1. Introduction
«Lorsque
j’avais 14 ans, une collégienne ordinaire en Angleterre, je suis
rentrée de l’école un jour et ma mère m’a demandé de m’asseoir puis
m’a présenté une photo de l’homme à qui – j’allais l’apprendre – on
m’avait promise en mariage dès l’âge de 8 ans (…) Je me souviens
d’avoir regardé la photo, et d’avoir pensé, du haut de mes 14 ans:
“Il est plus petit que moi”, puis d’avoir pensé à mes devoirs et
à d’autres choses. Ma mère est restée très factuelle, joviale, elle
avait fait ça avec chacune de mes sœurs – à propos, aucune d’entre
elles n’avait protesté. Aucune n’avait dit non (…) J’ai pu retourner
au collège, mais les pressions se sont intensifiées lorsque j’avais
15½ ans (…) J’ai vivement protesté. Alors ma famille m’a retirée
de l’école, elle m’a séquestrée à la maison (…) J’ai été enfermée
dans une chambre, le cadenas était à l’extérieur (…) et on m’a contrainte
à y rester jusqu’à ce que j’accepte le mariage. J’ai fini par dire
oui au mariage, dans le seul but de racheter ma liberté (…) Je me
suis enfuie de chez nous lorsque j’avais 16 ans, j’étais en dernière
année à l’école, l’année la plus importante, pendant les examens.
Je me suis enfuie à plus de 250 km de chez nous, je pensais que
j’y serais en sécurité (…) Ma mère a été très claire. Elle m’a dit:
“Soit tu rentres et tu épouses la personne qu’on te dit, soit, désormais,
tu es morte à nos yeux.”»
Jasvinder Sanghera, rescapée
d’une tentative de mariage forcé au Royaume-Uni
1. Chaque jour à travers le monde,
39 000 filles sont mariées avant d’avoir atteint l’âge de la majorité.
Plus d’un tiers de ces jeunes filles sont âgées de moins de 15 ans
. Derrière
ces chiffres se cachent autant de vies brisées, de potentiel gaspillé,
de risques graves pour la santé. Pour les jeunes filles, se marier
est souvent synonyme d’abandon de la scolarité, de séparation de
leur famille, de passage trop rapide entre la vie d’enfant et la
vie d’adulte, d’esclavage domestique, de relations sexuelles imposées
et non protégées, de grossesses non voulues et dangereuses pour
leur santé
. De
tels faits portent atteinte aux droits à l’intégrité physique, à la
santé physique et psychique, à la santé sexuelle et génésique, à
l’éducation.
2. Peu de données sont disponibles concernant les mariages forcés
entre adultes. Des études menées en Allemagne et au Royaume-Uni
ont toutefois montré que parmi les femmes et les filles ayant sollicité
des conseils dans ces pays quant aux mariages forcés, environ les
deux tiers étaient âgés de plus de 18 ans
. À l’âge adulte,
les mariages forcés entravent le droit à la vie privée, à la liberté
et à l’autonomie, privant par ailleurs les femmes de la possibilité
de décider librement et sans coercition, discrimination ni violation
de toute question relevant de leur sexualité et de leur santé sexuelle
et reproductive. Pour les femmes comme pour les filles, mariage
forcé rime avec violences, agressions sexuelles et viols à répétition.
3. Ces violations des droits humains sont connues et des normes
internationales visant à les prévenir et à les combattre existent
depuis longtemps. Or, ces pratiques continuent aujourd’hui et concernent
de nombreuses femmes au sein de nos États membres.
4. De tels constats doivent nous interpeller et nous inciter
à nous emparer d’urgence de ces problèmes. C’est pourquoi je souhaite,
par le biais de mon rapport, mettre en exergue des mesures et pratiques
efficaces pour comprendre ce problème, prévenir les mariages forcés
dans nos États membres et protéger les victimes. Dans ce contexte,
il est aussi particulièrement important de comprendre les facteurs
culturels, traditionnels et socio-économiques parfois complexes
qui permettent à ces pratiques de perdurer.
2. Droit international
Nations Unies
5. Dès 1948, les Nations Unies
déclaraient que les hommes et les femmes ont des droits égaux au
regard du mariage et que celui-ci ne peut être conclu qu'avec le
libre et plein consentement des futurs époux
. L’exigence
du libre et plein consentement, sans lequel aucun mariage ne peut
être contracté légalement, a été réaffirmée à de nombreuses reprises
dans des traités très largement ratifiés. De plus, selon la Convention
sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard
des femmes (ratifiée par tous les États membres du Conseil de l’Europe),
«les fiançailles et les mariages d'enfants n'ont pas d'effets juridiques
et toutes les mesures nécessaires, y compris des dispositions législatives,
sont prises afin de fixer un âge minimal pour le mariage et de rendre
obligatoire l'inscription du mariage sur un registre officiel»
.
6. D’après la Convention sur le consentement au mariage, l’âge
minimum du mariage et l’enregistrement des mariages de 1962 (ci-après
«Convention sur le consentement au mariage»), les États doivent
assurer une entière liberté dans le choix du conjoint, abolir totalement
le mariage des enfants et la pratique des fiançailles des jeunes
filles avant l’âge nubile, instituer les sanctions voulues et créer
un service de l’état civil ou un autre service d’enregistrement
de tous les mariages. Selon cette convention, aucun mariage ne peut
être contracté légalement sans le libre et plein consentement des
deux parties et les États parties doivent prendre les mesures législatives
nécessaires pour spécifier un âge minimum pour le mariage. Vingt-trois
États membres du Conseil de l’Europe sont aujourd’hui parties à
cette convention et deux autres l’ont signée
. La dernière ratification,
par la France, date de 2010.
7. L’élimination des mariages forcés fait partie des objectifs
de développement durable des Nations Unies à l’horizon 2030
.
Conseil de l’Europe
8. En 2002, le Comité des Ministres
a adopté la Recommandation Rec(2002)5 sur la protection des femmes
contre la violence. Sont incluses parmi les formes de violence couvertes
certaines pratiques traditionnelles préjudiciables aux femmes, telles
que les mariages forcés. Cette Recommandation demande aux États
membres du Conseil de l’Europe «d’interdire les mariages forcés,
conclus sans le consentement des personnes concernées». En 2013,
21 États (contre 11 en 2005) avaient une politique intervenant sur
le mariage forcé et/ou précoce
.
9. En 2005, l’Assemblée parlementaire a défini les mariages forcés
comme étant l’union de deux personnes dont l’une au moins n’a pas
donné son libre et plein consentement au mariage, et a fermement condamné
cette pratique. Elle a condamné tout aussi sévèrement le mariage
d’enfants, défini comme étant l’union de deux personnes dont l’une
au moins n’a pas 18 ans
.
10. En 2011, le Comité des Ministres a adopté la Convention du
Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence
à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210,
«Convention d’Istanbul»). Aujourd’hui, 30 États membres du Conseil
de l’Europe y sont Parties et 15 sont signataires; l’Union européenne
l’a également signée
.
11. La Convention d’Istanbul qualifie le mariage forcé de «violation
grave des droits humains des femmes et des filles» et d’«obstacle
majeur à la réalisation de l’égalité entre les femmes et les hommes».
