Imprimer
Autres documents liés

Réponse à Recommandation | Doc. 14629 | 28 septembre 2018

Immunité de juridiction des organisations internationales et droits des personnels

Auteur(s) : Comité des Ministres

Origine - Adoptée lors de la 1325e réunion des Délégués des Ministres (26 septembre 2018). 2018 - Quatrième partie de session

Réponse à Recommandation: Recommandation 2122 (2018)

1. Le Comité des Ministres se félicite de la Recommandation 2122 (2018) de l’Assemblée parlementaire sur l’ «Immunité de juridiction des organisations internationales et droits des personnels» qu’il a décidé de communiquer au Comité directeur pour les droits de l'homme (CDDH) et au Comité des conseillers juridiques sur le droit international public (CAHDI) pour information et commentaires éventuels, ainsi qu’au Tribunal administratif pour avis.
2. L’Assemblée parlementaire invite le Comité des Ministres à encourager les organisations internationales auxquelles les États membres du Conseil de l’Europe sont parties à examiner l’accès à d’ «autres voies raisonnables de protection juridique» en cas de litige entre les organisations internationales et leur personnel (paragraphe 1.1 de la Recommandation de l’Assemblée). Le Comité des Ministres considère qu’en tant qu’Organisation qui prône les valeurs des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit, le Conseil de l’Europe devrait offrir à son personnel une justice efficace et équitable dans des délais raisonnables. Il encourage les autres organisations internationales à s’engager dans la mise en place de telles «autres voies».
3. À cet égard, le Comité des Ministres note que d’autres voies appropriées de protection juridique ont été développées par les organisations internationales les plus importantes afin de garantir les droits de leur personnel étant donné que l’accès aux tribunaux nationaux des États membres n’est pas disponible dans ces cas.
4. Dans le cadre du Conseil de l’Europe 
			(1) 
			Les privilèges
et immunités dont jouit le Conseil de l’Europe sont régis par l’article
40 du Statut du Conseil de l’Europe,
tels que développés par l’Accord général
sur les privilèges et immunités du Conseil de l’Europe (AGPI)
et son Protocole., le Comité des Ministres note que les droits, les obligations et les autres voies alternatives – à l’accès aux juridictions nationales – pour la protection juridique du personnel de l’Organisation sont énoncés dans le Statut du personnel du Conseil de l’Europe. Comme il est mentionné dans le préambule du Statut du personnel, «Le Conseil de l’Europe respectera, dans son fonctionnement interne, l’ensemble des principes et idéaux promus par l’Organisation. En particulier, dans l’administration du Secrétariat, le Secrétaire Général s’appliquera à réaliser des conditions propres à assurer l’exercice effectif des droits et principes contenus dans la Charte sociale européenne révisée, dans la mesure où ceux-ci sont applicables à une organisation internationale». Il est noté, en outre, que le règlement des différends qui peuvent surgir entre le Conseil de l’Europe et son personnel est régi par le «TITRE VII: Contentieux» du Statut du personnel par le biais d’une «réclamation administrative» (article 59) et d’un «recours contentieux» (article 60). La réclamation administrative est soumise au Secrétaire Général par le biais du/de la Directeur/rice des ressources humaines et peut être soumise au «Comité consultatif du contentieux». En cas de rejet explicite, total ou partiel, ou de rejet implicite de la réclamation, le réclamant ou la réclamante peuvent, conformément à l’article 60 du Statut du personnel, introduire un recours devant le Tribunal administratif institué par le Comité des Ministres.
5. Le Comité des Ministres relève que le principe de transparence, préconisé par l’Assemblée, est déjà appliqué au Conseil de l’Europe (paragraphe 1.2 de la Recommandation de l’Assemblée). En particulier, tous les textes juridiques mentionnés au paragraphe 4 ci-dessus sont accessibles au personnel via l’intranet et ceux qui concernent le système du contentieux le sont aussi par internet. Le Comité encourage d’autres organisations internationales auxquelles les États membres du Conseil de l’Europe sont parties à assurer à leur personnel une telle transparence et accessibilité des informations sur les politiques en matière de personnel et les procédures relatives aux litiges du travail.
6. Concernant le droit d’accès des syndicats aux tribunaux administratifs des organisations internationales (paragraphe 1.3.1), le Comité des Ministres prend note d’un récent arrêt de la Cour suprême des Pays-Bas dans une affaire portée par un syndicat contre l’Office européen des brevets (OEB) 
