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Recommandation 2121 (2018)
Pour une convention européenne sur la profession d’avocat
1. L’Assemblée parlementaire considère,
tout comme la Cour européenne des droits de l’homme, que les avocats
occupent, de par leur rôle particulier, une place centrale dans
l’administration de la justice, en tant que protagonistes et intermédiaires
entre le public et les tribunaux. Ils jouent un rôle essentiel en
permettant aux tribunaux, dont la mission est fondamentale dans
un État respectueux de l’État de droit, de jouir de la confiance du
public. Pour qu’il ait confiance dans l’administration de la justice,
le public doit avoir confiance dans la capacité des avocats à le
représenter efficacement.
2. L’Assemblée souscrit aux normes minimales énoncées dans la
Recommandation no R (2000) 21 du Comité
des Ministres aux États membres sur la liberté d’exercice de la
profession d’avocat. Elle rappelle que ces normes, malgré leur caractère
non contraignant, visent à étoffer et à donner concrètement effet
aux principes qui découlent d’obligations contraignantes, notamment
celles de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5).
3. Il est donc extrêmement préoccupant que, dans de nombreux
États membres du Conseil de l’Europe, les avocats continuent à subir
des actes de harcèlement, des menaces et des agressions, qui sont
même en augmentation dans certains États, où ils sont devenus largement
répandus et systématiques, et sont apparemment le fruit d’une politique
délibérée. Ces actes comprennent, entre autres: les meurtres qui
ne font parfois pas l’objet d’une enquête en bonne et due forme
de la part des autorités; les violences physiques, y compris de
la part d’agents publics; les menaces, les critiques publiques injustifiées
et l’assimilation des avocats à leurs clients, y compris de la part
des responsables politiques; un usage détourné des poursuites pénales
pour sanctionner les avocats ou les dessaisir de certaines affaires;
les violations du secret professionnel par le contrôle illégal de
la consultation d’un avocat par son client, les perquisitions et
les saisies dans le cadre d’enquêtes illégales; les interrogatoires
d’avocats cités en qualité de témoins dans les affaires pénales
de leurs clients; les recours abusifs aux poursuites disciplinaires;
et les divers manquements structurels et procéduraux dans l’établissement
et la mise en œuvre de garanties effectives de l’indépendance des
avocats.
4. L’Assemblée estime que cette situation témoigne de la nécessité
de renforcer le statut juridique de la Recommandation no R (2000) 21,
en incorporant ces dispositions dans une convention contraignante,
assortie d’un mécanisme de contrôle efficace. Cette convention pourrait
également devenir une source de normes contraignantes à un niveau
international élargi, en permettant aux États non membres d’y adhérer.
5. Compte tenu du rôle joué au quotidien par les avocats dans
la protection des droits individuels, y compris dans les procédures
judiciaires en cours, l’Assemblée juge également indispensable de
mettre en place un mécanisme d’alerte précoce pour réagir aux menaces
immédiates qui pèsent sur leur sécurité et leur indépendance, ainsi
que sur leur capacité à exercer de manière effective leurs activités
professionnelles. Elle rappelle l’existence de la Plateforme pour
renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes mise
en place par le Conseil de l’Europe, et estime qu’un mécanisme similaire
pour les avocats aurait la même efficacité concrète, présenterait
la même efficience procédurale et la même faisabilité technique
dans le contexte actuel.
6. L’Assemblée appelle par conséquent les États membres du Conseil
de l’Europe à respecter, à protéger et à promouvoir pleinement la
liberté d’exercice de la profession d’avocat, notamment par la mise
en œuvre effective de la Recommandation no R (2000) 21.
7. L’Assemblée parlementaire appelle le Comité des Ministres:
7.1. à élaborer et à adopter une
convention sur la profession d’avocat, fondée sur les normes énoncées
dans la Recommandation no R (2000) 21,
et, ce faisant:
7.1.1. à tenir compte également des autres
instruments pertinents, notamment la Charte des principes essentiels
de l’avocat européen du Conseil des barreaux européens, la Charte
de Turin sur l'exercice de la profession d'avocat au XXIe siècle
de l’Union internationale des avocats, ainsi que les normes applicables
à l’indépendance de la profession d’avocat, les Principes internationaux
de déontologie de la profession juridique et le guide pour l’établissement
et le maintien des procédures de plainte et procédures disciplinaires
de l’Association internationale du barreau;
7.1.2. à veiller à ce que les garanties relatives à des questions
aussi fondamentales que l’accès à un avocat et l’accès des avocats
à leurs clients, le secret professionnel de l’avocat, la jouissance
d’une immunité civile et pénale pour les déclarations faites dans
le cadre de ses activités professionnelles et la confidentialité
des communications entre un avocat et son client soient renforcées,
si besoin est, de manière à faire face à l’évolution du contexte
légal et réglementaire actuel, y compris des mesures mises en place
pour lutter contre la corruption, le blanchiment de capitaux et
le terrorisme;
7.1.3. à prévoir un mécanisme de contrôle effectif, en prenant
tout particulièrement en considération l’option d’un comité d’experts
chargé d’examiner des rapports périodiques présentés par les États
parties, assorti de la possibilité pour les organisations de la
société civile, et notamment les associations d’avocats, de lui
adresser des observations;
7.1.4. à réfléchir à ouvrir la convention à l’adhésion des États
non membres;
7.2. à établir un mécanisme d’alerte précoce pour réagir aux
menaces immédiates qui pèsent sur la sécurité et l’indépendance
des avocats, ainsi que sur leur capacité à exercer de manière effective
leurs activités professionnelles, sur le modèle de la Plateforme
pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes.
À ce propos, l’Assemblée réitère l’appel lancé dans sa Recommandation 2085 (2016) «Renforcer
la protection et le rôle des défenseurs des droits de l'homme dans
les États membres du Conseil de l'Europe» en faveur de la mise en
place d’une plateforme de protection des défenseurs des droits de
l’homme, qui englobe les avocats;
7.3. à mettre en place des activités, y compris des activités
de coopération bilatérale, en vue d’améliorer la mise en œuvre de
la Recommandation no R (2000) 21, en
attendant la ratification d’une nouvelle convention par les États
membres;
7.4. à mettre pleinement en œuvre la Recommandation 2085 (2016).