Elle exige des États Parties que ceux-ci érigent en infraction pénale
le fait de forcer un adulte ou un enfant à contracter un mariage,
ainsi que le fait de tromper un adulte ou un enfant afin de l’emmener
à l’étranger avec l’intention de le forcer à contracter un mariage
– et cela même si aucun mariage n’est contracté
.
12. Concernant les conséquences civiles des mariages forcés, la
Convention d’Istanbul exige des Parties que celles-ci prennent les
mesures nécessaires pour que les mariages forcés puissent être annulables, annulés
ou dissous sans faire peser sur la victime une charge financière
ou administrative excessive. Elle oblige aussi les Parties à prendre
des mesures pour éviter que le fait de quitter son pays de résidence
aux fins d’un mariage forcé, ainsi que le fait de dissoudre un tel
mariage, n’affectent le statut de résident de la victime
.
13. Le 13 septembre 2017, le Comité des Ministres a adopté une
déclaration sur la nécessité d'intensifier les efforts visant à
prévenir et à combattre les mutilations génitales féminines et le
mariage forcé en Europe. Soulignant les conséquences graves, souvent
irréparables et irréversibles de ces pratiques, il a invité les
États membres à prendre toute une série de mesures visant à mieux
les combattre. À cet effet, le Comité directeur pour les droits
de l'homme a également préparé un Guide de bonnes et prometteuses
pratiques visant à prévenir et à combattre les mutilations génitales
féminines et le mariage forcé
.
3. Définitions
et portée du présent rapport
«J’allais
avoir 18 ans (…) Un soir, ma mère (…) m’annonça qu’au début du mois
de juillet, je me marierais avec un homme de bonne famille et de
bonne caste (…) Je n’étais pas prête et surtout j’ai toujours voulu
me marier à l’homme que j’aime… Je l’ai suppliée de toutes mes forces
de revenir sur cette décision (…) Personne n’a pu s’interposer face
à ma mère, pas même mon père (…) [L’homme avait] face à lui une
jeune femme vierge (…) J’ai perdu tout ce que j’avais de plus cher
dans d’atroces souffrances. [Aux côtés de cet homme,] je vivais
un enfer et je n’avais personne avec qui partager ma détresse.»
Odélya, mariée de force en
France peu après avoir obtenu son baccalauréat
14. Il ressort des sources citées
plus haut que ce qui caractérise le mariage forcé, c’est l’absence
de consentement d’au moins une des deux parties. Dès lors que l’un
au moins des conjoints n’a pas donné son consentement total et libre
en connaissance de cause, il s’agit d’un mariage forcé. Les unions
dans lesquelles l’une (au moins) des parties n’est pas libre de
mettre fin au mariage ou de quitter son conjoint sont aussi des mariages
forcés
.
15. Par «mariage d’enfants» ou «mariage précoce», l’on désigne
un mariage dans lequel l’une (au moins) des parties est mineure.
À l’instar de la position prise non seulement par l’Assemblée en
2005 mais aussi par le Comité pour l’élimination de la discrimination
à l’égard des femmes et le Comité des droits de l’enfant des Nations
Unies, je considère les mariages précoces comme une forme de mariage
forcé car par définition, l’un des conjoints ou les deux n’ont pas
exprimé leur consentement total et libre en connaissance de cause
.
Il me semble important de souligner qu’un mineur ne peut en aucun
cas donner son libre et plein consentement à des violations aussi
flagrantes de ses droits fondamentaux. Un enfant de 16 ou 17 ans
demeure un enfant, qui n’a ni les mêmes droits qu’un adulte ni les
mêmes capacités à résister à des pressions visant à lui imposer un
mariage contre son gré. Par ailleurs, diviser ce phénomène en sous-catégories
de mariages d’enfants, mariages précoces et mariages forcés, comme
cela est parfois fait, risque d’ouvrir la voie aux exceptions évoquant
la culture, la religion ou encore relatives à d’autres pratiques
ou traditions
.
16. Ainsi, le terme «mariage forcé» doit être entendu dans le
cadre du présent rapport comme englobant tant les mariages non consentis
entre adultes que les mariages impliquant au moins un mineur. Je
n’emploie les termes «mariage d’enfants» ou «mariage précoce» que
lorsque cela est nécessaire pour faire la lumière sur certaines
particularités spécifiques à ces formes de mariages forcés.
17. Je tiens à souligner ici la distinction entre mariages arrangés
– terme par lequel l’on désigne les unions auxquelles les deux époux
consentent librement, même s’ils n’en sont pas les initiateurs,
et qui sont par conséquent conformes à la loi – et mariages forcés
(auxquels au moins un des époux ne consent pas).
18. Enfin, les mariages forcés sont souvent étroitement liés à
des notions «d’honneur», voire aux crimes dits «d’honneur», aspect
important dont je tiendrai également compte dans ce rapport. Rappelons
d’emblée dans ce contexte que la Convention d’Istanbul stipule que
ni la culture, ni la coutume, ni la religion, ni la tradition, ni le
prétendu «honneur» ne peuvent justifier les violences faites aux
femmes (voir notamment ses articles 12 et 42).
4. Qui
sont les personnes concernées par les mariages forcés, et dans quelles
circonstances?
19. Très peu de données précises
et comparables existent concernant les mariages forcés; il s’agirait
là d’une grave lacune dans la lutte contre cette pratique préjudiciable
.
Toutes les sources conviennent cependant que les principales victimes
des mariages forcés sont des jeunes filles (parfois très jeunes). J’estime
néanmoins important de préciser que les garçons sont aussi touchés
par les mariages forcés, ainsi que les personnes LGBT, que leur
famille chercherait à «remettre sur le droit chemin»
.
De même, les personnes ayant un handicap intellectuel sont très
vulnérables aux mariages forcés.
20. Le mariage forcé peut constituer une façon d’échapper à la
pauvreté, notamment à la suite de conflits armés; il peut s’agir
par ailleurs de mariages d’échange ou de compensation, d’alliances
convenues entre familles afin de garantir des droits fonciers ou
à des fins d’immigration, du fait de contraindre une victime de viol
à se marier à son violeur, de lévirat ou de mariages serviles (dont
la finalité est l’exploitation).
21. L’impact d’un mariage forcé est particulièrement grave lorsque
l’une des parties est mineure, voire les deux. Toutefois, de nombreux
cas concernent des personnes à peine sortie de l’adolescence ou
adultes.
22. De nombreux mariages forcés ont une dimension internationale,
la personne concernée ou ses parents étant originaires d’un autre
pays. Au Royaume-Uni, l’Unité sur les mariages forcés du ministère
des Affaires étrangères (FMU) a traité depuis 2005 des cas concernant
plus de 90 pays d’Asie, du Moyen Orient, d’Afrique, d’Europe et
d’Amérique du Nord. En 2017, les pays étrangers les plus souvent
concernés étaient le Pakistan (36,7 % des cas), le Bangladesh (10,8 %),
la Somalie (7,6 %), l’Inde (6,9 %), l’Afghanistan (1,6 %), l’Égypte (1,5 %),
l’Irak (1,2 %), le Nigéria (1,0 %), la Roumanie (0,9 %) et l’Arabie
Saoudite (0,9 %). En France, les pays concernés sont le plus souvent
les pays du sous-continent indien, la Turquie et la Fédération de
Russie (notamment la Tchétchénie) tandis qu’en Allemagne, il s’agit
principalement de la Turquie et de l’ouest des Balkans (Serbie,
Kosovo*
, Monténégro)
.
