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Résolution 2226 (2018)
Nouvelles restrictions des activités des ONG dans les États membres du Conseil de l'Europe
1. L’Assemblée parlementaire rappelle
sa Résolution 2096 (2016) et
sa Recommandation 2086
(2016) «Comment prévenir la restriction inappropriée
des activités des ONG en Europe?», ses précédentes Résolutions 1660 (2009), 1891 (2012) et 2095 (2016) et sa Recommandation 2085 (2016) concernant
les défenseurs des droits de l'homme dans les États membres du Conseil
de l’Europe, ainsi que sa Résolution 2060
(2015), sa Recommandation
2073 (2015), sa Résolution
1729 (2010) et sa Recommandation
1916 (2010) sur la protection des «donneurs d’alerte».
2. L’Assemblée souligne une nouvelle fois l’importance des organisations
non gouvernementales (ONG) dans le développement et la réalisation
de la démocratie, de l’État de droit et des droits de l’homme. Ces organisations
s’y emploient en particulier, en promouvant la sensibilisation du
public et la participation à la vie publique, en veillant à la transparence
et à la nécessité pour les autorités publiques de rendre compte
de leur action et en contribuant à la vie culturelle et au bien-être
social des sociétés démocratiques. L’Assemblée rend hommage à l’ensemble
des ONG, dont les actions ont renforcé les droits de l’homme, la
démocratie et l’État de droit dans les États membres du Conseil
de l’Europe.
3. L’Assemblée rappelle que, en adhérant à la Convention européenne
des droits de l’homme (STE no 5), les
États membres du Conseil de l'Europe sont convenus de garantir,
sans discrimination, le respect des libertés de réunion, d’association
et d’expression, qui sont inextricablement liées et sont essentielles
au bon fonctionnement de la société civile. Toute restriction des
droits susmentionnés doit être «prévue par la loi», «nécessaire
dans une société démocratique» et proportionnée au but légitime
poursuivi.
4. L'Assemblée observe avec préoccupation que l’espace dévolu
à la société civile s’est rétréci ces dernières années dans plusieurs
États membres du Conseil de l'Europe, surtout pour les ONG qui œuvrent dans
le domaine des droits de l’homme. Cette situation s’explique essentiellement
par la législation et la réglementation restrictives en matière
d’enregistrement ou de financement, par le harcèlement administratif, par
les campagnes de dénigrement visant certains groupes et par les
menaces et les intimidations contre des dirigeants d’ONG et des
militants.
5. L’Assemblée rappelle sa Résolution
2184 (2017) sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Azerbaïdjan
et sa Résolution 2185
(2017) «Présidence azerbaïdjanaise du Conseil de l'Europe: quelles sont
les suites à donner en matière de respect des droits de l’homme?».
Elle déplore l’absence d’environnement propice aux activités des
ONG et condamne les représailles dont sont victimes les militants de
la société civile en Azerbaïdjan. Elle appelle ce pays à modifier
sa législation relative aux ONG conformément à la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l'homme et aux recommandations
de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise) (Avis nos 636/2011 et 787/2014).
6. Rappelant sa Résolution
2162 (2017) «Évolutions inquiétantes en Hongrie: projet
de loi sur les ONG restreignant la société civile et possible fermeture
de l’Université d’Europe centrale», l’Assemblée exprime sa préoccupation
quant à l’entrée en vigueur de la loi sur la transparence des organisations
recevant de l’aide de l’étranger et exhorte la Hongrie à abroger
les dispositions de ce texte qui ne sont pas conformes aux recommandations
de la Commission de Venise (Avis no 889/2017).
Elle s’alarme également de l’adoption par le Parlement hongrois
du paquet législatif «Stop Soros», qui restreint les libertés des
ONG défendant les droits des migrants et des réfugiés, et de leurs
membres, et appelle la Hongrie à le réviser conformément à l’avis
de la Commission de Venise et du Bureau des institutions démocratiques
et des droits de l'homme de l’Organisation pour la sécurité et la
coopération en Europe (OSCE/BIDDH) adopté le 22 juin 2018.
