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Rapport d’observation d’élection | Doc. 14608 | 03 septembre 2018

Observation des élections présidentielle et législatives anticipées en Turquie (24 juin 2018)

Rapporteure : Mme Olena SOTNYK, Ukraine, ADLE

1. Introduction

1. Le 20 avril 2018, la Grande Assemblée nationale de Turquie a convoqué des élections présidentielle et législatives anticipées pour le 24 juin 2018.

2. Lors de sa réunion du 23 avril 2018, le Bureau de l’Assemblée parlementaire a décidé, sous réserve d’une invitation en ce sens, d’observer ces élections et créé à cette fin une commission ad hoc composée de 31 membres (PPE/DC: 10; SOC: 10; CE: 5; ADLE: 3; GUE: 2; GDL: 1), ainsi que des deux corapporteurs de la commission de suivi. Il a également autorisé une mission préélectorale. Lors de sa réunion du 27 avril 2018, le Bureau a approuvé la liste des membres de la commission ad hoc et m’a désignée comme présidente. Le Bureau a approuvé la liste finale des membres, telle que figurant à l’annexe 1, lors de sa réunion à Zagreb le 31 mai 2018. Sur les 28 membres à part entière qui composent la délégation, telle que finalement approuvée par le Bureau, 11 étaient des femmes (39 %).

3. Par un courrier daté du 8 mai 2018, M. Akif Çağatay Kılıç, président de la délégation turque à l’Assemblée parlementaire, a invité l’Assemblée à observer les élections susmentionnées.

4. Une délégation préélectorale multipartite de six membres a effectué une visite à Ankara les 29 et 30 mai 2018 (voir le programme figurant à l’annexe 2). Au cours de ces deux journées, la délégation a rencontré de nombreux interlocuteurs, notamment le chef de la Mission d’observation des élections du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH), l’Ambassadrice Audrey Glover, des membres du corps diplomatique, des représentants de partis politiques de diverses tendances, des journalistes et des représentants des médias, des organisations non gouvernementales (ONG), le président du Conseil électoral supérieur (CES), le vice-président et les membres du Conseil supérieur de la radio et de la télévision (CSRT) et le président de la Grande Assemblée nationale. Ces rencontres très approfondies ont permis à la délégation préélectorale de publier une déclaration présentant un examen détaillé de la situation avant les élections anticipées (voir annexe 3).

5. Conformément à l’accord de coopération signé entre l’Assemblée parlementaire et la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) le 4 octobre 2004, un représentant de la Commission de Venise a été invité à se joindre à la commission ad hoc comme conseiller. Je remercie chaleureusement Mme Mirjana Lazarova Trajkovska, ancienne membre de la Commission de Venise, pour son aide et ses conseils précieux aussi bien avant que pendant la mission principale d’observation des élections.

6. Pendant la mission principale d’observation des élections, la délégation a fait partie de la Mission internationale d’observation des élections (MIOE), conjointement avec la délégation de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE et la Mission d’observation des élections (MOE) de l’OSCE/BIDDH. M. Ignacio Sánchez Amor remplissait les fonctions de coordinateur spécial dirigeant la mission d’observation à court terme de l’OSCE et M. Peter Osuský était le chef de la délégation de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE. Le programme des réunions de la MIOE figure à l’annexe 4.

7. Le jour du scrutin, la délégation de l’APCE s’est divisée en 14 équipes qui ont observé les élections à Ankara et dans la région environnante, ainsi qu’à Diyarbakir, Erzurum, Istanbul et Izmir.

8. Je remercie au nom de la commission ad hoc le chef et les membres de la délégation de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE et de la MOE de l’OSCE/BIDDH pour leur excellente coopération au sein de la MIOE. La commission ad hoc remercie également le secrétariat de la délégation de la Turquie à l’Assemblée parlementaire pour sa coopération constructive.

2. Contexte politique

9. Les élections présidentielle et législatives anticipées du 24 juin 2018 ont eu lieu un an et demi avant la date prévue.

10. Ces élections étaient d’une très grande importance pour la Turquie car elles devaient conduire à institutionnaliser le passage d’un système parlementaire à un système présidentiel, conformément aux amendements et au référendum constitutionnels de 2017 prévoyant le renforcement des pouvoirs du président, la suppression du poste de Premier ministre et l’affaiblissement des pouvoirs de contrôle du parlement 
			(1) 
			La
Commission de Venise a examiné et analysé en détail les changements
constitutionnels adoptés en 2017 dans son <a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2004)024-f'>Avis</a> sur les modifications de la Constitution de la République
de Turquie, adopté les 9-11 mars 2017, qui conclut que ces amendements
conduisent à «une concentration excessive des pouvoirs exécutifs
sur la fonction présidentielle et à l’affaiblissement du contrôle
exercé sur cette dernière par le Parlement». . D’une certaine façon, les élections anticipées de 2018 apparaissaient à beaucoup comme une continuation du référendum: le parti au pouvoir envisageait ces élections comme la conclusion du processus de transition tandis que, pour l’opposition, elles constituaient la dernière chance d’inverser ce processus, ce qu’elle s’engageait à faire en cas de victoire électorale 
			(2) 
			<a href='https://www.theguardian.com/world/2018/jun/25/muharrem-ince-concedes-defeat-to-erdogan-in-turkey-elections'>https://www.theguardian.com/world/2018/jun/25/muharrem-ince-concedes-defeat-to-erdogan-in-turkey-elections.</a>.

11. Le jour où elle a convoqué des élections anticipées, la Grande Assemblée nationale a également décidé de prolonger l’état d’urgence pour la septième fois depuis la tentative avortée de coup d’état du 15 juillet 2016.

12. Nombre de nos interlocuteurs et d’institutions internationales ont exprimé de graves préoccupations au sujet de la tenue du scrutin sous l’état d’urgence, en déclarant que cela risquait de mettre en péril l’intégrité du processus électoral et de nuire à son caractère démocratique. En effet, la restriction des libertés et droits fondamentaux résultant de l’état d’urgence, le nombre élevé d’arrestations d’hommes politiques et de journalistes, ainsi que les opérations de sécurité en cours dans le sud‑est du pays, ont réduit l’espace nécessaire au débat démocratique et à la libre expression de la diversité des opinions, qui sont essentiels pour permettre aux citoyens de faire un choix informé le jour du scrutin 
			(3) 
			Voir la <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/News/News-View-FR.asp?newsid=7036&lang=1'>Déclaration</a> de la Commission de suivi de l’APCE, adoptée le 24 avril
2018, et la <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-fr.asp?fileid=24680&lang=fr'>Résolution
2209 (2018)</a> de l’Assemblée «État d’urgence: questions de proportionnalité
relatives à la dérogation prévue à l’article 15 de la Convention européenne
des droits de l’homme», paragraphe 17. Le 9 mai 2018, le Haut‑Commissariat
aux droits de l’homme des Nations Unies a publié une déclaration
indiquant que «des restrictions prolongées des droits fondamentaux
à la liberté d’expression, de réunion et d’association sont incompatibles
avec la conduite d’un processus électoral crédible»)..

13. Depuis le référendum constitutionnel de 2017, qui avait déjà suscité des inquiétudes, notamment parce qu’il avait lieu sous l’état d’urgence 
			(4) 
			Résolution 2156 (2017) de l’Assemblée sur le fonctionnement des institutions
démocratiques en Turquie; voir aussi l’<a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2004)024-f'>Avis</a> susmentionné de la Commission de Venise, paragraphes
27-42., la situation en matière de liberté d’expression et de liberté des médias a continué à s’aggraver en Turquie. Le paysage médiatique est aussi devenu plus étroit et moins pluraliste, en particulier à cause du contrôle accru exercé par le gouvernement sur les médias électroniques et de la vente du Doğan Media Group (qui contrôlait environ 20 % du secteur des médias en Turquie) à un homme d’affaires réputé proche du parti justice et développement (AKP) 
			(5) 
			Commission
de suivi de l’APCE, Respect des obligations et engagements de la
Turquie, <a href='https://pace.coe.int/documents/19887/4268449/AS-MON-2018-07-EN.pdf/3b75884c-6a63-46cb-b366-f902732df2b2'>Note
d’information</a> sur la visite à Istanbul et Ankara (28-30 mars 2018),
paragraphes 21 à 30.. Plusieurs de nos interlocuteurs ont déclaré à la délégation de l’APCE qu’ils estimaient qu’entre 80 % et 90 % des médias turcs étaient sous le contrôle ou l’influence du parti au pouvoir. Quelques‑uns ont également déclaré que l’autocensure des journalistes est devenue un phénomène fréquent.

14. L’ensemble des forces politiques et l’électorat étaient tout à fait conscients de la gravité de l’enjeu de ces élections. La mobilisation des citoyens turcs en tant qu’électeurs et observateurs pendant la campagne électorale, ainsi que le jour du scrutin, est à saluer. Leur activisme témoigne d’un niveau élevé de maturité politique et d’engagement en faveur de la démocratie.

3. Cadre juridique et législation électorale

3.1. Cadre général

15. La Turquie a signé et ratifié la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) et son Protocole additionnel (STE no 9), qui édictent un certain nombre de principes essentiels en vue d’une démocratie effective et véritable, comme le droit à des élections libres (article 3 du Protocole), la liberté d’expression, la liberté de réunion et d’association, ainsi que l’interdiction de la discrimination (articles 10, 11 et 14 de la Convention).

16. Le cadre national repose sur la Constitution de 1982 qui, comme indiqué lors des précédentes observations des élections, a été adopté sous le régime militaire et met surtout l’accent sur les interdits, au lieu d’asseoir sur une large base les libertés et droits fondamentaux, et limite indûment les libertés d’association, de réunion et d’expression, ainsi que les droits électoraux des citoyens 
			(6) 
			Voir, par exemple, <a href='http://semantic-pace.net/tools/pdf.aspx?doc=aHR0cDovL2Fzc2VtYmx5LmNvZS5pbnQvbncveG1sL1hSZWYvWDJILURXLWV4dHIuYXNwP2ZpbGVpZD0yMTgzNCZsYW5nPUZS&xsl=aHR0cDovL3NlbWFudGljcGFjZS5uZXQvWHNsdC9QZGYvWFJlZi1XRC1BVC1YTUwyUERGLnhzbA==&xsltparams=ZmlsZWlkPTIxODM0'>Doc. 13822</a>, Observation des élections législatives en Turquie (7
juin 2015) (rapporteur: M. Tiny Kox, Pays‑Bas, GUE), paragraphe
13; et BIDDH, <a href='https://www.osce.org/odihr/elections/turkey/384600?download=true'>Interim
report</a>, 2018 early presidential and parliamentary elections, 15 juin
2018..

17. Les textes de loi essentiels comprennent également: la loi sur les élections législatives de 1983, la loi sur les partis politiques de 1983, la loi sur l’élection présidentielle de 2012 et la loi sur le Conseil électoral supérieur (CES) de 2017. Les décisions et règlements du CES complètent le cadre légal.