23. Dans son rapport sur «Protéger les femmes réfugiées de la
violence fondée sur le genre», notre collègue Gisela Wurm a mis
en exergue un autre cas de figure ayant une dimension internationale
et se présentant notamment dans le contexte de l’arrivée en Europe
de personnes fuyant des pays déchirés par la guerre et les persécutions.
Des jeunes filles syriennes ont été mariées par leurs parents dans
les camps de réfugiés ou en transit. Parfois des familles décident
de marier leur fille à un homme plus âgé afin qu’elle bénéficie
d’une protection et/ou qu’elle évite les violences aux mains de
plusieurs hommes. Il n’empêche que cette stratégie de défense constitue
une violation des droits des femmes et des droits de l’enfant
.
24. Un nombre important de mariages forcés n’ont en revanche aucune
dimension internationale, l’ensemble des éléments se produisant
au sein du pays où vit la personne concernée. Cela était le cas
dans 10 % des cas traités par l’Unité sur les mariages forcés en
2017. Cette situation concerne souvent des personnes appartenant
à des minorités, par exemple les personnes appartenant aux minorités
nationales, ethniques ou religieuses habitant dans certaines régions
de Géorgie, d’Azerbaïdjan ou de Turquie ou en Tchétchénie, ou les
Roms et les Gens du voyage dans plusieurs pays européens. Moins
connu, le phénomène des mariages forcés au sein de communautés de
personnes appartenant à des minorités chrétiennes dans certaines
régions de la Norvège a également été cité lors de nos discussions
en commission. Soulignons ici qu’aucune religion ne prescrit les
mariages forcés mais que toutes les confessions sont concernées.
25. Il nous a également été signalé que si la majorité des victimes
de mariages forcés en France ont moins de 20 ans, les femmes ayant
été soumises plus «tardivement» à un mariage forcé, vers l’âge de
24 ou 25 ans, subissent souvent des pressions depuis leur adolescence,
voire leur enfance. Ainsi, le mariage forcé est intégré dès le plus
jeune âge et il s’avère difficile pour ces femmes de s’y opposer,
même à l’âge adulte. Les femmes qui résistent au mariage forcé sont
souvent mal vues par leur entourage, culpabilisées de désobéir à leurs
parents voire exclues de la famille ou de la communauté. Surmonter
ces pressions demande du temps. Ainsi, il est crucial pour les victimes
de bénéficier d’un accompagnement soutenu et de longue durée
.
26. Il est également essentiel de prendre conscience que le mariage
forcé n’est pas une simple contrainte matrimoniale: au contraire,
il se pratique souvent dans un contexte de violences intrafamiliales
répétées et y résister peut exposer la victime à des violences continues,
voire à des crimes dits «d’honneur».
5. Consentement
«Je
n’avais pas d’autre choix que de céder. J’étais toute seule face
à tellement de monde.»
Sajida, mariée de force à 16
ans au Royaume-Uni
27. Si la notion de mariage forcé
se situe dans l’absence de consentement, des indications sont rarement données
quant à la manière de vérifier ce consentement. Or, l’existence
ou l’absence de celui-ci ne sont pas toujours faciles à prouver.
Le fait que l’une des parties au mariage n’ait jamais exprimé son
opposition ne devrait pas être considéré comme suffisant en soi
pour établir le consentement. Par ailleurs, au vu des témoignages
cités dans mon rapport, il serait certainement utile de se poser
la question du consentement ou de la contrainte sous l’angle de
la liberté de dire non: chaque partie au mariage est-elle (ou était-elle)
libre de refuser celui-ci, sans conséquence négative pour elle?
28. Certains États ont mis en place des procédures visant à faciliter
la vérification par l’officier de l’état civil, avant le mariage,
du consentement des époux. En Allemagne, les parties à un mariage
doivent déclarer devant l’officier de l’état civil qu’ils souhaitent
s’épouser. Celui-ci peut exiger de s’entretenir individuellement
avec chacun des époux s’il soupçonne l’absence de consentement,
et est tenu de refuser de procéder au mariage s’il ressort que l’une
des parties agit sous la menace ou la contrainte
.
29. Une fois un mariage forcé contracté, il peut s’avérer difficile
pour la victime de prouver l’absence de consentement. J’ai toutefois
été informée de deux affaires suédoises dans lesquelles les responsables
ont pu être condamnés au pénal. Dans les deux cas, les parents de
la future épouse avaient contraint leur fille adulte (de 23 ans
au moment de son mariage dans un cas et de 19 ans dans le deuxième)
à se marier à un homme désigné par eux, lors d’un voyage dans leur
pays d’origine
. Dans la première affaire, l’absence
de consentement a pu être démontrée grâce à des témoignages et messages
prouvant que la jeune femme souhaitait se marier avec son petit
ami en Suède et non avec le mari choisi par sa famille. Une fois
emmenée à l’étranger, elle ne pouvait ni quitter son lieu de séjour
ni contacter les autorités locales. Par ailleurs, son père devait
être au courant de l’opposition de sa fille à son mariage. Le tribunal
a conclu que ces éléments démontraient qu’il s’agissait d’un mariage
forcé. Le père, qui avait également commis des voies de fait sur
le petit ami de sa fille, a été condamné à quatre ans de prison
ferme
.
6. Âge
minimum pour le mariage
30. En vertu de la Convention sur
le consentement au mariage (article 2), les États parties doivent
prendre les mesures législatives nécessaires pour spécifier un âge
minimum pour le mariage. Cette convention admet toutefois des dérogations
à l’âge légal minimum. Elle précise à cet égard que seule une autorité
compétente peut décider d’accorder une dispense de cette limite,
pour des motifs graves et dans l’intérêt des futurs époux. La seule
autorisation des parents est ainsi insuffisante. Le Comité des Nations
unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes
et le Comité des droits de l’enfant mettent en avant pour leur part
que «pour respecter les capacités évolutives de l’enfant et son
autonomie dans la prise de décisions affectant sa vie, à titre exceptionnel,
le mariage d’un enfant mature de moins de 18 ans et doté de toutes
ses capacités peut être autorisé, à condition que l’enfant ait au
moins 16 ans et que la décision soit prise par un juge pour des
motifs légitimes exceptionnels définis par la loi et sur la base
de preuves de la maturité de l’intéressé et non par soumission aux
cultures et traditions»
.
31. L’Assemblée a pris position au sujet de l’âge minimum pour
le mariage dès 2005, en condamnant fermement tous les mariages d’enfants,
définis comme étant l’union de deux personnes dont l’une au moins n’a
pas 18 ans
. Je tiens à rappeler ici les raisons
ayant conduit à l’adoption de cette position, fondée sur les conséquences
extrêmement graves qui pèsent sur les enfants mariés trop tôt. En
effet, pour les garçons comme pour les filles, un mariage précoce
a de profondes conséquences psychologiques, physiques, intellectuelles,
émotionnelles et pratiques. Il coupe l’accès à l’éducation et à
l’épanouissement personnel. Chez les filles, le mariage précoce
va souvent de pair avec de multiples grossesses – causes de taux
élevés de mortalité maternelle – et des accouchements prématurés.
