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Résolution 2238 (2018)
Radicalisation des migrants et des communautés de diasporas en Europe
1. L'Assemblée parlementaire condamne
fermement les attentats terroristes récemment perpétrés en Europe
qui ont déclenché un vif débat sur l'infiltration de terroristes
parmi les réfugiés et les migrants. Bien que l'écrasante majorité
des réfugiés arrivant en Europe fuient manifestement la violence
et l'extrémisme dans leur pays d'origine dans l'espoir de pouvoir
vivre en paix et en sécurité, le danger de radicalisation lors de
leur voyage est bien réel, y compris dans les camps de réfugiés
et les centres de rétention. D'autres migrants peuvent être victimes
de la radicalisation lorsqu'ils sont marginalisés ou qu’ils ne parviennent
pas à s'intégrer dans leur société d'accueil et leur nouvel environnement,
ou lorsqu'ils subissent diverses formes de discrimination et de
violence à leur arrivée.
2. L'Assemblée rappelle ses résolutions appelant à prendre des
mesures contre la radicalisation et l'extrémisme violent en Europe,
parmi elles la Résolution
2103 (2016) «Prévenir la radicalisation d’enfants et de
jeunes en s’attaquant à ses causes profondes» et la Résolution 2221 (2018) sur
les contre-discours face au terrorisme. Elle souligne que l'absence
de politiques générales sur la migration augmente considérablement le
risque de diffusion de l'extrémisme violent et de la radicalisation
parmi les migrants. Cependant, elle est convaincue que les migrants
ne doivent pas être perçus comme augmentant les risques de terrorisme croissants,
comme cela a été affirmé par des médias et des politiciens dans
de nombreux pays.
3. L'Assemblée souligne la nécessité d'une collaboration étroite
et concertée entre tous les acteurs concernés à chaque niveau de
gouvernance (local, régional et national), y compris avec la société
civile, pour prévenir et combattre la radicalisation.
4. L'Assemblée encourage les États membres à promouvoir des politiques
qui mettent en évidence les avantages de la diversité et développent,
chez les jeunes, une perception de leur identité personnelle positive et
libérée de tout complexe d'infériorité. Cela permettrait d'empêcher
l'isolement, l'absence de sentiment d'appartenance, la marginalisation
et l’isolement des communautés de se répandre et de constituer le
terreau de la radicalisation.
5. L'Assemblée s'inquiète de l'expansion rapide du récent phénomène
de radicalisation par le biais d’internet et des réseaux sociaux.
Elle considère qu'une approche d'ensemble, visant tous les utilisateurs d'internet,
devrait être développée et inclure tous les acteurs, y compris l'industrie
du web et les fournisseurs de services internet, les pouvoirs publics
et la société civile.
6. L'Assemblée est convaincue de l'importance du rôle des médias
dans la prévention de la radicalisation. Malheureusement, certains
médias s'inspirant de responsables politiques populistes renforcent
l'association faite entre le terrorisme et l'islam. De tels discours
négatifs doivent être évités et fermement condamnés, et les médias
doivent rendre compte de façon crédible des conséquences de la radicalisation
en sensibilisant le public aux causes de la radicalisation violente
ainsi qu'aux moyens de la prévenir. Les médias doivent également
montrer les aspects positifs et les avantages de la diversité, et
pas uniquement les menaces potentielles.
7. L'Assemblée met en avant le rôle primordial des femmes et
des organisations féminines qui jouent un rôle primordial dans la
prévention de la radicalisation au sein de la famille, mais aussi
de la communauté. Elles devraient être encouragées à participer
davantage à l'élaboration des politiques, aux activités éducatives
et au travail de prévention au niveau local.
8. Les communautés de diasporas sont essentielles à l'efficacité
des actions antiterroristes, car elles sont les mieux placées pour
identifier les jeunes susceptibles de rejoindre des organisations
extrémistes pour échapper à l'incompréhension et à la méfiance qu'ils
subissent au niveau local, et les en empêcher. Elles ont la possibilité
unique de promouvoir des relations personnelles et un dialogue apaisé
entre des personnes d'origines différentes.
9. L'Assemblée salue la mise en œuvre du Plan d'action du Conseil
de l'Europe sur la lutte contre l'extrémisme violent et la radicalisation
conduisant au terrorisme (2015-2017), ainsi que l'adoption d'une nouvelle
Stratégie contre le terrorisme (2018-2022), qui comprend des mesures
de lutte contre l'extrémisme violent et la radicalisation. Elle
encourage les États membres à soutenir sa mise en œuvre.