3.2. Amendements récents

18. Depuis la dernière élection présidentielle et les dernières élections législatives, qui ont eu lieu respectivement en 2014 et 2015, le cadre juridique national a fait l’objet de plusieurs séries d’amendements, les derniers ayant été adoptés en décembre 2017, puis en mars et avril 2018. Les amendements d’avril 2018, appelés «lois d’harmonisation» parce qu’ils visaient à harmoniser la législation avec les changements constitutionnels de 2017, ont été adoptés après la convocation des élections anticipées de 2018 
			(7) 
			Lors de sa réunion
du 24 avril 2018, la commission de suivi de l’APCE a décidé de saisir
la Commission de Venise pour avis sur les amendements à la législation
électorale et les «lois d’harmonisation» connexes adoptées en mars
et avril 2018..

19. La disposition stipulant que toute modification de la législation électorale ne peut s’appliquer aux élections qui ont lieu pendant l’année suivant son adoption a été suspendue par les amendements constitutionnels de 2017 en vue des élections de 2018. Le fait de modifier la législation électorale, en particulier ses éléments fondamentaux, moins d’un an avant des élections va à l’encontre du principe de stabilité du cadre légal et du Code de pratique en matière électorale de la Commission de Venise 
			(8) 
			Voir section II.2.b du Code de bonne pratique en matière
électorale: «Les éléments fondamentaux du droit électoral, et en
particulier le système électoral proprement dit, la composition
des commissions électorales et le découpage des circonscriptions
ne devraient pas pouvoir être modifiés moins d’un an avant une élection.».

20. Certains des amendements introduits récemment sont conformes aux recommandations antérieures de l’APCE et/ou du BIDDH et constituent un pas sur la bonne voie. Ces amendements prévoient notamment:

  • la possibilité de désigner des candidats indépendants à la présidence;
  • et, dans une certaine mesure, l’assouplissement des critères d’éligibilité dont doivent tenir compte les partis dans le choix de leurs candidats.

21. L’introduction d’urnes mobiles est une mesure qui pourrait faciliter la participation politique des personnes handicapées, sous réserve de la mise en place de mesures de protection adéquates.

22. D’autres amendements importants, cependant, soulèvent de graves préoccupations car ils affaiblissent les sauvegardes visant à assurer la transparence et la sécurité des élections et à prévenir le risque d’ingérence de l’exécutif dans le processus électoral. Ces amendements prévoient notamment:

  • l’obligation de nommer un fonctionnaire à la tête des commissions de bureau de vote (CBV), niveau le plus bas de l’administration électorale, alors qu’auparavant les représentants des partis politiques pouvaient présider ces commissions;
  • l’introduction de nouvelles règles au sujet de la composition des CBV qui, étant donné la politisation de la fonction publique en Turquie, bénéficieront probablement au parti au pouvoir;
  • la possibilité pour un gouverneur de région d’exiger le déplacement ou la fusion de bureaux de vote pour des raisons de sécurité;
  • la possibilité d’assigner les électeurs à un autre bureau de vote que celui correspondant à l’adresse de leur domicile afin de protéger le secret du vote;
  • la possibilité pour tout électeur de demander que les forces de l’ordre soient présentes dans un bureau de vote, alors qu’auparavant seuls les membres de la CBV pouvaient le faire;
  • l’affaiblissement de la notion de «zone du scrutin» et la possibilité plus grande pour les forces de l’ordre de pénétrer dans les bureaux de vote, même lorsqu’elles n’ont pas été invitées à le faire;
  • la validité des bulletins qui n’ont pas été estampillés par les CBV.

23. En ce qui concerne la dernière mesure, lors de sa rencontre avec la délégation préélectorale, le président du CES a indiqué que la reconnaissance de la validité des bulletins non estampillés par les CBV a pour but d’éviter la perte de votes et que d’autres mesures de sauvegarde ont été mises en place pour empêcher la fraude. On peut se demander, dans ces conditions, pourquoi la loi prévoit l’estampillage des bulletins de vote par les CBV 
			(9) 
			Les corapporteurs de
la commission de suivi ont exprimé le même avis dans la <a href='https://pace.coe.int/documents/19887/4268449/AS-MON-2018-07-EN.pdf/3b75884c-6a63-46cb-b366-f902732df2b2'>Note
d’information sur la </a>visite à Istanbul et Ankara (28-30 mars 2018), paragraphe 14.
Lors du référendum constitutionnel d’avril 2017, les bulletins de vote
non estampillés par les CBV avaient été déclarés valides à la dernière
minute par le CES (voir <a href='http://semantic-pace.net/tools/pdf.aspx?doc=aHR0cDovL2Fzc2VtYmx5LmNvZS5pbnQvbncveG1sL1hSZWYvWDJILURXLWV4dHIuYXNwP2ZpbGVpZD0yMzc0NiZsYW5nPUZS&xsl=aHR0cDovL3NlbWFudGljcGFjZS5uZXQvWHNsdC9QZGYvWFJlZi1XRC1BVC1YTUwyUERGLnhzbA==&xsltparams=ZmlsZWlkPTIzNzQ2'>Doc. 14327</a>, Observation du référendum sur les amendements à la
Constitution en Turquie (16 avril 2017) (rapporteur: M. Cezar Florin Preda,
Roumanie, PPE/DC), paragraphe 25)..

24. Pour certains de nos interlocuteurs, outre qu’ils affaiblissaient l’intégrité du processus électoral, ces amendements favorisaient le parti au pouvoir. Certains partis de l’opposition ont également indiqué que le processus ayant conduit à l’introduction des amendements s’était déroulé de manière non inclusive et qu’en raison du temps extrêmement réduit dont ils avaient disposé, ils n’avaient pu préparer les élections de manière adéquate. Avant le jour du scrutin, la Cour constitutionnelle a rejeté la procédure légale engagée par le Parti populaire républicain (CHP) (principal parti de l’opposition) pour contester certains des amendements.

25. D’autres amendements importants adoptés en avril 2018 prévoient la possibilité pour les partis politiques de former des alliances préélectorales, modifient la procédure de vote en dehors du pays et limitent à deux le nombre de mandats consécutifs du président, sauf en cas de convocation d’élections anticipées par la Grande Assemblée nationale.

3.3. Aspects préoccupants déjà identifiés et toujours non résolus

26. Malgré les profonds changements introduits récemment dans la législation électorale, un certain nombre d’éléments clés du système électoral identifiés lors des exercices précédents d’observation des élections comme ayant besoin d’être revus n’ont pas été modifiés. Ces éléments incluent:

  • le seuil électoral de 10 %: l’Assemblée a souligné que ce seuil, qui est aujourd’hui le plus élevé parmi les États membres du Conseil de l’Europe, nuit au pluralisme politique au sein du parlement 
			(10) 
			Voir,
par exemple, <a href='http://semantic-pace.net/tools/pdf.aspx?doc=aHR0cDovL2Fzc2VtYmx5LmNvZS5pbnQvbncveG1sL1hSZWYvWDJILURXLWV4dHIuYXNwP2ZpbGVpZD0yMTgzNCZsYW5nPUZS&xsl=aHR0cDovL3NlbWFudGljcGFjZS5uZXQvWHNsdC9QZGYvWFJlZi1XRC1BVC1YTUwyUERGLnhzbA==&xsltparams=ZmlsZWlkPTIxODM0'>Doc. 13822</a>, Observation des élections législatives en Turquie (7
juin 2015) (rapporteur: M. Tiny Kox, Pays‑Bas, GUE), paragraphe
8. Voir aussi Yumak et Sadak c. Turquie,
Requête no 10226/03, arrêt du 30 janvier 2007,
dans lequel la Cour a estimé «que d’une manière générale, un seuil
électoral de 10 % apparaît excessif et elle souscrit aux considérations
des organes du Conseil de l’Europe qui en préconisent l’abaissement».. On notera cependant que, depuis la dernière réforme, le seuil ne s’applique pas aux partis qui participent aux élections comme membres d’une coalition préélectorale mais à l’ensemble de la coalition;
  • la méthode d’allocation des sièges: le système de répartition des sièges entre les circonscriptions se traduit par une forte différence du nombre d’électeurs par député, ce qui n’est pas conforme au principe de l’égalité des voix 
			(11) 
			Voir section
I.2.2 du Code de bonne pratique.;
  • l’absence de contrôle judiciaire des décisions du CES, qui empêche l’accès à un recours judiciaire effectif en cas de litige électoral, ce qui est contraire au Code de bonne pratique de la Commission de Venise 
			(12) 
			Voir section II.3.3
du Code de bonne pratique.;
  • l’existence de restrictions spécifiques de la liberté d’expression: la disposition érigeant en infraction pénale les insultes proférées à l’encontre du président (article 299 du code pénal) pourrait restreindre la liberté de parole et de faire campagne. En outre, il est interdit aux partis politiques de promouvoir certaines idéologies politiques, par exemple en faveur de l’abandon de la laïcité ou de la reconnaissance des minorités. Ces restrictions nuisent à la liberté d’association et à la liberté d’expression et limitent le pluralisme politique;
  • le financement des campagnes électorales: la législation ne contient pas de dispositions détaillées sur le financement des partis politiques et des campagnes électorales. En outre, l’absence de contrôle proactif effectif réduit la transparence, l’intégrité et la responsabilité;
  • l’absence de base légale au sujet de l’observation des élections par les citoyens et les missions d’observation des organisations internationales;
  • les restrictions du droit de vote s’appliquant aux conscrits, aux élèves des écoles militaires et aux prisonniers condamnés pour un délit intentionnel, quelle que soit la gravité de ce délit. La Cour européenne des droits de l’homme a statué par deux fois que la suppression du droit de vote des prisonniers condamnés est d’une portée trop étendue et devrait être proportionnée à l’infraction qui a été commise 
			(13) 
			Voir les arrêts Söyler c. Turquie, 20 janvier 2013,
et Murat Vural c. Turquie,
21 octobre 2014.. Cette restriction est aussi contraire au Code de bonne pratique de la Commission de Venise;
  • les restrictions au droit à se présenter aux élections: les citoyens ayant la capacité juridique et un niveau d’éducation primaire ne peuvent se porter candidats aux élections s’ils n’ont pas achevé le service militaire obligatoire, s’ils ont été légalement frappés de l’interdiction d’occuper un emploi public, ou s’ils ont été condamnés pour divers types de délits, y compris des infractions mineures (même en cas de pardon).

3.4. Le Président et le Parlement: critères d’éligibilité

27. La description des changements concernant les fonctions du président et la composition et les pouvoirs du parlement introduits par les amendements constitutionnels de 2017 n’entre pas dans le champ de ce rapport. Néanmoins, il est utile d’en rappeler certains aspects essentiels puisque ces changements sont devenus effectifs lors des élections anticipées de 2018.

28. Le Président de la République de Turquie:

  • est à la fois le chef de l’État et le chef du gouvernement et nomme et renvoie les ministres;
  • peut dissoudre le parlement pour quelque motif que ce soit;
  • prend des décrets exécutifs;
  • nomme et renvoie les hauts fonctionnaires de l’État sur la base des procédures établies par ses soins;
  • désigne six des 13 membres du Conseil des juges et des procureurs créé récemment pour remplacer le Conseil supérieur des juges et des procureurs.

29. Les candidats à l’élection présidentielle doivent être âgés d’au moins 40 ans, avoir fait des études supérieures et remplir les critères d’éligibilité requis pour être élus au parlement. Ils peuvent être désignés par un ou plusieurs partis ayant recueilli au moins 5 % des voix lors des précédentes élections législatives. Les candidats indépendants doivent présenter une liste de 100 000 signatures d’électeurs et une caution de 139 160 TRY remboursable aux seuls candidats dont l’enregistrement aboutit.