Les filles mariées trop tôt se retrouvent souvent dans une situation
d’asservissement domestique et sexuel les exposant, du fait de rapports
non protégés, aux maladies transmises sexuellement. Le mariage précoce
constitue un obstacle majeur à la réalisation des droits de l’enfant
et de l’égalité entre les femmes et les hommes et viole les droits
à la liberté personnelle et à la croissance. Il entrave la future
autonomie des femmes et réduit leur accès à l’emploi. Le mariage
précoce change immédiatement et profondément le cours d’une vie.
Pour toutes ces raisons, aucun enfant ne devrait pouvoir se marier
avant d’avoir atteint la pleine maturité et d’être en capacité d’agir
.
À cet égard, la grossesse ne doit en aucun cas être considéré comme
un motif légitime et suffisant pour autoriser un mariage précoce: d’une
part, être enceinte ne change pas le fait qu’une mineure est moins
en mesure qu’une adulte de résister à un mariage non voulu, et d’autre
part, les jeunes filles qui se marient pendant leur grossesse sont
plus susceptibles que les jeunes mères non mariées d’avoir rapidement
un deuxième enfant – réduisant d’autant plus leurs perspectives
scolaires et économiques. Permettre même exceptionnellement le mariage
de mineures enceintes peut en outre, paradoxalement, inciter certaines
familles souhaitant marier leur fille à faire pression sur elle
pour tomber enceinte, afin d’augmenter les chances que leur demande
de dérogation soit acceptée
.
32. Malheureusement, la situation au sein des États membres du
Conseil de l’Europe est encore loin de correspondre aux recommandations
formulées par l’Assemblée en 2005. Certains États (par exemple Andorre, Malte
et le Royaume-Uni) fixent l’âge minimum pour le mariage à 16 ans;
les juridictions andorranes peuvent même autoriser le mariage dès
l’âge de 14 ans
. Si de nombreux
autres États fixent l’âge minimum à 18 ans, beaucoup d’entre eux
autorisent des exceptions à cette règle
. En Turquie par exemple,
l’âge minimum pour le mariage est 18 ans, mais le mariage d’enfants
âgés de 16 ans peut être autorisé par un juge dans des cas exceptionnels.
De plus, la récente adoption d’une loi autorisant les muftis à célébrer
des mariages civils est perçue comme susceptible de créer des conditions
plus favorables aux unions précoces. Or, 15 % des femmes en Turquie
sont déjà mariées à l’âge de 18 ans
.
33. Lorsqu’il existe une différence entre filles et garçons en
matière d’âge minimum pour le mariage (les filles étant autorisées
à se marier plus tôt que les garçons), cela expose les filles à
un risque plus élevé d’être mariées de force. En France, lorsque
cette différence d’âge a été supprimée en 2005, la nécessité de
renforcer la lutte contre les mariages forcés a été citée comme
l’un des motifs du changement. Je me félicite qu’au cours des dernières
années, plusieurs autres États aient supprimé une telle différence,
en relevant l’âge minimum à 18 ans pour les filles
.
34. Les mariages dans lesquels l’une au moins des parties n’a
pas atteint l’âge minimum ne peuvent pas être contractés devant
un officier de l’état civil ni enregistrés à l’état civil puisqu’il
s’agit d’unions illégales. Dans la pratique toutefois, cela n’empêche
pas les familles de procéder à des cérémonies religieuses ou traditionnelles,
voire de considérer tout simplement les intéressés comme des époux.
Aucune tentative ne sera faite d’enregistrer ces mariages, puisqu’ils
sont punis par la loi
. Pour
les victimes, il est toutefois crucial que leur situation soit reconnue
en tant que mariage forcé et qu’elles aient accès aux mêmes mesures
de soutien et d’accompagnement que les personnes dont le mariage
a été enregistré.
35. Dans ce contexte, la situation des Roms et des Gens du voyage
mérite une attention toute particulière car les unions entre garçons
et filles âgés d’entre 15 et 17 ans (voire dès 12, 13 ou 14 ans)
peuvent être fréquentes au sein de certaines communautés plus traditionnelles
et ne sont pas forcément considérées par celles-ci comme précoces.
Les mariages précoces peuvent en effet concerner 25 % à 50 % des
jeunes dans certaines communautés. Différents facteurs peuvent entrer
en jeu: la virginité de la jeune fille au moment du mariage est
souvent hautement prisée; le mariage, officialisé ou non, est considéré
comme offrant une certaine sécurité aux époux; un mariage entre
familles roms est perçu comme favorisant la préservation des traditions; peu
d’importance est accordée à l’enregistrement administratif de l’union.
Or, l’impact du mariage précoce sur les droits des mineurs est tout
aussi dévastateur pour les Roms et les Gens du voyage que pour d’autres enfants:
abandon de la scolarité, grossesses précoces, passage trop rapide
à des responsabilités d’adulte, diminution des perspectives économiques,
risque d’exploitation voire de traite… Par ailleurs, le non enregistrement
de l’union a souvent des conséquences néfastes par la suite pour
les personnes concernées et leurs enfants au regard de leur statut
administratif. Aborder ces sujets peut s’avérer extrêmement difficile lorsque
les relations entre ces communautés et les autorités sont tendues
ou fondées sur une méfiance réciproque. Il n’en demeure pas moins
crucial d’agir pour prévenir ces mariages précoces, en concertation
et en coopération étroite avec les communautés concernées
.
7. Prévention
des mariages forcés et protection des victimes
«Parfois
c’était dans le salon qu’il me violait, d’autres fois c’était dans
la chambre… C’était comme si j’étais son soulier, qu’il chaussait
quand ça l’arrangeait (…) Il m’a fait croire que ma famille l’aimait
plus que moi (…) qu’il pouvait faire tout ce qu’il voulait de moi
(…) Il m’a assaillie de tant de coups de pied à la tête que je saignais
des lèvres et des oreilles… Ils ont fini par me convaincre que je
jetterais la honte sur la famille si je le divorçais ou le quittais
(…) toute la famille se réunissait (…) Je n’avais d’autre choix que
de retourner avec lui.»
Banaz Mahmod, mariée de force à 17 ans: déclaration à la police
après avoir finalement quitté son mari, trois mois avant d’être
assassinée par sa famille pour être tombée amoureuse d’un autre
homme
36. Résister à un mariage forcé
implique de s’affranchir des attentes et des pressions familiales,
qui peuvent être extrêmement fortes et peser sur la victime depuis
de nombreuses années. Par conséquent, accompagner les victimes implique
notamment de les écouter, de renforcer leur parole et de les soutenir
dans leurs stratégies de résistance et d’autonomie. Il s’agit en
outre de prévenir des violences ou leur aggravation et de trouver
un hébergement adapté en cas de rupture familiale – ceci nécessitant
parfois un éloignement s’il existe un danger de représailles violentes
(crime dit «d’honneur»).
