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Résolution 2189 (2017)
La nouvelle loi ukrainienne sur l'éducation: une entrave majeure à l'enseignement des langues maternelles des minorités nationales
1. L’Assemblée parlementaire est préoccupée
par les articles relatifs à l’enseignement dans des langues minoritaires
de la nouvelle loi sur l’éducation adoptée le 5 septembre 2017 par
la Verkhovna Rada (Parlement ukrainien) et signée le 27 septembre
2017 par le Président ukrainien, Petro Porochenko.
2. Différents pays voisins ont affirmé que cette loi portait
atteinte aux droits des personnes appartenant aux minorités nationales
et posait des problèmes juridiques délicats dans l’ordre juridique
ukrainien également. L'Assemblée déplore le fait qu'il n'y ait pas
eu de véritables consultations avec les représentants des minorités nationales
en Ukraine sur la nouvelle version de l'article 7 de la loi adoptée
par la Verkhovna Rada. L’Assemblée constate que les autorités ukrainiennes
ont soumis le texte de la loi sur l’éducation à la Commission européenne
pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) pour avis,
lequel devrait être rendu d’ici à la fin de l’année 2017; néanmoins,
l’Assemblée se dit insatisfaite que cette démarche n’ait pas été entreprise
avant l’adoption de la loi sur l’éducation. En outre, l’Assemblée
est consciente que le Comité consultatif de la Convention-cadre
pour la protection des minorités nationales a adopté en mars 2017
son avis relatif à l’Ukraine (4e cycle),
qui devrait être rendu public début 2018, et qu’un rapport sur l’Ukraine
soumis par le Comité d’experts de la Charte européenne des langues
régionales ou minoritaires est à l’examen au Comité des Ministres.
3. L'Assemblée prend note de sérieuses préoccupations exprimées
sur un certain nombre de questions juridiques. Elle estime qu’il
est important de respecter les engagements fondés sur la Convention
européenne des droits de l’homme (STE no 5),
la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales
(STE no 157, «convention-cadre») et la
Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STE no 148),
et d’aider à rétablir un dialogue constructif entre les différentes
parties concernées. À cet égard, selon elle, trois principes interconnectés
doivent guider les parties prenantes vers des accords plus consensuels.
4. Le premier principe est que la connaissance de la (des) langue(s)
officielle(s) d’un État est un facteur de cohésion sociale et d’intégration,
et qu’il est légitime pour les États de faire la promotion de l’apprentissage
de la (des) langue(s) officielle(s) et de demander que leur(s) langue(s)
officielle(s) soi(en)t la ou les langues de l’enseignement pour
tous.
5. Le deuxième principe est que, comme l’a déclaré le Comité
consultatif de la convention-cadre, «La langue est une composante
essentielle de l’identité individuelle et collective. Pour bon nombre
de personnes appartenant à des minorités nationales, la langue est
l’un des principaux facteurs de leur identité et identification
minoritaire.» (Commentaire thématique no 3,
ACFC/44DOC(2012)001). Par conséquent, lorsque les États prennent
des mesures pour promouvoir la (les) langue(s) officielle(s), celles-ci
doivent aller de pair avec des mesures visant à protéger et à promouvoir
les langues des minorités nationales. Si cela n’est pas fait, le
résultat sera l’assimilation, et non l’intégration.
6. Le troisième principe est le principe de non-discrimination.
Ce principe ne s’applique pas seulement à la reconnaissance et à
la protection effective des droits des personnes appartenant aux
minorités nationales, telles que les consacre la convention-cadre,
et des droits spécifiques énoncés dans la Charte européenne des langues
régionales et minoritaires, mais aussi «à la jouissance de tout
droit prévu par la loi», conformément à l’article 1 du Protocole
no 12 à la Convention européenne des
droits de l’homme (STE no 177).
7. Pour l’Assemblée, ces trois principes sont des éléments essentiels
d’un concept plus large, auquel elle accorde la plus haute importance,
et qui sous-tend en réalité la convention-cadre tout entière: le
concept du «vivre ensemble».
8. Au regard des principes susmentionnés et du concept du «vivre
ensemble» qui les englobe, la nouvelle législation ne semble pas
trouver un équilibre approprié entre la langue officielle et les
langues des minorités nationales.
9. En particulier, la nouvelle loi entraîne une réduction forte
des droits jusque-là reconnus aux «minorités nationales» pour ce
qui est de l’instruction dans leur propre langue. Ces minorités
nationales, qui avaient auparavant le droit de disposer d’établissements
scolaires monolingues et de programmes complets dispensés dans leur
propre langue, se retrouvent maintenant dans une situation où l’instruction
dans leur langue ne peut être assurée (conjointement à l’instruction
en ukrainien) que jusqu’à la fin du cycle primaire. Selon l’Assemblée,
cela n’est pas propice au «vivre ensemble».
10. En planifiant la mise en œuvre de la réforme, il faudra faire
preuve de souplesse pour éviter que des changements précipités ne
portent atteinte à la qualité de l’enseignement dispensé aux élèves
et aux étudiants issus de minorités nationales.
11. À cet égard, une période transitoire de trois ans pourrait
s’avérer trop courte. Par conséquent, l’Assemblée exhorte les autorités
ukrainiennes à introduire aussi une certaine souplesse concernant
la durée de ce processus et à permettre des arrangements adaptés
aux circonstances réelles des communautés concernées et à la situation
dans les différentes régions.
12. L’Assemblée est consciente du fait que les minorités de langue
ukrainienne dans les pays voisins n’ont pas le droit à une instruction
monolingue dans leur propre langue et qu’elles ne bénéficient pas
d’arrangements visant à promouvoir une éducation bilingue. Par conséquent,
l’Assemblée recommande que les autorités des pays voisins, qui appellent
de manière légitime à la protection de leurs minorités, se montrent
prêtes à proposer aux communautés ukrainiennes résidant dans leurs
pays respectifs des arrangements similaires à ceux qu’elles réclament
pour leurs propres minorités.
13. L'Assemblée recommande à l'Ukraine d'examiner les bonnes pratiques
au sein des États membres du Conseil de l'Europe dans le domaine
de l'enseignement des langues officielles, comprenant des méthodes d'apprentissage
spécialement conçues pour les établissements scolaires utilisant
des langues régionales ou minoritaires comme langue d'enseignement.
14. L’Assemblée décide de suivre les développements en Ukraine
des questions concernant la protection et la promotion des langues
régionales et minoritaires.
15. L’Assemblée demande aux autorités ukrainiennes de mettre pleinement
en œuvre les prochaines recommandations et conclusions de la Commission
de Venise, et de modifier la nouvelle loi sur l’éducation en conséquence.