30. Pour être élu au premier tour, un candidat doit obtenir au moins 50 % des suffrages exprimés. Autrement, un deuxième tour est organisé dans un délai de 14 jours entre les deux candidats ayant recueilli le plus grand nombre de voix. Le candidat qui obtient le plus grand nombre de voix au second tour est élu. Le président est élu pour un mandat de cinq ans et peut servir au maximum deux mandats consécutifs, sauf si le parlement convoque des élections anticipées, auquel cas il/elle peut se présenter une nouvelle fois.

31. La Grande Assemblée nationale de Turquie est un parlement unicaméral dont les membres sont élus pour un mandat de cinq ans à la proportionnelle dans 87 circonscriptions plurinominales. Les candidats peuvent se présenter aux élections sur une liste de parti close ou bien comme candidats indépendants. La réforme constitutionnelle récente a porté le nombre de sièges de 550 à 600. Comme indiqué plus haut, pour obtenir un siège les partis politiques doivent dépasser le seuil requis de 10 % des suffrages valides exprimés. Pour être élus, les candidats indépendants doivent obtenir plus de 10 % des voix exprimées dans un seul district.

32. Les citoyens de plus de 18 ans peuvent se présenter aux élections législatives. Les motifs d’inéligibilité comprennent: la perte de la capacité juridique, le statut de conscrit ou l’inachèvement du service militaire, l’interdiction d’occuper un emploi public sur décision d’un tribunal, ainsi qu’une condamnation pénale pour toute une gamme d’infractions.

33. Pour pouvoir participer aux élections législatives, les partis politiques doivent disposer d’un groupe parlementaire comprenant au moins 20 députés ou être présents sur le plan organisationnel dans au moins la moitié des provinces et un tiers des districts de chacune de ces provinces, et convoquer le congrès du parti dans les six mois précédant les élections. En outre, les partis politiques doivent présenter des listes complètes de candidats dans au moins la moitié des provinces. Pour obtenir leur enregistrement, les candidats qui souhaitent se présenter aux élections législatives indépendamment des partis politiques doivent verser une caution de 13 916 TRY, qui est remboursée uniquement aux candidats élus.

4. Administration des élections

34. L’administration des élections repose sur quatre niveaux reflétant les divisions administratives du pays, à savoir:

  • le Conseil électoral supérieur (CES), un organe administratif permanent composé de juges élus par la Cour suprême et le Conseil d’État pour un mandat de six ans (11 membres), qui est globalement responsable du déroulement et du contrôle des élections. Au moment des élections anticipées, cet organe comprenait une seule femme;
  • 81 commissions électorales provinciales (CEP) composées des trois juges du rang le plus élevé de la province qui sont nommés pour un mandat de deux ans. Au moment des élections anticipées, 12 % des membres des CEP étaient des femmes;
  • 1 082 commissions électorales de district (CED), dont une établie à Ankara pour coordonner le vote à l’étranger, qui sont composées de sept membres incluant le juge du rang le plus élevé du district, qui préside la commission, quatre membres désignés par les partis politiques et deux fonctionnaires. Au moment des élections anticipées, 24 % des membres des CED étaient des femmes;
  • 180 064 commissions de bureau de vote (CBV) créées en vue de ces élections anticipées et comprenant un président (qui, aux termes des plus récents amendements, doit être un fonctionnaire sélectionné par tirage au sort à partir de la liste des fonctionnaires du district) et six membres (un autre fonctionnaire et cinq représentants des partis ayant recueilli le plus grand nombre de voix dans le district lors des élections législatives précédentes et disposant d’une structure organisationnelle dans le district).

35. Les décisions de chacun des niveaux d’administration des élections peuvent être contestées en saisissant le niveau supérieur. Les décisions concernant la formation des commissions de niveau inférieur et les décisions relatives à l’enregistrement des électeurs sont sans appel. Comme indiqué plus haut, le CES est l’instance de recours ultime et ses décisions, y compris au sujet des résultats finaux, sont sans appel. Il s’agit d’une insuffisance de longue date du système à laquelle il conviendrait de remédier.

36. L’administration électorale s’est révélée efficiente en dépit des fortes contraintes de temps ayant pesé sur la préparation du scrutin. Cependant, en dépit des importantes modifications des procédures électorales, le CES n’a pas produit de manuel ou de matériaux d’information à l’intention des électeurs. Les CED ont fourni une formation aux membres fonctionnaires mais non aux membres des CBV désignés par les partis politiques.

37. Le manque de transparence de l’administration des élections est apparu globalement comme préoccupant, les réunions du CES ayant lieu à huis clos et ses décisions n’étant pas publiées de façon systématique et en temps opportun sur le site web du CES, ou bien sans indiquer leur justification légale. Par exemple, sur 627 décisions environ, seules 74 ont été publiées, et cela avec un retard d’une à deux semaines 
			(14) 
			MIOE, Élections présidentielles
et législatives anticipées du 24 juin 2018 en Turquie, <a href='https://www.osce.org/odihr/elections/turkey/385671?download=true'>Statement
of preliminary conclusions</a>, note 16. .

38. Plusieurs de nos interlocuteurs ont déclaré ne pas avoir confiance dans l’impartialité de l’administration des élections. Dans plusieurs cas, le président de la CBV n’a pas été sélectionné par tirage au sort, comme l’exige la loi, mais nommé par le gouverneur ou la CED pertinente. Certaines CBV ont été formées après l’expiration du délai légal.

39. Les gouverneurs de 19 provinces ont déposé des demandes de déplacement ou de fusion de bureaux de vote. Le CES a rejeté trois de ces demandes et approuvé les autres, qui ont affecté environ 120 000 électeurs dans 16 provinces. Les décisions prises par le CES en réponse à ces demandes n’ont pas toujours été adoptées à l’unanimité; certaines demandes ont aussi été examinées et approuvées après le délai légal fixé au 24 mai 2018. Plusieurs de nos interlocuteurs ont indiqué que les communautés affectées étaient opposées au déplacement ou à la fusion des bureaux de vote et ont contesté l’idée que ces décisions étaient motivées par des considérations de sécurité, en laissant entendre qu’elles avaient probablement pour but de réduire la participation aux élections dans les bastions du HDP (Parti démocratique populaire). Le CES n’a publié aucune information sur le nombre et la localisation des CBV qui ont été déplacées ou fusionnées, non plus que sur le nombre d’électeurs affectés par ces décisions ou sur les raisons de ces décisions. Les plaintes à ce sujet ont toutes été rejetées 
			(15) 
			La question du déplacement
éventuel des bureaux de vote avait déjà été soulevée lors des élections
anticipées de novembre 2015. À l’époque, le CES avait déclaré que
le déplacement de bureaux de vote en dehors de la mukhtarlik (plus petite division
administrative) correspondante n’était pas conforme à la loi; voir <a href='http://semantic-pace.net/tools/pdf.aspx?doc=aHR0cDovL2Fzc2VtYmx5LmNvZS5pbnQvbncveG1sL1hSZWYvWDJILURXLWV4dHIuYXNwP2ZpbGVpZD0yMjI2MyZsYW5nPUZS&xsl=aHR0cDovL3NlbWFudGljcGFjZS5uZXQvWHNsdC9QZGYvWFJlZi1XRC1BVC1YTUwyUERGLnhzbA==&xsltparams=ZmlsZWlkPTIyMjYz'>Doc.13922</a>, Observation des élections législatives anticipées en
Turquie (1er novembre 2015) (rapporteur: M. Andreas
Gross, Suisse, SOC), paragraphe 14..

40. La délégation de l’APCE a eu la possibilité de s’entretenir de manière approfondie avec le président du CES au cours de la mission préélectorale. Toutefois, elle regrette qu’aucun représentant de l’administration électorale n’ait rencontré la MIOE au cours de la mission principale.

5. Campagne électorale, médias et financement

41. La loi visant à assurer le déroulement juste et équitable des campagnes électorales distingue deux périodes de campagne auxquelles s’appliquent des règles différentes. Des règles plus strictes, ainsi que les principes généraux régissant l’équité des campagne électorales, s’appliquent uniquement pendant la période de campagne officielle, qui commence dix jours avant la date du scrutin et s’achève à 18 heures la veille du scrutin. La période de campagne élargie est donc sous‑réglementée, ce qui nuit à l’équité du processus. Pendant la période de campagne officielle, des règles spécifiques visent à assurer l’égalité des chances de tous les candidats. Elles prévoient notamment: l’allocation d’un temps d’antenne gratuit, l’interdiction d’utiliser les ressources de l’État aux fins de la campagne et l’interdiction pour les candidats d’organiser et de participer à des événements associés à des organismes financés par le secteur public. Toutefois, la loi définissant les règles de campagne plus strictes ne s’applique pas au président sortant et lui assure par conséquent des conditions de campagne plus favorables.

42. La campagne s’est déroulée de façon très animée, les candidats s’appuyant sur diverses méthodes de campagne traditionnelles. Les médias sociaux ont été très largement utilisés pour atteindre les jeunes, ainsi que pour contourner les restrictions à la liberté de réunion imposées dans certaines provinces et remédier à l’absence de couverture par les médias du secteur public. C’est ainsi, par exemple qu’un énorme rassemblement organisé à Izmir, bastion du CHP, par le candidat de ce parti à la présidence a pu être suivi sur Facebook alors qu’il était ignoré par la télévision publique 
			(16) 
			<a href='http://www.hurriyetdailynews.com/photo-chp-presidential-candidate-ince-vows-change-at-giant-rally-in-opposition-stronghold-izmir-133619'>www.hurriyetdailynews.com/photo-chp-presidential-candidate-ince-vows-change-at-giant-rally-in-opposition-stronghold-izmir-133619.</a>. La campagne tombant pendant la période du Ramadan, certains candidats ont fait campagne pendant les traditionnels repas de l’iftar. Et bien que cela était interdit par la loi, certains candidats ont fait campagne à l’étranger.

43. La campagne présidentielle a pris un tour antagoniste reflétant la forte polarisation de la société. Bien que tous les candidats aient tenu des discours enflammés contre leurs opposants, le président sortant a qualifié de façon répétée les autres partis et candidats de suppôts du terrorisme. Des plaintes mutuelles ont été déposées.

44. L’égalité des chances des candidats n’a pas été respectée au cours de la campagne. En effet, la couverture de la campagne et la présence des candidats des différents partis dans les médias ont été extrêmement inégales. Le candidat à la présidence du HDP était en détention préventive et les moyens dont il a pu disposer pour transmettre son message au public, notamment via les médias sociaux et à l’aide de discours enregistrés, étaient très limitées.

45. Selon plusieurs de nos interlocuteurs, un nombre important d’agressions violentes ont visé des locaux de parti et de campagne, principalement ceux du HDP, mais aussi du CHP, du Parti de la félicité et du Parti İYİ. Le HDP s’est plaint d’être la cible de diverses mesures, notamment la détention d’environ 375 militants du parti, l’entrave à ses activités électorales, la surveillance et le harcèlement par la police, et une application sélective des règles de campagne. Plusieurs cas de pressions et d’intimidation de candidats et de leurs partisans ont contribué à créer un climat de tension. Le 14 juin, de violents échanges de coups de feu ont eu lieu à Suruç entre des militants de l’AKP et des commerçants locaux, dont certains étaient des partisans du HDP, provoquant la mort de quatre personnes et faisant huit blessés 
			(17) 
			<a href='https://www.bbc.com/news/world-europe-44486003'>https://www.bbc.com/news/world-europe-44486003.</a>. Selon certains de nos interlocuteurs, cet événement tragique avait été présenté de façon biaisée dans les grands médias.