L’importance de l’hébergement
37. La mise en place de refuges
appropriés, facilement accessibles et en nombre suffisant constitue
l’une des obligations découlant de la Convention d’Istanbul. L’hébergement
est en effet un levier crucial d’autonomie affective et d’émancipation
des jeunes femmes confrontées au mariage forcé. Or, le nombre de
structures accueillant les jeunes femmes sans enfant, en proie à
des violences sexistes telles que le mariage forcé ou le crime dit
«d’honneur» est souvent insuffisant. Par conséquent, les jeunes
femmes qui résistent au mariage risquent de se trouver sans domicile,
voire parfois soumises à une prostitution de survie. Certaines finissent par
céder au mariage forcé, sans pour autant y consentir.
38. Le centre d’hébergement «Au Cœur des Grottes» à Genève, dont
nous avons rencontré l’ancienne directrice lors de l’audition tenue
le 11 octobre 2017 à Strasbourg par le Réseau parlementaire pour
le droit des femmes de vivre sans violence, fournit un exemple de
bonne pratique à suivre. Ce centre insiste sur le fait de rendre
autonomes les victimes et de les sortir efficacement et durablement
de la dépendance et de la violence. Cette autonomisation passe non
seulement par l’hébergement mais souvent aussi par une formation qualifiante.
La structure dispose d’une équipe accompagnante pluridisciplinaire
et propose un accompagnement psychosocial et un hébergement pour
une durée indéterminée. Un étroit partenariat existe avec de nombreuses
structures travaillant dans le domaine des violences, y compris
la police et les hôpitaux, qui sont souvent des lieux d’entrée dans
le centre. Les partenariats avec les centres de formation permettent de
proposer aux victimes des formations courtes qualifiantes ou universitaires.
La médiation n’est pas une réponse
adéquate
39. Lorsqu’ils ne sont pas suffisamment
formés aux enjeux des mariages forcés, les professionnels ont tendance
à conseiller une médiation, espérant réconcilier les familles. Or,
la médiation est à proscrire parce que cela réexpose la femme à
la domination de ses parents, voire aux violences familiales. La
Convention d’Istanbul (article 48) est par ailleurs claire à cet
égard.
Prévenir les mariages forcés
dans le pays de résidence
40. Au Royaume-Uni, des dispositifs
importants ont été mis en place dans le but d’empêcher la concrétisation
de mariages forcés et constituent une bonne pratique à suivre. La
loi de 2007 sur les mariages forcés (protection civile) a instauré
des ordonnances de protection contre le mariage forcé (FMPOs) qui peuvent
servir à protéger les personnes contraintes au mariage, qu’il soit
religieux ou non. Le non-respect d’une FMPO constitue un outrage
au tribunal qui est puni de deux ans d’emprisonnement. Pour éviter
qu’un autre membre de la famille concernée soit marié de force à
la place de la personne protégée par une FMPO, des ordonnances similaires
peuvent être délivrées en même temps à l’égard d’autres personnes
considérées, au vu des faits de l’espèce, comme étant à risque.
La plus jeune bénéficiaire d’une FMPO était âgée de 5 ans; la plus
âgée, de 55 ans
.
De plus, le mariage forcé est devenu depuis 2014 une infraction
pénale (
Anti-Social Behaviour, Crime
and Policing Act 2014).
41. Des mesures similaires sont en place en France: une ordonnance
de protection peut être délivrée par le juge des enfants sur saisine
du parquet, comprenant une ordonnance de placement de l’enfant.
Pour les personnes majeures, il s’agit d’obtenir une ordonnance
de protection délivrée par le juge aux affaires familiales en vertu
de l’article 515-13 du Code civil. Encore faut-il que les victimes
sachent que ces mécanismes existent ou qu’elles puissent obtenir
une assistance leur permettant d’y avoir accès.
Prévenir les départs à l’étranger
42. La dimension potentiellement
internationale des mariages forcés doit être prise en compte dans
toute stratégie visant à lutter contre ce phénomène. Ces mariages
sont souvent contractés dans le pays d’origine de la personne concernée
ou de ses parents, plutôt que dans le pays de résidence de la personne
concernée. À titre d’exemple, en France, 92% des mariages forcés
sont célébrés à l’étranger
.
La possibilité prévue par la loi d’associer les ordonnances de placement
ou de protection à une interdiction de sortie du territoire constitue
ainsi un élément essentiel de la lutte contre les mariages forcés.
43. De même, au Royaume-Uni, les FMPOs peuvent servir à éviter
que les personnes à risque d’un mariage forcé soient emmenées à
l’étranger. De plus, les manœuvres visant, par la tromperie, à inciter
une personne à quitter le pays pour la forcer à se marier ont été
criminalisées en 2014.
44. Pour parvenir à empêcher les départs, il est bien sûr indispensable
de former les professionnels concernés (personnel éducatif, prévention
spécialisée, insertion, magistrats, forces de l’ordre) et les associations
en contact avec les jeunes en difficultés, voire déscolarisées,
afin de favoriser le repérage des violences précédant le mariage
forcé et d’éviter le recours à la médiation.
45. Des guides très utiles ont été élaborés dans ce domaine, comme
par exemple les «EU FEM Roadmap» (actuellement disponibles en cinq
langues) destinés à aider les professionnels concernés dans certains
pays de l’Union européenne à mieux aiguiller les victimes, ainsi
qu’en France, les guides MIPROF et ADRIC/VdF
.
Si le départ n’a pas pu être
évité
46. Lorsque le départ n’a pas pu
être évité, les consulats jouent un rôle majeur en matière de détection
des mariages forcés conclus à l’étranger et de rapatriement des
victimes. Toutefois, leurs moyens d’action ne sont pas illimités.
C’est pourquoi la prévention du départ revêt une telle importance.
Le nombre de filles et de femmes réellement concernées par des mariages
forcés à l’étranger est sans doute nettement supérieur au nombre
ayant pu solliciter de l’aide auprès d’un consulat. Celles qui n’arrivent
pas à joindre un consulat sont très isolées. Parfois, les parents
éloignent délibérément leurs filles des consulats pour les empêcher
de trouver de l’aide. Les consulats restent également démunis lorsque
l’âge de la majorité est plus élevé dans le pays d’origine de la
victime: une personne binationale ayant atteint l’âge de la majorité
dans son pays de résidence habituel (âgée par exemple de 18 ans
et vivant en France) restera sous l’autorité parentale et sera soumise
à l’interdiction familiale de revenir dans ce pays si ses parents
l’emmènent dans son pays d’origine où l’âge de la majorité est plus
élevé (fixé par exemple à 19 ans comme en Algérie ou à 21 ans comme
au Mali).
47. En ce qui concerne les mesures adoptées au Royaume-Uni, les
ordonnances de protection jouent un rôle crucial lorsque la victime
se trouve dans un pays où l’Unité sur les mariages forcés ne peut
pas l’aider, lorsqu’elle n’est pas ressortissante britannique, lorsque
la liberté de circulation est restreinte ou bien encore lorsqu’il
s’agit d’un pays où l’Unité sur les mariages forcés n’a pas de contacts.
