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Résolution 2238 (2018)

Radicalisation des migrants et des communautés de diasporas en Europe

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 10 octobre 2018 (32e séance) (voir Doc. 14625, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, rapporteure: Mme Sahiba Gafarova). Texte adopté par l’Assemblée le 10 octobre 2018 (32e séance).

1. L'Assemblée parlementaire condamne fermement les attentats terroristes récemment perpétrés en Europe qui ont déclenché un vif débat sur l'infiltration de terroristes parmi les réfugiés et les migrants. Bien que l'écrasante majorité des réfugiés arrivant en Europe fuient manifestement la violence et l'extrémisme dans leur pays d'origine dans l'espoir de pouvoir vivre en paix et en sécurité, le danger de radicalisation lors de leur voyage est bien réel, y compris dans les camps de réfugiés et les centres de rétention. D'autres migrants peuvent être victimes de la radicalisation lorsqu'ils sont marginalisés ou qu’ils ne parviennent pas à s'intégrer dans leur société d'accueil et leur nouvel environnement, ou lorsqu'ils subissent diverses formes de discrimination et de violence à leur arrivée.
2. L'Assemblée rappelle ses résolutions appelant à prendre des mesures contre la radicalisation et l'extrémisme violent en Europe, parmi elles la Résolution 2103 (2016) «Prévenir la radicalisation d’enfants et de jeunes en s’attaquant à ses causes profondes» et la Résolution 2221 (2018) sur les contre-discours face au terrorisme. Elle souligne que l'absence de politiques générales sur la migration augmente considérablement le risque de diffusion de l'extrémisme violent et de la radicalisation parmi les migrants. Cependant, elle est convaincue que les migrants ne doivent pas être perçus comme augmentant les risques de terrorisme croissants, comme cela a été affirmé par des médias et des politiciens dans de nombreux pays.
3. L'Assemblée souligne la nécessité d'une collaboration étroite et concertée entre tous les acteurs concernés à chaque niveau de gouvernance (local, régional et national), y compris avec la société civile, pour prévenir et combattre la radicalisation.
4. L'Assemblée encourage les États membres à promouvoir des politiques qui mettent en évidence les avantages de la diversité et développent, chez les jeunes, une perception de leur identité personnelle positive et libérée de tout complexe d'infériorité. Cela permettrait d'empêcher l'isolement, l'absence de sentiment d'appartenance, la marginalisation et l’isolement des communautés de se répandre et de constituer le terreau de la radicalisation.
5. L'Assemblée s'inquiète de l'expansion rapide du récent phénomène de radicalisation par le biais d’internet et des réseaux sociaux. Elle considère qu'une approche d'ensemble, visant tous les utilisateurs d'internet, devrait être développée et inclure tous les acteurs, y compris l'industrie du web et les fournisseurs de services internet, les pouvoirs publics et la société civile.
6. L'Assemblée est convaincue de l'importance du rôle des médias dans la prévention de la radicalisation. Malheureusement, certains médias s'inspirant de responsables politiques populistes renforcent l'association faite entre le terrorisme et l'islam. De tels discours négatifs doivent être évités et fermement condamnés, et les médias doivent rendre compte de façon crédible des conséquences de la radicalisation en sensibilisant le public aux causes de la radicalisation violente ainsi qu'aux moyens de la prévenir. Les médias doivent également montrer les aspects positifs et les avantages de la diversité, et pas uniquement les menaces potentielles.
7. L'Assemblée met en avant le rôle primordial des femmes et des organisations féminines qui jouent un rôle primordial dans la prévention de la radicalisation au sein de la famille, mais aussi de la communauté. Elles devraient être encouragées à participer davantage à l'élaboration des politiques, aux activités éducatives et au travail de prévention au niveau local.
8. Les communautés de diasporas sont essentielles à l'efficacité des actions antiterroristes, car elles sont les mieux placées pour identifier les jeunes susceptibles de rejoindre des organisations extrémistes pour échapper à l'incompréhension et à la méfiance qu'ils subissent au niveau local, et les en empêcher. Elles ont la possibilité unique de promouvoir des relations personnelles et un dialogue apaisé entre des personnes d'origines différentes.
9. L'Assemblée salue la mise en œuvre du Plan d'action du Conseil de l'Europe sur la lutte contre l'extrémisme violent et la radicalisation conduisant au terrorisme (2015-2017), ainsi que l'adoption d'une nouvelle Stratégie contre le terrorisme (2018-2022), qui comprend des mesures de lutte contre l'extrémisme violent et la radicalisation. Elle encourage les États membres à soutenir sa mise en œuvre.
10. Par conséquent, l'Assemblée parlementaire demande aux États membres et observateurs du Conseil de l’Europe et aux États dont le parlement bénéficie du statut d’observateur ou de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire:
10.1. concernant la planification des politiques:
10.1.1. de promouvoir des mesures législatives pour prévenir la radicalisation et l'extrémisme violent;
10.1.2. de coordonner leurs stratégies de prévention et de promouvoir l'échange d'informations sur les bonnes pratiques et les expériences de lutte contre la radicalisation;
10.1.3. de charger les autorités compétentes de collecter des données et de rechercher les mécanismes qui conduisent à la radicalisation;
10.1.4. de développer des stratégies et des politiques publiques sur le moyen et le long terme pour prévenir la radicalisation, en collaboration étroite avec les gouvernements, les municipalités, la police et la société civile, y compris par la participation des jeunes;