46. Pendant la période de campagne, le président sortant a inauguré cinq grands projets. Contrairement à la loi, plusieurs fonctionnaires gouvernementaux auraient publiquement rendu hommage aux réalisations du gouvernement pendant la période officielle de la campagne. La délégation a été informée que des moyens de transport municipaux avaient été utilisés pour permettre au public de participer aux rassemblements organisés par le parti au pouvoir. Des cas de participation de militaires et de juges à la campagne électorale, ce qui est interdit par la loi, ont aussi été observés. Le 11 mai, le parlement a adopté un texte de loi prévoyant le versement d’un supplément de revenu aux retraités. Ces exemples d’utilisation abusive de ressources administratives par le parti au pouvoir ont nui à l’équité de la campagne et enfreint la séparation entre l’État et les partis politiques.

47. Le paysage médiatique est dominé par plusieurs organes considérés comme affiliés au gouvernement ou dépendant de contrats publics, ce qui limite la diversité des opinions accessibles au public. La télévision demeure la principale source d’information mais le taux de pénétration de l’internet est de 66,8 % et continue d’augmenter; 80,7 % des ménages ont accès à l’internet. Les réseaux sociaux sont devenus une importante source d’information, surtout dans les zones urbaines. Depuis le 28 mai, environ 2 600 utilisateurs de médias sociaux ont été mis en examen pour soutien du terrorisme et propos haineux portant atteinte à l’unité de l’État et à la sécurité de la société et 894 d’entre eux ont été inculpés.

48. Le cadre légal fait obligation aux médias de couvrir de manière impartiale la campagne électorale et garantit aux candidats éligibles des droits d’accès égaux. En outre, les partis présentant des candidats aux élections législatives bénéficient d’un temps d’antenne gratuit du radiodiffuseur public, la Radio et Télévision Turque (TRT). Les candidats du İYİ et du CHP à la présidence et tous les candidats parlementaires du CHP ont boycotté la TRT en alléguant son manque d’impartialité. La publicité payante est autorisée dans tous les médias, y compris les médias publics. La TRT a fait preuve de partialité en refusant de diffuser une publicité payante du CHP au motif que le drapeau turc y figurait, alors qu’au même moment, elle diffusait un spot publicitaire de l’AKP où le drapeau était également visible. Le CES a reçu deux plaintes concernant les médias et les a rejetées en invoquant son manque de compétence.

49. L’application de la réglementation relative aux médias est soumise au contrôle du Conseil supérieur de la radio et de la télévision (CSRT). Toutefois, le CES n’a adopté une décision énumérant les chaînes de radio et de télévision à surveiller que le 28 mai. Pendant la mission préélectorale, la délégation de l’APCE n’a pu obtenir des représentants du CSRT une réponse claire sur la couverture de la campagne des différents partis ou candidats. Ceux‑ci lui ont seulement indiqué que le CSRT surveillait «les chances» de couverture médiatique et que celles‑ci étaient les mêmes pour tous les candidats. Le CSRT a également indiqué à la délégation que ses rapports au CES n’étaient pas rendus publics. On notera aussi que le décret‑loi no 687 a supprimé la possibilité pour le CES de sanctionner une chaîne de radio ou de télévision en cas de manque d’impartialité ou de non‑respect de l’obligation de neutralité politique pendant la période électorale 
			(18) 
			Voir
Commission de Venise, <a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2017)007-f'>Avis
n° 872/2016,</a> Turquie – Avis sur les mesures adoptées en vertu des
décrets‑lois promulgués récemment dans le cadre de l’état d’urgence,
sous l’angle du respect de la liberté de la presse, paragraphe 20:
«La Commission de Venise ne parvient pas à comprendre comment la
suppression de la possibilité d’infliger des sanctions en pareil
cas s’impose “ dans la stricte mesure où la situation l’exige” pendant
l’état d’urgence au point de justifier le recours à un décret-loi
d’urgence. À cet égard, la Commission observe que l’État turc aborde maintenant
une phase difficile de réforme constitutionnelle. Cette réforme
vise essentiellement à renforcer les pouvoirs du président. Le décret-loi
no 687 semble avoir un impact injustifié
sur la campagne en faveur des modifications à la Constitution. La
Commission de Venise rappelle dans ce contexte que l’accès équitable
aux organes de diffusion publics et privés à l’ensemble des parties
à la campagne référendaire, ainsi que la couverture neutre et équilibrée
de ladite campagne par les diffuseurs publics, est indispensable
pour permettre aux électeurs de faire leur choix en toute connaissance
de cause.». Ceci, ajouté à la passivité du CSRT, a eu pour conséquence que la couverture de la campagne dans les médias n’a été pour l’essentiel soumise à aucun contrôle effectif.

50. La Mission d’observation des élections du BIDDH a suivi la couverture de la campagne par cinq chaînes de télévision (TRT1, Show TV, Fox TV, CNN Türk et A Haber) et cinq journaux (Hürriyet, Sabah, Sözcü, Cumhuriyet et Milliyet).

51. Selon ses observations 
			(19) 
			MIOE, Élections présidentielles
et législatives anticipées du 24 juin 2018 en Turquie, <a href='https://www.osce.org/odihr/elections/turkey/385671?download=true'>Statement
of preliminary conclusions</a>, p. 12. , la couverture de la campagne des candidats aux élections présidentielle et législatives à la télévision a été à peu près partout la même, l’AKP et le président sortant bénéficiant d’une couverture plus fréquente et plus favorable. Le HDP a bénéficié d’une meilleure couverture que son candidat à la présidence; lorsqu’il était fait mention de M. Demirtaş, le ton était le plus souvent ou même exclusivement négatif. La couverture du Parti de la félicité, du Parti patriotique (Vatan) et du Parti de la juste voie et de leurs candidats respectifs à la présidence a été beaucoup moins importante et parfois même inexistante.

52. Pendant toute la période de campagne, quatre des cinq chaînes de télévision suivies (la chaîne publique TRT1 et les chaînes privées A Haber, CNN Türk et Show TV) ont favorisé le président sortant et l’AKP, souvent en les couvrant en même temps et en leur accordant entre 33,7 % et 58,5 % de la totalité du temps d’antenne consacré à l’information et aux affaires courantes. En revanche, ces chaînes ont consacré entre 18,2 % et 27 % de leur couverture à M. Ince et entre 1,2 % et 11 % à Mme Akşener. Le ton de cette couverture était assez équilibré s’agissant du Parti İYİ mais essentiellement négatif en ce qui concerne le CHP, surtout sur les chaînes TRT1 et A Haber. La campagne du président sortant a été couverte par ces quatre chaînes sous un jour principalement positif. Par contre, Fox TV a couvert de façon assez égale la campagne des candidats à la présidence de l’AKP, du İYİ et du CHP, et dans une moindre mesure, celle du candidat du HDP. Cette chaîne a présenté la candidature du président sortant de manière le plus souvent négative, en faisant l’éloge de Mme Akşener et en adoptant également un ton assez positif à l’égard de M. Ince. Dans sa couverture des élections législatives, Fox TV a consacré un temps d’antenne plus important (64,8 %), mais dont le ton était le plus souvent négatif, à la coalition dirigée par l’AKP, et respectivement 20,2 % et 13,5 % de son temps d’antenne, avec une couverture assez équilibrée, à la coalition dirigée par le CHP et au HDP 
			(20) 
			Ibid..

53. Selon la Mission d’observation des élections du BIDDH, le traitement de la campagne dans la presse écrite observée reflétait les affiliations politiques des différents journaux.

54. La législation ne contient pas de dispositions détaillées réglementant le financement des campagnes électorales. L’absence de contrôle efficace nuit en outre à la transparence, à l’intégrité et à la responsabilité. Les candidats à la présidence ne peuvent recevoir de financement public et sont uniquement autorisés à recueillir les dons des citoyens turcs à hauteur de 13 916 TRY lors de chaque tour. Les dons de personnes morales et de sources étrangères, ainsi que les prêts, sont interdits. Les dépenses de campagne ne sont pas plafonnées et aucune sanction n’est prévue en cas d’irrégularités. Les candidats sont tenus de fournir au CES une déclaration de patrimoine en même temps que leur demande d’enregistrement et de lui transmettre, dans les dix jours qui suivent le résultat final du scrutin, un rapport sur le financement de leur campagne détaillant leurs revenus et leurs dépenses. Cependant, ni la déclaration de patrimoine, ni le rapport sur le financement de la campagne ne sont rendus publics. La législation ne prévoit pas non plus la soumission d’un rapport financier intérimaire avant les élections. La seule sanction prévue en cas d’irrégularités est le versement au Trésor public des dons non dépensés ou excédant la limite autorisée.

55. Les partis politiques ayant recueilli au moins 3 % des voix aux dernières élections législatives ont droit à un financement public annuel calculé sur une base proportionnelle, ainsi qu’à une aide financière pour leurs campagnes électorales mais seulement lors des élections régulières. Le financement des partis politiques repose également sur les cotisations des adhérents et les dons privés. Il est interdit à un parti politique de recevoir des dons de personnes morales de droit public, d’organismes étatiques et publics ou de sources étrangères. Les dons individuels à un parti ne peuvent dépasser 44 000 TRY par an. Les dépenses annuelles des partis et leurs dépenses de campagne ne sont pas plafonnées. Les partis déclarent le financement de leurs campagnes électorales au moyen de rapports financiers annuels; toutefois, ces rapports n’indiquent pas les revenus et les dépenses des candidats ou de tierces parties. La Cour constitutionnelle est chargée du contrôle de ces rapports mais ne publie les résultats d’audit qu’après plusieurs années. Les candidats indépendants déclarent le financement de leurs campagnes électorales dans leurs déclarations fiscales annuelles. Les sanctions prévues en cas de violation de la réglementation sont les suivantes: avertissement, peine d’emprisonnement de trois mois à trois ans, amendes pécuniaires et dissolution du parti.

56. La délégation de l’APCE regrette que les recommandations antérieures de l’Assemblée et du Groupe d’États contre la corruption (GRECO) concernant le financement des partis politiques et des campagnes électorales n’aient pas été mises en œuvre 
			(21) 
			GRECO, Quatrième Cycle
d’évaluation, Prévention de la corruption des parlementaires, des
juges et des procureurs, <a href='https://rm.coe.int/quatrieme-cycle-d-evaluation-prevention-de-la-corruption-des-parlement/1680792de9'>Rapport
de conformité</a>, Turquie, publié le 15 mars 2018.. Nombre de ses interlocuteurs de la majorité et de l’opposition lui ont confirmé la nécessité de poursuivre le développement du cadre légal en ce domaine et elle invite par conséquent les autorités turques à tenir compte de l’expertise spécialisée et des avis du GRECO.