L’Unité sur les mariages forcés travaille par ailleurs en étroite
collaboration avec les Hauts Commissariats et les Ambassades du
Royaume-Uni pour garantir le retour en toute sécurité au Royaume-Uni
des personnes ayant fui une situation de mariage forcé: son action
peut consister à délivrer d’urgence des documents de voyage, à organiser
des vols et un transport sûr vers l’aéroport, à fournir un hébergement
d’urgence ou simplement à apporter des conseils et un soutien
.
Empêchement au retour
48. L’article 37 de la Convention
d’Istanbul enjoint aux États d’incriminer l’usage de manœuvres dolosives, afin
d’amener une personne à quitter le territoire de son pays de résidence
dans le but de la contraindre à un mariage forcé à l'étranger. Certaines
ONG estiment toutefois qu’il faudrait aller plus loin encore, en
incriminant également l’empêchement au retour dans le pays de résidence
habituelle. En effet, l’empêchement au retour maintient les jeunes
femmes dans une situation de grande vulnérabilité (viols, grossesses
forcées, mariage forcé). De tels cas – s’ils sont signalés à la
justice – nécessitent une excellente coopération judiciaire.
Victimes arrivant pour la première
fois en Europe en ayant été mariées de force à l’étranger
49. D’après une étude récente sur
le mariage des enfants réalisée par l’Agence suédoise de l’immigration auprès
de réfugiés et de demandeurs d'asile, 132 enfants mariés vivaient
dans des centres d’accueil en Suède en 2016. En mars 2017, le gouvernement
suédois a lancé une enquête visant à déterminer comment renforcer la
protection en Suède contre les mariages forcés et les crimes dits
«d’honneur». L’un de ses objectifs était d’analyser et de formuler
des recommandations sur les moyens permettant de limiter davantage
la reconnaissance des mariages précoces contractés à l’étranger.
L’âge minimum pour le mariage en Suède est 18 ans; toutefois, les
mariages précoces contractés à l’étranger sont reconnus si aucune
des parties n’a de lien avec la Suède
.
50. Fin 2017, l’enquêtrice a présenté ses conclusions à cet égard,
préconisant de ne pas reconnaître les mariages dans lesquels l’une
des parties est âgée de moins de 18 ans au moment de son arrivée
en Suède mais de maintenir en vigueur l’exception selon laquelle
les mariages contractés légalement par des mineurs ressortissants
de l’Union européenne dans des pays où l’âge minimum pour le mariage
est de 16 ans sont reconnus en Suède. Bien que visant à renforcer
la protection des enfants, ces propositions ont été critiquées comme
insuffisantes par certaines ONG. Or, selon l’enquêtrice, il serait
impossible d’adopter des dispositions plus restrictives (par exemple,
de ne pas reconnaître les mariages précoces dans lesquels les deux
parties ont atteint l’âge de 18 ans ou plus au moment de l’arrivée
en Suède) sans enfreindre le droit européen, puisque plusieurs pays
de l’Union européenne autorisent le mariage dès l’âge de 16 ans
.
Cet exemple souligne une fois de plus pourquoi il est si important
que tous les pays européens relèvent l’âge minimum du mariage à
18 ans pour les filles comme pour les garçons.
L’annulation ou la dissolution
d’un mariage forcé
51. Lorsqu’une personne est victime
d’un mariage forcé, elle doit pouvoir demander l’annulation ou la dissolution
de son mariage sans que cette procédure fasse peser sur elle une
charge financière ou administrative excessive. En ce qui concerne
les dispositions de la Convention d’Istanbul, une grande souplesse
est cependant laissée aux États quant à la mise en œuvre de ce principe
.
52. Imposer des conditions trop strictes aux demandes d’annulation
d’un mariage précoce risque de compromettre gravement les droits
des victimes. À Saint-Marin, l’action juridique pour nullité s’éteint
dans un délai de six mois après que le mineur ayant contracté mariage
est devenu majeur, ce qui ne laisse guère le temps à une jeune femme
mariée sous la pression de son entourage de comprendre et de faire
valoir ses droits. En Lettonie, un mariage contracté par des époux
n’ayant pas atteint l’âge prescrit par la loi n’est pas valide –
mais l’annulation du mariage n’est pas prononcée s’il a entraîné
une grossesse ou si les époux ont atteint l’âge prescrit au moment
du jugement. Dans ce domaine, mon pays fournit un exemple plus positif:
à Monaco, la victime dispose d’un délai de cinq ans à compter du
mariage ou depuis qu’elle a recouvré sa pleine liberté pour introduire
une action en nullité
.
53. L’annulation ou la dissolution du mariage ne doivent pas avoir
pour effet de laisser la fille ou la femme concernée dans une situation
vulnérable. En effet, si ce sont les parents d’une jeune fille qui
l’ont contrainte à se marier, la «rendre» à leur autorité parentale
à la suite de l’annulation de son mariage ne constituera pas une
protection efficace pour elle. Si elle a été contrainte à quitter
prématurément l’école, elle n’aura probablement pas non plus les
moyens de subvenir indépendamment à ses besoins. Par ailleurs, lorsqu’un crime
dit «d’honneur» est à craindre, il sera indispensable de mettre
la victime à l’abri du danger, en lui fournissant un hébergement
sûr et suffisamment éloigné de la source du danger.
Statut de résident
54. Le mariage forcé peut impliquer
un non-ressortissant, dont le statut de résident risque d’être mis
en cause si le mariage est annulé ou dissous. Le principe posé par
la Convention d’Istanbul est toutefois clair (article 59): les Parties
doivent prendre des mesures pour éviter que, dans le cadre d’un
mariage forcé, le fait de quitter son pays de résidence aux fins
de ce mariage, ainsi que le fait de dissoudre un mariage, n’affectent le
statut de résident de la victime.
Asile
55. Aujourd’hui, l’asile constitue
également un aspect pertinent pour l’Europe en ce qui concerne les mariages
forcés. Afin de protéger et de soutenir de manière adéquate les
personnes vulnérables face aux mariages forcés, toute stratégie
de protection globale devrait, conformément à la Convention d’Istanbul
(article 18), inclure le droit à la protection internationale. Trois
points principaux sont à prendre en compte dans ce contexte. Premièrement,
la reconnaissance et l’interprétation juridiques de la violence
sexiste, y compris des mariages forcés, aux fins de la détermination
du statut de réfugié; deuxièmement, la mise en œuvre effective de
la protection découlant de ce statut; enfin, la mise en place, à
l’attention des personnes touchées, de conditions d’accueil en tenant
compte des spécificités liées au genre
.
8. Poursuite
des auteurs
56. Comme nous l’avons relevé ci-dessus,
la Convention d’Istanbul exige que soit érigé en infraction pénale le
fait de forcer intentionnellement un adulte ou un enfant à contracter
un mariage.
57. Certains États ont créé une infraction pénale spécifique,
permettant de poursuivre les auteurs de mariages forcés indépendamment
de la commission de toute autre infraction. Parmi ceux-ci, l’on
peut citer l’Allemagne, l’Autriche, l’Azerbaïdjan, la Belgique,
la Croatie, Chypre, le Danemark, Monaco, le Royaume-Uni et la Suisse
.
