventions ou d’accords. Un grand nombre de ces traités ont ainsi été élaborés à l’instigation de l’Assemblée, souvent décrite comme le moteur politique du Conseil de l’Europe.
6. L’Assemblée et le Comité des Ministres portent donc – conjointement avec les États membres – la responsabilité de la création, de la protection, de la mise en œuvre et de la poursuite du développement du système conventionnel en Europe.
7. Lors du 3e Sommet des chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l'Europe en 2005 à Varsovie, la nécessité de renforcer l’efficacité du système conventionnel a été soulignée et des mesures ont été prévues pour atteindre ce but. De nombreuses initiatives ont été prises depuis à cet égard et des améliorations ont été introduites, notamment une réforme radicale des activités de l’Organisation, ainsi qu’une réforme substantielle du fonctionnement de la Cour européenne des droits de l’homme et un réexamen des conventions.
8. En dépit de ces réformes, des écarts importants subsistent entre ce que souhaitent les États membres et l’Organisation, et leurs actes effectifs. La ratification des conventions est trop souvent retardée, empêchant leur entrée en vigueur; la mise en œuvre des conventions dans le droit interne des États est fréquemment lente et imprécise; et les cadres juridiques nationaux connaissent de trop fréquents dysfonctionnements.
9. Dans toute l’Europe, la démocratie, la prééminence du droit et les droits de l’homme sont soumis à des pressions et ont un besoin urgent d’être redynamisés. Pour aider à s’opposer aux développements actuels et poursuivre la tâche convenue à l’article 1er du Statut du Conseil de l’Europe, les instruments et les institutions de l’Organisation doivent être modernisés et rendus plus efficaces. Le prochain sommet des chefs d’État et de gouvernement, aujourd’hui en préparation, devrait donc, sur la base d’une évaluation approfondie, débattre – entre autres sujets – de la manière d’améliorer et de renforcer le système conventionnel du Conseil de l’Europe.
10. L’Assemblée invite par conséquent le Comité des Ministres et le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe:
10.1. à inscrire la question du système conventionnel du Conseil de l’Europe et de son avenir à l’ordre du jour du prochain sommet des chefs d’État et de gouvernement;
10.2. à préparer de façon adéquate et en temps voulu, avant le sommet:
10.2.1. une évaluation approfondie de l’efficacité des conventions existantes et de leurs mécanismes de suivi, et des propositions visant à renforcer substantiellement le système conventionnel, conformément au but énoncé à l’article 1er du Statut du Conseil de l’Europe;
10.2.2. une évaluation de l’efficacité des programmes d’aide à la mise en œuvre des normes définies dans les conventions et une analyse des améliorations requises;
10.2.3. des propositions sur les moyens de renforcer l’efficacité de la Cour européenne des droits de l’homme, en améliorant les procédures judiciaires nationales pour permettre aux citoyens d’obtenir justice, en promouvant la mise en œuvre effective dans tous les États membres des arrêts de la Cour et en assurant le financement adéquat de la Cour, conformément aux décisions du 3e Sommet de Varsovie;
10.2.4. des propositions sur les moyens d’étendre le champ d’application de la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163) à tous les États membres, en faisant en sorte qu’ils la ratifient dès que possible; d’étendre son puissant mécanisme de suivi intégré (système de réclamations collectives) à tous les États membres; de faire de la Charte sociale européenne la référence principale et la norme commune des droits sociaux pour le Socle européen des droits sociaux de l’Union européenne et de l’ouvrir à la signature de Parties tierces qui ne sont pas États membres du Conseil de l'Europe;
10.2.5. une évaluation générale des relations entre le Conseil de l’Europe et les autres principales organisations européennes (Union européenne, Union économique eurasiatique, Conseil nordique, Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, Organisation de coopération et de développement économiques), eu égard au système conventionnel;
10.2.6. un examen de l’opportunité d’établir un mémorandum d’accord entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe sur la participation de l’Union européenne aux conventions du Conseil de l’Europe, de nature à fournir une série de règles de fonctionnement générales (telles que le droit de vote, le droit de parole, l’élaboration des rapports et les arrangements financiers);
10.2.7. une feuille de route en vue de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), conformément à l’obligation formulée dans le Traité de Lisbonne;
10.2.8. des propositions sur la façon d’atteindre les citoyens et de les faire davantage participer au processus décisionnel du Conseil de l'Europe;
10.3. à garantir que les activités conventionnelles et intergouvernementales, auxquelles tous les États membres doivent pouvoir participer sur un pied d’égalité, sont dotées des ressources financières et humaines suffisantes;
10.4. à faire participer l’Assemblée aux activités préparatoires en vue de ces évaluations et examens ou réexamens, conformément à l’article 15.a du Statut;
10.5. à assurer la participation, sous une forme adéquate, de l’Assemblée au prochain sommet des chefs d’État et de gouvernement;
10.6. à inviter les chefs d’État et de gouvernement, lors du prochain sommet, à reconnaître, affirmer, défendre et, le cas échéant, développer encore et soutenir financièrement et convenablement le système conventionnel du Conseil de l’Europe, dans l’intérêt de tous les citoyens et habitants de l’Europe – et de toutes les autres personnes auxquelles ces conventions s’appliquent ou pourraient s’appliquer.
11. La perspective d’un 4e sommet des chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe devrait être l’occasion pour le Comité de Ministres de procéder à une véritable réflexion sur l’avenir de notre Organisation, en ayant à l’esprit que la défense de l’acquis du Conseil de l’Europe passe par la préservation de son système unique de coopération, qui permet à tous les États membres de décider des positions communes et de coopérer sur un pied d’égalité et au profit de tous. Dans ce contexte, l’Assemblée appelle tous les États membres du Conseil de l'Europe à s’abstenir de toute mesure volontaire qui entraînerait un affaiblissement de la coopération intergouvernementale, laquelle a tant contribué au cours des dernières décennies à unir véritablement le continent européen.