6. Listes électorales et enregistrement des candidats

57. Environ 56,3 millions d’électeurs étaient inscrits pour voter en Turquie et trois millions environ pour voter à l’étranger. Le fichier central permanent des électeurs est maintenu par le CES et lié au fichier d’état‑civil et de domicile géré par le ministère de l’Intérieur. L’enregistrement des électeurs est effectué sur la base d’un numéro personnel d’identification lié au lieu de résidence permanent de chaque électeur. En vertu d’un amendement récent de la législation, les CED sont autorisés à assigner les électeurs à un bureau de vote autre que celui correspondant à leur adresse, afin de protéger le secret du vote, mais le nombre d’électeurs affectés par une décision de ce type n’a pas été rendu public. Des listes électorales spéciales ont été établies pour les électeurs qui se trouvaient à l’étranger et pour les électeurs détenus et emprisonnés ayant le droit de vote. Les migrants internes et les personnes sans‑abri ne pouvaient voter qu’à condition d’être enregistrés à une adresse.

58. Les listes électorales ont pu être publiquement contrôlées entre les 2 et 12 mai. Le CES a effectué 679.182 changements d’adresse sur les listes électorales. Aucun changement n’était possible après le 20 mai mais les électeurs admissibles ne figurant pas sur les listes électorales préliminaires pouvaient se faire enregistrer le jour du scrutin par la CBV sur présentation d’une attestation de la CED.

59. D’une manière générale, les parties prenantes ont jugé les listes électorales fiables.

60. À la date du 13 mai, le CES avait enregistré six candidats à la présidentielle, dont une femme. Le président Recep Tayyip Erdoğan a été désigné par l’AKP, M. Muharrem İnce par le CHP et M. Selahattin Demirtaş par le HDP. Mme Meral Akşener (İYİ), M. Temel Karamollaoğlu (Parti de la félicité) et M. Doğu Perinçek (Parti patriotique) se sont présentés comme candidats indépendants.

61. Plusieurs plaintes contestant la régularité du processus de collecte des signatures ont été déposées, notamment en vue de disqualifier les signatures de soutien d’électeurs vivant à l’étranger ou en invoquant la brièveté du délai imparti, le nombre insuffisant de lieux où les électeurs pouvaient donner leur signature ou leur caractère inadéquat, et les intimidations exercées à l’égard d’électeurs souhaitant donner leur signature à l’appui de candidats indépendants.

62. Sur les 86 partis politiques enregistrés, 11 ont été jugés par le CES aptes à participer aux élections. Les autres ont été considérés inaptes par manque d’une structure organisationnelle suffisante, en particulier parce qu’ils n’avaient pu tenir les congrès locaux requis pendant les six mois précédant la date des élections. Dix partis exclus ont demandé au CES de réexaminer leur demande afin de pouvoir participer aux élections mais un seul d’entre eux, le Parti de la juste voie, a été autorisé à le faire. En tout, huit partis politiques ont finalement présenté des candidats au parlement.

63. Pour la première fois dans l’histoire de la Turquie, deux coalitions préélectorales ont été créées et enregistrées par le CES: l’Alliance populaire regroupant l’AKP et le MHP et l’Alliance nationale entre le CHP, le İYİ et le Parti de la félicité, cette seconde coalition regroupant des partis politiques d’obédience idéologique très différente. Trois partis ont présenté des candidats en dehors d’une coalition: le HDP, le Parti de la juste voie et le Parti patriotique.

64. 996 femmes (20,5 %) se sont portées candidates à un siège de députée. Toutefois, seules 5,4 % d’entre elles ont été nommées en tête de liste. La législation ne prévoit pas de quotas de genre mais certains partis ont adopté volontairement certaines mesures ou pris des engagements politiques en vue d’accroître la présence de femmes sur leurs listes. À titre de comparaison, signalons que:

  • l’AKP a désigné 126 femmes parmi ses 600 candidats, dont quatre figuraient en tête de liste;
  • le CHP a désigné 137 femmes candidates, dont six en tête de liste;
  • le taux de femmes candidates du HDP était plus élevé puisqu’il a atteint le chiffre de 220, dont 18 en tête de liste; le HDP a également désigné comme candidate une militante LGBT d’Edirne;
  • le İYİ a désigné 150 femmes candidates, dont six en tête de liste;
  • le MHP a désigné 60 femmes candidates, dont deux en tête de liste;
  • le Parti de la félicité a désigné 79 femmes parmi ses 600 candidats dont aucune ne figurait en tête de liste;
  • le Parti patriotique a désigné 150 femmes candidates, dont 13 en tête de liste.

7. Déroulement du scrutin, dépouillement et établissement des résultats

65. L’OSCE/BIDDH a déployé 22 observateurs de longue durée en Turquie. En outre, la MIOE comprenait 326 observateurs de courte durée qui ont été déployés dans l’ensemble du pays, y compris la délégation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe avec 24 membres présents.

66. L’ouverture des bureaux de vote s’est déroulée d’une manière jugée le plus souvent positive (dans 115 des 121 bureaux de vote où étaient présents des observateurs), bien que les procédures n’aient pas toujours été respectées. La principale irrégularité observée était que le nombre de bulletins de vote reçus n’était pas systématiquement consigné dans le registre, comme l’exige la loi. Quelques bureaux de vote ont ouvert leurs portes avec un léger retard.

67. Le déroulement du scrutin a fait l’objet d’une évaluation négative dans 6 % des 1 245 bureaux de vote où des observateurs étaient présents, ce qui indique l’existence de certains problèmes procéduraux. Contrairement aux instructions du CES qui exigeaient que 390 et 410 bulletins de vote soient distribués respectivement dans chaque bureau de vote rural et urbain, le nombre de bulletins de vote reçus dans chaque bureau était variable, les bulletins ayant été pesés et non comptés avant leur distribution. En règle générale, les bulletins de vote étaient estampillés par les CBV et les observateurs n’ont été témoins que de quelques cas où un électeur a reçu un bulletin de vote non estampillé.

68. Dans un certain nombre de cas (12 %), l’évaluation négative était motivée par la forte présence de policiers et d’agents de sécurité qui, dans un tiers de ces cas, ont également interféré avec le déroulement du scrutin. Plusieurs membres de la délégation de l’APCE déployés dans différentes provinces ont confirmé la présence plus importante des forces de l’ordre dans les bureaux de vote par rapport aux élections antérieures en Turquie et regretté leur comportement parfois importun. Les observateurs de l’APCE ont également souligné la difficulté de distinguer les membres de la CBV des électeurs, des observateurs nationaux, des agents de sécurité en civil ou même éventuellement des personnes non autorisées, personne ne portant un badge d’identification visible.

69. Les membres de la délégation de l’APCE ont constaté que la présence des forces de police et de sécurité était encore plus élevée à proximité ou dans les bureaux de vote de Diyarbakir, ce qui pouvait avoir un effet intimidant pour certains électeurs. La MIOE a porté un jugement plus négatif sur le déroulement du scrutin dans l’est et le sud‑est du pays. Bien que la procédure de vote se soit généralement déroulée sans heurt, le vote en groupe a été observé dans 4 % des bureaux de vote. L’affluence (6 % des bureaux de vote observés) et l’aménagement inadéquat (2 %) contribuaient parfois à réduire la transparence du processus (2 %).

70. Seuls 55 % des bureaux de vote ont été jugés suffisamment équipés pour permettre l’accès autonome des électeurs handicapés. La délégation de l’APCE a observé à de nombreuses reprises des personnes âgées ayant du mal à marcher transportées sur des chaises pour leur permettre de monter les escaliers et d’atteindre le bureau de vote où elles étaient inscrites. La plupart des bureaux de vote ont fermé à l’heure prévue.

71. L’évaluation du dépouillement a été négative dans 17 observations sur 124 (14 %), ce qui indique un certain nombre d’insuffisances procédurales graves. Certains membres de la délégation de l’Assemblée ont rencontré des difficultés pour accéder aux bureaux de vote en vue d’observer le comptage des votes. Dans 15 cas, les CBV ont négligé d’empaqueter et de sceller les bulletins non utilisés avant d’ouvrir les urnes. Des personnes non autorisées, souvent difficiles à identifier, et des agents de police et de sécurité étaient présents lors de 28 des comptages observés et, dans une dizaine de cas, se sont immiscés dans le processus. Une CBV sur quatre a eu des difficultés à compléter les protocoles de résultats. Dans un cinquième des dépouillements observés, les CBV ont présigné des formulaires vides ou falsifié délibérément certains chiffres, ce qui constitue une violation grave de la procédure. À l’encontre de la transparence, les résultats n’ont pas été affichés, comme l’exige la loi, dans 29 des bureaux de vote observés. Sur un plan plus positif, la validité des bulletins de vote était en règle générale établie de manière raisonnable et cohérente.

72. La tabulation des protocoles de résultats des CBV par les CED a fait l’objet d’une évaluation négative des observateurs dans 11 des 99 CED, ce qui révèle l’existence de certains problèmes de procédure. Dans une CED sur quatre, les CBV ont corrigé les protocoles de résultats sans une décision formelle. La tension, le nombre important de personnes présentes, beaucoup d’entre elles sans autorisation, et l’absence générale de transparence ont conduit fréquemment les observateurs de la MIOE à porter un jugement négatif sur le déroulement de la procédure d’établissement des résultats. Cependant, dans la plupart des CED, le processus était bien organisé et s’est déroulé sans heurt et la collation des données a été effectuée de manière transparente.

76. Les résultats ont été annoncés par les médias à partir des données diffusées par l’agence Anadolu, dont les sources et l’exactitude ont été contestées par certains acteurs politiques. Les résultats préliminaires annoncés par le CES à 2h15 étaient identiques à ceux publiés par les médias. Le taux de participation annoncé était supérieur à 86 %.

77. Les résultats officiels de l’élection présidentielle sont les suivants: le président sortant M. Recep Tayyip Erdoğan a été réélu président au premier tour avec 52,59 % des voix; M. Muharrem İnce a obtenu 30,64 % des voix, M. Selahattin Demirtaş 8,40 %, Mme Meral Akşener 7,29 %, M. Temel Karamollaoğlu 0,89 % et M. Doğu Perinçek 0,20 %.

78. Les partis suivants ont été admis au sein de la Grande Assemblée nationale: AKP (42,56 %) et MHP (11,10 %), dans le cadre de l’Alliance populaire; CHP (22,64%), İYİ (9,96 %) et Parti de la félicité (1,34 %), dans le cadre de l’Alliance nationale; et HDP (11,70%). Des 600 membres élus à la Grande Assemblée nationale, 104 sont des femmes.

8. Observateurs nationaux et internationaux

79. La législation stipule que le dépouillement du vote est public et autorise les représentants des partis politiques et des candidats indépendants à observer les élections. En dépit de recommandations répétées 
			(22) 
			<a href='https://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-FR.asp?fileid=12999&lang=FR'>Doc. 12701</a>, Observation des élections législatives en Turquie (12
juin 2011) (rapporteure: Mme Kerstin
Lundgren, Suède, ADLE); <a href='http://www.assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-FR.asp?fileid=21140&lang=FR'>Doc. 13611</a>, Observation de l’élection présidentielle en Turquie
(10 août 2014) (rapporteure: Mme Meritxell Mateu
Pi, Andorre, ADLE); et Code de bonne pratique en matière électorale
de la Commission de Venise: «La possibilité de participer à l’observation
doit être la plus large possible, en ce qui concerne aussi bien
les observateurs nationaux que les observateurs internationaux»
(section 3.2.a)., il n’existe toujours aucune base légale pour l’observation des élections par les organisations citoyennes et les missions internationales d’observateurs. Les demandes d’accréditation émanant d’organisations de la société civile ont été rejetées par le CES mais leurs représentants ont pu observer le déroulement du scrutin en tant que personnes désignées par un parti politique ou simples citoyens.