Par ailleurs, en Bulgarie, le mariage des moins de 16 ans constitue
une infraction pénale
.
La pénalisation spécifique constitue un outil puissant de dissuasion
et de lutte contre les mariages forcés, et reflète clairement le
fait que cette pratique est en soi répréhensible. Pour être efficaces,
il est toutefois essentiel que ces dispositions soient appliquées.
58. Au Royaume-Uni, des poursuites peuvent être engagées contre
les responsables d’un mariage forcé par le biais de la justice pénale
et civile. Dans les cas où une personne n’a pas la capacité de consentir
ou a moins de 16 ans, toute conduite visant à amener cette personne
à se marier, qu’elle se caractérise ou non par la violence, des
menaces ou toute autre forme de coercition, constitue également
une infraction. Depuis la pénalisation du mariage forcé en 2014,
deux affaires ont abouti à des condamnations pénales
. Le service du procureur général
mène une politique de médiatisation très active de ces affaires
ainsi que des poursuites d’auteurs de crimes dits «d’honneur», afin
de renforcer l’effet dissuasif de la loi.
59. Dans d’autres États, aucune infraction pénale spécifique n’est
prévue et le mariage forcé ne peut être sanctionné en droit pénal
que si une autre infraction est commise (viol, tentative de viol,
violences physiques, psychologiques ou sexuelles, mauvais traitements,
atteinte à la liberté…)
. Or, ces infractions ne
sont pas toujours faciles à prouver et partant, n’ont pas le même
effet dissuasif; de plus, certains États ne reconnaissent toujours
pas le viol conjugal.
60. Il est à souligner par ailleurs que d’après la Convention
d’Istanbul (article 32), le terme «forcer» implique un recours à
la domination physique et psychologique en employant des moyens
de contrainte ou de coercition. Si des menaces physiques et des
pressions émotionnelles peuvent remplir ces critères, ceux-ci semblent
toutefois clairement exclure du champ pénal des facteurs plus généraux
qui peuvent avoir un poids particulier dans certaines communautés,
tels que des notions culturelles et/ou genrées de respect ou de
honte, ou la crainte de l’ostracisme. Des chercheurs ont en effet
estimé que les tribunaux pourraient difficilement considérer ces
seuls facteurs comme constitutifs de coercition ou de contrainte
au sens du droit pénal
.
61. Or, il n’y a nul doute que de nombreuses jeunes filles et
femmes se marient sous la contrainte précisément de facteurs culturels
ou des traditions, et sans véritable possibilité de refuser le mariage
– c’est-à-dire sans leur consentement. Parfois, elles contractent
un mariage de peur d’être victime, dans le cas contraire, d’un crime
dit «d’honneur». Elles peuvent avoir des raisons objectives de craindre
pour leur sécurité, voire leur vie, sans que personne n’ait proféré
de menace spécifique à leur encontre ni exercé une pression particulière
sur elles, car elles savent ce qui s’est passé lorsqu’une sœur ou
une cousine a tenté de résister à un mariage forcé. Par ailleurs,
lorsque des menaces spécifiques sont proférées ou que des pressions
sont exercées, cela est généralement fait par les parents et les
autres membres de la famille la plus proche de la victime. Celle-ci
est souvent très réticente à l’idée d’envoyer ses proches en prison
ou a des raisons objectives de craindre des représailles violentes
et par conséquent, le nombre de plaintes pénales déposées est bien inférieur
au nombre de demandes d’assistance reçues.
62. En d’autres termes, les mesures de droit pénal, tout en étant
essentielles à la lutte contre les mariages forcés, ne fournissent
pas toutes les réponses juridiques nécessaires pour lutter efficacement
contre cette pratique préjudiciable. Même lorsque la législation
pénale est complète, des dispositions de droit civil telles que les
ordonnances de protection décrites plus haut sont également indispensables.
63. Enfin, dans les cas où la victime souhaite porter plainte
mais qu’elle et/ou un témoin craignent des représailles violentes,
et tout particulièrement lorsqu’il y a un risque de crime dit «d’honneur»,
il est indispensable que les personnes à risque bénéficient d’une
protection adéquate, et cela pour toute la durée nécessaire pour
garantir leur sécurité. Sans cette garantie, ces personnes ne seront
pas en mesure de faire confiance à la police ni aux autres autorités
concernées et ne pourront pas apporter leur témoignage dans le cadre
d’éventuelles poursuites, ce qui compromettra les chances d’obtenir
une condamnation.
9. Politiques
intégrées et collecte de données
«J’avais
14 ans et ma sœur avait un petit ami. Elle a fini par s’enfuir avec
lui un an plus tard. Mes parents ont cru que je m’enfuirais aussi
parce que j’avais moi aussi un copain, et ils m’ont emmenée au Bangladesh
et m’ont mariée à un homme qui avait deux fois mon âge (…) Dans
ma famille il y avait beaucoup de violences domestiques à cette
époque, les services sociaux et les médecins étaient au courant.
Je m’absentais souvent de l’école mais personne ne se demandait
pourquoi (…) J’ai le sentiment que cette accumulation de voyants
rouges n’a pas été décelée; alors quand j’ai disparu pendant un
an, personne ne s’est dit: “Il y a déjà eu tout ça, pourquoi on
n’a rien vu?” (…) si le système scolaire, les médecins, les services
sociaux avaient communiqué entre eux, on aurait pu l’empêcher.»
Rubie, née au Royaume-Uni,
emmenée au Bangladesh et mariée de force à 16 ans
64. Le manque de données ventilées
par sexe et par âge, précises et comparables concernant les mariages forcés
entrave la mise en place de politiques efficaces de lutte contre
cette pratique préjudiciable, car il n'est pas possible de cibler
correctement de telles politiques lorsque l'on ignore la fréquence
et les manifestations de cette forme de violence. Compte tenu de
la dimension internationale des mariages forcés, j’estime important que
les États aient une approche coordonnée dans ce domaine, afin de
produire des données comparables au niveau national et international.
Des recherches approfondies et des enquêtes basées sur la population
sont également indispensables, car l’on sait que des données basées
uniquement sur les plaintes ou les demandes d’assistance des victimes
ne seront que très partielles. La collecte de données administratives
portant sur l’interaction des victimes avec les différents acteurs
pertinents (services d’éducation et de santé, services juridiques
et répressifs, services d’immigration etc) constitue par ailleurs
un moyen important permettant de mieux comprendre la situation sur
le terrain et d’améliorer les mesures d’accompagnement existantes.
Enfin, les recherches et la collecte de données doivent permettre
d’évaluer l’impact des mesures déjà prises et s’effectuer régulièrement
et dans la durée afin de comprendre les tendances et de pouvoir
y réagir en adaptant les politiques menées
.
