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Résolution 2230 (2018)

Persécution des personnes LGBTI en République tchétchène (Fédération de Russie)

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 27 juin 2018 (24e séance) (voir Doc. 14572, rapport de la commission sur l'égalité et la non-discrimination, rapporteur: M. Piet De Bruyn). Texte adopté par l’Assemblée le 27 juin 2018 (24e séance).Voir également la Recommandation 2138 (2018).

1. Le 1er avril 2017, le journal russe Novaïa Gazeta a publié son premier rapport sur une campagne de persécution contre les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes (LGBTI) en République tchétchène, menée depuis la fin du mois de février de cette année-là. Novaïa Gazeta a rapporté des cas d’enlèvements, de détentions arbitraires et de torture d’hommes présumés homosexuels, actes dans lesquels des agents des services répressifs tchétchènes ont été directement impliqués, agissant conformément aux ordres venant de hauts responsables tchétchènes. Cette campagne de persécution s’est déroulée dans le contexte d’actes graves de discrimination et de harcèlement perpétrés à grande échelle et de manière systématique contre les personnes LGBTI en République tchétchène.
2. L’Assemblée condamne de la façon la plus ferme toutes les formes de persécution, de discours de haine, de discrimination et de harcèlement, quel qu’en soit le motif, notamment l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Elle rappelle que le traitement des groupes vulnérables est un indicateur de la solidité des systèmes démocratiques et traduit le niveau de respect que ces derniers accordent aux droits humains. À cet égard, elle se déclare consternée par les déclarations de hauts responsables tchétchènes et russes niant l’existence de personnes LGBTI en République tchétchène.
3. Même si la campagne de persécution de grande ampleur a pris fin, ses effets perdurent. Les personnes LGBTI qui sont restées en République tchétchène demeurent invisibles; elles savent qu’il ne servirait à rien de signaler des mauvais traitements aux autorités tchétchènes; bien au contraire, leur famille et elles-mêmes seraient alors exposées au risque de représailles.
4. À ce jour, plus de 114 personnes LGBTI et membres de leur famille ont fui la République tchétchène vers d’autres régions de la Fédération de Russie, d’autres États membres du Conseil de l’Europe et au-delà. L’Assemblée salue les mesures prises par les pays qui ont accepté leurs demandes d’asile et encourage d’autres pays à suivre leur exemple en accordant à ces personnes une protection internationale au sens de la Convention des Nations Unies de 1951 relative au statut des réfugiés.
5. Dans sa Résolution 2157 (2017) «Les droits de l’homme dans le Caucase du Nord: quelles suites donner à la Résolution 1738 (2010)?», étant donné les rapports alarmants qui font état de l’enlèvement, en République tchétchène, de centaines d’hommes au motif de leur présumée orientation sexuelle, l’Assemblée a déjà prié instamment la Fédération de Russie de «lancer immédiatement une enquête transparente sur ces allégations afin de traduire en justice les responsables et d’assurer la sécurité de la communauté des LGBTI dans le Caucase du Nord, ainsi que celle des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes qui dénoncent de telles violations».
6. Il incombe à la Fédération de Russie, en sa qualité d’État membre du Conseil de l’Europe, de faire respecter les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) sur l’ensemble de son territoire.
7. À la lumière de ces considérations, l’Assemblée exhorte la Fédération de Russie:
7.1. à mener une enquête impartiale et efficace sur la persécution des personnes LGBTI en République tchétchène et à s’assurer que les responsables ne restent pas impunis;
7.2. à autoriser une organisation internationale de défense des droits humains à effectuer une enquête internationale indépendante au cas où une enquête ne serait pas menée au niveau national;
7.3. à garantir la protection juridique et physique des victimes, des membres de leur famille et des témoins de la persécution des personnes LGBTI en République tchétchène;
7.4. à exécuter l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme (la Cour) dans l’affaire Bayev et autres c. Russie et d’autres arrêts pertinents, et à abroger, comme la Cour l’a recommandé, la loi interdisant la prétendue promotion des relations sexuelles non traditionnelles auprès de mineurs, qui a contribué à renforcer un climat général empreint de discrimination et de préjugés à l’égard des personnes LGBTI;
7.5. à assurer la protection des défenseurs des droits humains dans l’ensemble du pays, notamment ceux qui s’emploient à promouvoir et à protéger les droits des personnes LGBTI;
7.6. à autoriser la publication du rapport du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) faisant suite à la visite qu’il a effectuée en République tchétchène en décembre 2017 et à appliquer sans tarder les recommandations qu’il contient;
7.7. à donner pleinement effet aux recommandations formulées par la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) dans le cadre de son 5e cycle de suivi;
7.8. à donner son plein appui au processus d’examen de la mise en œuvre de la Recommandation CM/Rec(2010)5 du Comité des Ministres sur des mesures visant à combattre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.
8. L’Assemblée demande également à tous les États membres du Conseil de l’Europe:
8.1. d’accueillir les personnes fuyant la République tchétchène après avoir été victimes de persécutions motivées par leur orientation sexuelle ou identité de genre réelle ou supposée, les membres de leur famille, ainsi que les témoins de ces persécutions, en leur accordant une protection internationale au sens de la Convention des Nations Unies de 1951 relative au statut des réfugiés;
8.2. de faire respecter les Principes directeurs sur la protection internationale no 9 du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, (HCR) qui indiquent des orientations concernant le traitement des demandes d’asile fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, et des dossiers de réinstallation connexes;
8.3. de fournir une protection aux victimes et aux témoins de persécutions contre des personnes LGBTI en République tchétchène qui ont fui cette dernière, et d’apporter un soutien médical et psychologique à ces personnes;
8.4. de soutenir les organisations non gouvernementales et les défenseurs des droits humains qui aident les victimes et les témoins de la campagne lancée contre les personnes LGBTI;
8.5. de condamner fermement les actes de violence et de discrimination fondés sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre;
8.6. de condamner fermement les déclarations homophobes de politiciens et de dirigeants politiques et leurs appels à la violence visant les personnes LGBTI;
8.7. de s’abstenir d’arguer de la protection de valeurs dites traditionnelles pour limiter les droits, notamment les libertés d’expression et d’association;
8.8. d’assurer la pleine mise en œuvre de la Recommandation CM/Rec(2010)5 du Comité des Ministres.
9. L’Assemblée appelle les parlements nationaux à examiner les mesures à prendre au niveau national pour apporter un soutien aux victimes et aux témoins de la campagne de persécution contre les personnes LGBTI.