80. Des observateurs représentant des partis ou des candidats étaient présents en grand nombre tout au long de la journée du scrutin (pendant le vote et le dépouillement du scrutin, respectivement dans 67 % et 91 % des CBV observés par la MIOE, et pendant la tabulation des résultats dans 83 CED observés par la MIOE).

81. La forte présence d’observateurs de la société civile a contribué à la transparence du scrutin; néanmoins, un certain nombre de cas où des observateurs n’ont pu avoir accès ou bien ont été expulsés d’un bureau de vote ont été rapportés. Dans au moins 15 bureaux de vote, des observateurs internationaux se sont vus refuser l’accès par des policiers ou par le président de la CBV. Cela est aussi arrivé à certains membres de la délégation de l’APCE déployés à Ankara qui ont rencontré des difficultés lorsqu’ils cherchaient à avoir accès ou à sortir d’un bureau de vote. Dans neuf cas, les observateurs ont été empêchés d’observer pleinement la tabulation des résultats. Plusieurs membres de la délégation de l’APCE se sont heurtés à des comportements importuns ou à l’obstruction des forces de l’ordre qui leur ont demandé de décliner leur identité, les ont photographiés et ont vérifié leurs données personnelles sur ce qui semblait être une liste officielle d’accréditation.

82. La délégation de l’APCE regrette que M. Andrej Hunko (Allemagne) et M. Jabar Amin (Suède), qui souhaitaient observer ces élections en tant que membres de la délégation de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE, se soient vus refuser non seulement l’accréditation comme observateurs mais aussi l’accès au territoire turc. Elle fait écho à la déclaration du coordinateur spécial de la mission d’observation à court terme de l’OSCE, M. Sánchez Amor, selon laquelle le pays hôte devrait s’abstenir de chercher à influencer la composition de la mission d’observation des élections 
			(23) 
			<a href='https://www.oscepa.org/news-a-media/press-releases/2867-statement-on-turkey-s-decision-to-deny-entry-to-two-election-observers'>https://www.oscepa.org/news-a-media/press-releases/2867-statement-on-turkey-s-decision-to-deny-entry-to-two-election-observers.</a>.

9. Conclusions et recommandations

83. Les conclusions préliminaires de la MIOE, publiées le 25 juin, sont le résultat du travail commun du BIDDH, de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE et de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe 
			(24) 
			MIOE,
Élections présidentielle et législatives anticipées du 24 juin 2018
en Turquie, <a href='https://www.osce.org/odihr/elections/turkey/385671?download=true'>Statement
of preliminary conclusions</a>. . La délégation de l’APCE, par conséquent, approuve pleinement ces conclusions. Le communiqué de presse correspondant figure à l’annexe 5.

84. Les élections anticipées du 24 juin confirment que les citoyens turcs sont prêts à se mobiliser pour leur démocratie. Ils sont prêts à descendre dans la rue, participer à des manifestations, faire campagne, surveiller l’intégrité du processus électoral et voter en grand nombre. Un interlocuteur a dit à la délégation que les élections appartenaient aux partis politiques. Toutefois, il est évident que les élections appartiennent aux citoyens et que toutes les mesures doivent être prises pour garantir qu’ils puissent se former une opinion sur la base d’informations objectives et impartiales et exprimer librement leur volonté sans crainte, sans être soumis à des intimidations et sans se heurter à des obstacles.

85. Ces élections anticipées ont eu lieu toutes deux sous l’état d’urgence. L’état d’urgence ne constitue pas en tant que tel un obstacle insurmontable à la tenue d’un scrutin. Cependant, la manière dont l’état d’urgence a été appliqué en Turquie a grandement réduit l’espace nécessaire au débat démocratique et à l’expression de la pluralité des opinions – et a fortiori de l’opposition politique.

86. Il est tout à fait important de prendre en compte ce contexte général parce que le processus électoral est un processus qui commence bien avant le jour effectif du scrutin. Le 24 juin, les citoyens turcs avaient véritablement le choix entre des candidats à la présidence et des partis exprimant des points de vue opposés et représentant des tendances politiques différentes. Cependant, les candidats en présence n’ont pas disposé des mêmes possibilités de faire campagne et de diffuser leurs opinions, que ce soit en termes de ressources ou de couverture médiatique.

87. La délégation de l’APCE a été informée de cas d’utilisation abusive de ressources administratives par le parti au pouvoir pendant la campagne électorale, ce qui est contraire à l’engagement de maintenir la séparation entre État et parti et aux bonnes pratiques internationales. Le travail de surveillance des médias réalisé par la MIOE indique que le parti au pouvoir et le président sortant ont bénéficié d’une couverture plus fréquente et plus favorable. Les organes des médias, y compris le radiodiffuseur public, n’ont pas fourni aux électeurs, par conséquent, une information impartiale au sujet des candidats. Du fait de la suppression des pouvoirs de sanction du CES au moyen d’un décret d’urgence adopté en 2017, la couverture de la campagne électorale par les médias n’a été soumise en fait à aucun contrôle efficace. Les restrictions aux droits fondamentaux et l’absence de conditions d’égalité ont eu un impact sur ces élections.

89. La délégation souhaite également réitérer les recommandations formulées à plusieurs reprises par l’APCE et d’autres institutions internationales invitant les autorités turques à remédier à certaines dispositions problématiques signalées de longue date, qui contribuent à réduire la représentativité du parlement, par exemple le seuil électoral de 10 %, et restreignent le droit de voter et d’être élu. En outre, le financement des partis politiques et des campagnes électorales devrait être réglementé de façon détaillée dans la législation, comme recommandé par le GRECO.

90. Contrairement aux bonnes pratiques internationales, la loi électorale a été modifiée très peu de temps avant les élections, et même après la convocation des élections. Outre la façon hâtive et non consensuelle dont ces modifications ont été introduites, nombre des amendements pertinents sont discutables car ils ont pour effet d’affaiblir les dispositions visant à assurer la transparence et la sécurité des élections et à empêcher toute ingérence de l’exécutif dans le processus électoral. La Commission de Venise a été invitée à fournir un avis sur les modifications introduites en mars et avril 2018. La délégation espère sincèrement que les autorités turques tiendront compte de ses recommandations.

91. L’administration électorale a travaillé de façon efficace et sous de fortes contraintes de temps pour compléter la préparation des élections anticipées. Le CES n’a reçu qu’un petit nombre de plaintes au sujet de la campagne électorale et a refusé d’examiner certaines d’entre elles en invoquant des raisons techniques. La majorité des plaintes reçues par le CES portaient sur ses propres décisions et la plupart ont été rejetées. L’absence de contrôle judiciaire des décisions du CES empêche tout accès à un recours juridictionnel en matière électorale et nuit à l’intégrité juridique du système électoral. L’amélioration de la transparence de l’administration électorale est aussi un sujet qui mérite d’être approfondi.

92. La MIOE a évalué le scrutin de façon positive ou très positive dans 94 % des bureaux de vote. Dans le 6 % des cas qui ont été évalués de façon négative ou très négative, cela était souvent motivé par la forte présence de policiers et d’agents de sécurité qui parfois ont également interféré avec le déroulement du scrutin.

93. La délégation regrette que certains de ses membres aient rencontré des difficultés ou se soient heurtés à des restrictions dans l’exercice de leurs fonctions d’observateurs. Il devrait être clair que la tâche de la délégation d’observation électorale de l’APCE est de fournir une évaluation externe impartiale du processus électoral, sans prendre parti pour ou contre un parti politique quelconque. Enfin, le rôle de toute mission d’observation des élections dans un pays est d’en aider les autorités à construire une démocratie plus forte, dans l’intérêt des citoyens et dans celui de l’État.

94. L'Assemblée parlementaire est prête à travailler avec la Turquie dans le domaine des élections dans le cadre de sa procédure de suivi et en étroite coopération avec la Commission de Venise.

Annexe 1 – Composition de la commission ad hoc

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Sur la base des propositions des groupes politiques de l’Assemblée, la commission ad hoc se composait comme suit:

Présidente: Mme Olena SOTNYK (Ukraine, ADLE)

Groupe du Parti populaire européen (PPE/DC)

  • Mme Jennifer DE TEMMERMAN, France (NI)*
  • Mme Nicole DURANTON, France**
  • Mme Iryna GERASHCHENKO, Ukraine
  • M. Matern von MARSCHALL, Allemagne
  • Mme María Concepción de SANTA ANA, Espagne
  • M. Bertrand SORRE, France (NI)*
  • M. Attila TILKI, Hongrie

Groupe des socialistes, démocrates et verts (SOC)

  • Mme Maryvonne BLONDIN, France**
  • Mme Edite ESTRELA, Portugal
  • M. Sabir HAJIYEV, Azerbaïdjan
  • M. Florian KRONBICHLER, Italie
  • Mme Tabea RÖSSNER, Allemagne
  • M. Stefan SCHENNACH, Autriche
  • M. André VALLINI, France

Groupe des conservateurs européens (CE)

  • Lord David BLENCATHRA, Royaume-Uni**
  • Dame Cheryl GILLAN, Royaume-Uni
  • M. Jaak MADISON, Estonie

Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ADLE)

  • M. Andrea RIGONI, Italie
  • Mme Olena SOTNYK, Ukraine**
  • Mme Petra STIENEN, Pays-Bas

Groupe pour la gauche unitaire européenne (GUE)

  • Mme Rósa Björk BRYNJÓLFSDÓTTIR, Islande
  • M. Nikolaj VILLUMSEN, Danemark**

Groupe des démocrates libres (GDL)

  • Mme Adele GAMBARO, Italie**

Corapporteure de la commission de suivi

  • Mme Marianne MIKKO, Estonie**

Commission de Venise

  • Mme Mirjana LAZAROVA TRAJKOVSKA, ancienne membre de la Commission de Venise

Secrétariat

  • Mme Sonia SIRTORI, Chef de Secrétariat, Assemblée parlementaire
  • M. Franck DAESCHLER, Assistant administratif principal, Division de l’observation des élections et de la coopération interparlementaire
  • Mme Danièle GASTL, Assistante, Division de l’observation des élections et de la coopération interparlementaire
  • Mme Nathalie BARGELLINI, Attachée de presse,
  • M. Gaël MARTIN-MICALLEF, Conseiller juridique, Commission de Venise
  • M. Arman DARBINYAN, Adjoint au Chef de la Sécurité et de la Sûreté, Chef de la Coordination de la sécurité hors siège, Conseil de l’Europe

* Membre n’appartenant à aucun groupe politique (NI). Avec l’accord du groupe PPE/DC.