10. Par conséquent, l'Assemblée parlementaire demande aux États
membres et observateurs du Conseil de l’Europe et aux États dont
le parlement bénéficie du statut d’observateur ou de partenaire
pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire:
10.1. concernant la planification
des politiques:
10.1.1. de promouvoir des mesures législatives
pour prévenir la radicalisation et l'extrémisme violent;
10.1.2. de coordonner leurs stratégies de prévention et de promouvoir
l'échange d'informations sur les bonnes pratiques et les expériences
de lutte contre la radicalisation;
10.1.3. de charger les autorités compétentes de collecter des
données et de rechercher les mécanismes qui conduisent à la radicalisation;
10.1.4. de développer des stratégies et des politiques publiques
sur le moyen et le long terme pour prévenir la radicalisation, en
collaboration étroite avec les gouvernements, les municipalités, la
police et la société civile, y compris par la participation des
jeunes;
10.1.5. de garantir que la mixité sociale et ethnique figure dans
les politiques de planification urbaine, ainsi que dans le logement
social et l'accès à l'éducation;
10.2. concernant les stratégies de prévention:
10.2.1. d’encourager
les pouvoirs locaux et les municipalités à continuer de jouer un
rôle primordial dans la prévention de la radicalisation et de l'extrémisme
violent, et d’encourager le recrutement et l’implication des employés
de la municipalité et des enseignants issus de l'immigration;
10.2.2. de promouvoir la coopération entre la police locale et
toutes les communautés religieuses afin de créer un climat de confiance
et d'instaurer une collaboration pour prévenir la radicalisation
et l’extrémisme violent;
10.2.3. d’encourager les partenariats entre les forces de l'ordre
et les communautés de migrants, pour les aider à empêcher des personnes
vulnérables de s'engager dans des organisations extrémistes;
10.2.4. de promouvoir les contre-discours à la radicalisation
conçus par les responsables de communautés religieuses, les chercheurs
et les médias, qui concernent la compréhension de la religion et
transmettent de véritables informations sur l'Islam;
10.2.5. de promouvoir le dialogue interreligieux comme un outil
de lutte contre la radicalisation et l'extrémisme violent;
10.2.6. de promouvoir des programmes d'éducation et de formation
inclusifs, complets, spécifiques au contexte et axés sur la demande
en tant qu'outils efficaces de prévention de l'extrémisme violent;
10.3. concernant la prévention de la radicalisation en prison:
10.3.1. de veiller à ce que le personnel pénitentiaire reçoive
une formation spéciale pour reconnaître les premiers signes de radicalisation
parmi les détenus et la prévenir;
10.3.2. de promouvoir et d’utiliser les Lignes directrices et
le Guide du Conseil de l'Europe à l’intention des services pénitentiaires
et de probation concernant la radicalisation et l’extrémisme violent;
10.3.3. d’accorder aux représentants religieux agréés un meilleur
accès aux prisons afin que les détenus puissent pratiquer régulièrement
leur religion sans être contraints de recourir à d'autres possibilités,
qui peuvent entraîner une radicalisation;
10.3.4. de promouvoir un système de mentorat dans les prisons
pour les prisonniers qui peuvent avoir adopté des opinions extrémistes
violentes et qui expriment le vœu de «se déradicaliser»;
10.3.5. d’encourager la mise en place, dans les prisons, de programmes
de réhabilitation et de réintégration spécifiques tenant compte
du genre;
10.4. concernant la prévention de la radicalisation par l'éducation
et les politiques d'inclusion sociale:
10.4.1. de promouvoir
les programmes d'inclusion sociale permettant aux migrants de conserver
leurs multiples identités culturelles et de réduire leur vulnérabilité
face à la radicalisation;
10.4.2. de définir des orientations de portée générale à l'intention
des éducateurs pour prévenir la radicalisation des jeunes et favoriser
leur désengagement;
10.4.3. de promouvoir la formation des enseignants sur les questions
relatives à la radicalisation, au discours de haine et aux manifestations
de l'extrémisme violent;
10.4.4. de proposer des programmes éducatifs promouvant la tolérance
et la compréhension des différentes religions, philosophies de vie,
cultures et traditions;
10.4.5. de créer des programmes bien conçus destinés à la jeunesse,
qui sont essentiels pour prévenir l'enrôlement des jeunes dans le
processus de radicalisation;
10.4.6. de créer un mécanisme européen favorisant la protection
sociale des migrants qui travaillent et de leur famille;
10.4.7. d’encourager la participation des migrants et des diasporas
aux activités sociales et sportives, qui représentent une alternative
à l'engagement dans des organisations extrémistes, de donner de
la visibilité aux idoles sportives issues de l'immigration et de
favoriser leur mobilisation;
10.5. concernant la prévention de la radicalisation en ligne:
10.5.1. de garantir la collaboration entre l'industrie du web
et les fournisseurs de services internet, les pouvoirs publics et
la société civile, pour promouvoir des discours efficaces et attrayants
qui permettent de lutter contre le discours de haine et la radicalisation
en ligne;
10.5.2. de mettre en place des forces de police spécialisées dans
les communications, chargées de repérer et de supprimer les contenus
illégaux sur internet qui font l'apologie du radicalisme et du terrorisme;
10.5.3. de promouvoir la mise en place de mesures permettant à
chaque utilisateur d'internet de bloquer les contenus illégaux en
ligne et de les signaler aux autorités compétentes;
10.5.4. de mettre au point des programmes de sensibilisation de
la jeunesse sur le discours de haine en ligne et le risque de manipulation
par des organisations radicales;
10.5.5. de développer des ressources d’enseignement et d’apprentissage
numériques – destinées à être utilisées dans les collèges et lycées,
et dans le cadre de la formation des enseignants – pour prévenir
la radicalisation et l'extrémisme violent, le racisme, le discours
de haine et l'antisémitisme;
10.5.6. d’encourager et de soutenir des initiatives de terrain
promouvant l'autorégulation d'internet et la lutte contre la radicalisation
en ligne;
10.5.7. d’organiser des formations pour les représentants des
religions sur l'utilisation des médias afin de proposer d'autres
discours que le discours de haine et l'incitation à la violence.
11. L'Assemblée parlementaire invite les États membres à signer
et à ratifier, s'ils ne l'ont pas encore fait, la Convention du
Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme (STCE no 196)
et son Protocole additionnel (STCE no 217)
ainsi que d'autres instruments juridiques applicables du Conseil
de l'Europe.