			(2) 
			Hoge Raad, USOEB et autres c. Office européen des brevets
(OEB), arrêt du 20 janvier 2017, ECLI:NL:HR:2017:57.. La Cour suprême des Pays-Bas a considéré que les exigences de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) avaient été remplies, puisque l’OEB proposait d’autres voies raisonnables pour protéger efficacement les droits des syndicats découlant de l’article 11 de la Convention. La Cour suprême a noté en particulier que, même si le syndicat lui-même ne pouvait se prévaloir des procédures juridictionnelles proposées par l’Organisation, le personnel de l’OEB pourrait contester les mesures le concernant prises par l’Organisation par le biais d’une procédure interne, puis par le biais d’une procédure juridictionnelle devant le TAOIT; les représentants du personnel pouvaient également déposer leurs plaintes auprès du TAOIT s’agissant des règles générales qui affectent l’ensemble des membres du personnel.
7. Au Conseil de l’Europe, en application des articles 59 et 60 du Statut du personnel, le Comité des Ministres rappelle qu’à l’heure actuelle, seuls des personnes et le Comité du personnel peuvent saisir le Secrétaire Général d’une réclamation administrative et, par la suite, introduire un recours devant le Tribunal. En particulier, aux termes de l’article 59, paragraphe 8 lettre c. du Statut du personnel, le Comité du personnel peut se prévaloir de cette voie contentieuse «pour autant que la réclamation soit dirigée contre un acte dont il est destinataire ou contre un acte qui porte directement atteinte aux prérogatives que lui confère le Statut du Personnel».
8. Le Comité des Ministres relève, par ailleurs, que le Tribunal administratif de l’OCDE a compétence pour les requêtes présentées par les syndicats relatives à tout acte qui les touche ou qui porte directement préjudice aux droits qui leur sont reconnus en vertu du Règlement du personnel de l’OCDE. À cet égard, le Comité des Ministres tient à souligner le contexte spécifique du Conseil de l’Europe dans lequel le principal organe collectif participant au dialogue social est le Comité du personnel et les syndicats ne disposent d’aucun droit statutaire.
9. Le Comité note qu’à plusieurs reprises a été évoquée la question de la création d’un organe d’appel juridictionnel (paragraphe 1.3.2), en particulier au niveau des organisations coordonnées qui constituent le cadre approprié pour explorer ce sujet. Cependant, le Comité relève que l’introduction d’une procédure d’appel, de quelque type que ce soit, impliquerait des coûts et des délais supplémentaires avant de parvenir à une décision définitive et que, pour ce qui concerne le Conseil de l’Europe, la création d’un organe d’appel n’est actuellement ni justifiée ni appropriée.
10. En outre, le Comité des Ministres souhaite souligner que la question des privilèges et immunités des organisations internationales et des droits de leur personnel est d’une grande complexité et a un caractère multidimensionnel, impliquant à la fois l’indépendance et la responsabilité des organisations internationales. Ce sujet soulève des questions non seulement juridiques mais aussi de nombreuses questions politiques.
11. Eu égard à l’invitation de l’Assemblée d’engager une étude comparative sur la question de la compatibilité des systèmes de recours juridictionnel interne des organisations internationales avec l’article 6 de la CEDH (paragraphe 1.4 de la Recommandation de l’Assemblée), le Comité des Ministres note que différentes organisations internationales sont en train d’examiner l’introduction de nouveaux moyens alternatifs de règlement des différends relatifs au personnel. Dans le cadre de la réforme administrative menée actuellement par le Secrétaire Général et de la Stratégie des ressources humaines pour la période 2018-2023, le Conseil de l'Europe examinera prochainement son cadre réglementaire et administratif. Par conséquent, le Comité des Ministres considère que la proposition d’engager une telle étude comparative serait à l’heure actuelle prématurée. En outre, les différences considérables existant entre les différents types d’organisations internationales rendraient très difficile une étude comparative. De plus, le Comité souligne les difficultés à trouver une solution globale étant donné qu’il n’y a pas de solution uniforme pour toutes les organisations internationales et pour toutes leurs activités.
12. Enfin, en ce qui concerne le paragraphe 2 de la Recommandation de l’Assemblée, le Comité note que le CAHDI examine régulièrement la question de l’immunité juridictionnelle des organisations internationales sous ses différents angles.