** Membre de la mission préélectorale.

Annexe 2 – Programme de la délégation préélectorale (28-30 mai 2018)

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Mardi 29 mai 2018

09h00 – 09h30 Réunion de la délégation:

  • introduction par Mme Olena Sotnyk, Chef de délégation
  • présentation par Mme Marianne Mikko, corapporteure de la commission de suivi
  • informations générales par le secrétariat
  • questions logistiques de sécurité, par le secrétariat

09h30 – 10h30 Réunion avec l'ambassadrice Audrey Glover, chef de la mission d'observation des élections de l'OSCE/BIDDH, M. Harald Jepsen, chef adjoint, et leur équipe

10h30 – 11h30 Réunion avec des membres du corps diplomatique: Ambassades de l’Ukraine, du Danemark, de la France et de l’Italie

11h30 – 12h30 Réunion avec des représentants des médias (partie 1):

  • Reporters sans frontières: M. Erol Önderoğlu
  • Cumhuriyet Daily: Mme Duygu Güvenç

14h00 – 14h45 Réunion avec des représentants des médias (partie 2) :

  • Sabah: Mme Nur Özkan Erbay, Chef de Bureau, Daily Sabah Ankara
  • Star: M. Mustafa Kartoğlu

14h45 – 15h45 Réunion avec des représentants de la société civile (partie 1):

  • Association des droits de l'homme: M. Öztürk Türkdoğan
  • Plateforme conjointe des droits de l'homme: Mme Feray Salman
  • Association initiative et droit: M. Ömer Atalar

16h00 – 16h30 Réunion avec des représentants de la société civile (partie 2) :

  • Association Droit et Changements: Mme Berceste Elif Duranay

17h15 – 18h00 Réunions consécutives avec les candidats à la présidence (ou leurs représentants) et les dirigeants et représentants des principaux partis politiques non représentés au parlement en compétition aux élections législatives anticipées:

  • M. Mehmet Cengiz, vice-président du VP (Parti patriotique) et M. Yunus Soner, vice-président des relations internationales, représentant M. Doğu Perinçek, candidat du VP
  • M. Mehmet Özdemir et M. Melih Aktaş, vice-présidents du DP (Parti démocrate)

Mercredi 30 mai 2018

10h00 – 11h00 Réunion avec des représentants du parti İYİ (Good Party):

  • M. Aydın Sezgin, M. Aytun Çiray, Mme Ayfer Yilmaz

11h15 – 12h15 Réunion avec des représentants du parti CHP (Parti populaire républicain):

  • M. Yaşar Tüzün, M. Muharrem Erkek, Mme Gülsün Bilgehan, M. Levent Gök et M. Murat Emir

14h00 – 15h00 Réunion avec M. Sadi Güven, président du Conseil suprême des élections (SBE) et des membres du SBE, incluant des membres et secrétariat responsable des questions de sécurité du scrutin (Conseil suprême des élections)

15h15 – 16h15 Réunion avec des représentants du parti AKP (Justice et Développement):

  • M. Naci Bostanci

16h15 – 17h00 Réunion avec des représentants du Conseil suprême de la radio et de la télévision (RTSC)

  • M. İlker Ilgin, vice-président, et de membres du secrétariat, Dr Yaşar Uğurlu, Dr Ahmet Ziya Çalişkan, M. Şakir Saricaoğlu, M. Murat Ellialti

17h30 – 18h15 Réunion avec des représentants du HDP (Parti démocratique populaire):

  • M. Hişyar Özsoy, M. Nazmi Gür, Mme Zelal Deniz Demir, Mme Berivan Aktaş

18h30 -19h15 Réunion avec M. İsmail Kahraman, président de la Grande Assemblée nationale, avec la participation de la délégation turque à l'APCE

Annexe 3 – Déclaration de la délégation préélectorale

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Strasbourg, 31.05.2018 – Une délégation préélectorale de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) s'est rendue à Ankara pour évaluer la campagne électorale et les préparatifs des élections présidentielle et législatives anticipées qui se tiendront le 24 juin 2018, tandis que la Turquie est sous état d’urgence.

Au cours de deux jours de réunions, la délégation a rencontré un large éventail d'interlocuteurs, dont le chef de la mission d'observation électorale du BIDDH / OSCE, des membres du corps diplomatique, des représentants des différents partis politiques, des journalistes et des représentants des médias, le Président du Conseil électoral suprême (SBE), le Vice-Président et membres du Conseil suprême de la radio et de la télévision (CSRT), le Président de la Grande Assemblée nationale.

Tous les interlocuteurs ont souligné le caractère crucial de la prochaine élection qui marquera le passage d'un régime parlementaire à un système présidentiel. Le 24 juin, les élections présidentielle et législatives se tiendront ensemble pour la première fois.

La délégation a noté que les six candidats à l'élection présidentielle offriront un choix authentique et pluraliste aux électeurs. Dans le même temps, elle regrette la faible représentation des femmes sur les listes des candidats pour les élections législatives.

Les enjeux élevés de ces élections font qu'il est encore plus important pour les autorités turques de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour qu'elles soient libres, équitables, transparentes et conformes aux normes internationales et que l'électorat puisse faire un choix éclairé et avoir confiance dans le système électoral à travers le pays.

La délégation a noté que des amendements substantiels à la loi électorale avaient été adoptés seulement un mois avant l'annonce des élections alors que les lois dites d'harmonisation étaient adoptées encore plus tard. Il réitère que le fait d'avoir une si courte période entre l'introduction de modifications de la législation électorale et la tenue d'élections n'est pas conforme aux recommandations de la Commission de Venise et n’est pas une pratique habituelle lors des élections en Turquie. Certains partis de l'opposition ont fait remarquer que le processus qui a conduit à l'introduction des amendements n'était pas inclusif et qu’en raison du délai extrêmement court, ils ne pouvaient pas se préparer adéquatement à condition que des garanties adéquates soient en place.

Un certain nombre d'interlocuteurs ont exprimé des préoccupations quant à la substance de la nouvelle législation électorale, qui affaiblit les garanties en matière de sécurité et de transparence des élections et contre le risque d'ingérence de l'exécutif dans l'administration électorale. Les dispositions qui semblent particulièrement problématiques comprennent celles qui reconnaissent la validité des bulletins non tamponnés, permettent le transfert ou la fusion des urnes pour des raisons de sécurité à l'initiative des gouverneurs, restreignent la notion de zone de vote et élargissent les possibilités pour les forces de l'ordre d’être présentes dans les bureaux de vote. Une mesure positive est l'introduction d'urnes mobiles, qui devraient avoir un impact positif sur la participation politique des personnes handicapées à condition que des garanties adéquates soient en place.

La délégation a été informée qu'un parti politique de l'opposition a contesté certaines dispositions de la loi électorale devant la Cour constitutionnelle turque. La délégation a également pris note que la Commission de suivi a demandé à la Commission de Venise un avis sur la nouvelle loi électorale et les lois d'harmonisation. Il regrette que, malgré le fait que des amendements de grande portée aient été introduits dans la loi électorale, les préoccupations exprimées par l'Assemblée et le BIDDH/OSCE lors des précédentes observations électorales n'aient pas été abordées, y inclus le seuil de 10% qui est le plus élevé d’Europe.

De nombreux interlocuteurs ont souligné que l'état d'urgence et les restrictions à la liberté d'expression et de réunion qui ont été introduites sous son égide, ainsi que les opérations de sécurité en cours dans le Sud-Est et le nombre élevé d'arrestations de politiciens et de journalistes ont un impact négatif sur l'environnement électoral et limite l'espace pour un débat démocratique encore plus essentiel lors d'une campagne électorale.

La délégation était préoccupée par les informations faisant état d'incidents violents au cours de la campagne électorale.

Quelques représentants de l’opposition se sont plaints d’entraves visant à les empêcher de faire campagne librement et en toute sécurité. L’HDP a informé la délégation que son candidat, qui se trouve en détention provisoire, ne peut pas faire campagne et que plusieurs candidats du HDP aux élections parlementaires ont été empêchés de se présenter.

Dans le contexte de préoccupations plus larges en matière de liberté des médias, plusieurs interlocuteurs ont attiré l'attention de la délégation sur la couverture médiatique inégale et la visibilité des différents partis politiques et candidats à l'élection présidentielle au profit du parti au pouvoir et du président sortant. La délégation a rappelé que garantir un accès égal des médias aux différentes forces politiques et aux candidats et une couverture impartiale de la campagne, est une condition préalable et fondamentale pour permettre à l'électorat de faire un choix éclairé. Elle a donc regretté que le décret-loi no. 687 a abrogé la possibilité pour le Conseil électoral suprême de soumettre les radiodiffuseurs privés à des sanctions s'ils ne sont pas impartiaux et politiquement neutres pendant la période électorale.

Concernant la campagne électorale et le financement des partis, la délégation de l'APCE a regretté que les recommandations précédentes de l'Assemblée parlementaire et du Groupe d’États contre la corruption (GRECO), relatives au financement des campagnes électorales et des partis politiques, n’ont pas été suivies. Il a pris note que de nombreux interlocuteurs ont confirmé que le cadre juridique dans ces domaines devait être développé davantage. La délégation a également été informée par plusieurs interlocuteurs du risque que les ressources de l’État soient utilisées par le parti au pouvoir dans le cadre de la campagne.

La délégation a entendu des préoccupations exprimées au sujet de l'impartialité des niveaux inférieurs de l'administration électorale pour gérer adéquatement le jour des élections en raison des récents amendements légaux sur leur composition.

La délégation appelle les partis politiques à faire pleinement usage de leur droit de désigner leurs représentants pour siéger aux différents niveaux de l'administration électorale et en tant qu'observateurs, afin de renforcer la transparence du processus électoral et la confiance des électeurs. Elle se félicite également de l'assurance donnée par le Président du SBE que les observateurs nationaux et internationaux seront autorisés à observer toutes les étapes du processus électoral, y compris le dépouillement du scrutin et la présentation des résultats ainsi que la procédure nouvellement introduite consistant à publier sur le site Internet du SBE le procès-verbal de chaque urne telle qu'elle a été reçue.

L'Assemblée parlementaire enverra une délégation de 33 membres pour observer les élections présidentielle et législatives anticipées du 24 juin 2018.

