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Résolution 2190 (2017)
Poursuivre et punir les crimes contre l'humanité, voire l'éventuel génocide commis par Daech
1. L’Assemblée parlementaire rappelle
sa Résolution 2091 (2016) sur
les combattants étrangers en Syrie et en Irak. Elle réaffirme sa
position selon laquelle «des individus agissant au nom de (...)
Daech (...) ont commis des actes de génocide et d’autres crimes
graves réprimés par le droit international. Il importe que les États
agissent en vertu de la présomption que Daech commet un génocide»,
ainsi que ses appels à ses États membres et observateurs «à respecter
leurs obligations positives nées de la Convention des Nations Unies
de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide
[la Convention de 1948 contre le génocide], en prenant toutes les
mesures qui s’imposent pour prévenir un génocide».
2. De nombreux parlements nationaux, notamment des États membres
du Conseil de l’Europe comme l’Autriche, la France, la Lituanie
et le Royaume-Uni, de même que ceux de l’Australie, du Canada et
des États-Unis d’Amérique, ainsi que le Parlement européen, les
gouvernements des États-Unis et du Canada, et le pape François,
ont également condamné les actes de Daech en les qualifiant de génocide.
Ces positions politiques reflètent les évaluations réalisées par
les experts de mécanismes internationaux faisant autorité comme
la Commission d’enquête internationale indépendante des Nations
Unies sur la République arabe syrienne, le Haut-Commissariat des
Nations Unies aux droits de l’homme et la Rapporteuse spéciale des
Nations Unies sur les questions relatives aux minorités.
3. Il existe des preuves concluantes indiquant que Daech a commis
contre des membres des minorités yézidie, chrétienne et musulmane
non sunnite des actes de génocide, comprenant des massacres et des meurtres
isolés, ainsi que des préjudices corporels ou psychologiques graves,
en recourant à la torture, à des passages à tabac et à des traitements
inhumains et dégradants, et, dans le cas des groupes yézidi et chrétien, à
des viols, à l’esclavage et aux abus sexuels. En outre, des données
concluantes montrent que Daech:
3.1. a
soumis les yézidis au travail forcé, notamment au service militaire,
et à l’endoctrinement terroriste, en formant, par exemple, des enfants
à l’attentat-suicide à la bombe, ce qui a entraîné de graves préjudices
corporels et psychologiques; a délibérément soumis le groupe yézidi
à des conditions de vie propres à entraîner sa destruction physique,
en partie en le mettant en état de siège, en lui imposant des conditions
de vie insalubres et la malnutrition, et en le privant d’accès à
des soins médicaux; a imposé des mesures destinées à éviter les
naissances en séparant les femmes yézidies des hommes yézidis; et
a transféré de force les enfants de ce groupe vers un autre groupe,
leur imposant par la suite conversion et endoctrinement.
3.2. a déployé des membres des minorités chrétiennes pour les
utiliser comme «boucliers humains», causant ainsi de graves préjudices
corporels ou psychologiques, et a séparé des enfants chrétiens de leur
mère en les transférant de force vers un autre groupe.
4. Ces actes ont été commis par Daech avec l’intention de détruire
totalement ou en partie les groupes minoritaires yézidis, chrétien
et musulman non sunnite. En particulier, Daech a fait de nombreuses
déclarations politiques et doctrinales visant notamment la destruction
des minorités yézidie, chrétienne et musulmane non sunnite en tant
que groupes, ainsi que des déclarations d’intention en vue de commettre
des actes de génocide précis contre ces minorités, avant et pendant
la commission de ces actes. Dans ces déclarations, Daech a notamment
décrit les yézidis comme des «païens adorateurs du diable» et qualifié
les chrétiens d’«esclaves de la Croix» dont les femmes et les fils
seraient réduits en esclavage. Les atrocités commises par Daech
à l’encontre de ces trois groupes ont été systématiques et en tout
point conformes à ces déclarations. La destruction systématique
par Daech de lieux de culte yézidis, chrétiens et musulmans non
sunnites vient également étayer son intention génocidaire de commettre
les actes précités. Les pillages des maisons et des biens yézidis,
chrétiens et musulmans non sunnites témoignent aussi d’une intention
génocidaire de disperser et d’affaiblir la cohésion de ces groupes,
en vue de leur destruction.
5. Ni la Syrie ni l’Irak ne sont Parties à la Cour pénale internationale
(CPI), dont la compétence matérielle comprend le crime de génocide
ainsi que d’autres crimes réprimés par le droit international. Le
Conseil de sécurité des Nations Unies a été empêché, en raison du
veto de deux de ses membres permanents, de déférer la situation
en Syrie à la CPI, et la procureure de la CPI a refusé d’ouvrir
une enquête sur les allégations d’infractions par des ressortissants
d’un État partie au Statut de Rome de la CPI. Il n’y a donc actuellement aucun
mécanisme judiciaire international qui soit en mesure de poursuivre
Daech. À cet égard, l’Assemblée rappelle que les enquêtes et les
poursuites relatives aux crimes visés par le Statut de Rome incombent
en premier lieu aux autorités nationales, en particulier à celles
des États dans lesquels ces crimes ont été commis.
6. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée appelle les États membres
et observateurs du Conseil de l’Europe et les États dont le parlement
bénéficie du statut d’observateur ou de partenaire pour la démocratie
auprès de l’Assemblée parlementaire, le cas échéant:
6.1. à reconnaître officiellement
que Daech a commis un génocide, notamment contre le peuple yézidi,
les minorités chrétiennes et les minorités musulmanes non sunnites;
6.2. à prendre des mesures rapides et efficaces conformément
aux obligations qu’ils ont contractées au titre de la Convention
de 1948 contre le génocide afin de prévenir et de punir les actes
de génocide, et à répondre de leur responsabilité générale d’agir
contre les crimes réprimés par le droit international, notamment:
6.2.1. en prévoyant une compétence universelle en matière de
crimes visés par le Statut de Rome de la CPI, lorsque ce n’est pas
déjà le cas, et, à l’exemple de la Suède et de l’Allemagne, en menant
des enquêtes sur les membres présumés de Daech qui relèvent de leur
juridiction ou de leur contrôle, et, lorsque cela est justifié,
en traduisant ces personnes en justice;
6.2.2. en poursuivant toutes les infractions commises, relevant
de leur juridiction, en lien avec des activités de Daech à l’étranger,
et, à cet égard, en ratifiant et en mettant pleinement en œuvre la
Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme
de 2005 (STCE no 196) et son Protocole
additionnel de 2015 (STCE no 217);
6.2.3. en évitant de privilégier de manière systématique et exclusive,
à l’égard des membres de Daech, l’application de leur seule législation
antiterroriste au détriment de leur compétence universelle en matière
de crimes visés par le Statut de Rome de la CPI;
6.2.4. en mettant en œuvre les recommandations énoncées dans
la Résolution 2091 (2016) de
l’Assemblée, notamment l’absence d’octroi du statut de réfugiés
aux combattants qui peuvent avoir perpétré des actes de génocide
et/ou d’autres crimes graves interdits par le droit international,
et qui cherchent à obtenir une protection internationale à leur
retour en Europe, conformément aux clauses d’exclusion prévues à
l’article premier, alinéa F, de la Convention des Nations Unies
du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés;
6.2.5. en contribuant au recueil et à la conservation d’éléments
attestant des crimes commis par Daech, notamment en faisant des
contributions volontaires au budget du Mécanisme international,
impartial et indépendant des Nations Unies chargé de faciliter les
enquêtes sur les violations les plus graves du droit international
commises en République arabe syrienne depuis mars 2011 et d’aider
à juger ceux qui en sont responsables, pour que ce mécanisme soit pleinement
opérationnel sans plus attendre;
6.2.6. en soutenant le Secrétaire général des Nations Unies en
vue de la création de l’équipe d’enquêteurs, décrite dans la Résolution
2379 (2017) du Conseil de sécurité des Nations Unies, chargée d’aider
le système judiciaire irakien à recueillir des éléments de preuve
concernant des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et
des crimes de génocide commis par Daech en Irak;
6.2.7. en plaidant pour que le budget ordinaire des Nations Unies
contribue le plus rapidement possible au financement du mécanisme
et de l’équipe d’enquêteurs;
6.2.8. en ne s’opposant pas aux éventuelles résolutions futures
du Conseil de sécurité des Nations Unies susceptibles de contribuer
à la poursuite des membres de Daech devant un tribunal international,
hybride ou national.
7. L’Assemblée appelle les autorités irakiennes à apporter leur
contribution et leur coopération au travail de l’équipe d’enquêteurs.
Elle appelle la communauté internationale à fournir les ressources
nécessaires pour que l’équipe d’enquêteurs puisse débuter rapidement
ses opérations. Elle demande en outre aux Nations Unies d’envisager
la création d’un mécanisme judiciaire spécial pour juger les crimes
commis par Daech en Irak. Ce mécanisme pourrait s’appuyer sur des
modèles internationaux ou hybrides existants, ou s’établir au sein
des tribunaux nationaux irakiens, avec l’assistance d’experts internationaux
faisant office de conseillers plutôt que de juges.
8. L’Assemblée appelle également:
8.1. la Syrie et l’Irak à ratifier le Statut de Rome de la
CPI;
8.2. la Commission d’enquête internationale indépendante sur
la République arabe syrienne à mener à bien son rapport sur le génocide
perpétré par Daech contre les minorités religieuses autres que les yézidis;
8.3. la procureure de la CPI à réexaminer, à la lumière des
soumissions ultérieures des parties concernées, sa décision de ne
pas ouvrir d’enquête préliminaire sur les crimes commis par Daech.