10.1.5. de garantir que la mixité sociale et ethnique figure dans les politiques de planification urbaine, ainsi que dans le logement social et l'accès à l'éducation;
10.2. concernant les stratégies de prévention:
10.2.1. d’encourager les pouvoirs locaux et les municipalités à continuer de jouer un rôle primordial dans la prévention de la radicalisation et de l'extrémisme violent, et d’encourager le recrutement et l’implication des employés de la municipalité et des enseignants issus de l'immigration;
10.2.2. de promouvoir la coopération entre la police locale et toutes les communautés religieuses afin de créer un climat de confiance et d'instaurer une collaboration pour prévenir la radicalisation et l’extrémisme violent;
10.2.3. d’encourager les partenariats entre les forces de l'ordre et les communautés de migrants, pour les aider à empêcher des personnes vulnérables de s'engager dans des organisations extrémistes;
10.2.4. de promouvoir les contre-discours à la radicalisation conçus par les responsables de communautés religieuses, les chercheurs et les médias, qui concernent la compréhension de la religion et transmettent de véritables informations sur l'Islam;
10.2.5. de promouvoir le dialogue interreligieux comme un outil de lutte contre la radicalisation et l'extrémisme violent;
10.2.6. de promouvoir des programmes d'éducation et de formation inclusifs, complets, spécifiques au contexte et axés sur la demande en tant qu'outils efficaces de prévention de l'extrémisme violent;
10.3. concernant la prévention de la radicalisation en prison:
10.3.1. de veiller à ce que le personnel pénitentiaire reçoive une formation spéciale pour reconnaître les premiers signes de radicalisation parmi les détenus et la prévenir;
10.3.2. de promouvoir et d’utiliser les Lignes directrices et le Guide du Conseil de l'Europe à l’intention des services pénitentiaires et de probation concernant la radicalisation et l’extrémisme violent;
10.3.3. d’accorder aux représentants religieux agréés un meilleur accès aux prisons afin que les détenus puissent pratiquer régulièrement leur religion sans être contraints de recourir à d'autres possibilités, qui peuvent entraîner une radicalisation;
10.3.4. de promouvoir un système de mentorat dans les prisons pour les prisonniers qui peuvent avoir adopté des opinions extrémistes violentes et qui expriment le vœu de «se déradicaliser»;
10.3.5. d’encourager la mise en place, dans les prisons, de programmes de réhabilitation et de réintégration spécifiques tenant compte du genre;
10.4. concernant la prévention de la radicalisation par l'éducation et les politiques d'inclusion sociale:
10.4.1. de promouvoir les programmes d'inclusion sociale permettant aux migrants de conserver leurs multiples identités culturelles et de réduire leur vulnérabilité face à la radicalisation;
10.4.2. de définir des orientations de portée générale à l'intention des éducateurs pour prévenir la radicalisation des jeunes et favoriser leur désengagement;
10.4.3. de promouvoir la formation des enseignants sur les questions relatives à la radicalisation, au discours de haine et aux manifestations de l'extrémisme violent;
10.4.4. de proposer des programmes éducatifs promouvant la tolérance et la compréhension des différentes religions, philosophies de vie, cultures et traditions;
10.4.5. de créer des programmes bien conçus destinés à la jeunesse, qui sont essentiels pour prévenir l'enrôlement des jeunes dans le processus de radicalisation;
10.4.6. de créer un mécanisme européen favorisant la protection sociale des migrants qui travaillent et de leur famille;
10.4.7. d’encourager la participation des migrants et des diasporas aux activités sociales et sportives, qui représentent une alternative à l'engagement dans des organisations extrémistes, de donner de la visibilité aux idoles sportives issues de l'immigration et de favoriser leur mobilisation;
10.5. concernant la prévention de la radicalisation en ligne:
10.5.1. de garantir la collaboration entre l'industrie du web et les fournisseurs de services internet, les pouvoirs publics et la société civile, pour promouvoir des discours efficaces et attrayants qui permettent de lutter contre le discours de haine et la radicalisation en ligne;
10.5.2. de mettre en place des forces de police spécialisées dans les communications, chargées de repérer et de supprimer les contenus illégaux sur internet qui font l'apologie du radicalisme et du terrorisme;
10.5.3. de promouvoir la mise en place de mesures permettant à chaque utilisateur d'internet de bloquer les contenus illégaux en ligne et de les signaler aux autorités compétentes;
10.5.4. de mettre au point des programmes de sensibilisation de la jeunesse sur le discours de haine en ligne et le risque de manipulation par des organisations radicales;
10.5.5. de développer des ressources d’enseignement et d’apprentissage numériques – destinées à être utilisées dans les collèges et lycées, et dans le cadre de la formation des enseignants – pour prévenir la radicalisation et l'extrémisme violent, le racisme, le discours de haine et l'antisémitisme;
10.5.6. d’encourager et de soutenir des initiatives de terrain promouvant l'autorégulation d'internet et la lutte contre la radicalisation en ligne;
10.5.7. d’organiser des formations pour les représentants des religions sur l'utilisation des médias afin de proposer d'autres discours que le discours de haine et l'incitation à la violence.
11. L'Assemblée parlementaire invite les États membres à signer et à ratifier, s'ils ne l'ont pas encore fait, la Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme (STCE no 196) et son Protocole additionnel (STCE no 217) ainsi que d'autres instruments juridiques applicables du Conseil de l'Europe.