Membres: Olena Sotnyk (Ukraine, ADLE), Présidente, Nicole Duranton, (France, PPE/DC), Maryvonne Blondin (France, SOC), Lord David Blencathra (Royaume-Uni, CE), Nikolaj Villumsen (Danemark, GUE), Adele Gambaro (Italie, GDL), Marianne Mikko (Estonie, SOC), rapporteure de l’APCE pour le suivi de la Turquie

Annexe 4 – Programme de la commission ad hoc (22-27 juin 2018)

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Vendredi 22 juin 2018

09h00 – 10h30 Réunion interne de la commission ad hoc de l’APCE:

  • allocution de bienvenue par le chef de délégation
  • débriefing de la mission préélectorale par les membres
  • cadre juridique et loi électorale par la Commission de Venise
  • opérations, déploiement, sécurité, par le Secrétariat

Briefing parlementaire joint

10h30 – 10h45 Discours d’ouverture:

  • M. Ignacio Sánchez Amor, Coordinateur spécial des observateurs de courte durée de l’OSCE
  • Mme Olena Sotnyk, Chef de la délégation de l’APCE
  • M. Peter Osusky, Chef de la délégation de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE

10h45 – 11h30 Table ronde avec des représentants des médias:

  • Reporters sans frontières: M. Erol Önderoğlu
  • Cumhuriyet Daily: Mme Duygu Güvenç
  • Association progressiste de journalistes: M. Hüseyin Hayatsever
  • Sözcü Web Ankara Temsilcisi: Mme Zeynep Gürcanli

11h45 – 12h45 Table ronde avec des représentants de la société civile:

  • Plateforme conjointe des droits de l'homme: Mme Feray Salman, coordinatrice générale
  • Plateforme Droit et Justice: M. Ömer Atalar
  • Transparency International Turquie: M. Yalın Hatipoğlu¸ coordinateur général
  • Réseau «Checks and Balances»: M. Medeni Sungur, coordinateur général
  • Association pour le suivi des droits égaux: M. Nejat Taştan, Directeur

14h15 – 15h45 Briefing par la mission d’observation en Turquie de l’OSCE/BIDDH (partie I):

  • accueil et introduction – Ambassadeur Audrey Glover, Chef de Mission
  • environnement politique et champagne électorale – M. Rashad Shirinov, analyste politique
  • environnement médiatique – M. Kira Kalinina, analyste média
  • cadre juridique et recours – Mme Marla Morry, analyste juridique
  • administration électorale, observateurs et financement de la champagne – Mme Mercè Castells Vicente, analyste électorale
  • enregistrement des électeurs, enregistrement des candidats – Mme Elissavet Karagiannidou, analyste électorale
  • sécurité – M. Peter Booker, expert sécurité

15h45 – 18h20 Réunions consécutives avec les candidats à la présidentielle (ou leurs représentants) et des dirigeants et représentants des partis politiques non représentés au parlement en compétition aux élections législatives anticipées:

  • VP (parti patriote): M. Mehmet Cengiz, vice-président
  • M. Ali İhsan Yavuz, Sakarya, parlementaire et directeur de l’AKP (Parti Justice et développement), Centre pour la coordination des élections
  • M. Onursal Adigüzel, vice-président, Information et Communication du CHP (Parti populaire républicain); responsables et représentants du CHP
  • M. Satuk Buğra Kavuncu, représentative du parti IYI

19h00 – 20h00 Réunion avec les chauffeurs et interprètes pour les équipes d’Ankara

Samedi 23 juin 2018

09h45 – 10h30 Réunion avec les membres du Conseil supérieur de la Radio et de la Télévision (RTSC)

  • M. İlker Ilgın, vice-président du Conseil Suprême
  • Dr Yaşar Uğurlu, directeur adjoint du Monitoring et de l’Évaluation
  • M. Hüseyin Demirbilek, directeur adjoint du département des relations internationales
  • M. Şakir Saraçoğlu, consultant presse et relations publiques auprès du Conseil Suprême

10h30 – 11h00 Réunion avec les candidats à la présidentielle (ou leurs représentants) et chefs et représentants des partis politiques non représentés au parlement, candidats aux élections législatives anticipées:

  • Mme Filiz Kerestecioğlu, parlementaire du groupe parlementaire du HDP (parti démocrate du peuple), parlementaire actuelle d’Istanbul

11h15 – 12h45 Briefing par la mission d’observation de l’OSCE/BIDDH en Turquie (partie II):

  • rapport des OCD – M. Max Bader, expert statisticien
  • procédures le jour des élections et formulaires d’observation – Mme Mercè Castells Vicente et Mme Elissavet Karagiannidou, analyste élections

12h15 – 12h45 Briefing régional par les observateurs de long terme sur le déploiement régional à Ankara, informations régionales

14h30 – 16h00 Réunion des chefs de délégations

18h00 – 20h00 Réunion avec les OLT, chauffeurs et interprètes dans les régions

Dimanche 24 juin 2018

08h00 Observation de l’ouverture

08h00 – 17h00 Observation du vote

17h00 – 22h00 Observation de la fermeture, du comptage et de la tabulation

22h00 – 23h00 Débriefing de la commission ad hoc de l’APCE

Lundi 25 juin 2018

09h00 Réunion des chefs de délégations

15h00 Conférence de presse

Mercredi 27 juin 2018

18h30 – 19h30 Débriefing de la commission ad hoc de l’APCE (Strasbourg, Palais de l’Europe)

Annexe 5 – Déclaration de la Mission internationale d’observation des élections (MIOE)

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Les électeurs ont eu véritablement le choix lors des élections turques, mais le Président sortant et le parti au pouvoir ont bénéficié d’un avantage indu, y compris dans les médias, d’après les observateurs internationaux

Strasbourg, 25.06.2018 – Les électeurs ont eu véritablement le choix lors des élections présidentielle et législatives anticipées, mais les conditions pour faire campagne n’ont pas été les mêmes: le Président sortant et le parti au pouvoir ont joui d’un avantage indu, notamment d’une couverture excessive des médias des secteurs public et privé affiliés au gouvernement, ont conclu aujourd’hui les observateurs internationaux dans une déclaration préliminaire.

Le cadre juridique restrictif et les pouvoirs accordés en vertu de l’état d’urgence actuel restreignent les libertés de réunion et d’expression, y compris dans les médias. Les citoyens n’en ont pas moins apporté la preuve de leur attachement à la démocratie en participant en grand nombre à des rassemblements électoraux et au scrutin, selon les observateurs. Les procédures, le jour du scrutin, ont généralement été suivies bien que d’importantes étapes prévues par la loi aient souvent été omises lors du dépouillement et de la compilation des résultats.

«Les restrictions aux libertés fondamentales que nous avons constatées ont eu un impact sur ces élections. J’espère que la Turquie lèvera ces restrictions dans les meilleurs délais,» a déclaré Ignacio Sánchez Amor, coordinateur spécial et chef de la mission d’observation de courte durée de l’OSCE. «J’attendais davantage de coopération des autorités turques à l’occasion d’une mission d’observation d’élections aussi importante, car nous agissons toujours de bonne foi et dans l’intérêt supérieur de la Turquie.»

Six candidats à la présidence, une femme et cinq hommes, dont le Président sortant, se sont présentés et la Commission électorale suprême a enregistré huit partis souhaitant participer aux élections législatives.

La campagne a été dynamique et s’est tenue dans un contexte politique très polarisé, les candidats ont fait campagne par divers moyens et les médias sociaux ont été un outil important pour toucher les jeunes électeurs et surmonter les restrictions imposées. Un certain nombre d’agressions et d’interruptions des activités de campagne ont visé pour l’essentiel le Parti démocratique des peuples (HDP), dont le candidat à la présidence est demeuré en détention provisoire et n’a pas pu faire campagne librement. L’utilisation abusive de ressources de l’État par le parti au pouvoir a été contraire à la séparation entre l’État et le parti, d’après la déclaration.

«Notre délégation a salué le taux élevé de participation, qui témoigne du souhait des citoyens turcs d’exprimer leur volonté et de leur prise de conscience du caractère crucial de ces élections,», a dit Olena Sotnyk, chef de la délégation de l’APCE. «Nous avons constaté que la police était plus présente dans les bureaux de vote que lors des élections précédentes, ce qui a contribué dans certains cas à créer un climat d’insécurité et entraîné éventuellement des pressions sur les électeurs et, parfois, sur les observateurs internationaux.»

Un cadre juridique restrictif fait obstacle à la liberté des médias et favorise l’autocensure; l’état d’urgence a en outre été invoqué pour limiter encore cette liberté. La plupart des médias les plus populaires sont considérés comme étant affiliés au gouvernement, ce qui est apparu dans la couverture de la campagne, d’après les observateurs. Les médias, dont le radiodiffuseur de service public, ont couvert plus souvent et plus favorablement le parti au pouvoir et le Président sortant, d’où une impartialité moindre des informations relatives aux candidats.

Il est indiqué dans la déclaration que les droits et libertés fondamentaux ne sont pas pleinement garantis par la Constitution et par les lois, et que les libertés de réunion et d’expression sont encore restreintes dans la pratique, en particulier à la suite des décisions prises par les gouverneurs des provinces dans le cadre de l’état d’urgence. Des amendements essentiels aux lois électorales, considérés comme favorisant le parti au pouvoir, ont été adoptés peu avant les élections sans aucune consultation.

«Il est important de surmonter les contraintes et les difficultés que pose le cadre juridique», a affirmé Peter Osusky, chef de la délégation de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE. «Il importe tout autant que la législation électorale soit mise en œuvre pleinement et uniformément.»

D’après l’Ambassadrice Audrey Glover, chef de la mission d’observation électorale du BIDDH: «les autorités doivent prendre des mesures pour veiller à ce que les élections qui auront lieu en Turquie soient conformes aux normes et aux engagements démocratiques. Nous proposerons des recommandations dans notre rapport final à cette fin. Puisque les citoyens ont manifesté énergiquement leur attachement à la démocratie, les autorités doivent intensifier leurs efforts et répondre aux demandes de la population.»

Certains amendements ont affaibli d’importantes garanties en remplaçant les représentants de partis politiques par des fonctionnaires à la présidence des commissions de bureau de vote (CBV), en permettant la relocalisation de bureaux de vote pour des raisons de sécurité, en renforçant l’autorité des agents chargés de l’application des lois dans les bureaux de vote, et en décidant que les bulletins qui n’avaient pas été tamponnés à titre de sécurité seraient tout de même valables. La Cour constitutionnelle a rejeté la contestation des amendements formulée par le principal parti de l’opposition. Par ailleurs, les amendements ont légalisé les coalitions électorales. Il est encourageant de noter que, pour la première fois, des candidats indépendants étaient autorisés à se présenter aux élections présidentielles, comme il a été recommandé antérieurement.

Les préparatifs techniques ont été administrés dans l’ensemble de manière efficiente. Les présidents des CBV, cependant, n’ont pas toujours été choisis par tirage au sort, comme prévu par la loi, ce qui a suscité des inquiétudes quant à leur impartialité. Au moins 1 090 bureaux de vote ont été déplacés et fusionnés pour des raisons de sécurité, ce que l’opposition a perçu comme une manœuvre visant à faire baisser le taux de participation électorale à certains endroits. Les réunions des bureaux électoraux à tous les niveaux se sont tenues à huis clos et les décisions prises n’ont pas été publiées de manière systématique ni en temps utile. Les observateurs ont indiqué que ces décisions, conjuguées au manque de transparence, avaient sapé la confiance dans l’administration électorale à tous les niveaux. La majorité des plaintes déposées auprès de la CES ont porté sur les décisions de cette dernière et la plupart ont été rejetées. Les quelques plaintes liées à la campagne dont la CES a été saisie n’ont pas été examinées pour des raisons techniques.

Les femmes sont encore sous-représentées dans la vie politique. Alors que la Constitution garantit l’égalité entre les femmes et les hommes, les partis ne sont pas tenus juridiquement de nommer des femmes candidates. Il est encourageant de noter cependant que certains partis ont institué des quotas hommes-femmes. Les listes de partis comprenaient environ 20,5 % de candidates.

La législation ne définit pas de droits pour les observateurs citoyens non affiliés à un parti et ne prévoit pas d’observation internationale. Deux membres potentiels de la délégation de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE ont été dans l’impossibilité de participer à l’observation des élections. En revanche, des groupes de la société civile ont été associés activement aux élections, dont certains ont procédé à un décompte parallèle des résultats le jour du scrutin. Comme lors des précédentes élections et pour des raisons juridiques, leurs représentants ont dû s’enregistrer au nom de partis politiques ou de candidats, ou encore en tant que citoyens ordinaires pour observer le décompte des voix. Les observateurs internationaux se sont heurtés à certaines restrictions lors de l’observation des élections, et leurs évaluations négatives étaient souvent liées à la présence de personnes non autorisées, généralement de la police, interférant quelquefois dans le processus.