65. Pour être efficaces, les politiques de lutte contre les mariages
forcés doivent non seulement permettre de porter assistance aux
victimes et de traiter leurs dossiers mais aussi viser à prévenir
de nouveaux cas, afin qu’il puisse être mis fin à cette pratique
néfaste. Au Royaume-Uni, l’Unité sur les mariages forcés constitue
le fer de lance des autorités dans ce domaine et travaille de manière
holistique. Elle aide les victimes grâce à une ligne d’assistance
téléphonique et à un service de courriels en leur offrant des conseils
et un soutien. L’Unité coopère avec la police, les travailleurs
sociaux, les enseignants, les agents de protection, les praticiens
de la santé et d’autres professionnels au Royaume-Uni afin de protéger
les personnes à risque; elle aide, en outre, à trouver des hébergements
pour les victimes dans des lieux sûrs au Royaume-Uni, avec le concours
d’ONG et d’associations caritatives. En outre, l’Unité sur les mariages
forcés mène, chaque année, une centaine d’actions de sensibilisation
auprès d’établissements scolaires et d’universités et assure la
formation de policiers, de travailleurs sociaux, d’enseignants et
d’autres professionnels.
66. Les ONG sont également très actives et engagées dans la lutte
contre les mariages forcés et les crimes dits «d’honneur», œuvrant
aux côtés des victimes mais aussi travaillant main dans la main
avec les autorités pour sensibiliser et former les professionnels
qui peuvent être amenés à entrer en contact avec des victimes. Leur
rôle est également très important dans la mesure où ces organisations
sont souvent issues des communautés les plus touchées par les mariages
forcés et comprennent les enjeux culturels spécifiques à chaque
communauté. Elles savent en outre comment aborder le sujet des mariages
forcés au sein de leur communauté sans froisser les sensibilités
culturelles du public visé. Par exemple, au sein de certaines communautés
plus traditionnelles de Roms ou de Gens du voyage, parmi lesquelles
les mariages contractés dès l’âge de 13 ou 14 ans ne sont pas toujours
considérés comme précoces, des arguments liés à la santé et au bien-être
peuvent permettre d’aborder la question des mariages forcés en s’affranchissant
du bagage culturel qui peut autrement rendre difficile le dialogue
à ce sujet. Le soutien par les États membres à ces ONG, qui sont
souvent plus crédibles et plus audibles que d’autres acteurs aux
yeux des communautés touchées par les mariages forcés, est indispensable.
67. Souvent, les victimes n’osent pas alerter directement la police,
de crainte de causer des problèmes à leur famille. Quel que soit
l’interlocuteur à qui elles s’adressent (police, professeur ou autre
interlocuteur à l’école, association, services sociaux, médecin,
(…), il est crucial que celui-ci écoute la victime, la croit et privilégie
sa sécurité car les conséquences de la non prise en compte de sa
parole peuvent être très graves, voire parfois fatales. Tous ces
interlocuteurs doivent par ailleurs être sensibilisés aux signes
avant-coureurs d’un mariage forcé. Comme le montrent les témoignages
cités dans mon rapport, s’enquérir des raisons d’absences répétées
d’une jeune fille de l’école est, par exemple, fondamental dans
ce domaine.
68. Pour prévenir les mariages forcés et assurer une protection
efficace des victimes, il est crucial de sensibiliser le grand public
ainsi que tous les professionnels potentiellement concernés (notamment
dans les domaines de l’éducation, de la santé, des services sociaux,
des services judiciaires et répressifs) aux conséquences des mariages
forcés, aux signaux permettant de repérer une personne à risque,
et aux moyens d’action lorsque l’on entre en contact avec une personne
à risque ou déjà victime d’un mariage forcé. En ce qui concerne
les professionnels, des formations approfondies en la matière sont
indispensables.
69. À cet égard, je souhaite mettre l’accent une dernière fois
ici sur les liens entre mariages forcés et prétendu «honneur». Dans
les systèmes sociaux où la notion d’«honneur» est censée dicter
la conduite à tenir, cette notion concerne l’ensemble d’une famille,
dont la conception peut être large. Or, les hommes et les femmes
jouent différents rôles à cet égard: les hommes sont chargés de
veiller au respect des codes en question, mais c’est à travers le
comportement des femmes que l’«honneur» de la famille sera mesuré.
Cette situation fait peser un fardeau immense sur les épaules des
filles et des femmes, dont le comportement peut être scruté de près
par l’ensemble de leur communauté, et expose ces filles et femmes
aux violences intrafamiliales dès lors qu’elles sont soupçonnées
de porter atteinte à la réputation de leur famille. Cela est notamment
le cas lorsqu’elles refusent un mariage forcé ou lorsqu’elles essaient
d’y mettre fin. Les politiques de lutte contre les mariages forcés
doivent tenir compte de cette réalité, ce sans quoi elles risquent
non seulement de perdre leur efficacité mais aussi et surtout de
trahir les victimes.
10. Conclusions
«Lorsque
j’ai commencé à parler de tout ceci, les gens m’ont dit, “Nazir,
pourquoi abordes-tu ce sujet alors qu’il donnera aux racistes un
bâton pour faire battre ta communauté?” – Ma réponse est simple. Un
quart des crimes violents sont commis au sein du domicile. Une jeune
femme dans notre pays a plus à craindre de ce qui se passe chez
elle que de ce qui se passe en dehors. [Les notables de nos communautés]
devraient concentrer leurs efforts là-dessus. Parce qu’il s’agit
d’une question de droits humains.»
Nazir Afzal OBE, ancien procureur
général chargé notamment des mariages forcés, Royaume-Uni
70. Le mariage forcé n’est pas
une simple contrainte matrimoniale mais constitue un ensemble de
violences faites (principalement) aux femmes et aux filles, mais
aussi parfois aux hommes et aux garçons. Tous les États membres
du Conseil de l’Europe sont concernés par les mariages forcés, dont
il existe de multiples cas de figure. Il peut s’agir de mariages
forcés contractés en Europe, de ressortissants ou résidents européens
dont le mariage forcé est contracté ailleurs, ou bien de personnes
mariées de force avant leur arrivée en Europe. Les mariages forcés
entraînent de graves violations des droits fondamentaux des victimes,
et notamment des atteintes aux droits à l’intégrité physique, à
la santé physique et psychique, à la santé sexuelle et génésique, à
l’éducation, à la vie privée, à la liberté et à l’autonomie des
femmes. De telles violations ne peuvent en aucun cas être justifiées
par le respect des coutumes, des traditions ou des croyances culturelles,
ni par le prétendu «honneur».
71. Les États doivent adopter des politiques intégrées et prendre
toutes les mesures voulues afin de prévenir les mariages forcés,
de protéger les victimes et de poursuivre les auteurs de ces pratiques préjudiciables.
L’absence d’action des autorités face aux mariages forcés n’est
pas acceptable, d’autant plus que chaque cas entraîne tout une série
d’autres violations des droits humains. Or, dans de nombreux pays, les
mariages forcés ne sont pas érigés en infraction pénale; le phénomène
persiste également là où les lois sur l’âge nubile minimum ne sont
pas appliquées et où les autorités ne font pas preuve de la volonté
nécessaire pour s’attaquer à ces pratiques. Si les questions d’identité
culturelle doivent être prises en compte dans la manière d’aborder
le sujet des mariages forcés, elles ne doivent pas prendre le pas
sur la protection des droits humains. Les gouvernements doivent
agir; autrement, ils continueront à se rendre complices d’actes
qui portent atteinte à des générations de femmes et de filles, d’hommes
et garçons.