7. L’Assemblée demeure préoccupée par la mise en œuvre de la
«loi relative aux agents étrangers» et de la «loi relative aux organisations
indésirables», qui a provoqué la fermeture de dizaines d’ONG nationales
qui recevaient des fonds étrangers, ainsi que par l’interruption
des activités des principales organisations donatrices internationales
et étrangères qui soutenaient les travaux d’ONG russes. L’Assemblée
demande une nouvelle fois à la Fédération de Russie de modifier
sa législation relative aux ONG, conformément aux Avis nos 716/2013,
717/2013 et 814/2015 de la Commission de Venise.
8. Rappelant ses Résolutions
2156 (2017) sur le fonctionnement des institutions démocratiques
en Turquie et 2209 (2018) «État d’urgence: questions de proportionnalité
relatives à la dérogation prévue à l’article 15 de la Convention
européenne des droits de l’homme», l’Assemblée est particulièrement
inquiète du grand nombre d’associations et de fondations (près de
1 600) fermées sur la base de mesures adoptées dans le cadre de l’état
d’urgence. Elle exhorte la Turquie à lever l’état d’urgence dès
que possible, à veiller à ce que les ONG fermées disposent d’un
recours effectif contre la décision de fermeture définitive et à
réexaminer la nécessité et la proportionnalité des mesures limitant
les libertés d’association, de réunion et d’expression, conformément à
la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et
aux recommandations de la Commission de Venise (Avis no 865/2016).
9. L’Assemblée appelle la Roumanie et l’Ukraine à rejeter les
projets de loi récemment proposés qui imposent aux ONG de nouvelles
obligations de déclaration financière, sauf s’ils sont modifiés
dans le sens des recommandations de la Commission de Venise et de
l’OSCE/BIDDH (voir respectivement les Avis nos 914/2017
et 912/2018), et à les soumettre à une large consultation publique.
Elle appelle en outre l’Ukraine à supprimer au plus vite l’obligation
de déclaration en ligne faite aux militants anticorruption prévue
dans la loi no 1975-VIII du 23 mars 2017.
10. L’Assemblée appelle tous les États membres:
10.1. à mettre pleinement en œuvre
la Recommandation CM/Rec(2007)14 du
Comité des Ministres sur le statut juridique des organisations non
gouvernementales en Europe;
10.2. à revoir et à abroger ou modifier les lois qui entravent
le travail libre et indépendant des ONG, et à veiller à ce que ces
lois soient conformes aux instruments internationaux relatifs aux
droits de l’homme en ce qui concerne les droits aux libertés d’association,
de réunion et d’expression (y compris les Lignes directrices conjointes
Commission de Venise-OSCE/BIDDH sur la liberté d’association et
la liberté de réunion pacifique), en faisant appel au Conseil de
l’Europe et en particulier à la Commission de Venise et au Conseil
d’experts sur le droit en matière d’ONG de la Conférence des organisations
internationales non gouvernementales;
10.3. à s’abstenir d’adopter de nouvelles lois qui se traduiraient
par des restrictions inutiles et disproportionnées et par une charge
financière imposées aux activités des ONG;
10.4. à faire en sorte que les ONG puissent solliciter, recevoir
et utiliser des financements transparents et d’autres ressources,
d’origine nationale ou étrangère, sans subir de discrimination ni
rencontrer d’obstacles injustifiés;
10.5. à veiller à ce que les ONG participent véritablement aux
processus de consultation portant sur les nouvelles lois qui les
concernent et sur d’autres questions particulièrement importantes
pour la société, comme la protection des droits de l’homme;
10.6. à garantir un environnement propice à la société civile,
notamment en s’abstenant de tout harcèlement (judiciaire, administratif
ou fiscal), de propos publics négatifs, de campagnes de dénigrement
contre les ONG et d’actes d’intimidation contre les militants de
la société civile;
10.7. à signer et/ou à ratifier, si ce n’est déjà fait, la Convention
européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des
organisations internationales non gouvernementales (STE no 124).
11. L’Assemblée, consciente du rétrécissement de l’espace dévolu
à la société civile dans de nombreux États membres du Conseil de
l'Europe, décide de rester saisie de cette question.