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Recommandation 2115 (2017)
Le recours aux nouvelles technologies génétiques chez les êtres humains
1. Les techniques génétiques sont
appliquées dans le domaine médical depuis plusieurs dizaines d’années.
Cependant, les nouvelles technologies se développent à très grande
vitesse: les découvertes récentes en matière de génome humain ont
ouvert la voie à des opportunités nouvelles et à des préoccupations
éthiques sans précédent. D’une part, cette meilleure connaissance
de la constitution de l’être humain s’accompagne de possibilités
encourageantes pour le diagnostic, la prévention et, finalement,
la guérison de maladies à l’avenir; d’autre part, elle soulève des
questions complexes du point de vue de l’éthique et des droits humains,
notamment, mais pas seulement, quant aux préjudices involontaires
pouvant découler des techniques utilisées, de l’accès et du consentement
à ces techniques, et des abus potentiels à des fins d’amélioration
du capital génétique ou d’eugénisme.
2. En particulier, les innovations récentes en matière de modification
du génome ne manqueront pas d’entraîner assez rapidement des interventions
sur la lignée germinale des êtres humains, par exemple avec la venue
au monde d’enfants dont le génome aura été modifié, avec des conséquences
imprévisibles dans la mesure où leur descendance sera également
concernée. Selon le consensus scientifique, ces techniques ne sont
pas «sûres», ce qui conduit à un moratoire de fait. Cependant, d’autres
techniques, notamment le transfert pronucléaire (la technique des
«trois parents»), destiné à prévenir la transmission de maladies
mitochondriales par la mère, ont été utilisées et ont donné lieu
à la naissance de deux bébés (dont l’un pour des raisons autres que
le traitement d’une maladie mitochondriale), malgré les grandes
controverses éthiques et les grandes incertitudes scientifiques
quant aux effets à long terme.
3. La modification intentionnelle de la lignée germinale humaine
franchirait des limites jugées éthiquement inviolables. En effet,
la Convention du Conseil de l'Europe pour la protection des droits
de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications
de la biologie et de la médecine: Convention sur les droits de l'homme
et la biomédecine (STE no 164, «Convention
d’Oviedo») de 1997, qui lie les 29 États membres l’ayant ratifiée,
postule à l’article 13 qu’«une intervention ayant pour objet de
modifier le génome humain ne peut être entreprise que pour des raisons
préventives, diagnostiques ou thérapeutiques et seulement si elle n’a
pas pour but d’introduire une modification dans le génome de la
descendance». En revanche, la convention prévoit également une procédure
spécifique pour son amendement à l’article 32, qui doit être lu
conjointement avec l’article 28, qui impose aux Parties de veiller
«à ce que les questions fondamentales posées par les développements
de la biologie et de la médecine fassent l'objet d'un débat public
approprié à la lumière, en particulier, des implications médicales,
sociales, économiques, éthiques et juridiques pertinentes, et que
leurs possibles applications fassent l'objet de consultations appropriées».
4. De nombreuses instances scientifiques et éthiques commencent
à formuler des recommandations pour l’instauration d’un cadre réglementaire
relatif à la modification du génome et aux interventions sur la
lignée germinale des êtres humains, les dernières en date étant
l’Académie nationale des sciences et l’Académie nationale de médecine
des États-Unis, et le Conseil consultatif scientifique des académies
des sciences européennes. Il existe actuellement une interdiction
des interventions visant à modifier le génome humain dans de nombreux
États membres du Conseil de l’Europe et dans tous ceux de l’Union
européenne.
5. En conséquence, l’Assemblée parlementaire recommande au Comité
des Ministres:
5.1. d’exhorter les
États membres qui n’ont pas encore ratifié la Convention d’Oviedo
à le faire le plus rapidement possible ou, au moins, à mettre en
place une interdiction au niveau national pour les grossesses induites
à partir de cellules germinales ou d’embryons humains dont le génome
a été modifié de manière intentionnelle;
5.2. et, en outre, de développer un cadre réglementaire et
législatif commun qui permette d’établir un équilibre entre les
risques et les avantages potentiels de ces technologies visant à
traiter les maladies graves, tout en prévenant les abus ou les effets
négatifs des technologies génétiques sur les êtres humains;
5.3. d’encourager un débat public ouvert et éclairé sur le
potentiel pour la médecine et les éventuelles conséquences, du point
de vue de l’éthique et des droits humains, de l’application des
nouvelles technologies génétiques aux êtres humains;
5.4. de demander au Comité de bioéthique (DH-BIO) du Conseil
de l’Europe d’évaluer les enjeux éthiques et juridiques des technologies
émergentes de modification du génome, à la lumière des principes
énoncés dans la Convention d’Oviedo et dans le respect du principe
de précaution;
5.5. de recommander aux États membres, sur la base du débat
public, de l’évaluation du DH-BIO et du cadre réglementaire et juridique
commun défini, d’élaborer une position nationale claire sur l’utilisation
pratique des nouvelles technologies génétiques, en en fixant les
limites et en promouvant de bonnes pratiques.